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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/799/2013

ATA/798/2014 du 14.10.2014 sur JTAPI/308/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE ; SOUSTRACTION D'IMPÔT ; FAUTE ; INTENTION ; CONSCIENCE ; NÉGLIGENCE
Normes : LIFD.175.al1 ; LHID.56.al1 ; CP.12 ; CP.104 ; CP.333.al1
Résumé : Arrêt portant sur la notion de faute et de négligence. Confirmation de l'annulation d'amendes infligées dans le cadre d'une soustraction d'impôt, aucune faute ne pouvant être imputée au contribuable, qui a mandaté une fiduciaire pour établir sa comptabilité et ses déclarations fiscales et qui l'a correctement informé de la cessation de son activité lucrative indépendante.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/799/2013-ICCIFD ATA/798/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 octobre 2014

2ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______

représenté par Multifiduciaire Genève SA, mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2014 (JTAPI/308/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1943 et domicilié à Ambilly en France, a exercé une activité lucrative indépendante en tant qu'architecte à Genève, jusqu'au 31 décembre 2007.

2) En 1995, il a acquis des locaux en propriété par étage dans un immeuble, sis ______, rue B______ à Genève (ci-après : l'immeuble). Il y a exercé son activité professionnelle.

3) Par avis de taxation de l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2006, daté du 4 février 2008, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a indiqué à M. A______ que l'immeuble faisait partie de ses actifs commerciaux, étant donné son caractère entièrement professionnel, et non pas de sa fortune privée.

4) Par courrier du 3 mars 2008, M. A______ a précisé au service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève avoir cessé son activité d'architecte le 31 décembre 2007 et a indiqué que son mandataire de l'époque, C______ SA (ci-après : C______), retournerait le formulaire pour l'année 2008, dès que ce dernier aurait établi son bilan et compte d'exploitation 2007. Ce formulaire a été transmis en date du 8 août 2008.

5) Dans sa déclaration fiscale relative à l'ICC et à l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2007, M. A______, par l'intermédiaire de C______, a fait état d'un revenu de l'activité indépendante de CHF 63'579.-. L'immeuble a été mentionné dans sa fortune privée sous rubrique « immeubles locatifs ou loués » (15.20), pour une valeur de CHF 385'000.-.

Cette déclaration a été signée et remise à l'AFC-GE, le 19 août 2008, par C______.

6) Par courrier du 10 décembre 2008, M. A______ a informé l'AFC-GE qu'il n'avait plus d'adresse professionnelle à Genève, à partir du 1er janvier 2009.

7) Le 26 juin 2009, C______ a transmis à l'AFC-GE et signé la déclaration fiscale 2008 de M. A______. Il a mentionné le fait que ce dernier était retraité et n'a donc pas rempli, ni transmis l'annexe B de la déclaration relative à l'exercice d'une activité indépendante.

8) Le 1er juillet 2009, l'AFC-GE a transmis à M. A______ ses bordereaux de taxation 2007. Pour l'ICC, son revenu imposable a été fixé à CHF 65'937.- au taux de CHF 102'430.- et sa fortune imposable à CHF 254'450.- au taux de CHF 548'797.-. Pour l'IFD, son revenu imposable a été fixé à CHF 92'300.- au taux de CHF 118'100.-. L'AFC-GE n'a pas rectifié l'appartenance de l'immeuble à la fortune privée de M. A______.

9) Ces bordereaux sont entrés en force.

10) Par courrier du 20 octobre 2009, faisant suite à une demande de renseignements de l'AFC-GE concernant la période fiscale 2008, C______ a précisé que M. A______ avait cessé son activité indépendante à compter du 31 décembre 2007.

11) Le 6 mars 2012, le service des estimations immobilières et inventaires successoraux a procédé à la réévaluation de l'immeuble et l'a estimé à CHF 845'000.- au 31 décembre 2007.

12) Par courrier recommandé du 5 avril 2012, l'AFC-GE a avisé M. A______ qu'une procédure en rappel d'impôt et soustraction pour l'année 2007 avait été ouverte à son encontre. La cessation de son activité, au 31 décembre 2007, avait engendré une plus-value de CHF 460'000.- (CHF 845'000.- - CHF 385'000.-), résultant de la réalisation des réserves latentes sur l'immeuble, considéré à prépondérance professionnelle, suite au transfert de celui-ci de sa fortune commerciale à celle privée. Un délai de 10 jours lui a été octroyé pour faire part de ses observations, au-delà duquel des bordereaux de rappel d'impôt et d'amende lui seraient notifiés.

13) M. A______ n'a pas donné suite à ce courrier.

14) Le 10 mai 2012, l'AFC-GE lui a notifié lesdits bordereaux. Celui de rappel d'impôt a inclus la reprise des CHF 460'000.-, au titre de bénéfice imposable, augmentant l'ICC 2007 de CHF 138'007.55 et l'IFD de CHF 57'448.45. Quant aux amendes, celles-ci ont été fixées pour l'ICC à CHF 103'505.- et pour l'IFD à CHF 43'086.-, correspondant aux trois quarts du montant des suppléments d'impôt précités. La bonne collaboration de M. A______ avait été prise en compte dans la fixation des amendes.

15) Par réclamation du 29 mai 2012, ce dernier a requis l'annulation des bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD, ainsi que des amendes. Il contestait le principe même de l'imposition, estimant que l'immeuble n'était pas à prépondérance professionnelle et que, de ce fait, son transfert de sa fortune commerciale à sa fortune privée, dès la cessation de son activité lucrative, n'avait pas lieu d'être.

16) Par décisions du 4 février 2013, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation et a maintenu ses bordereaux de rappel d'impôt et d'amende du 10 mai 2012.

En vertu du principe de la prépondérance, l'immeuble faisait partie de la fortune commerciale de M. A______, et ce jusqu'à la cessation de son activité au sein de celui-ci. Il n'avait par ailleurs pas contesté sa taxation 2006, qui avait expressément inclus son immeuble, ainsi que les charges et frais d'entretien y relatifs, dans ses actifs commerciaux. En n'annonçant pas spontanément la cessation de son activité professionnelle, mais seulement suite à une demande de renseignements le 20 octobre 2009, M. A______ avait commis une faute, à tout le moins par négligence, alors même qu'il était assisté d'un mandataire. La quotité des amendes avait été fixée en tenant compte de sa bonne collaboration. La diminution de celles-ci était incompatible avec les lois fiscales, le principe de l'égalité de traitement et le caractère dissuasif que le législateur avait voulu donner aux soustractions d'impôt.

17) Par acte du 1er mars 2013, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre les décisions précitées, en concluant, principalement, à leur annulation en ce qui concerne les amendes infligées et, subsidiairement, à ramener la quotité de celles-ci au minimum légal.

L'immeuble n'avait jamais été comptabilisé dans les actifs commerciaux de son entreprise, mais déclaré chaque année dans sa fortune privée, avec les revenus générés par la sous-location d'une partie des locaux. Il n'avait jamais eu l'intention de faire en sorte qu'une taxation en force soit incomplète. Sa déclaration fiscale 2008, mentionnant qu'il était retraité et ne comportant pas l'annexe B relative aux indépendants, avait été transmise le 26 juin 2009, soit avant qu'il ne reçoive ses bordereaux 2007, datés du 1er juillet 2009. Par ailleurs, l'annexe B ne contenait aucune question relative à la cessation éventuelle d'une activité indépendante, ce qui supposait qu'une telle cessation était sans conséquence fiscale, a fortiori vu que les instructions du guide fiscale 2007 n'indiquaient d'aucune manière qu'une cessation devait être communiquée. En outre, si une telle information avait été requise, il l'aurait fournie comme il l'avait fait au service de la taxe professionnelle communale. L'AFC-GE avait été informée qu'il ne possédait plus d'adresse professionnelle à Genève par courrier du 10 décembre 2008. Il n'avait donc commis aucune faute, ni aucune négligence.

18) Par réponse du 17 juin 2013, l'AFC-GE a conclu au rejet de ce recours.

M. A______ ayant admis le bien-fondé des reprises d'impôt, seul restait litigieux le prononcé des amendes.

Ce dernier avait commis une faute, à tout le moins par négligence. Ce n'était que par courrier du 20 octobre 2009 que l'AFC-GE avait eu connaissance de sa cessation d'activité au 31 décembre 2007. Son courrier du 10 décembre 2008, annonçant la suppression définitive de son adresse professionnelle à Genève, laissait sous-entendre qu'il avait cessé son activité à partir du 31 décembre 2008. Sa taxation 2006, incluant l'immeuble dans sa fortune commerciale, n'avait pas été contestée, M. A______ admettait donc le caractère professionnel de l'immeuble. Pourtant, dans sa déclaration 2007, il avait persisté à le faire figurer dans sa fortune privée, alors même que cette déclaration avait été remise bien après la notification de ses bordereaux 2006. Au regard des milliers de déclarations fiscales à traiter par année et l'intervalle très court entre le dépôt de la déclaration 2008, portant la mention « retraité », et la date de notification des bordereaux 2007, l'AFC-GE n'avait pas pu prendre en compte le fait qu'il avait cessé son activité au 31 décembre 2007. M. A______ n'avait donc pas fourni toutes les informations utiles à sa taxation 2007, alors même qu'il était représenté par un mandataire professionnel, qu'il aurait dû informer de la fin de son activité. La quotité des amendes tenait compte de l'importance du montant non déclaré, de l'âge et la profession de M. A______, ainsi que de sa bonne collaboration.

19) Par jugement du 21 mars 2014, notifié aux parties le 28 mars 2014, le TAPI a admis le recours de M. A______ et a annulé les amendes infligées à son encontre.

Le formulaire de déclaration fiscale 2007, ainsi que le guide joint à celui-ci et les anciennes lois cantonales sur l'imposition des personnes physiques, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2010 (aLIPP-I à V), ne traitaient pas des conséquences fiscales de la cessation de l'activité indépendante. Certes, la législation et la circulaire n° 12 du 12 novembre 1992 de l'administration fédérale des contributions indiquaient qu'en vertu du principe de la prépondérance, il suffisait que l'utilisation commerciale d'un bien dépasse la jouissance privée pour que l'entier de celui-ci soit affecté à la fortune commerciale et que tout bénéfice provenant du transfert d'élément de cette fortune à celle privée était imposable. Toutefois, compte tenu de la situation personnelle de M. A______ - il était architecte et rien n'indiquait qu'il disposait de connaissances fiscales particulières - les conséquences fiscales de son omission d'annoncer sa retraite n'étaient pas reconnaissables aux yeux de ce dernier, d'autant que l'AFC-GE n'avait pas retenu la prépondérance professionnelle de l'immeuble dans les bordereaux de taxation 2007. Enfin, M. A______ ne pouvait pas raisonnablement contrôler l'exactitude de sa déclaration fiscale 2007, établie par son mandataire qualifié, alors qu'il n'était pas démontré qu'il avait transmis des documents ou des informations incomplètes à son mandataire. Il n'avait donc commis aucune faute.

20) Par acte du 16 avril 2014, l'AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à la confirmation de ses décisions sur réclamation du 4 février 2013.

