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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9232/2019

ACJC/1281/2021 du 11.10.2021 sur JTBL/142/2020 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9232/2019 ACJC/1281/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 OCTOBRE 2021

 

Entre

SI A______ SA, c/o B______ SA, sise boulevard ______ Genève, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 25 février 2020, comparant par Me Laurent STRAWSON, avocat, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______ et D______ SARL, p.a. rue ______, Genève, intimés, représentés d'abord par l'ASLOCA, puis par Me Alexandre AYAD, avocat, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/142/2020 du 25 février 2020 notifié aux parties le jour même, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a constaté l'inefficacité du congé donné le 20 mars 2019 pour le 30 avril 2019 par la SI A______ SA à C______ et D______ SARL concernant les locaux d'environ 35 m2 au rez-de-chaussée et d'environ 120 m2 au sous-sol de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 22 avril 2020, la SI A______ SA (ci-après : la bailleresse ou l'appelante) a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et à l'efficacité du congé donné le 20 mars 2019 pour le 30 avril 2019.

b. Dans leur réponse à l'appel du 25 mai 2020, C______ et D______ SARL (ci-après : les locataires ou les intimés) ont conclu, sur appel principal, au déboutement de l'appelante, et sur appel joint, à la nullité du congé notifié le 20 mars 2019 pour le 30 avril 2019 et au déboutement de la bailleresse.

c. Dans sa réponse sur appel joint du 29 juin 2020, la bailleresse a conclu au déboutement des intimés et a persisté dans ses précédentes conclusions.

d. Le 27 août 2020, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, les intimés n'ayant pas fait usage de leur droit de réplique.

C. Les éléments suivants ressortent de la procédure :

a. Selon contrat daté du 3 octobre 2017, la SI A______ SA a remis à bail à C______ et D______ SARL des locaux commerciaux d'environ 35 m2 au rez-de-chaussée et d'environ 120 m2 au sous-sol de l'immeuble sis 1______, à Genève.

Les locaux étaient destinés à l'exploitation d'une salle de jeux vidéo en trois dimensions. Le bail était conclu pour une durée initiale d'une année et quinze jours débutant le 15 octobre 2017 et se terminant le 31 octobre 2018, et contenait une clause de renouvellement tacite pour une période de 12 mois en 12 mois, sauf congé donné moyennant un préavis de 6 mois.

Le loyer était fixé à 27'000 fr. par an, plus 2'600 fr. de provisions pour charges.

Pour garantir l'exécution des obligations contractées en vertu du bail, les locataires se sont engagés à fournir au bailleur, à la signature du contrat, une garantie locative d'un montant de 13'500 fr.

b. D______ SARL a été constituée le 17 août 2017. Son but social consiste en l'exploitation d'un établissement offrant un service de location de jeux vidéo 3D en ligne ainsi que la vente d'articles y relatifs avec petite restauration. C______ en est l'associé-gérant avec une signature individuelle. Il est domicilié à E______ (France).

c. Par courriel du 12 octobre 2017 adressé à C______, la régie a confirmé l'accord trouvé entre les parties consistant à exiger, durant la première année de location, le paiement du loyer et des charges par trimestre d'avance «ceci afin de [vous : lire les locataires] laisser le temps de créer votre société individuelle et que les fonds soient libérés pour procéder à la mise en place de votre garantie bancaire».

La constitution de sûretés d'un montant de 13'500 fr. auprès d'un établissement bancaire genevois, au choix des locataires, était reportée au 1er novembre 2018.

d. Un litige est survenu entre les parties à compter du mois de juin 2018 à propos de la conformité des locaux remis à bail, qui étaient dépourvus d'une autorisation d'exploiter délivrée en bonne et due forme.

L'arcade avait été séparée en deux arcades distinctes en 2010 sans dépôt d'autorisation de construire (APA) validant le changement d'affectation des locaux et approuvant la conformité de ces derniers avec le type d'exploitation qui y était déployée. Une attestation globale de conformité au sens de l'art. 7 LCI, établie par un mandataire qualifié, avait été exigée de C______ par le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir le 20 septembre 2018.

Ce litige a abouti à la consignation des loyers et charges par les locataires le 27 septembre 2018 à raison d'un trimestre de 7'530 fr. et à la validation par ces derniers de cette consignation par la saisine de la Commission de conciliation en matière des baux et loyers le 30 octobre 2018. La cause a été portée devant le Tribunal le 1er février 2019 et est actuellement pendante (C/2______/2018).

Les locataires ont conclu, dans cette procédure, à ce que la bailleresse soit condamnée à procéder à la mise en conformité des locaux qui étaient affectés, selon eux, d'un défaut juridique en l'absence d'une autorisation délivrée lors de la séparation des locaux et permettant l'exploitation de ceux-ci conformément au but prévu dans le contrat de bail, à l'octroi d'une réduction complète du loyer à compter du 15 octobre 2017 et ce jusqu'à la suppression du défaut, et au paiement de dommages-intérêts chiffrés à 144'000 fr. au jour du dépôt de la requête pour le dommage subi en raison de l'impossibilité de démarrer leur activité commerciale dans les locaux.

e. L'autorisation de construire, sollicitée par la bailleresse le 17 août 2018, a été délivrée par le département le 26 septembre 2018 (APA 3______), qui a validé le changement d'affectation des locaux et la séparation de l'arcade en un local pour une fondation et une salle de jeux électroniques avec buvette.

f. Par courrier du 5 décembre 2018 adressé à leur conseil, la régie a rappelé aux locataires leur obligation de constituer une garantie de loyer de 13'500 fr. dès le 1er novembre 2018 et sollicité sa constitution immédiate.

g. Par courriers recommandés du 20 février 2019 envoyés à l'adresse des locaux loués et à celle du domicile français de C______, les locataires ont été mis en demeure de constituer la garantie locative de 13'500 fr. d'ici le 28 février 2019, à défaut de quoi le bail serait résilié en application de l'art. 257f al. 3 CO.

Par courriel du 25 février 2019 adressé à la régie, C______ a indiqué n'avoir jamais reçu de notification préalable concernant la constitution de cette garantie et entamer immédiatement les démarches «pour verser la caution de 13'500 fr.».

h. Par avis officiels de résiliation du 20 mars 2019 notifiés séparément à C______ et D______ SARL le bail a été résilié avec effet au 30 avril 2019, en application de l'art. 257f al. 3 CO.

Le courrier accompagnant la formule officielle précisait qu'aucune suite n'avait été donnée à la mise en demeure du 20 février 2019 sollicitant la remise de la garantie prévue dans le contrat de bail du 3 octobre 2017.

i. Le 23 avril 2019, les locataires ont saisi la Commission de conciliation d'une requête en contestation de congé, subsidiairement en prolongation de bail, qui, à la suite de l'échec de la tentative de conciliation du 17 juin 2019, a été portée devant le Tribunal le 17 juillet 2019.

Les locataires ont conclu, principalement, à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'une première prolongation de bail de six ans.

Ils ont soutenu que le congé avait été donné en représailles de la procédure en cours qu'ils avaient initiée et dans laquelle ils soutenaient que la chose louée était affectée d'un défaut rendant l'exploitation des locaux impropres à l'utilisation convenue. La sommation du 20 février 2019 était survenue à la réception de l'ordonnance du Tribunal informant la bailleresse de la validation de la consignation et lui fixant un délai pour répondre.

Ils ont également relevé que le défaut de constitution des sûretés ne constituait pas une violation suffisamment grave de leur devoir de diligence au point que la poursuite du bail soit intolérable au sens de l'art. 257f al. 3 CO. Les conditions de cet article n'étant pas réalisées, le congé, survenu pendant une procédure pendante devant le Tribunal, devait également être annulé au sens de l'art. 271 al. 1
let. d CO.

j. Dans sa réponse du 25 septembre 2019, la bailleresse a conclu au déboutement des locataires.

Elle a soutenu que la clause relative à la constitution de la garantie de loyer était essentielle et que le bail n'aurait pas été signé si un tel engagement n'avait pas été pris par les locataires. Le report accepté du délai pour constituer les sûretés l'avait été pour pallier les difficultés rencontrées par les locataires pour les constituer dès lors qu'ils démarraient leur activité. Les locataires étant dans l'incapacité de respecter une obligation essentielle du contrat, la poursuite du bail devenait insupportable pour la bailleresse.

S'agissant de la procédure en validation de consignation du loyer pendante devant le Tribunal, elle a fait valoir que cette procédure n'avait aucun lien avec la présente et que la compatibilité des locaux avec les exigences des autorités liées au type d'activité qui y était déployée était de la responsabilité des locataires.

k. Lors de l'audience du 26 novembre 2019, C______ a déclaré qu'il n'était toujours pas en mesure d'exploiter les locaux, car il manquait une pièce au dossier. Il souhaitait conserver les locaux et était prêt à payer la caution, mais cela nécessitait que les problèmes en cours soient réglés. Comme la bailleresse souhaitait que les sûretés soient constituées via Smart Caution et que cette dernière exigeait comme condition la remise de bilans sur deux années complètes, elle avait accepté d'attendre; il avait proposé de payer en cash, ce qui avait été refusé. Les démarches qu'il avait effectuées dès février 2019 n'avaient pas abouti dès lors que les organismes contactés F______ et G______ avaient refusé d'entrer en matière en raison de la procédure en cours avec la bailleresse et du fait que les locaux étaient occupés depuis le mois d'octobre 2017.

H______, administratrice de la bailleresse, a exposé que cette dernière avait accepté d'attendre une année pour que les sûretés soient constituées, dès lors que les locataires n'étaient pas en mesure de remettre une garantie et que ces derniers l'avaient «implorée» de trouver une solution; il avait alors été convenu que le loyer soit payé par trimestre d'avance et la constitution des sûretés reportée dès le 1er novembre 2018. Elle avait été arrangeante et c'était pour aider les locataires qu'elle avait accepté qu'ils prennent possession des locaux sans avoir de garantie et de reporter l'exigence de sa constitution au 1er novembre 2018. Elle n'était pas au courant qu'un paiement en cash aurait été refusé par la régie et ignorait pour quelle raison la régie avait refusé que les sûretés soient constituées via l'organisme F______; elle ne savait pas non plus si la régie avait refusé G______. La bailleresse avait attendu un mois avant de demander que la garantie soit constituée, ce pour protéger ses intérêts juridiques.

Lors des plaidoiries finales du 30 janvier 2020, les parties ont persisté dans leurs précédents développements et conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 13 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; ATF 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2019 du 25 février 2019 consid. 6).

En l'espèce, les intimés, dans leurs dernières conclusions prises devant le Tribunal, ont conclu à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de six ans. Quant à l'appelante, elle a conclu au déboutement des locataires. Le loyer annuel a été fixé à 27'000 fr. La valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (27'000 fr. x 3 ans = 81'000 fr.). La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 311 al. 1, 313 al. 1 CPC).

Quant à l'appel joint,la question de l'intérêt des intimés à se prévaloir de la nullité du congé pour la première fois en appel, alors que l'inefficacité de celui-ci a été admise en première instance, se pose. La recevabilité de l'appel joint peut toutefois demeurer indécise vu la solution retenue dans les considérants ci-après, le grief de nullité étant au surplus insuffisamment motivé.

1.3 Les litiges portant sur des baux à loyer d'habitation ou de locaux commerciaux sont soumis, en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail, aux règles de la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que la constitution de la garantie locative ne revêtait pas un caractère essentiel puisqu'elle avait accepté qu'elle soit différée d'une année, exigé un paiement du loyer par trimestre d'avance et qu'ainsi son risque financier était couvert. Les premiers juges avaient donc admis à tort que la continuation du bail ne lui était pas insupportable eu égard notamment au fait que les démarches en vue de constituer ces sûretés auraient été rendues plus difficiles par la régie et la bailleresse ce qui n'était pas établi.

Est litigieuse la question de savoir si l'absence de constitution de sûretés à concurrence de la somme de 13'500 fr. telle que prévue dans le bail est une obligation dont la violation peut entraîner une résiliation fondée sur l'art. 257f al. 3 CO et en particulier si elle rend la continuation du bail insupportable pour l'appelante. Il convient de déterminer si le fait de ne pas constituer les sûretés exigées par le bail est une violation grave du contrat.

2.1 Aux termes de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

Cette disposition vise un cas particulier d'inexécution des obligations, spécifique à la relation entre bailleur et locataire, et en règle les effets. Dans son domaine de validité, elle exclut l'application des règles générales de l'art. 107 CO relatif aux droits de la partie qui ne parvient pas à obtenir le respect d'un contrat (ATF 132 III 109 consid. 5 p. 113; arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.1).

La résiliation prévue par l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes : (1) une violation du devoir de diligence incombant au locataire, (2) un avertissement écrit préalable du bailleur, (3) la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, (4) le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, (5) le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêt du Tribunal fédéral 4A_457/2013 du 4 février 2014 consid. 2 et les arrêts cités).

2.1.1 Le comportement du locataire doit constituer une violation de son devoir de diligence ou un usage de la chose en violation des stipulations du contrat (ATF 132 III 109 consid. 5 p. 113; 123 III 124 consid. 2a p. 126). Le manquement reproché au locataire doit atteindre une certaine gravité (ATF 134 III 300 consid. 3.1 p. 304).

Dans une jurisprudence récente (arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1.1), le Tribunal fédéral a retenu que la conclusion par le locataire d'une assurance de responsabilité civile visait à assurer le risque de dommages à l'objet du bail pouvant entraîner des coûts très importants; elle poursuivait un but similaire à la fourniture de sûretés prévues par l'art. 257e CO, lesquelles servaient au bailleur à se prémunir contre l'insolvabilité du locataire ou contre d'éventuels dégâts en vertu du bail (HIGI, in Zürcher Kommentar, 5ème éd. 2019, n° 5 ad art. 257e CO; LACHAT, in Commentaire romand, 2ème éd. 2012, n° 2 ad art. 257e CO).

2.1.2 Il est admis en doctrine que la violation par le locataire de son obligation de fournir des sûretés lorsque le contrat le prévoit, l'expose à la résiliation anticipée du bail sur la base de l'art. 257f al. 3 CO (HIGI, in Zürcher Kommentar, 5ème éd. 2019, n° 13 ad art. 257e CO; LACHAT, in Commentaire romand, 2ème éd. 2012, n° 8 ad art. 257e CO; LACHAT, Le bail à loyer, 2019, 1.3 p. 866, et 3.1.4, p. 885; MARCHAND, in Commentaire pratique bail, 2ème éd. 2017, n° 12 ad art. 257e CO; WYTTENBACH, in Mietrecht für die Praxis, 9ème éd. 2016, n° 15.2.6), qui a été récemment admise par la jurisprudence en cas d'omission par le locataire de conclure une assurance responsabilité civile (arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1.1).

Au vu de ce qui précède, l'omission de constituer des sûretés exigées par le bail peut donc être traitée de manière analogue à celle visant à constituer une assurance de responsabilité civile dans le cadre d'un logement d'habitation, les risques de dommages matériels et financiers liés à la remise en location de locaux commerciaux comme en l'espèce étant notoirement plus élevés. En effet, la violation par le locataire de son obligation de constituer des sûretés expose ce dernier au risque d'insolvabilité du locataire qui accuserait, en fin de bail, un arriéré dans le paiement de ses loyers ou serait débiteur de frais de remise en état de la chose louée consécutifs à des dégâts provoqués par un usage non conforme ou excessif qui aurait été fait de la chose louée et constaté lors de l'état des lieux de sortie.

La constitution de ces sûretés - représentant six mois de loyer net - apparaissait d'autant plus essentielle dans le présent cas que D______ SARL a été constituée à la mi-août 2017, peu avant la conclusion du bail, et qu'elle ne pouvait ainsi attester d'une solidité financière assurée de longue date et établie par des états financiers révisés qui aurait été propre à assurer une certaine garantie à la bailleresse. En outre, C______, autre cotitulaire du bail, étant domicilié en France, il ne pourrait, sous réserve des exceptions de l'art. 50 LP, être poursuivi par la voie ordinaire en Suisse (cf. à ce propos, GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd., 2012, n° 406; arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2018 du 5 juillet 2018 consid. 4.2). Le risque d'insolvabilité étant accru dans le présente espèce, le Tribunal n'était pas fondé à retenir que le caractère essentiel des sûretés était douteux.

Le fait que l'appelante ait accepté que la constitution des sûretés soit différée d'une année et exigible dès le 1er novembre 2018 visait à faciliter l'installation des intimés qui n'avaient ainsi pas à avancer le montant des sûretés qu'ils étaient dans l'impossibilité de constituer à la conclusion du bail. Ce point a été relevé à juste titre par le Tribunal et a été confirmé par l'administratrice de l'appelante. Il n'y avait pas lieu de déduire de cet accord et de la mise en place d'un paiement du loyer par trimestre d'avance que la constitution des sûretés ne revêtait pas, de ce simple fait, un caractère essentiel. L'exigence d'un paiement par trimestre d'avance est une garantie moindre que la constitution de sûretés correspondant à six mois de loyer, qui sont payés d'avance et bloqués en compte; l'appelante n'avait ainsi pas couvert son risque financier. De plus, celle-ci n'a laissé s'écouler qu'un mois avant de réclamer, dans un premier rappel adressé au conseil des intimés le 5 décembre 2018, la constitution des sûretés d'un montant de 13'500 fr.; il ne peut ainsi lui être reproché d'avoir tardé à agir.

L'existence de la procédure opposant les parties quant à la responsabilité de la mise en conformité des locaux aux exigences administratives permettant de les exploiter n'est pas pertinente pour trancher la question litigieuse, puisque l'art. 271a al. 1 let. d CO n'est pas applicable en cas de congé donné en application de l'art. 257f al. 3 CO. Cette procédure traduit toutefois une certaine incertitude quant à l'exploitation des locaux et renforce le risque d'insolvabilité des intimés, ce qui pouvait justifier que l'appelante réclame désormais la stricte exécution de l'obligation de constituer les sûretés convenues contractuellement.

L'omission de constituer les sûretés convenues contractuellement expose donc l'appelante à un risque de dommage important et revêt un caractère grave constituant une violation par les intimés de leur devoir de diligence.

2.2 2.2.1 L'application de l'art. 257f al. 3 CO suppose que la violation par le locataire de son devoir de diligence rende le maintien du contrat insupportable pour le bailleur. La résiliation doit respecter les principes de la proportionnalité et de la subsidiarité. Cette question doit être résolue à la lumière de toutes les circonstances de l'espèce, antérieures à la résiliation du bail (ATF 136 III 65 consid. 2.5, p. 72).

En matière de sous-location sans autorisation du bailleur, le Tribunal fédéral considère que le refus de communiquer les conditions de la sous-location (art. 262 al. 2 let. a CO) ou la sous-location à des conditions abusives (art. 262 al. 2
let. b CO) atteignent manifestement le degré de gravité requis pour rendre le maintien du bail insupportable pour le bailleur. Lorsque la violation du contrat est grave, le maintien du bail est d'emblée insupportable pour le bailleur (ATF 134 III 300 consid. 3.1 p. 304).

Il en va de même lorsque le locataire omet de contracter une assurance de responsabilité civile ou d'en transmettre une attestation à son bailleur, puisqu'il commet une violation grave du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_468/2020 du 9 février 2021 consid. 4.1.2). Il n'y a donc pas lieu de traiter différemment le cas de l'omission de constituer des sûretés. La gravité de la violation suffit en elle-même à rendre la continuation du bail insupportable pour l'appelante, si bien que le Tribunal a erré en retenant le contraire.

2.2.2 En l'espèce, les intimés ont reçu un premier rappel adressé à leur conseil le 5 décembre 2018 et sollicitant la constitution immédiate des sûretés de 13'500 fr., resté sans suite.

Un avertissement écrit leur a ensuite été notifié le 20 février 2019 fixant un ultime délai d'exécution au 28 février 2019, à défaut de quoi le bail serait résilié en application de l'art. 257f al. 3 CO. Les intimés soutiennent que ce délai d'une semaine n'est pas raisonnable au sens de cette disposition. Or, l'exigence d'un délai raisonnable n'est pas imposée par la loi (cf. LACHAT, Le bail à loyer, 2019, ch. 3.1.7 p. 886-887; WESSNER, in Commentaire pratique bail, 2ème éd. 2017, n° 34 ad art. 257f CO qui rappelle que la sommation écrite signifiée en application de l'art. 257f al. 3 CO ne doit pas être assortie d'un délai à l'encontre du locataire). Dans son courriel de réponse du 25 février 2019, l'intimé n'a pas protesté quant à la durée du délai imparti, confirmant au contraire que les démarches avaient été entamées en vue de constituer la garantie locative. Il n'apparaissait donc pas que le délai de huit jours imparti ait été insuffisant pour s'exécuter. Le fait que les organismes de cautionnement contactés - F______, G______ - n'aient finalement pas donné suite ne peut être opposé à la bailleresse, dès lors que si leur solvabilité pouvait aboutir à un refus, les intimés auraient pu opter pour le versement des sûretés sur un compte bloqué auprès d'une banque. En recevant la protestation écrite, les intimés savaient qu'ils s'exposaient à une résiliation immédiate de leur bail s'ils ne s'exécutaient pas dans le délai imparti et ne sont donc pas fondés à se retrancher derrière le refus des organismes concernés. L'argument des intimés selon lequel le délai imparti aurait été trop court tombe à faux, ce d'autant plus qu'au jour du congé, le 20 mars 2019, un délai de près d'un mois s'était écoulé depuis la protestation écrite sans que les intimés ne l'aient mis à profit pour s'exécuter.

En outre, il n'est pas clairement établi quand les démarches auprès de ces organismes de cautionnement ont été menées, ni à quel stade elles se trouvaient, faute de la production de la moindre pièce à ce propos. L'appelante a déclaré ignorer pour quelle raison la régie aurait refusé un paiement en cash dont elle n'était pas informée. Il en était de même s'agissant de G______. Si un refus semble avoir été donné s'agissant de F______, la procédure ne permet pas d'établir qu'une offre ait réellement été soumise à l'appelante, respectivement à la régie, lors de la conclusion du bail ou consécutivement à la protestation écrite du 20 février 2019, et que l'appelante aurait rendu les démarches de constitution des sûretés plus difficiles en raison d'un refus par hypothèse injustifié, point qui ne ressort nullement du dossier et que le Tribunal ne pouvait tenir pour suffisamment établi. Rien ne permettait donc de retenir que l'appelante aurait rendu les démarches de constitution des sûretés plus difficiles en raison d'un refus. Les intimés ne sauraient non plus être suivis lorsqu'ils prétendent que l'appelante serait responsable de l'impossibilité de créer dites sûretés.

Les autres conditions de l'art. 257f al. 3 CO étant réalisées pour le surplus, la Cour retient que les intimés ont gravement violé les stipulations du contrat en omettant de constituer les sûretés prévues contractuellement et ont persisté même après la protestation écrite du 20 février 2019, ce qui rendait pour l'appelante la continuation du bail insupportable.

Le jugement entrepris sera donc annulé et il sera statué à nouveau dans le sens que le congé notifié le 20 mars 2019 en application de l'art. 257f al. 3 CO, avec effet au 30 avril 2019, sera déclaré efficace.

L'admission du congé vide le grief de nullité de ce dernier soulevé par les intimés dans le cadre de l'appel joint. Ce grief est au demeurant insuffisamment motivé puisque les intimés semblent tirer la nullité du congé du seul fait que le congé ne pouvait être résilié de façon extraordinaire. Or, pour les divers motifs exposés
ci-dessus, la Cour est arrivée à la conclusion contraire.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel formé le 22 avril 2020 par SI A______ SA et l'appel-joint formé par C______ et D______ SARL le 25 mai 2020 contre le jugement JTBL/142/2020 rendu le 25 février 2020 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9232/2019.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Statuant à nouveau :

Constate l'efficacité du congé donné le 20 mars 2019 pour le 30 avril 2019 par la
SI A______ SA à C______ et D______ SARL concernant les locaux d'environ 35 m2 au rez-de-chaussée et d'environ 120 m2 au sous-sol de l'immeuble sis 1______, à Genève.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et
Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr.