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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/22607/2022

ACJC/1096/2025 du 15.08.2025 sur JTPH/130/2024 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22607/2022 ACJC/1096/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 15 AOÛT 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 16 mai 2024 (JTPH/130/2024), représenté par Me Valerie DEBERNARDI, avocate, PETER MOREAU SA, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/130/2024, reçu par les parties le 17 mai 2024, le Tribunal des prud’hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée a, à la forme, déclaré recevable la demande formée par A______ à l’encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), et, au fond, a débouté A______ de toute ses conclusions (ch. 2), dit qu’il ne serait pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4).

B.            a. Par appel du 17 juin 2024, A______ conclut à l’annulation du jugement entrepris et à sa réforme. Il a conclu à ce que B______ SA lui verse
15'558 fr. 55 brut, à titre d’indemnisation d’heures supplémentaires, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2022, 11'728 fr. 05 net, à titre d’indemnité pour licenciement abusif, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2022 ; 1'500 fr. pour tort moral, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2022 ; 187 fr. 65, à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2022.

b. Par réponse du 19 août 2024, B______ SA a conclu au rejet de l’appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 18 septembre 2024 et 21 octobre 2024, persistant dans leurs conclusions.

C.           Les faits suivants ressortent du dossier :

D.           B______ SA est une société de droit suisse, avec siège social à Genève, dont le but est l’exploitation d’établissements publics et de restaurants-bars. Elle exploite, en particulier le restaurant C______, sis au no. ______ rue 1______ à Genève.

E.            A______ a été employé en qualité de plongeur par B______ SA du
19 février au 16 mars 2020, puis du 1er juin 2020 au 30 avril 2022. Le salaire mensuel brut était de 3'550 fr., porté à 3'952 fr. dès le 1er novembre 2020, puis à 3'977 fr. 50 dès le 1er janvier 2021 et enfin à 3'999 fr. 35 dès le 1er janvier 2022.

Son horaire de travail était de 42 heures par semaine. A teneur de l’art. 9 du contrat de travail, « le temps de travail supplémentaire doit, sur consigne de l’employeur, être compensé dans les 12 mois par du temps libre de même durée, et non par le supplément salarial de 25% ».

F.            A______ a été locataire d’une chambre dans des locaux gérés par B______ SA du 10 juin 2020 au 1er avril 2022.

G.           Durant la pandémie de la COVID-19, le restaurant C______, exploité par B______ SA a été fermé du 16 mars 2020 au 11 mai 2020, du 1er novembre au 10 décembre 2020 et du 23 décembre 2020 au 31 mai 2021.

H.           Par courrier du 30 mars 2022, B______ SA a résilié le contrat de travail de A______ pour le 30 avril 2022.

I.              Par message WhatsApp du 7 avril 2022, A______ a demandé au responsable du restaurant de lui payer les heures supplémentaires qu’il avait effectuées et évoquées, selon lui, à de nombreuses reprises.

J.             A______ a été en incapacité de travail pour cause de maladie du 8 au
19 avril 2022.

K.           Par courrier du 4 avril 2022, A______ a demandé les motifs de son licenciement.

L.            En date du 12 mai 2022, B______ SA a libéré A______ de son obligation de travailler et lui a demandé de compenser 44 heures 03 supplémentaires, ce que l’employé a refusé. Elle a indiqué que le motif de licenciement était « la restructuration et la réorganisation interne de la structure du personnel du restaurant C______ ».

M.          Le 13 mai 2022, A______ s’est opposé à ce licenciement, alléguant qu’il s’agissait d’un licenciement représailles faisant suite à ses prétentions en paiement des heures supplémentaires et non à une restructuration, qui était inexistante.

N.           Par requête de conciliation du 11 novembre 2022, A______ a conclu au paiement de 40'103 fr. 40. Suite à l’audience de conciliation du 22 décembre 2022, une autorisation de procéder a été délivrée.

O.           Par demande du 11 avril 2023, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme de 28'974 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2022, à savoir 15'558 fr. 55 au titre d’heures supplémentaires, 11'728 fr. 05 au titre d’indemnité pour licenciement abusif, 1'500 fr. au titre d’indemnité pour tort moral et 187 fr. 65 au titre de dommages-intérêts.

A______ a exposé que son employeur n’avait jamais enregistré correctement son temps de travail et qu’il avait ainsi tenu lui-même un carnet des heures. Les feuilles d’heures signées entre mai 2020 et novembre 2021 n’avaient pas pu être contrôlées par ses soins. L’installation de la pointeuse en décembre 2021 ne permettait pas un enregistrement effectif des heures, les pauses étant décomptées même si elles n’étaient pas prises. Il a exposé avoir réalisé 648 heures supplémentaires dont seules 68.98 avait été payées.

Son licenciement était abusif car il faisait suite à des nombreuses demandes de paiement des heures supplémentaires, de ses plaintes sur le système de la pointeuse et sur sa décision de ne plus louer une chambre dès le 13 mars 2022. Par ailleurs, il n’y avait aucune réorganisation et le motif de licenciement était donc faux.

Il réclamait également des dommages-intérêts en raison de la baisse de salaire survenue durant sa maladie, qui découlait des mauvaises conditions de travail. Pour le même motif, il réclamait une indemnité pour tort moral.

Il produit à l’appui de sa demande des échanges WhatsApp du groupe plonge, une liste de géolocalisation de son téléphone, ainsi que son décompte des heures.

P.            L’employeur a contesté toutes les prétentions. L’employé avait signé ses décomptes d’heures. La feuille des heures produites n’avait aucune valeur probante car elle avait été rédigée a posteriori, d’une traite. L’employé n’avait réclamé le paiement des heures supplémentaires qu’après son licenciement, ce qui excluait le congé représailles. Il n’existait aucune preuve d’un lien entre les heures supplémentaires – contestées – et une atteinte à la santé.

Q.           Entendues le 12 octobre 2023, les parties ont persisté dans leurs positions. L’employeur a, en particulier, exposé que les heures avaient toujours été notées dans le système informatique D______, puis décomptées avec une pointeuse.

R.           Deux témoins ont été entendus par le Tribunal le 24 janvier 2024.

Le Dr E______ a exposé que les maux de dos de l’employé avaient une cause mécanique et non inflammatoire. Il a toutefois indiqué ne pas pouvoir se prononcer avec certitude sur le lien de causalité entre l’emploi et ces maux.

F______ a, quant à lui, exposé que le planning et les heures de travail étaient préparés et enregistrés dans le système informatique D______. Ce système était en outre relié à une pointeuse. Avant que ce système soit relié à une pointeuse, il entrait les heures à la main. Il avait contrôlé le système et aucune erreur n’en ressortait. Ce n’est qu’après son licenciement que l’employé avait contesté le système de décompte des heures. Il ne lui avait montré aucun tableau ou relevé. Le licenciement était fondé sur les prestations insatisfaisantes de l’employé, qui avait reçu plusieurs avertissements.

EN DROIT

1.             Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2.             Interjeté contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3 CPC,
art. 311 al. 1 CPC), l’appel est recevable.

La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr. et le litige portant sur un contrat de travail, la cause est soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. b CPC). Cette maxime implique notamment que le tribunal n'est pas lié par les offres de preuves et les allégués de fait des parties (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2), et qu'il peut fonder sa décision sur des faits qui n'ont certes pas été allégués, mais dont il a eu connaissance en cours de procédure en consultant le dossier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1 s. résumé in CPC Online, ad art. 247 CPC).

3.             L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 
138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelante estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Selon l'art. 157 CPC, le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées. Autrement dit, le juge apprécie librement la force probante de celles-ci en fonction des circonstances concrètes, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis. Il n'y a pas de hiérarchie légale entre les moyens de preuves autorisés. Les moyens de preuve autorisés sont énoncés à l'art. 168 CPC. Il en va ainsi de l'interrogatoire des parties (art. 191 CPC) et le jugement peut donc pleinement se fonder sur celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2 et les références, résumé in CPC Online, art. 191 CPC; dans le même sens : ATF 143 III 297 consid. 9.3.2).

Toute personne qui n'a pas la qualité de partie au procès peut témoigner sur des faits dont elle a eu une perception directe (art. 169 CPC). La suspicion de partialité d'un témoin, résultant par exemple d'un lien conjugal, de parenté, d'alliance ou d'amitié avec une partie, doit être prise en considération au stade de l'appréciation du témoignage; néanmoins, la suspicion n'exclut pas d'emblée que la déposition soit tenue pour digne de foi et il incombe au juge du fait d'apprécier sa force probante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_181/2012 du 10 septembre 2012 consid. 3). De même, le fait qu'un témoin puisse paraître plus enclin à défendre les intérêts de l'une des parties n'implique pas nécessairement que son témoignage doive d'emblée être écarté (arrêt du Tribunal fédéral 5P.312/2005 du 
14 décembre 2005 consid. 3.1.2). C'est notamment le cas pour un témoin employé au service d'une partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2011 du 21 mars 2011 consid. 1.2).

4.             4.1 Dans un premier grief relatif aux heures supplémentaires, l’appelant cherche à démontrer que le système D______ n’est pas conforme à la CCNT et que son décompte d’heures doit ainsi être retenu.

4.2 Il appartient toutefois au travailleur de prouver qu’il a effectué des heures supplémentaires et qu’elles ont été annoncées à l’employeur ou, alternativement, que ce dernier en avait connaissance ou devait en avoir connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2). Concrètement, le travailleur doit prouver que des heures dépassant l’horaire normal ont réellement été effectuées, qu’elles ont été accomplies dans l’intérêt de l’employeur et qu’elles l'étaient pour accomplir le travail demandé (ATF 129 III 171, JT 2003 I 241 consid. 2.4). Toutefois, la preuve de la nécessité ne doit pas être rapportée lorsqu’il est établi que l’employeur avait connaissance de l’exécution des heures supplémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_338/2011 du 14 décembre 2011 consid. 2.2).

Le travailleur doit non seulement démontrer qu'il a effectué des heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO, mais également prouver la quotité des heures dont il réclame la rétribution. Lorsqu'il n'est pas possible d'en établir le nombre exact, le juge peut, par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO, procéder à une estimation. Si elle allège le fardeau de la preuve, cette disposition ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d'heures accomplies; la conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s'imposer au juge avec une certaine force (arrêt du Tribunal fédéral 4A_138/2023du 12 juin 2023 consid. 4.2). Les documents librement confectionnés par l'une des parties au procès sont toutefois sujets à caution et n'ont a priori pas plus de valeur probante que de simples allégations de cette partie (arrêts du Tribunal fédéral 4A_578/2011 du
12 janvier 2012 consid. 4; 5A_822/2008 du 2 mars 2009 consid. 6.1.2; Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 143).

Lorsque l'employeur n'a mis sur pied aucun système de contrôle des horaires et n'exige pas des travailleurs qu'ils établissent des décomptes, l'employé peut recourir à des témoignages pour établir son horaire effectif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_28/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3 et les réf. citées). 

La CCNT institue un régime particulier quant au fardeau de la preuve de l'exécution d'heures supplémentaires. L'employeur est responsable de l'enregistrement de la durée du temps de travail effectué; cet enregistrement doit être signé au moins une fois par mois par le collaborateur (art. 21 al. 2 CCNT). L'employeur tient un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs (art. 21 al. 3 CCNT). Si cette obligation n'est pas respectée, le contrôle de la durée du temps de travail tenu par le collaborateur sera admis comme moyen de preuve en cas de litige (art. 21 al. 4 CCNT). Il ne s'agit pas d'un renversement du fardeau de la preuve; toutefois, le juge pourra accorder une pleine valeur probante au décompte personnel de l'employé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_408/2016 du
3 juillet 2017 consid. 4).

4.3 En l’espèce, l’appelant ne cherche pas à démontrer avoir effectué les heures, mais avant tout à remettre en cause la méthode informatique utilisée pour décompter les heures. Or, il ne s’agit pas de l’objet du litige, qui porte sur l’existence effective d’heures supplémentaires. La majorité des développements du recourant sont ainsi exorbitants au litige.

A cet égard, la Cour d’appel doit trancher entre deux thèses : celle de l’employé qui allègue avoir effectué de nombreuses heures, et celles de l’employeur qui fournit un décompte démontrant le contraire.

Le témoin F______, dont l’appelant ne conteste pas le témoignage dans son appel, expose toutefois clairement que toutes les heures figuraient dans le système D______, ce qui suffit à respecter l’art. 21 CCNT. Or, l’appelant échoue à prouver (art. 8 CC) qu’il a effectué des heures supplémentaires en plus. Il ne ressort en effet d’aucune pièce du dossier, ni du témoignage clair de F______ que l’appelant disposait d’un relevé d’heures supplémentaires personnels avant la procédure. La Cour retient ainsi que le relevé produit a été préparé pour la procédure, soit à posteriori, ce qui ne permet pas de retenir que ces heures ont effectivement été faites, étant précisé que le simple fait que le témoin F______ soit employé de B______ SA ne remet nullement en cause la force probante de son témoignage (cf. art. 169 CPC et la jurisprudence précitée).

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé sur ce point.

5.             Dans un second grief, l’appelant conteste l’appréciation du Tribunal relative à son licenciement abusif.

Selon le principe posé à l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail prévaut la liberté de la résiliation, de sorte que, pour être valable,
un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier
(ATF 131 III 535 consid. 4.1). Le droit de chaque cocontractant de mettre fin au contrat unilatéralement est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1;
131 III 535 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1). L'art. 336 CO énonce une liste non exhaustive de cas de
résiliation abusive, concrétisant l'interdiction générale de l'abus de droit
(ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 18 octobre 2022 consid. 3.1.1). Un congé peut donc se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées
(ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1; 131 III 535 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_266/2020 du 23 septembre 2020 consid. 3.1).

Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel (arrêt 4A_485/2015 du 15 février 2016 consid. 3.1). Déterminer le motif d'une résiliation est une question qui relève du fait (ATF 136 III 513 consid. 2.6 in fine).

L'art. 336 al. 1 let. d CO prévoit que le congé est abusif lorsqu'il est donné parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Il s'agit du "congé-représailles". Les prétentions résultant du contrat de travail portent notamment sur des salaires, des primes ou des vacances. Le fait que l'employé se plaigne d'une atteinte à sa personnalité ou à sa santé et sollicite la protection de l'employeur peut aussi constituer une telle prétention (cf. art. 328 CO). L'employé doit être de bonne foi, laquelle est présumée (art. 3 al. 1 CC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.1 et 5.1.2 et les arrêts cités). L'exigence de la bonne foi présente un double aspect, protégeant à la fois l'employeur et le travailleur : d'une part, la réclamation ne doit être ni chicanière ni téméraire, car la protection ne s'étend pas au travailleur qui cherche à bloquer un congé en soi admissible ou qui fait valoir des prétentions totalement injustifiées; d'autre part, la prétention exercée ne doit pas nécessairement être fondée en droit puisqu'il suffit que le travailleur soit légitimé, de bonne foi, à penser qu'elle l'est (ATF 136 III 513 consid. 2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid 4.1; 4A_39/2023 du 14 février 2023 consid. 3.2).

Les prétentions émises par l'employé doivent encore avoir joué un rôle causal dans la décision de l'employeur de le licencier; à tout le moins doit-il s'agir du motif déterminant (ATF 136 III 513 consid. 2.6; arrêts du Tribunal fédéral 4A_310/2019 du 10 juin 2020 consid. 5.2; 4A_42/2018 du 5 décembre 2018 consid. 3.1). Ainsi, le fait que l'employé émette de bonne foi une prétention résultant de son contrat de travail n'a pas nécessairement pour conséquence de rendre abusif le congé donné ultérieurement par l'employeur. Encore faut-il que la formulation de la prétention en soit à l'origine et qu'elle soit à tout le moins le motif déterminant du licenciement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.3 et les arrêts cités). Déterminer s'il existe un rapport de causalité naturelle est une question de fait (ATF 136 III 513 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_652/2018 du 21 mai 2019 consid. 4.1).

Le caractère abusif du congé peut résider dans le motif répréhensible qui le
sous-tend, dans la manière dont il est donné, dans la disproportion évidente des intérêts en présence, ou encore dans l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.2 et 2.4). Un licenciement pourra être abusif si l'employeur exploite de la sorte sa propre violation du devoir imposé par l'art. 328 CO de protéger la personnalité du travailleur (ATF 125 III 70 consid. 2a); par exemple, lorsqu'une situation conflictuelle sur le lieu de travail nuit notablement au travail en commun dans l'entreprise, le congé donné à l'un des employés en cause est abusif si l'employeur ne s'est pas conformé à l'art. 328 CO en prenant préalablement toutes les mesures que l'on pouvait attendre de lui pour désamorcer le conflit, telles que des modifications de son organisation ou des instructions adressées aux autres travailleurs (ATF 132 III 115 consid. 2.2; 125 III 70 consid. 2c; cf. également ATF 136 III 513 consid. 2.5 et 2.6). Un licenciement peut également être tenu pour abusif lorsqu'il répond à un motif de simple convenance personnelle de l'employeur (ATF 132 III 115 consid. 2; 131 III 535 consid. 4; 125 III 70
consid. 2).

L’appelant estime, d’une part, que le motif de réorganisation est faux et, d’autre part, qu’il s’agit d’un congé représailles.

A nouveau, l’appelant ne parvient pas à le prouver (art. 8 CC).

Premièrement, même s’il est imprécis, un licenciement en raison d’une insuffisance de prestation est une forme de réorganisation. A cet égard, le témoin F______ a clairement indiqué que l’appelant s’était vu adresser plusieurs avertissements en raison de son travail insatisfaisant.

Deuxièmement, l’appelant fait grand cas du message du 7 avril dans lequel il réclame le paiement d’heures supplémentaires. Ce message est toutefois postérieur à son licenciement et le simple fait qu’il mentionne des demandes passées ne permet nullement de retenir qu’il existe un lien de causalité entre ces prétendues requêtes et le licenciement. Le témoin F______ a en effet clairement indiqué le contraire.

Faute de pièces remettant en cause le témoignage de F______, la Cour se fonde sur ce dernier pour rejeter l’appel sur ce point, étant une nouvelle fois rappelé que le simple fait que le témoin F______ soit employé de B______ SA ne remet nullement en cause la force probante de son témoignage (cf. art. 169 CPC et la jurisprudence précitée).

6.             Enfin l’appelant conteste le rejet de ses deux dernières prétentions en dommages et intérêts, soutenant que son atteinte à la santé le justifie. Le témoignage de son propre médecin traitant indique toutefois que la causalité entre le travail et son atteinte à la santé ne peut pas être établie. Il est ainsi impossible de retenir autre chose (art. 8 CC), ce qui scelle le sort de l’appel sur ces points.

7.             Au vu de ce qui précède, l’appel sera rejeté.

Au regard de la valeur litigieuse, inférieure à 50'000 fr., il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires d'appel (art. 116 CPC, art. 19 al. 3 let. c LaCC).

Par ailleurs, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction prud'homale, il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté par A______ le 17 juin 2024 contre le jugement JTPH/130/2024 rendu le 16 mai 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/22607/2022.

Au fond :

Le rejette.

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Stéphane GRODECKI, président; Monsieur Thierry ZEHNDER, Madame Fiona MAC PHAIL, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.