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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/444/2024

JTAPI/512/2024 du 28.05.2024 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;FAUTE GRAVE;CONDAMNATION
Normes : LCR.16c; LCR.16.al2.leta; LCR.26.al1; LCR.27.al1; LCR.34; LCR.35; LCR.44
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/444/2024 LCR

JTAPI/512/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1964, est titulaire d'un permis de conduire pour les catégories B, BE, B1, D1, D1E, F, G et M et la sous-catégorie A1.

2.             Par ordonnance pénale et de non entrée en matière du 14 mai 2021, le Ministère public du canton de Genève a déclaré M. A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sursis pendant trois ans ainsi qu'à titre de sanction immédiate, à une amende de CHF 600.-. Il n'est pas entré en matière s'agissant des faits de dommages à la propriété et d'injure allégués par le plaignant, vu l'absence de charges suffisantes.

Il lui était reproché d'avoir, le 30 octobre 2020, entre 16h10 et 16h30, au volant d'un véhicule de livraison :

- dans le virage du tunnel des Communes-Réunies de la voie d'accès 1825, d'avoir omis de respecter une distance suffisante avec le véhicule le précédant ;

- à la jonction de la voie d'accès 1825 et de la voie d'accès venant du giratoire de la Milice sur l'autoroute A1aP, en direction de Perly de s'être déporté sur sa droite sur la bande d'arrêt d'urgence suite au ralentissement du véhicule automobile le précédant conduit par Monsieur B______, à l'approche du marquage « cédez le passage » et, en arrivant à la fin de la voie d'accès 1814, de s'être inséré sur l'autoroute sans égard aux autres usagers et sans respect d'une distance suffisante avec le véhicule circulant normalement sur la voie lente ;

- sur l'autoroute A1aP, en direction de Perly, du point kilométrique (PK) 1.500 au PK 0.000, notamment dans la tranchée couverte d'Arare, d'avoir omis de respecter une distance suffisante avec le véhicule automobile conduit par M. B______, le précédant ;

- dans la fin de la voie de raccordement depuis l'autoroute A1aP, sur l'autoroute A1, en direction de Lausanne, d'avoir anticipé son changement de voie et d'avoir ainsi franchi la ligne de sécurité située à la hauteur du PK 2.500 de l'autoroute A1 en se déportant à l'extrême gauche, soit dans la voie rapide ;

- Sur l'autoroute A1, en direction de Lausanne, à la hauteur approximative du PK 2.700, de s'être rabattu devant le véhicule conduit par M. B______, après l'avoir dépassé, sans égard à cet usager, omettant de ce fait de respecter une distance suffisante avec ce dernier.

M. B______ avait déposé plainte pénale en raison de ces faits le 16 novembre 2020, exposant que le prévenu avait conduit de manière à le mettre en danger depuis la tranchée couverte des Communes-Réunies et sur une certaine distance de l'autoroute A1, lui avait fait des doigts d'honneur et avait percuté son véhicule.

Entendu par la police le 8 décembre 2020, le prévenu avait contesté les faits qui lui étaient reprochés.

Il ressortait des images de vidéosurveillance que le prévenu avait réalisé une succession de manœuvres dangereuses, notamment ne respectant pas une distance suffisante avec le véhicule le précédant, en se déportant sur la voie d'arrêt d'urgence, en s'insérant dans le trafic sans égard aux autres usagers, en franchissant une ligne de sécurité et en se rabattant devant un véhicule sans égard pour ce dernier. Plusieurs de ces manœuvres avaient impliqué le véhicule conduit par M. B______.

À teneur du rapport de renseignements du 3 mars 2021, la police n'avait pas constaté la présence de traces concordantes sur les véhicules du prévenu et du plaignant pouvant attester de la survenance d'un heurt entre ceux-ci et les images de vidéosurveillance n'avaient apporté aucun élément déterminant sur ce point, ni sur des gestes de doigt d'honneur qu'aurait fait le prévenu à l'égard du plaignant.

3.             M. A______ a fait opposition à cette ordonnance pénale le 4 juin 2021.

4.             Par jugement du 6 mai 2022, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière et l'a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, sursis pendant trois ans. Il l'a également déclaré coupable de violation simple des règles de la circulation routière et l'a condamné à une amende de CHF 600.-.

Ce jugement n'a pas été contesté.

5.             Par courrier du 22 décembre 2023, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ de ce que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l'infraction du 30 octobre 2020. Les constatations des organes de police pouvaient aboutir à une mesure administrative, tout à fait indépendante de l'amende ou d'une autre sanction pénale que les autorités judiciaires compétentes pouvaient prononcer. Un délai de 15 jours lui était accordé pour lui faire part de ses observations.

6.             En date du 10 janvier 2024, M. A______ a présenté des observations à l'OCV. Il avait besoin de son permis de conduire tous les jours pour des raisons professionnelles. Cette affaire avait déjà été traitée car il avait payé une amende de police. Il conduisait avec le camion du travail et l'autre conducteur s'était arrêté à 50 km/h devant lui en ne le laissant pas le dépasser. Il n'avait pas pu laisser une distance alors qu'il s'était arrêté à 50 km/h puis s'était arrêté sur l'autoroute.

Il travaillait comme chauffeur-déménageur et n'avait aucun antécédent concernant la sécurité. Il était très prudent et respectait le code de la route.

7.             Par décision du 30 janvier 2024, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire toutes catégories, sous catégories et catégories spéciales F de M. A______, pour une durée de trois mois.

Il était retenu une distance insuffisante en suivant un véhicule à trois reprises, en se déplaçant d'une voie à l'autre dans la même direction, sans égard aux autres usagers de la route, forçant un véhicule à se décaler et circuler sur la bande herbeuse d'une berme centrale, franchissement d'une ligne de sécurité, circulation sur une bande d'arrêt d'urgence et priorité pas accordée en quittant une route déclassée par un signal "cédez-le-passage", le 30 octobre 2020 depuis la tranchée couverte des Communes-Réunies jusqu'à l'autoroute A1 au volant d'une voiture de livraison. Il s'agissait d'une infraction grave aux règles de la circulation routière.

M. A______ justifiait d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence. Il pouvait justifier d'une bonne réputation.

Partant, l'autorité prononçait une mesure qui ne s'écartait pas du minimum légal.

8.             Par acte du 6 février 2024, M. A______ a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Il comprenait la gravité de l'infraction commise et exprimait ses sincères regrets pour son comportement passé. Cependant, cette décision avait un impact considérable sur sa vie professionnelle. En effet, son emploi dépendait de la possession de son permis de conduire. Privé de ce permis, il se retrouvait dans l'incapacité totale d'accomplir ses tâches professionnelles ce qui mettait en péril sa situation financière et celle de sa famille. Depuis cet incident, il avait pris toutes les mesures et payé l'amende et il s'était engagé à respecter scrupuleusement le code de la route. Il sollicitait du tribunal qu'il réévalue sa situation et lui permette de conserver son permis de conduire.

9.             Il a joint à son recours une attestation de son employeur.

10.         En date du 8 avril 2024, l'OCV a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il persistait sa décision, laquelle était conforme à la loi et à la jurisprudence.

11.         Le 25 avril 2024, le recourant a répliqué. Privé de son permis de conduire, son employeur le licencierait et à son âge, il serait dans l'incapacité de retrouver un emploi.

12.         Le 6 mai 2024, l'OCV a indiqué au tribunal qu'il n'avait aucune observation complémentaire à formuler.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b).

En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

4.             Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5.             Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères (art. 16a LCR), moyennement graves (art. 16b LCR) et graves (art. 16c LCR).

6.             Commet en particulier une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

7.             Aux termes de l'art. 26 al. 1 LCR, chacun doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.

8.             L'art. 27 al. 1 LCR stipule que chacun se conformera aux signaux et marques ainsi qu'aux ordres de la police.

9.             L'art. 34 LCR prévoit que Les véhicules tiendront leur droite et circuleront, si la route est large, sur la moitié droite de celle-ci. Ils longeront le plus possible le bord droit de la chaussée, en particulier s’ils roulent lentement ou circulent sur un tronçon dépourvu de visibilité (al. 1). Les véhicules circuleront toujours à droite des lignes de sécurité tracées sur la chaussée (al. 2). Le conducteur qui veut modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer, dépasser, se mettre en ordre de présélection ou passer d’une voie à l’autre, est tenu d’avoir égard aux usagers de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu’aux véhicules qui le suivent (al. 3). Le conducteur observera une distance suffisante envers tous les usagers de la route, notamment pour croiser, dépasser et circuler de front ou lorsque des véhicules se suivent (al. 4).

10.         Selon l'art. 35 LCR, les croisements se font à droite, les dépassements à gauche (al. 1). Il n’est permis d’exécuter un dépassement ou de contourner un obstacle que si l’espace nécessaire est libre et bien visible et que si les usagers de la route venant en sens inverse ne sont pas gênés par la manœuvre. Dans la circulation à la file, seul peut effectuer un dépassement celui qui a la certitude de pouvoir reprendre place assez tôt dans la file des véhicules sans entraver leur circulation (al. 2). Celui qui dépasse doit avoir particulièrement égard aux autres usagers de la route, notamment à ceux qu’il veut dépasser (al. 3). Le dépassement est interdit au conducteur qui s’engage dans un tournant sans visibilité, qui franchit ou s’apprête à franchir un passage à niveau sans barrières ou qui s’approche du sommet d’une côte; aux intersections, le dépassement n’est autorisé que si la visibilité est bonne et s’il n’en résulte aucune atteinte au droit de priorité des autres usagers (al. 4). Le dépassement d’un véhicule est interdit lorsque le conducteur manifeste son intention d’obliquer à gauche ou lorsqu’il s’arrête devant un passage pour piétons afin de permettre à ceux-ci de traverser la route (al. 5). Les véhicules qui se sont mis en ordre de présélection en vue d’obliquer à gauche ne pourront être dépassés que par la droite (al. 6). La chaussée doit être dégagée pour donner la possibilité de dépasser aux véhicules qui roulent plus rapidement et signalent leur approche. Le conducteur n’accélérera pas son allure au moment où il est dépassé (al. 7).

11.         À teneur de l'art. 44 LCR, sur les routes marquées de plusieurs voies pour une même direction, le conducteur ne peut passer d’une voie à une autre que s’il n’en résulte pas de danger pour les autres usagers de la route (al. 1). Le même principe est applicable par analogie lorsque des files de véhicules placées parallèlement circulent dans la même direction sur des routes larges dont les voies ne sont pas marquées (al. 2).

12.         En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire est liée par les constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 137 I 363 consid. 2.3.2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_470/2019 du 31 janvier 2020 consid. 5.1.2 ; 1C_611/2018 du 18 avril 2019 consid. 2.2 ; 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_30/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1).

13.         En l'occurrence, le recourant a définitivement été condamné par le Tribunal de police, lequel se fondant sur les faits retenus dans l'ordonnance pénale du Ministère public, l'a reconnu coupable de violation grave et de violation simple des règles de la circulation routière.

Il a ainsi commis plusieurs infractions aux règles de la circulation routière dont, à tout le moins l'une d'elle a été qualifiée de grave par le juge pénal.

14.         Après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR).

15.         L’art. 16 al. 3 LCR prévoit que la durée minimale du retrait du permis de conduire ne peut être réduite. Cette règle s’impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte de besoins professionnels particuliers du conducteur ; si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale ne peut pas être réduite (cf. ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_312/2015 du 1er juillet 2015 consid. 3.2).

16.         Compte tenu de ce qui précède, c'est à juste titre que l’OCV a retiré le permis de conduire du recourant pour une durée de trois mois en application de l'art. 16c al. 2 let. a LCR.

Étant lié par cette durée, qui constitue le minimum légal incompressible devant sanctionner une telle infraction, l’OCV ne pouvait tenir compte des besoins professionnels évoqués par le recourant dans une plus grande mesure et a donc parfaitement appliqué les règles en vigueur et n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

Partant, le recours doit être rejeté et la décision de l’OCV confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 février 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 30 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière