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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/24564/2018

ACJC/1254/2021 du 04.10.2021 sur JTBL/599/2020 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 05.11.2021, rendu le 25.11.2021, DROIT CIVIL, 4A_569/21
Normes : CO.257f.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24564/2018 ACJC/1254/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 OCTOBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 8 septembre 2020, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

 

et

 

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Pierre BANNA, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/599/2020 du 8 septembre 2020, communiqué aux parties le 11 septembre 2020, le Tribunal des baux et loyers a déclaré efficace le congé du 27 septembre 2018 notifié par B______ SA à A______ pour le 30 novembre 2018 portant sur l'appartement de 3,5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 12 octobre 2020 à la Cour de justice, A______ forme appel de ce jugement, concluant préalablement que l'état de fait soit complété sur la base des précisions et ajouts contenus dans son écriture. Elle sollicite principalement que la Cour annule les chiffres nos 1 et 2 du dispositif de ce jugement et déclare inefficace le congé du 27 septembre 2018, subsidiairement l'annule.

b. Dans sa réponse expédiée le 12 novembre 2020 à la Cour de justice, B______ SA conclut principalement au rejet de l'appel.

c. A______ a répliqué par acte déposé au greffe le 25 novembre 2020 dans lequel elle persiste dans ses conclusions.

d. Le 23 décembre 2020, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, l'intimée n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA, A______ et C______ ont conclu le 17 juillet 1992 un contrat de bail à loyer portant sur la location par la première aux seconds d'un appartement de 3,5 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève.

Le contrat a été conclu pour une durée d'un an, du 1er août 1992 au 31 juillet 1993, et se renouvelait ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.

Le loyer annuel, hors charges, a été fixé à 13'800 fr.

b. Par avenant du 31 juillet 2008, A______ est devenue seule locataire de l'appartement.

c. Le 7 mai 2014, B______ SA, par l'intermédiaire de la régie qui la représentait, a indiqué à A______ que son comportement, consistant à procéder volontairement à des inscriptions sur la porte de la buanderie, était inacceptable et que la remise en état de cette porte serait mise à sa charge. Elle lui a par ailleurs rappelé qu'elle n'était pas autorisée à déplacer les containers comme bon lui semblait.

d. Suite à cette correspondance, plusieurs habitants de l'immeuble se sont plaints à la régie dans un courrier du 14 mai 2014 de comportements inadéquats de A______ et des nuisances en découlant, tels que claquements de porte répétitifs, musique écoutée à fort volume le soir ou le dimanche matin, des hurlements, agressions verbales, disparition d'objets ou affichettes situés dans les espaces communs, du fait qu'elle laissait les portes d'entrée, du local vélo ou du local poubelle ouvertes, fouillait dans les boîtes aux lettres et déversait des litres d'eau par la fenêtre tous les soirs. Ils ont sollicité de la régie qu'elle intervienne auprès de la locataire pour faire cesser les nuisances qui duraient selon eux depuis plusieurs années.

e. La régie a informé A______, par pli du 26 mai 2014, des griefs dont lui avaient fait part plusieurs habitants de l'immeuble précédemment et lui a demandé de bien vouloir se conformer aux règles et usages locatifs du canton de Genève, en particulier leur article 36 qui prévoit une interdiction d'incommoder les voisins, de faire du bruit perceptible depuis l'extérieur de l'appartement entre 22h et 7h et de jeter quoi que ce soit par les fenêtres ou les balcons. A______ a également été priée de laisser les portes fermées, de jour comme de nuit, pour la sécurité de tous et de laisser le concierge effectuer son travail en toute tranquillité et sérénité. Elle a été mise en demeure de cesser ses agissements, à défaut de quoi son bail serait résilié de manière anticipée conformément à l'art. 257f al. 3 CO.

f. Plusieurs habitants se sont à nouveau plaints auprès de la régie le 22 juillet 2014 de la persistance des nuisances provoquées par la locataire et de ses comportements inadéquats.

g. Le 7 août 2014, B______ SA a résilié le bail de A______ pour le 31 juillet 2015.

h. Celle-ci a contesté le congé par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

i. Par courrier du 22 octobre 2015 à la Commission de conciliation, la nouvelle régie a indiqué n'avoir plus reçu de plainte à l'encontre de A______ et que par conséquent B______ SA renonçait au congé du 7 août 2014, tout en précisant que toute nouvelle plainte pour ces mêmes motifs l'obligerait à une nouvelle résiliation, sans possibilité de négociation.

j. Le 5 avril 2017, la régie s'est adressée à A______ après avoir reçu diverses plaintes à son sujet concernant des comportements inappropriés, notamment à l'encontre du service d'immeuble, tels que : ouvertures fréquentes et sur de longues périodes des deux portes des allées, fermetures des containers dans le local containers, déplacements des cartons de tri situés devant la porte de l'immeuble dont le container à ordures, ouvertures du robinet d'eau froide dans la buanderie quasi quotidiennement et pendant de longues durées, déplacements des bidons d'eau du concierge, poses d'autocollants faits mains « pas de publicité » sur les boîtes aux lettres des autres locataires et comportements inopportuns envers les habitants de l'immeuble et les entreprises présentes. A______ a été mise en demeure de cesser ses agissements immédiatement, à défaut de quoi son bail serait résilié conformément à l'art. 257f CO.

k. Le 19 mai 2017, D______, habitante de l'immeuble 1______, s'est plainte à la régie du fait que la situation était devenue insupportable en raison du comportement de A______, laquelle appuyait plusieurs fois par jour sur tous les boutons de l'ascenseur, fouillait dans les boîtes aux lettres et déversait chaque jour depuis son balcon une grande quantité d'eau sale qui arrivait sur le sien.

l. Par courrier du 29 juin 2017 adressé à A______, la régie l'a informée avoir reçu de nouvelles plaintes et l'a mise en demeure une nouvelle fois de cesser ses comportements inappropriés, soit de descendre dans la rue en tenue très légère, d'importuner les commerces alentours et leur clientèle, de lancer du riz sur les passants depuis sa fenêtre, d'ouvrir les portes de l'immeuble au milieu de la nuit et de les laisser ouvertes, à défaut de quoi son bail serait résilié.

m. Par courrier du 19 septembre 2018, la régie après avoir constaté que la locataire s'était immiscée dans les travaux d'entretien du bâtiment en retirant les supports en linoleum installés sous les paillassons des paliers de chaque étage, a mis en demeure A______ de remettre en état les paliers détériorés et de réinstaller le matériel enlevé dans un délai de cinq jours, à défaut de quoi son bail serait résilié pour violation de son devoir de diligence. Il était précisé qu'il en irait de même en cas de récidive et que les frais de remise en état des paliers lui seraient facturés.

n. Le 20 septembre 2018, la régie, tout en se référant à ses précédentes mises en demeure des 5 avril et 29 juin 2017, a informé la locataire du fait qu'elle avait reçu de nouvelles plaintes concernant son comportement, lequel ne pouvait être toléré, qui consistait en l'ouverture constante des boîtes à lait, l'ouverture des portes des parties communes et des locaux techniques sans les refermer et l'ouverture du robinet d'eau dans la buanderie pendant de longues périodes et pratiquement quotidiennement. Elle l'a mise en demeure de cesser immédiatement son comportement et de se conformer aux règles de bonne conduite. La réception de toute nouvelle plainte entrainerait la résiliation de son bail au sens de l'art. 257f CO.

o. Par un courrier du même jour, la régie s'est adressée au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour savoir si A______ faisait l'objet d'une mesure de protection.

p. Par avis de résiliation du 27 septembre 2018, B______ SA a résilié le bail de A______ pour le 30 novembre 2018.

q. Par lettre du 4 octobre 2018, E______, qui occupe un appartement situé au-dessus de celui de A______, s'est plainte du comportement de cette dernière, notamment des sources de nuisances sonores insupportables. Elle a par ailleurs relevé que A______ continuait à ouvrir les portes des cagibis dans tous les étages, à appuyer sur tous les boutons de l'ascenseur, à ouvrir l'accès à la cave et verrouiller la porte d'entrée de l'immeuble en appuyant sur le digicode de nombreuses fois par jour.

r. La bailleresse, à la demande de A______, a précisé par courrier du 23 octobre 2018 que le congé était donné en raison de la réitération des agissements inappropriés, rendant le maintien du bail insupportable pour les autres usagers de l'immeuble. Il a notamment été fait référence aux divers avertissements adressés à A______ entre le 26 mai 2014 et le 20 septembre 2018 et aux comportements qui lui étaient reprochés dans ceux-ci.

s. A______ a contesté le congé du 27 septembre 2018 par requête déposée à la Commission de conciliation le 26 octobre 2018, laquelle a été déclarée non-conciliée à l'audience du 14 janvier 2019 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 24 janvier 2019. A______ a conclu principalement à l'inefficacité du congé du 27 septembre 2018, subsidiairement à son annulation et plus subsidiairement à une pleine et entière prolongation de bail de quatre ans échéant au 30 novembre 2022.

t. B______ SA s'est déterminée par mémoire de réponse du 21 mars 2019 et a conclu à la validation de la résiliation. Etaient produites à l'appui de la réponse des plaintes d'un habitant de l'immeuble adressées à la régie les 30 décembre 2018 et 26 janvier 2019.

u. Le 8 mai 2019, le Tribunal des baux et loyers a procédé à l'interrogatoire des parties qui ont persisté dans leurs conclusions.

Le conseil de B______ SA a indiqué que le congé se fondait tant sur les mises en demeure des 19 et 20 septembre 2018 que sur celles des 5 avril et 29 juin 2017. Entre la mise en demeure du 20 septembre 2018 et le congé du 27 septembre 2018, il y avait eu de nouvelles plaintes, par téléphone au concierge.

v. Le conseil de A______ a indiqué qu'une procédure était en cours auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, laquelle n'avait pour l'instant donné lieu au prononcé d'aucune mesure.

A______ a partiellement contesté les griefs contenus dans les mises en demeure des 5 avril et 29 juin 2017, ainsi que des 19 et 20 septembre 2018. Elle admettait avoir posé des autocollants « pas de publicité » sur les boîtes aux lettres de locataires qui étaient absents pour les vacances ou pour cause d'hospitalisation et qui lui avaient demandé de relever leur courrier et de s'occuper de leur logement. Elle a confirmé ouvrir le robinet d'eau dans la buanderie afin de la nettoyer en raison des odeurs nauséabondes, conséquences du comportement des ouvriers qui urinaient contre les murs. Elle effectuait le travail du concierge à sa place, celui-ci n'étant pas souvent physiquement dans l'immeuble. Le congé résultait d'une cabale dirigée contre elle par jalousie de F______ et de G______, le concierge, en raison du fait qu'elle était appréciée par tous les locataires de deux allées. Elle a produit une pétition en sa faveur datée du 25 janvier 2019 dans laquelle se trouvaient des remarques de sa mains.

D. a. Le Tribunal a procédé à l'audition de neuf témoins lors des audiences des 14 novembre 2019 et 27 février 2020.

b. F______, gérant technique auprès de la régie en charge de l'immeuble depuis avril 2015, a indiqué se rendre trois fois par semaine dans l'immeuble, à raison d'une ½ heure à chaque fois environ. A______ ne respectait pas le règlement. Elle ouvrait les portes palières ainsi que les boîtes aux lettres et la porte de secours derrière le bâtiment, qui doit rester fermée. Elle déplaçait les containers, ce qu'il avait pu constater directement. Elle ne contestait pas avoir enlevé les rectangles de linoleum installés sous les paillassons, les considérant comme n'étant pas hygiéniques et ne les avait jamais remis. A______ avait cessé de laisser couler le robinet d'eau froide dans la buanderie. Toutefois, il avait appris par la voirie qu'elle venait déposer du papier dans une poubelle de la Ville, alors que ces poubelles n'étaient pas destinées à recevoir ce type de déchet et la Ville s'était plainte au témoin de ce fait. Suite à la mise en demeure du 20 septembre 2018, F______ avait reçu de nouvelles plaintes d'habitants de l'immeuble qu'il avait envoyées à la régie. Ces plaintes avaient notamment trait à des nuisances sonores et à des perturbations du fonctionnement de l'ascenseur (appuyer sur tous les boutons).

c. G______, concierge de l'immeuble depuis trois ans, a indiqué au Tribunal venir tous les jours dans l'immeuble et y rester environ 1h30 par jour. Il avait personnellement constaté que A______ laissait couler l'eau dans la buanderie, dérangeait le fonctionnement de l'ascenseur (en appuyant sur tous les boutons), qu'elle ouvrait la porte de secours donnant sur la cour arrière, qu'elle déplaçait les containers et laissait régulièrement la porte de l'entrée de l'immeuble ouverte. Il avait reçu des plaintes des locataires concernant l'ouverture constante des boîtes aux lettres et le fait que l'ascenseur était couvert d'eau. Les plaintes étaient régulières depuis une période de trois ans et duraient encore. Le témoin a indiqué au Tribunal avoir l'impression de faire son travail pour rien, car, depuis trois ans, A______ passait toujours derrière lui; cela lui faisait perdre du temps.

d. H______, domiciliée dans l'immeuble depuis 2004, a indiqué au Tribunal avoir des relations cordiales avec A______ et n'avoir jamais rencontré de problèmes avec elle.

e. I______, locataire d'un appartement au 6ème étage de l'immeuble depuis 2001, a indiqué au Tribunal avoir de bons contacts avec A______ qui, à son avis, respectait les règles de bon voisinage. Cette dernière nettoyait l'ascenseur et l'entrée, mais cela ne lui posait pas de problèmes. Il n'était pas souvent chez lui et n'utilisait pas la buanderie.

f. J______, domicilié dans l'immeuble depuis très longtemps, a indiqué au Tribunal n'être chez lui qu'une ou deux fois par semaine, vivant ailleurs le reste du temps. Il avait constaté que A______ écoutait de la musique fort qui pouvait être entendue du rez-de-chaussée jusqu'au 6ème étage, en ajoutant que ceci était une horreur. Il la soupçonnait de bloquer l'ascenseur, qu'elle nettoyait, ce qu'il avait constaté et qu'il n'avait pas compris au vu du bon travail effectué par la régie dans l'immeuble. A______ arrosait également le trottoir.

g. K______ a indiqué au Tribunal être domicilié au 1______ depuis 5 ans et avoir des contacts normaux avec A______. Selon lui, cette dernière était un peu "spéciale", sûrement un peu malade, étant donné qu'elle faisait des choses bizarres comme ouvrir les boîtes aux lettres ou déposer la poubelle à des endroits un peu particuliers. Elle nettoyait parfois l'ascenseur ou l'entrée du bâtiment. Il entretenait de bonnes relations avec A______.

h. L______, ferblantier, avait passé une demi-journée chez A______ pour effectuer des travaux et n'avait rien constaté de particulier à cette occasion. Toutefois, lors de travaux effectués aux mois d'avril/mai 2019, un des ouvriers qui intervenait dans l'appartement en face de celui de A______ était régulièrement ennuyé par cette dernière, qui avait enlevé la serpillière qui se trouvait à la place du paillasson, ou avait enlevé les protections dans l'ascenseur.

i. E______ a indiqué vivre dans l'immeuble depuis 20 ans, dans un appartement au 4ème étage, soit juste au-dessus de A______. Elle subissait depuis des années de la musique très forte tôt le matin, ce qui l'empêchait de se reposer. La musique durait jusqu'à ce que A______ l'entende se réveiller. Ces nuisances étaient subies tant durant la semaine que le week-end. E______ avait constaté que A______ appuyait sur tous les boutons de l'ascenseur car lorsque cette dernière en sortait, tous les boutons étaient appuyés. De même, elle appuyait sur tous les boutons de l'entrée. Le témoin n'avait toutefois jamais vu A______ ouvrir les boîtes aux lettres, mais elle l'avait vu ouvrir la porte du local poubelles et jeter de l'eau par la fenêtre (des gros seaux). A______ laissait toujours la porte de l'entrée de l'immeuble ouverte. Le témoin a confirmé avoir signé les plaintes adressées à la régie et que certains jours elle avait envie de déménager.

j. D______ a indiqué être domiciliée dans l'immeuble depuis environ 30 ans. Elle avait vu A______ à quatre reprises fouiller dans les boîtes aux lettres en glissant sa main à l'intérieur et ouvrir les boîtes à lait. Elle avait également, à plusieurs reprises, pris le contenu des boîtes qu'elle avait jeté dans une poubelle. Le témoin avait vu A______ amener des sacs poubelles dans les poubelles publiques, ouvrir la porte d'entrée de l'immeuble la nuit, la porte du local poubelles et celle du compteur électrique, et les laisser ouvertes. Six ans auparavant, A______ avait débarrassé les paillassons de tous les étages et les avait jetés dans des containers. Elle jetait également presque quotidiennement par la fenêtre des seaux d'eau contenant une sorte de liquide bleu et ce, des deux côtés de son l'appartement, ayant pour conséquence que de l'eau tombait sur son parasol et sur ses fenêtres, qui avaient été endommagées.

k. La cause a été gardée à juger à réception des dernières écritures des parties déposées les 11 et 19 juin 2020.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 13'800 fr. par an. En prenant en compte trois années de loyer, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. (13'800 fr. x 3= 41'400 fr.).

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. 2.1 L'appelante reproche au Tribunal une constatation inexacte et incomplète des faits, celui-ci n'ayant pas retenu des éléments de témoignages en sa faveur.

2.2 En l'espèce, la Cour constate que le Tribunal a correctement retranscrit dans la partie en fait de son jugement l'essentiel des témoignages recueillis. En tant que de besoin, l'état de fait a été complété par la Cour sur quelques éléments, étant rappelé que celle-ci dispose d'un plein pouvoir de cognition.

3. 3.1 L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré comme efficace la résiliation de son bail en vertu de l'article 257f al. 3 CO, au motif qu'elle avait manqué à son devoir de diligence malgré avoir été valablement mise en demeure de cesser les comportements qui lui étaient reprochés.

3.2 L'article 257f al. 3 CO permet au bailleur de résilier un bail d'habitation dans un délai de 30 jours pour la fin d'un mois lorsque le locataire, malgré un avertissement écrit, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou a manqué d'égards envers les voisins.

L'article 257f al. 3 CO suppose la réalisation des conditions cumulatives suivantes : violation de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit du bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec les manquements évoqués par le bailleur dans sa protestation, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, le respect d'un préavis de 30 jours pour la fin d'un mois (arrêt du Tribunal fédéral, 4C_306/2003 du 20 février 2004 et 4A_87/2012 du 10 avril 2012).

La jurisprudence considère que la violation du devoir de diligence peut consister dans le non-respect du repos nocturne, ce qui porte atteinte à la tranquillité des autres locataires, ou les excès de bruit, lesquels constituent des motifs typiques du congé extraordinaire prévu par l'article 257f al. 3 CO (ATF 136 III 65 consid. 2.5). Il est sans pertinence que les excès de bruit soient dus à des troubles psychiques dont souffre le locataire et qu'il ne peut pas maîtriser (arrêts du Tribunal fédéral 4A_44/2014 du 17 mars 2014 et 4A_722/2012 du 1er mai 2013).

Les manques d'égards envers les voisins doivent revêtir un certain degré de gravité. Comme la résiliation doit également respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité, il faut, en outre, que le maintien du bail soit insupportable pour le bailleur ou pour les personnes habitant la maison. Cette question doit être résolue à la lumière de toutes les circonstances du cas d'espèce antérieures à la résiliation du bail (ATF 136 III 65 consid. 2.5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012).

Le congé doit correspondre à un fait pour lequel un avertissement initial a déjà été donné et ne peut pas survenir longtemps après ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 4C_270/2001 du 26 novembre 2001 et ACJC/1141/2003 du 10 novembre 2003).

La jurisprudence a ainsi jugé admissibles des délais de 4 mois et 6 jours, 5 mois entre l'avertissement et la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4C_264/2002 du 25 août 2003 et 4C_270/2001 du 26 novembre 2001; LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 888 ss).

3.3 Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort tant des pièces produites par l'intimée, que des témoignages des habitants de l'immeuble, du concierge et du gérant, que l'appelante est à l'origine, depuis de nombreuses années, des nuisances qui lui ont été reprochées tant dans les mises en demeure des 19 et 20 septembre 2018 que celles des 5 avril 2017 et 29 juin 2017.

Le concierge de l'immeuble et une habitante ont confirmé que l'appelante était responsable de l'enlèvement des rectangles de linoleum installés sous les paillassons des paliers de chaque étage, comportement ayant fait l'objet de la mise en demeure du 19 septembre 2018.

En ce qui concerne l'ouverture des boîtes aux lettres, des portes des parties communes et des locaux techniques, tant le concierge, que le gérant de l'immeuble que des habitants de celui-ci, ont pu constater que l'appelante était à l'origine de ces événements.

Finalement, en ce qui concerne l'ouverture du robinet d'eau situé dans la buanderie, ce comportement a pu être constaté notamment par le concierge.

De même, tant le gérant de l'immeuble, que le concierge ou les habitants ayant été entendus par le Tribunal ont confirmé que l'appelante avait adopté, de manière répétée des comportements non conformes à ce que l'on peut attendre d'un locataire. Ainsi, en plus des comportements mentionnés précédemment, l'appelante manipulait les boutons de l'ascenseur afin de le faire s'arrêter à tous les étages, nettoyait les locaux communs en lieu et place du concierge, laissait ouvertes les portes des locaux communs (local poubelles, compteur électrique) ainsi que la porte d'entrée de l'immeuble, écoutait de la musique très fort, qui pouvait être entendue du rez-de-chaussée au 6ème étage, jetait de l'eau depuis son balcon, cette eau atterrissant tant sur la chaussée que sur les balcons situés en-dessous du sien.

Par ailleurs, un des témoins entendu a vu l'appelante glisser sa main à l'intérieur de différentes boîtes à lettres afin d'y retirer leur contenu pour le jeter dans une poubelle sise sur la chaussée.

Ainsi, contrairement à ce qu'allègue l'appelante, la procédure probatoire menée par le Tribunal a permis de démontrer que les comportements reprochés à l'appelante étaient bien de son fait.

Les nuisances reprochées à l'appelante doivent être considérées comme suffisamment graves pour admettre que pour le bailleur le maintien du bail était devenu insupportable. En particulier, ces nuisances durent depuis de nombreuses années et certaines d'entre elles sont constitutives de violation de la sphère privée des habitants de l'immeuble.

Le fait que certains locataires n'aient pas constaté de violations imputables à l'appelante n'est pas déterminant, compte tenu des nombreux témoignages attestant du fait qu'elle provoque des nuisances graves et répétées dans l'immeuble.

Certains actes reprochés à l'appelante sont également constitutifs d'une ingérence inadmissible dans les activités tant du concierge, que des entreprises mandatées pour la rénovation des locaux communs.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, les mises en demeures de l'intimée, notamment celles des 19 et 20 septembre 2018, décrivent de manière suffisamment précise les comportements reprochés à la locataire. Celle-ci pouvait comprendre quels comportements lui étaient reprochés et devaient être modifiés, sous peine de résiliation de son bail. La persistance des nuisances causées par l'appelante en dépit des avertissements de l'intimée, résulte de l'examen des témoignages recueillis par le Tribunal.

Le témoin F______ a notamment confirmé que les nuisances et les plaintes des autres habitants de l'immeuble avaient perduré après le 20 septembre 2018. Selon le témoin G______ également, les plaintes étaient régulières depuis plusieurs années et n'avaient jamais cessé.

Au vu de l'ensemble des circonstances, le Tribunal a considéré à juste titre, que l'appelante avait persisté à violer ses devoirs après réception des mises en demeure des 19 et 20 septembre 2018.

L'écart de temps entre les mises en demeure des 19 et 20 septembre 2018 et la résiliation du 27 septembre 2018 n'est pas critiquable in casu compte tenu du fait que l'appelante avait été enjointe à maintes reprises par le passé de modifier son attitude, ce qu'elle n'a jamais fait.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le Tribunal n'a pas violé son droit d'être entendue car sa décision es suffisamment motivée.

En effet, la preuve des différentes nuisances reprochées à l'appelante a été apportée tant par les pièces produites que par les témoignages recueillis lors de la procédure probatoire menée par le Tribunal. S'agissant de la question de la persistance des nuisances, celle-ci a bel et bien été traitée dans le jugement entrepris, aucun reproche ne pouvant être fait au Tribunal à ce sujet.

Par conséquent, il sera confirmé que le congé du 27 septembre 2018, notifié à l'appelante pour le 30 novembre 2018 est efficace.

4. 4.1 Dans un dernier grief, l'appelante soutient que le congé extraordinaire lui ayant été notifié doit être annulé au sens de l'art. 271 al. 1 CO, celui-ci étant contraire à la bonne foi.

4.2 Dans le cadre d'une résiliation de bail en application de l'art. 257f al. 3 CO, l'admissibilité de l'annulation du congé n'est envisageable que dans des cas très exceptionnels, par exemple lorsque le bailleur a imparti au locataire un délai pour se conformer au contrat et qu'il résilie avant l'échéance fixée (BOHNET/CARRON/MONTINI, CPra no 48 ad art. 257f CO).

4.3 En l'espèce, contrairement à ce que prétend l'appelante, la persistance de son comportement, soit les nouvelles plaintes reçues par le concierge de l'immeuble, puis par le gérant de celui-ci à la suite des mises en demeure des 19
et 20 septembre 2018, justifie la résiliation intervenue le 27 septembre 2018 pour le 30 novembre 2018.

Le grief de l'appelante sera donc rejeté.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 octobre 2020 par A______ contre le jugement JTBL/599/2020 rendu le 8 septembre 2020 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/24564/2018-5-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER MARIETHOZ, juges; Madame Laurence CRUCHON et Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.