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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15927/2023

ACJC/1180/2024 du 23.09.2024 sur JTBL/107/2024 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; CO.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15927/2023 ACJC/1180/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 23 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante et recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 décembre 2023, représentée par Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8,

et

B______ AG, sise ______ [AG], intimée, représentée par Me Delphine ZARB, avocate, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/107/2024 du 14 décembre "2024" [recte 2023], reçu par les parties le 5 février 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______. SA à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers les surfaces commerciales 1______, sises rue 2______ nos. ______, [code postal] C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______. SA dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 13 février 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______. SA a formé appel et recours contre ce jugement, concluant préalablement à ce que la suspension de la force de chose jugée et du caractère exécutoire de la décision entreprise soit constatée, conclusion à laquelle la Cour a fait droit par arrêt du 1er mars 2024 (ACJC/275/2024).

Sur appel, elle a conclu principalement à l'annulation des chiffres 1 et 3 du dispositif du jugement attaqué et, cela fait, à ce que la Cour déclare irrecevable, subsidiairement rejette, la requête en évacuation déposée le 14 juillet 2023 par B______ SA et déboute intégralement cette dernière de toutes ses conclusions. Plus subsidiairement, elle a conclu à ce que la Cour la condamne à évacuer les surfaces commerciales SA-001, sises rue 2______ nos. ______, [code postal] C______, six mois après l'entrée en force du jugement.

Sur recours, A______. SA a conclu principalement à l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué et, cela fait, elle a pris des conclusions identiques à celles qu'elle a prises sur appel.

En substance, A______. SA a reproché au Tribunal d'avoir établi les faits pertinents de manière lacunaire, de ne pas avoir examiné les arguments développés, à savoir l'existence d'un prétendu bail tacite ou de durée indéterminée, en violation de son droit d'être entendue et de ne pas en avoir tiré la conclusion que le cas n'était pas clair.

A______. SA a allégué un fait nouveau et produit une pièce nouvelle, soit un courriel daté du 13 février 2024 dans lequel son administrateur déclare avoir embauché quatre nouveaux employés en janvier 2024, portant l'effectif de la société à quarante-sept personnes.

b. Dans sa réponse du 26 février 2024, B______ SA a conclu, à la forme, à l'irrecevabilité du fait nouveau introduit par A______. SA portant sur l'engagement de nouveaux collaborateurs et à l'irrecevabilité des déterminations de la locataire figurant sous le chapitre VII de son mémoire (absence de cas clair) et, au fond, à la confirmation du jugement querellé ainsi qu'au déboutement de A______. SA de toutes ses conclusions.

c. Dans sa réplique du 18 mars 2024, A______. SA a persisté dans ses conclusions et produit une pièce nouvelle, soit un jugement du Tribunal des baux et loyers du 28 février 2024 lui donnant gain de cause à la suite de la demande en paiement introduite en conciliation le 11 novembre 2021 par D______/E______ AG (ancienne propriétaire des locaux loués) en lien avec le paiement de frais accessoires contestés par elle.

d. B______ SA a dupliqué le 2 avril 2024, persistant dans ses conclusions.

e. Par plis du greffe de la Cour du 29 avril 2024, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______. SA (F______ SA jusqu'en 2018) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, active dans les installations industrielles.

Par contrat du 1er octobre 2007, elle a conclu avec la société propriétaire D______/G______ SA un contrat de bail portant sur une halle de stockage d'environ 506 m2 au rez-de-chaussée de locaux sis rue 2______ nos. ______, [code postal] C______.

Le contrat était conclu pour une durée de cinq ans, les parties devant s'avertir par écrit un an au moins avant la fin du bail de leurs intentions, leur silence servant d'acquiescement à sa continuation de cinq ans en cinq ans.

b. Le 1er mai 2017, F______ SA a également pris à bail des bureaux au 1er étage du même immeuble.

Le contrat était conclu pour une durée de cinq ans, les parties devant s'avertir par écrit un an au moins avant la fin du bail de leurs intentions, leur silence servant d'acquiescement à sa continuation pour une durée supplémentaire d'une année, et ainsi de suite, d'année en une année.

c. Le 1er juin 2017, D______/H______ AG est devenue propriétaire des locaux loués.

d. Suite à ce changement de propriétaire, un nouveau contrat de bail portant sur les mêmes locaux a été signé le 28 mars 2018 entre D______/H______ AG et F______ SA.

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er mars 2018 au 28 février 2023. La location prenait fin à cette date, sans qu'une résiliation ne soit nécessaire. La locataire bénéficiait d'un droit d'option de prolongation du bail de cinq ans. Si elle avait l'intention d'exercer ce droit, elle devait le signifier à la bailleresse au plus tard le 28 février 2022 (douze mois avant la fin du contrat de bail) par courrier recommandé. La date de fin du bail de même que la date d'échéance pour exercer le droit d'option de prolongation étaient toutes deux mises en exergue dans le contrat.

Le loyer annuel était fixé à 183'936 fr. 60, soit 45'984 fr. 15 par trimestre.

Outre le montant du loyer et la durée du bail, le contrat prévoyait, entre autres, de nouvelles clauses relatives aux charges d'exploitation et aux intérêts perçus en cas de retard dans le paiement du loyer.

e. Le 30 septembre 2019, la propriété de l'immeuble sis nos. ______ rue 2______ a été transférée à D______/G______ SA, devenue D______/I______ SA le 9 juin 2020, laquelle a fusionné en 2022 avec B______ SA.

f. Le 8 mars 2022, la bailleresse a informé la locataire de ce que sa proposition relative à la location de places de parking était refusée. Elle était disposée à clarifier avec elle la question des parkings, du chauffage et des charges, ainsi que la location de nouveaux bureaux. Dès lors qu'elle n'avait reçu aucune déclaration écrite concernant la prolongation du bail, le contrat prendrait fin sans autre avis le 28 février 2023.

g. Par courriel du 10 mars 2022, J______, administrateur de A______. SA, a répondu à la bailleresse en se référant à un entretien téléphonique au cours duquel il aurait confirmé le souhait de la locataire de prolonger le contrat de bail. Il a proposé une rencontre à la bailleresse, afin de finaliser certaines questions en suspens, relatives au bail des parkings, au câblage dans les bureaux loués, à l'évolution des besoins en mètres carrés de la locataire et au relevé des compteurs (électricité, chauffage, eau).

h. Le 13 décembre 2022, la bailleresse a rappelé à la locataire que son bail prenait fin le 28 février 2023, précisant qu'elle envisageait de le prolonger à la condition que la question des charges locatives dues ainsi que celle du stationnement des véhicules et du stockage de matériel sur le site soit régularisée.

i. Par courriel du 16 janvier 2023, la locataire a sollicité la tenue d'une rencontre entre les parties pour trouver un accord concernant la location de parkings.

Le même jour, la bailleresse s'y est déclarée disposée, tout en rappelant que le contrat de bail prendrait fin le 28 février 2023, dès lors que la locataire n'avait pas exercé son droit de prolongation du bail dans le délai prévu. Elle souhaitait donc organiser la libération des locaux.

j. Par courriel du 30 janvier 2023, la locataire a répondu que la question de la libération des locaux ne se posait pas puisqu'elle avait demandé la prolongation du bail. Elle a proposé une rencontre pour discuter de la question des parkings.

k. Par courriel du lendemain, la bailleresse a contesté avoir reçu un quelconque courrier ou courriel de la part de la locataire sollicitant la prolongation du bail. Elle a suggéré la tenue d'une réunion en ligne entre les parties afin de discuter des questions en suspens concernant la conclusion d'un éventuel nouveau contrat de bail, les parkings, ainsi que les paiements en souffrance.

l. Le 8 février 2023, la locataire a répondu qu'elle ne souhaitait pas la conclusion d'un nouveau bail, mais la prolongation du bail actuel. Elle s'est néanmoins déclarée disposée à recevoir une proposition concernant le bail, le plan des parkings et la location de parkings.

m. Par courriel du 9 février 2023, la bailleresse a demandé à la locataire de lui faire parvenir une copie du courrier et du récépissé postal par lequel elle aurait demandé la prolongation du bail.

n. Dans un courriel du 6 avril 2023, la bailleresse a résumé les discussions entre les parties concernant le contrat de bail, les parkings et les charges en souffrance. Elle a rappelé que le bail avait pris fin le 28 février 2023, la locataire n'ayant pas démontré avoir envoyé de demande écrite de prolongation, et ce malgré qu’elle avait sollicité à plusieurs reprises une copie de cette demande. Il en résultait que la locataire devait quitter les locaux. Elle était néanmoins disposée à lui accorder un délai de six mois, expirant à la fin du mois d'août 2023, pour lui permettre de trouver de nouveaux locaux. Cette proposition supposait que le loyer de 45'984 fr. 15 soit payé à temps, que les employés cessent leur "parking sauvage" et que les charges en souffrance de 26'986 fr. 90 soient réglées au 30 avril 2023. A défaut, la bailleresse initierait une procédure d'évacuation devant les autorités compétentes.

o. Le 16 mai 2023, la locataire a répété qu'elle avait valablement exercé son option de renouvellement du bail, de sorte qu'il était de faux de prétendre que le bail avait pris fin le 28 février 2023, qu'elle occupait les locaux depuis seize ans et que la bailleresse aurait dû, en tout état, résilier le bail selon les formes légales pour pouvoir prétendre y mettre un terme au 28 février 2023. Selon elle, la bailleresse tentait en réalité de faire pression sur elle pour obtenir le paiement de charges indues.

p. Le 26 juin 2023, la bailleresse a répondu qu'une résiliation formelle du bail n'était pas nécessaire dans la mesure où la locataire n'avait pas sollicité la prolongation de celui-ci. Cela étant, elle était disposée à lui accorder une nouvelle période de six mois expirant à la fin du mois de décembre 2023, afin de lui permettre de trouver de nouveaux locaux. Après cette date, les locaux devraient être libérés.

q. En date des 1er juin et 1er juillet 2023, la bailleresse a adressé à la locataire deux factures portant sur les montants de 62'175 fr. 65, respectivement 15'543 fr. 90, relatives aux indemnités pour occupation illicite ("non-contractual occupation of space") pour les mois de mars à juillet 2023. Ces factures ont été intégralement acquittées par A______. SA.

r. Par requête en protection de cas clair déposée le 14 juillet 2023, B______ SA a requis l'évacuation de A______. SA des locaux, assortie de mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation.

s. Dans sa réponse du 26 octobre 2023, A______. SA a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la requête précitée. Elle a notamment contesté que le bail avait pris fin, relevant que la requête en évacuation avait été déposée près de cinq mois après la prétendue fin des rapports contractuels. Selon elle, le contrat de bail signé avait pour but de contourner les règles impératives du droit du bail, de telle sorte qu'il devait être qualifié de bail à durée indéterminée. Elle a soutenu que la situation n'était par conséquent pas claire, ni en fait, ni en droit.

t. A l'audience du Tribunal du 14 décembre 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

La locataire a fait valoir qu'au mois de mars 2023, la bailleresse avait autorisé le tirage d'une fibre internet dans le bâtiment dans le but de la faire bénéficier d'une connexion directe. Par ailleurs, au mois de juillet 2023, la bailleresse lui avait remis de nouveaux badges d'accès pour ses collaborateurs. Selon elle, ces éléments venaient confirmer que la question d'un bail tacite se posait avec acuité.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

u. Dans son jugement du 14 décembre 2023, le Tribunal a retenu que la situation était claire, tant sur le plan factuel que juridique. Les parties étaient liées par un contrat de durée fixe, lequel avait pris fin sans congé à l'expiration de la durée convenue, soit au 28 février 2023. Le locataire n'avait pas requis de prolongation de bail, de sorte que depuis l'expiration du terme fixé, elle ne disposait plus aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux de la bailleresse. Dans ces circonstances, le Tribunal a prononcé l'évacuation, ainsi que les mesures d'exécution requises par B______ SA.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1).

En l'espèce, l'appelante conteste non seulement l'expulsion en tant que telle, mais également le fait que son bail a pris fin, soutenant en particulier qu’elle serait au bénéfice d'un bail tacite et/ou d'un bail à durée indéterminée. Dans la mesure où le loyer annuel brut s'élève à 183'936 fr. 60, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ainsi ouverte contre le prononcé de l'évacuation.

1.2 Contre les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.3 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits dans un délai de dix jours si la décision a été prise en procédure sommaire (art. 248 let. b, 257, 311 al. 1, 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai et la forme prescrits par la loi, sont recevables.

1.4 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2. L'appelante a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

2.1 2.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Dans la procédure en cas clair de l'art. 257 CPC, le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge (vrais nova). Cette interdiction ne concerne en revanche pas la partie requise, qui n'a pas introduit la requête d'expulsion. L'art. 317 al. 1 CPC s'applique donc pleinement à la locataire qui a été attraite en première instance, par la requête en cas clair de la bailleresse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_470/2022 du 4 janvier 2023, consid. 4.1; arrêt 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5).

2.1.2 En l'espèce, la locataire a produit en appel un courriel de son administrateur daté du 13 février 2024 ainsi qu’un jugement du Tribunal du 28 février 2024, soit postérieurs à la date à laquelle la présente cause a été gardée à juger par le Tribunal. Ces pièces sont donc recevables. Le jugement du 28 février 2024 repose toutefois sur des faits survenus antérieurement, dont l'appelante aurait pu se prévaloir en première instance déjà, sans qu'elle n'expose en quoi elle aurait été empêchée de le faire. Lesdits faits sont dès lors, en eux-mêmes, irrecevables; ils ne sont, en tout état de cause, pas pertinents pour l'issue du litige.

2.2 L'appelante a formulé une conclusion nouvelle devant la Cour, sollicitant subsidiairement, tant dans son appel que dans son recours, l'octroi d'un sursis de six mois après l'entrée en force du jugement pour évacuer les locaux.

2.2.1 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).

Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 CPC).

2.2.2 La conclusion nouvelle prise par A______. SA, qui ne repose pas sur un fait nouveau, est irrecevable, tant au regard de l’art. 317 al. 2 CPC que de l'art. 326 CPC. En tout état de cause, la locataire perd de vue que la protection de l'art. 30 al. 4 LaCC ne s'applique pas aux locaux commerciaux. Le fait qu'une évacuation immédiate entraînerait une cessation immédiate des activités professionnelles de la locataire et des répercussions sur sa situation financière n'est par ailleurs pas pertinent et ne peut faire obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation (ACJC/937/2018 du 12 juillet 2018 consid. 4.1; ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2).

3. L’appelante invoque une violation de son droit d'être entendue au motif que le Tribunal n'aurait pas examiné les arguments qu'elle avait soulevés, relatifs à l'existence d'un bail tacite et de la qualification de bail de durée indéterminée du bail litigieux.

3.1 La jurisprudence déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 145 IV 407 consid. 3.4.1; 143 III 65 consid. 5.2;
142 III 433 consid. 4.3.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références; arrêt 5A_915/2019 du 18 mars 2020 consid. 4.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1). L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF
142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1; 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2).

La jurisprudence admet en outre qu'un manquement au droit d'être entendu puisse être considéré comme réparé lorsque la partie lésée a bénéficié de la faculté de s'exprimer librement devant une autorité de recours, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et puisse ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées).

3.2 En l’espèce, le Tribunal a fondé sa décision sur le fait que le contrat qui lie les parties prévoyait qu'il prenait fin à une date fixée, sans qu'une résiliation ne soit nécessaire, ce qui est la caractéristique d'un contrat de bail de durée déterminée. L'appelante pouvait donc comprendre que le Tribunal avait rejeté, ne serait-ce qu'implicitement, son argument selon lequel le bail était de durée indéterminée. Le Tribunal a également relevé que l'intimée avait régulièrement indiqué à l'appelante que le bail avait pris fin et adressé à l'appelante des factures au titre d'indemnités pour occupation illicite, ce dont elle pouvait également comprendre que le Tribunal considérait que les parties n'étaient pas liées par un bail tacite après son échéance, même si ce terme n'est pas lui-même expressément mentionné. Il ne peut donc être considéré que le Tribunal ne se serait pas prononcé sur les éléments pertinents du litige.

En tout état de cause, la Cour dispose d'un pouvoir d'examen complet en fait (sur appel) et en droit (sur appel et recours), de sorte qu'une violation du droit d'être entendue de l'appelante au motif que le Tribunal n'aurait pas examiné les griefs soulevés pourrait, au besoin, être réparée.

Le grief de l'appelante de violation de son droit d'être entendue et de déni de justice formel n'est donc pas fondé.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que le cas était clair.

4.1.
4.1.1
Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire.

La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque (ATF
138 III 620 consid. 5.1.1).

4.1.2 La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas.

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1;
138 III 123 consid. 2.1.2). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2).

Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités). A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2014 du 16 septembre 2014 consid. 2.1).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

4.1.3 Le contrat de bail à loyer peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Il est de durée déterminée lorsqu'il doit prendre fin, sans congé, à l'expiration de la durée convenue (art. 255 al. 1 et 2 et art. 266 al. 1 CO). Si le bail est reconduit tacitement, il devient un contrat de durée indéterminée (art. 266 al. 2 CO).

Le contrat de bail peut être conclu par écrit, oralement ou par actes concluants (art. 1 al. 2 et 11 CO; ATF 119 III 78 consid. 3c). Cela étant, pour que tel soit le cas les parties doivent manifester leur volonté de façon concordante sur tous les points essentiels du contrat (art. 1 CO). En matière de bail, le Tribunal fédéral a relevé que la conclusion d'un bail tacite ne doit être retenue qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 du 9 juin 2015 consid. 3.1.1 et 4.1; 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1). Dans l'analyse que doit conduire la juridiction, l'ensemble des circonstances doit être pris en compte (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 précité consid. 4.1; 4A_247/2008 du 19 août 2008, consid. 3.2.1).

Selon la jurisprudence, la conclusion par actes concluants d'un nouveau bail consécutif à une résiliation suppose que durant une période assez longue, le bailleur se soit abstenu de faire valoir le congé, d'exiger la restitution de la chose louée et qu'il ait continué à encaisser régulièrement le loyer sans formuler aucune réserve. L'élément temporel n'est pas déterminant pour décider s'il y a bail tacite; il faut prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas (arrêts du Tribunal fédéral 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1 et les arrêts cités). En particulier, le fait pour un bailleur de ne pas engager une procédure d’expulsion pendant la durée des pourparlers ne saurait lui être reproché (arrêt 4C_441/2004 du 27 avril 2005, consid. 2.2).

4.1.4 Aucune disposition n'interdit de conclure successivement plusieurs baux à durée déterminée. La conclusion successive de baux à durée limitée peut cependant permettre au bailleur d'échapper à des règles impératives conférant des droits au locataire, telles que les règles contre les loyers abusifs ou contre les congés abusifs. Elle est donc susceptible de constituer une fraude à la loi lorsque le bailleur qui, en soi, a l'intention de s'engager pour une durée indéfinie opte pour un système de baux à durée déterminée aux seules fins de mettre en échec des règles impératives (ATF 139 III 145 consid. 4.2.4). Il incombe dès lors à la partie qui entend faire appliquer la norme éludée, soit au locataire, d'établir l'existence d'une fraude à la loi (ATF 139 III 145 consid. 4.2.4; 125 III 257 consid. 3b).

4.2.
4.2.1
En l'espèce, conformément au contrat de bail du 28 mars 2018, si la locataire souhaitait exercer son droit d'option de prolongation du bail, elle devait en informer la bailleresse au plus tard le 28 février 2022, par courrier recommandé. La locataire a prétendu qu'elle avait fait usage de ce droit, mais elle n'en a pas fourni la preuve, en dépit des réquisitions de l'intimée. Aucun élément figurant à la procédure ne permettant de retenir qu’elle aurait effectivement exercé son droit d’option et les seules allégations de l’appelante à cet égard n’étant pas suffisantes, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que le contrat avait pris fin, sans qu'une résiliation soit nécessaire.

4.2.2 Des pourparlers ont par la suite été engagés entre les parties, au cours desquels la question de la conclusion d’un éventuel nouveau contrat de bail a été évoquée, à certaines conditions, ce dont l'appelante pouvait comprendre que l'intimée considérait qu'elle n'était pas au bénéfice d'un bail. L'intimée a par ailleurs rappelé à plusieurs reprises à l'appelante que le bail avait pris fin et que les locaux devaient être libérés. En outre, les montants versés par l'appelante postérieurement à la fin du contrat l'ont été à titre d'indemnités pour occupation illicite, comme l'établissent les factures dont elle s'est acquittée pour les mois de mars à juillet 2023, mentionnant expressément les termes "non-contractual occupation of space". Pour le surplus, le fait que l’intimée ait mis à disposition de l'appelante une fibre internet, qui peut être utilisée par tout futur utilisateur des locaux, ou qu'elle l'ait autorisée à commander de nouveaux badges d'accès durant cette période, afin de permettre aux employés de l'appelante qui, dans les faits, utilisaient les locaux, d'accéder à ceux-ci, ne permet pas d'en déduire une volonté de l'intimée de poursuivre la relation de bail puisqu'elle relève de la gestion courante des locaux.

Enfin, l'appelante ne peut se prévaloir de la durée écoulée entre la fin du contrat et le dépôt de la demande d'évacuation pour soutenir que le cas ne serait pas clair au regard de la jurisprudence relative au bail tacite. En effet, contrairement à l'arrêt de la Cour qu'elle cite, l'intimée a régulièrement relevé que le bail avait pris fin en l'absence de manifestation de volonté de l'intimée d'exercer son droit à une prolongation au-delà du 28 février 2023.

Au vu de ce qui précède, c'est à raison que le Tribunal n'a pas admis l'existence d'un bail tacite.

4.2.3 Enfin, l'hypothèse d'une fraude à la loi résultant de la conclusion d'un contrat de durée déterminée émise par l'appelante ne repose sur aucun indice; la seule mention de cette problématique et l'affirmation qu'elle devrait être éclaircie dans une procédure ordinaire, ce qui excluait que le cas soit qualifié de clair n'est pas suffisante. En outre, l'appelante avait la possibilité d'annoncer son souhait que le bail se poursuive, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte qu'elle n'est pas fondée à soutenir que rien ne justifierait qu'elle ait décidé de louer les locaux pour une durée déterminée uniquement, puisqu'il ne dépendait que d'elle que le bail soit renouvelé.

4.2.4 En définitive, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le cas était clair et prononcé l'évacuation de l'appelante des locaux.

Dès lors, en l'absence d'autre conclusion recevable, le jugement attaqué sera confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 13 février 2024 par A______ SA contre le jugement JTBL/107/2024 rendu le 14 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15927/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2