En substance, il était manifeste qu'en ne mentionnant pas dans sa déclaration fiscale 2007 le fait qu'il avait cessé son activité professionnelle, M. A______ n'avait pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, et cela même s'il n'était que peu versé dans le monde des affaires. Il avait donc commis une faute, en tous les cas par négligence. Le TAPI n'avait pas analysé de manière approfondie l'aspect subjectif de l'infraction reprochée. Le fait que M. A______ ait chargé une fiduciaire d'établir sa déclaration fiscale 2007, ne saurait l'exonérer de toute faute. Avant de signer celle-ci, il lui appartenait, à tout le moins, de mentionner la cessation de son activité dans la rubrique « observation ». En annulant purement et simplement les amendes litigieuses, le TAPI s'était substitué à l'AFC-GE, qui disposait d'un large pouvoir d'appréciation.

21) Par réponse du 8 mai 2014, M. A______ a conclu au rejet de ce recours et à la confirmation du jugement querellé du TAPI.

Son mandataire C______, également régie immobilière, avait établi sa déclaration fiscale 2007 - et celle des années précédentes - et s'était occupé de la comptabilité de son entreprise. Son mandataire était donc parfaitement informé de la cessation de son activité indépendante au 31 décembre 2007 et des conséquences fiscales qui en découlaient, soit celles relatives à l'immeuble. Il n'avait donc commis aucune faute.

22) Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige a trait à l'ICC et l'IFD de l'année 2007, plus particulièrement au prononcé d'amendes infligées à M. A______, dans le cadre d'une procédure en rappel d'impôt et soustraction ouverte à son encontre.

3) La chambre administrative peut rendre un seul arrêt valant pour les deux amendes prononcées, l'une en matière d'ICC, l'autre concernant l'IFD, ce qui est admissible, dès lors que l'amende pour soustraction fiscale est réglée de la même façon en droit fédéral et dans le droit cantonal harmonisé (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_907/2012 du 22 mai 2013 consid. 1 et 2C_918/2012 du 11 février 2013 consid. 1).

4) a. Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 69 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD).

Selon la jurisprudence constante, l'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende et en fixer le montant. L'autorité de recours ne censure que l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/42/2011 du 25 janvier 2011 consid. 6 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 consid. 10a ; ATA/410/2007 du 28 août 2007 consid. 20 et les autres références citées).

b. Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2012 précité consid. 5). Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, p. 1495 ss ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 586 ss).

c. En l'occurrence, les éléments objectifs de la soustraction fiscale n'ont pas été remis en cause par M. A______ lors de la procédure de recours par-devant le TAPI, contestant uniquement le fait d'avoir commis une faute.

5) Il y a donc lieu à examiner si la condition de la faute est réalisée.

a. La soustraction est punissable aussi bien lorsqu'elle est commise intentionnellement que lorsqu'elle l'est par négligence. Le contribuable agit intentionnellement lorsqu'il agit avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0, applicable par renvoi combiné des art. 333 al. 1 et 104 CP). L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel ; art. 12 al. 2 2ème phrase CP). La preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les indications fournies étaient erronées ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut admettre qu'il a volontairement cherché à induire les autorités fiscales en erreur, afin d'obtenir une taxation moins élevée, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel (ATF 114 Ib 27 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_907/2012 précité consid. 5.4.1 et 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.4). La présomption susmentionnée ne se laisse pas facilement renverser, car l'on a peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir à l'autorité fiscale des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_528/2011 du 17 janvier 2012 consid. 2 et 2C_447/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/565/2010 du 31 août 2010 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 et les références citées).

La conscience implique que l'auteur ait acquis la connaissance des faits, de telle manière que l'on puisse dire qu'il savait. La conscience ne suppose toutefois pas une certitude. Il n'est pas nécessaire que l'auteur tienne l'existence ou la survenance d'un fait pour certaine ; il suffit qu'il la considère comme sérieusement possible (Bernard CORBOZ, in Robert ROTH/Laurent MOREILLON [éd.], Commentaire romand - Code pénal I, art. 1-110 CP, 2009, ad art. 12 n. 31 et 33). La preuve de l'intention est délicate, dans la mesure où l'intention relève du for intérieur. Il est extrêmement difficile pour le juge, en l'absence d'aveux sincères, de déterminer exactement ce qui se passait dans l'esprit de l'auteur. Pour conclure à l'existence d'une intention, il faut que l'analyse, à la lumière du bon sens, des circonstances connues de l'auteur permette de se convaincre qu'il avait nécessairement conscience du risque que l'infraction survienne et qu'il a quand même agi. Le risque doit apparaître tellement élevé que la décision d'agir néanmoins ne peut se comprendre que comme une acceptation de la survenance du résultat prohibé. Cette appréciation conduit à distinguer l'intention de la négligence consciente (Bernard CORBOZ, op. cit., ad art. 12 n. 76 ss). L'intention est avant tout une question de fait : le juge doit rechercher ce qui se passait dans l'esprit de l'auteur, c'est-à-dire ce qu'il savait, ce qu'il voulait ou l'éventualité à laquelle il consentait (Bernard CORBOZ, op. cit., ad art. 12 n. 85).

b. En l'espèce, au regard des faits, il ne peut être retenu que M. A______ a intentionnellement opéré une soustraction d'impôt, en rendant une déclaration fiscale 2007 incomplète. En effet, l'immeuble a toujours été mentionné, à tort, dans sa fortune privée. Ce n'est que lors de sa taxation 2006, notifiée le 4 février 2008, que l'AFC-GE a, en vertu du principe de la prépondérance, attribué cet immeuble aux actifs commerciaux du contribuable. Il sied toutefois de relever que l'AFC-GE n'a même pas rectifié l'appartenance de l'immeuble dans les bordereaux 2007, alors même que le contribuable l'avait encore indiqué dans sa fortune privée.

Il ne peut dès lors être retenu que M. A______ savait ou a pris le risque qu'en n'annonçant pas la cessation de son activité il empêchait l'AFC-GE de percevoir les impôts créés par la réalisation des réserves latentes issues du transfert de l'immeuble de sa fortune commerciale et celle privée, vu que pour lui son immeuble appartenait à sa fortune privée.

En outre, il sied de relever que le formulaire de déclaration fiscale 2007 et le guide d'instructions y relatif ne précisaient rien sur l'indication d'une éventuelle cessation d'activité indépendante, contrairement au formulaire afférent à l'année fiscale 2008. Or, M. A______ a indiqué dans sa déclaration 2008 être à la retraite.

Partant, au regard des éléments et de la jurisprudence précitées, M. A______ n'a pas consciemment ni volontairement omis d'annoncer la cessation de son activité d'architecte, et de ce fait, n'a pas eu la volonté d'éluder son devoir fiscal, en fournissant une déclaration incomplète.

6) a. La notion de négligence de l'art. 175 LIFD est identique à celle de l'art. 12 CP (dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2008) ainsi qu'à celle de l'art. 18 CP (dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2007, dont la portée est semblable à l'ancienne version : arrêt du Tribunal fédéral 6B_227/2007 du 5 octobre 2007 consid. 5). Commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte (négligence inconsciente) ou sans tenir compte des conséquences de son acte (négligence consciente). L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées objectivement par les circonstances et subjectivement par sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles, sa situation économique et sociale ainsi que son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 ; Pietro SANSONETTI, Commentaire romand de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, p. 1500 ss).

La négligence implique quant à elle de porter un jugement sur le comportement de l'auteur en se demandant ce qu'il aurait pu et dû faire, et non de rechercher ce que l'auteur avait à l'esprit (Bernard CORBOZ, op. cit., ad art. 12 n. 85).

b. Il convient en outre de préciser que, selon la jurisprudence, le contribuable qui mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt n'est pas pour autant libéré de ses obligations fiscales. Il doit, le cas échéant, supporter les inconvénients d'une telle intervention et répond de l'erreur de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité (RDAF 2003 II 632, 637 ; RDAF 1999 II 535 ; Xavier OBERSON, op. cit., 2012, p. 588).

Toutefois, lorsque le contribuable qui ne dispose pas de connaissances fiscales particulières choisit un mandataire compétent et lui communique tous les documents et renseignements nécessaires à l'établissement d'une déclaration conforme à la vérité, on ne peut raisonnablement pas lui reprocher de signer sa déclaration sans la contrôler dans les moindres détails. Il y aurait plutôt lieu de déterminer si le contribuable a transmis des documents incomplets à son mandataire, s'il l'a correctement instruit ou s'il s'est entendu avec lui pour commettre l'infraction fiscale (Pietro SANSONETTI, op. cit., p. 1500 et les références citées).

c. En l'espèce, M. A______ était âgé de 64 ans au moment des faits et exerçait la profession d'architecte. L'AFC-GE estime qu'au vue de sa profession, il était tout à fait au courant des notions de « réalisation de réserves latentes » et « prépondérance ». La chambre de céans ne saurait suivre ce point de vue. En effet, le métier d'architecte consiste principalement à dessiner des plans et élaborer des projets de constructions. Bien que certains architectes soient également actifs dans des promotions immobilières, rien dans le dossier ne permet d'établir que tel était le cas s'agissant de M. A______, qui a du reste fait appel à une fiduciaire pour l'établissement de ses déclarations fiscales. Par ailleurs, l'AFC-GE ne fournit aucun élément permettant de retenir que M. A______ aurait eu des connaissances spécifiques en matière fiscale.

Toutefois, le fait d'annoncer la cessation de son activité professionnelle à l'administration fiscale ne relève pas du domaine fiscal en tant que tel, mais plutôt du bon sens. À ce sujet, il sied de relever que la déclaration fiscale 2008 de M. A______, établie et signée par son mandataire, fait mention du fait qu'il est retraité et celle-ci a été remise à l'AFC-GE le 26 juin 2009, soit avant que cette dernière notifie les bordereaux 2007 en date du 1er juillet 2009.

Au regard de ce qui précède, le comportement de M. A______ pourrait s'apparenter à de la négligence inconsciente. Toutefois, la question peut souffrir de rester ouverte au regard de ce qui suit.

7) En effet, le mandataire de M. A______, à l'époque des faits litigieux, s'était occupé de la comptabilité de son entreprise et de l'établissement de ses déclarations fiscales. C______ était donc parfaitement au courant que son mandant avait cessé son activité d'architecte à partir du 31 décembre 2007, lorsqu'il a établi la déclaration afférente à l'année 2007, transmise à l'AFC-GE le 19 août 2008. Pour preuve que son mandataire a été correctement instruit, C______ a rempli et transmis, en date du 8 août 2008, au service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève le formulaire pour l'année 2008 où il est expressément indiqué que M. A______ a mis fin à son activité lucrative le 31 décembre 2007. En outre, il sied de relever que les déclarations fiscales 2007 et 2008 ont uniquement été signées par le mandataire.

Force est de constater que M. A______ a fourni tous les éléments pertinents et a correctement instruit sa fiduciaire, pour que cette dernière remplisse sa déclaration fiscale 2007 conformément à la vérité et de manière complète. En outre, C______ est également une régie immobilière, elle est donc au courant des conséquences et pratiques fiscales en matière immobilière. Il ne peut donc être reproché à M. A______ d'avoir mal informé son mandataire.

En conséquence, dans les circonstances particulières du cas d'espèce, l'élément constitutif subjectif d'une soustraction d'impôt n'est pas réalisé, une faute ne pouvant être imputée à M. A______.

8) Au regard de ce qui précède, le recours de l'AFC-GE sera rejeté.

9) Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, le recours ayant été interjeté par une administration défendant ses propres décisions (art. 87 al. 1 2ème phrase LPA). Il ne sera pas non plus alloué d'indemnité de procédure, M. A______ n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2014 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2014 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Multifiduciaire Genève SA, mandataire de M. A______, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :