Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/822/2025 du 28.10.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/4161/2023 ATAS/822/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 28 octobre 2025 Chambre 10 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Marie-Josée COSTA, avocate
| recourant |
contre
| SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1979, était, selon le registre de l'office cantonal de la population et des migrations de Genève (OCPM), domicilié en Suisse du 5 septembre 2001 au 11 juillet 2017, date à laquelle il s’est installé en France. Il a travaillé en tant qu'installateur sanitaire pour l'entreprise B______ SA, sise à C______, et était assuré à ce titre contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA).
b. Le 13 avril 2011, l'assuré a été victime d'un accident. Selon la déclaration de sinistre du 14 avril 2011, il s'est blessé à l'épaule gauche en chutant sur un chantier. Une semaine après l’événement, il a également éprouvé des douleurs au niveau du genou droit.
c. La SUVA a accepté la prise en charge de l'accident et versé des indemnités journalières dès le 16 avril 2011.
d. Dans le cadre du suivi du dossier, la SUVA a recueilli plusieurs rapports médicaux, dont il ressortait notamment que l'assuré présentait, au niveau de l'épaule gauche, une fracture-luxation glénohumérale antéroinférieure, avec une fracture de la coracoïde, une lésion du labrum antéroinférieure, un petit arrachement du bord inférieur de la glène (lésion de Bankart) et une lésion de type Hill-Sachs.
e. L'assuré avait effectué un premier séjour, du 29 septembre au 28 octobre 2011, au sein de l'unité de médecine physique et réadaptation orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), afin de suivre un programme de rééducation en lien avec des raideurs et des douleurs constantes de l'épaule gauche.
f. Toujours en lien avec ses problèmes à l'épaule gauche, il avait également effectué deux séjours à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR), le premier du 29 novembre au 20 décembre 2011 et le second du 11 mars au 2 avril 2014.
g. Le 9 octobre 2014, la docteure D______, spécialiste en chirurgie et médecin d'arrondissement de la SUVA, a rendu un rapport à la suite de l'examen de l'assuré du 8 octobre 2014. Elle a considéré que la situation était stabilisée à défaut d'une intervention. Par appréciation du même jour, elle a estimé que le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité s'élevait à 17.5%, le cas de l'assuré étant légèrement plus marqué qu'une mobilité jusqu'à l'horizontale, étant rappelé qu'une épaule mobile jusqu'à l'horizontale était équivalente à 15%.
h. Le 28 novembre 2014, la SUVA a annoncé à l'assuré qu'elle mettait fin au paiement des soins médicaux, exception faite de la prise en charge de deux contrôles par année, de certains médicaments et du suivi au centre de la douleur jusqu'à fin février 2015. Le versement des indemnités journalières prendrait fin le 31 mars 2015, date à laquelle elle statuerait sur son droit à la rente.
i. En parallèle, l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : l'OAI), auprès duquel l'assuré avait déposé, le 23 novembre 2011, une demande de prestation, a également récolté de nombreux éléments médicaux, puis accepté de mettre en œuvre des mesures d'orientation professionnelle.
L'assuré a ainsi suivi une première mesure du 19 janvier au 17 avril 2015 auprès de l'Organisation romande pour l'intégration et la formation (ci-après : l'ORIF). Selon le rapport du centre ORIF du 1er avril 2015, l'assuré, qui avait fait preuve d’une motivation certaine, ne se servait jamais de son bras gauche, qu’il disait ne pas pouvoir lever, et l’utilisation de sa main gauche occasionnait de fortes douleurs de l’avant-bras jusqu’aux cervicales. Le fait de se servir uniquement du bras droit entraînait des inflammations au niveau de l’épaule. Il ne supportait pas la position assise ou debout plus de 30 minutes en raison des douleurs cervicales, qui entraînaient d’importantes migraines et des vertiges, et engendraient une incapacité à se concentrer. En conclusion, les limitations fonctionnelles montrées par l’assuré durant la mesure ne correspondaient pas à celles énoncées dans le rapport de réadaptation. Il avait été convenu d’abandonner les objectifs initiaux et d’accompagner l’intéressé pour effectuer les démarches nécessaires lui permettant d’éclaircir sa situation médicale.
Une seconde mesure d'orientation professionnelle a été organisée, cette fois-ci auprès de la fondation PRO, entreprise sociale privée (ci-après : PRO), du 19 octobre 2015 au 17 janvier 2016. Il ressortait du rapport d'évaluation du 14 mars 2016 que l’intéressé avait été absent 17 jours sur les 56 jours ouvrables de la mesure. À la suite de plusieurs arrêts maladie, le taux d’activité avait été réduit de 100% à 50%, puis à 25%, avant un arrêt de travail à 100%. Les limitations constatées étaient très invalidantes. Cette situation confirmait l’incapacité de l’assuré à occuper un poste de façon durable, même dans un environnement protégé.
j. Par décision du 12 janvier 2017, l’office AI pour les assurés résidant à l'étranger (l'OAIE) a octroyé à l’intéressé une rente entière dès le 1er mai 2012, sous déduction des indemnités journalières versées.
k. La SUVA a mis en œuvre une expertise, dont elle a confié la réalisation au docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique. Dans son rapport du 28 juillet 2017, l’expert a retenu les diagnostics de cervicobrachialgies gauches atypiques avec une raideur de l'épaule et une sous-utilisation du membre supérieur gauche, ainsi que des gonalgies internes du genou droit. Le bilan radiologique n'avait pas permis de mettre en évidence un substrat anatomique à l'origine des symptômes. Les cervicobrachialgies avaient été causées, au degré de la vraisemblance prépondérante, par l'événement du 13 avril 2011 et les atteintes à la santé constatées ne reposaient pas sur un substrat organique. Le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe (ci-après : SDRC ou CRPS [pour complex regional pain syndrome]) du membre supérieur gauche ne pouvait pas être confirmé au vu des éléments du dossier et de l'examen clinique. Au regard des séquelles de l'accident, la capacité de travail était de 100% dans une activité ne nécessitant pas le membre supérieur gauche au-dessus des épaules et le port de charges moyennes à lourdes, la montée des échelles, avec un rendement de 80%. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité était évaluée à 15%.
Dans son complément d'expertise du 6 février 2018, le Dr E______ a précisé que la symptomatologie initiale était clairement liée à l'événement du 13 avril 2011, mais qu'il n'existait pas de substrat organique ni d'autres causes permettant d'expliquer la symptomatologie actuelle.
l. Par courrier du 27 septembre 2017, l'assuré a contesté la valeur probante du rapport d'expertise du Dr E______ et a transmis, à l'appui de sa position, deux rapports des HUG établis les 31 juillet et 22 septembre 2017.
B. a. Par décision du 30 mai 2018, confirmée sur opposition le 5 juillet 2018, la SUVA, s'appuyant sur les rapports du Dr E______, a mis un terme au paiement des frais de traitement au 3 juin 2018 et au versement des indemnités journalières au 31 mars 2015, motif pris qu'il n'existait pas de séquelles ayant un lien de causalité adéquat avec l'accident. Ainsi, l'assuré ne pouvait bénéficier ni d'une rente ni d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Par simplification, elle renonçait à demander la restitution de ladite indemnité, versée le 28 avril 2015.
b. Saisie d'un recours de l'assuré contre la décision du 5 juillet 2018, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) a, par arrêt du 19 février 2019 (ATAS/138/2019), partiellement admis le recours, annulé ladite décision et renvoyé la cause à la SUVA pour qu'elle sollicite les rapports médicaux pertinents faisant défaut, notamment ceux obtenus par l'OAI durant les mesures d'ordre professionnel, et mette en œuvre une expertise. En substance, elle a nié toute valeur probante aux rapports d'expertise du Dr E______, de sorte qu'aucune stabilisation de l'état de santé de l'assuré ne pouvait, en l'état du dossier, être admise. Elle a en outre relevé que le SDRC n'avait pas été pris en considération par l'expert, lequel s'était contenté de déclarer qu'il ne pouvait confirmer ce diagnostic, pourtant retenu par plusieurs médecins. Il n'était pas non plus possible, au vu des pièces du dossier, de se prononcer sur le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.
c. À la suite de cet arrêt, la SUVA a confié la réalisation de l'expertise requise aux docteurs F______, spécialiste en neurologie, et G______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie.
d. Le 27 octobre 2020, le Dr F______ a rendu son rapport d'expertise neurologique, aux termes duquel il a posé, à titre de diagnostics avec une répercussion sur la capacité de travail, des séquelles d'un traumatisme fermé de l'épaule gauche du 13 avril 2011 avec un status post-luxation gléno-humérale antéro-inférieure gauche, une fracture du processus coracoïdien gauche, une capsulite rétractile post-traumatique gauche, une sous-utilisation fonctionnelle du membre supérieur gauche et une absence de lésions neurologiques (radiculaire, plexulaire et tronculaire). L'expert n’a retenu aucune lésion neurologique impliquant le tableau clinique lié aux plaintes de l'assuré, tableau qui correspondait à une atteinte essentiellement fonctionnelle, la problématique étant peut-être sous-tendue par une pathologie ostéo-articulaire orthopédique. Au vu de l'échec des multiples approches thérapeutiques conservatrices, il a proposé soit une mobilisation sous narcose, soit avec un bloc nerveux supra-scapulaire accompagné d'une mobilisation active assistée par un physiothérapeute. Une réinsertion professionnelle devait être contextualisée et était non réalisable chez un patient excluant son membre supérieur gauche de son schéma corporel. Une prise en charge chez un ergonome avec un soutien psychologique était à envisager dans les meilleurs délais.
e. Le Dr G______ a rendu son rapport d'expertise orthopédique le 3 février 2021. Il a retenu, comme diagnostics avec une influence sur l'état de santé actuel de l'assuré, un syndrome douloureux somatoforme persistant, une arthrose de l'articulation acromio-claviculaire gauche, une cervico-brachialgie gauche, un état anxieux et dépressif mixte, une macroprolactinome hypophysaire et une gonalgie droite à la suite d'une chondropathie. À titre de diagnostics sans influence sur l'état de santé actuel, il a noté un status après un premier et unique épisode de luxation gléno-humérale gauche (2011), un status après réduction et immobilisation, une fracture non-déplacée de l'apophyse coracoïdienne, des lésions de Hill-Sachs et de Bankart et un status après capsulite rétractile
(2011 - 2014). Concernant la causalité, l'expert a considéré qu'au moment de l'expertise, toutes les atteintes causées par l'événement du 13 avril 2011 – à savoir la luxation de l'articulation gléno-humérale gauche, la petite lésion de Hill-Sachs, la petite lésion osseuse en forme d'une petite fracture-arrachement du coin antéro‑inférieur (Bankart) et la fracture non-déplacée de l'apophyse coracoïde – étaient guéries et n'influençaient plus l'état de santé de l'assuré. Il n'y avait pas de récidive d'une instabilité de l'épaule, les lésions de la glène et de Hill-Sachs avaient disparu et la fracture de l'apophyse coracoïdienne était consolidée. Suite à l'événement, des complications étaient apparues, avec une capsulite rétractile très sévère qui avait duré trois ans et un syndrome épaule-main, pour lequel aucun examen neurologique ou de scintigraphie, ni aucun traitement n'avaient permis d'objectiver les douleurs. À partir de 2014, les importantes autolimitations de l'assuré ne se laissaient plus expliquer par des lésions séquellaires
post-traumatiques de l'épaule. Quant aux gonalgies droites et cervico-brachialgies, il n'existait pas de causalité naturelle et les multiples investigations n'avaient pas permis de démontrer un substrat organique. Parmi les atteintes constatées, l'arthrose acromio-claviculaire gauche, la gonarthrose débutante au genou droit et l'adénome de l'hypophyse reposaient sur un substrat organique. Un diagnostic de SDRC du membre supérieur gauche ne pouvait pas être confirmé sur la base du dossier et de l'examen clinique. En raison des troubles psychiatriques, l’assuré présentait une invalidité complète et, sur cette base, l'assurance-invalidité lui avait octroyé une rente entière depuis 2016 ; aucune amélioration n'avait pu être observée malgré un traitement psychiatrique. De façon théorique, au regard des séquelles de l'accident, à partir du 8 octobre 2014, le travail habituel n'était pas exigible, mais la capacité de travail pour une activité adaptée était entière, en évitant de soulever des charges au-dessus du niveau de l'épaule, de travailler
au-dessus de la tête, monter les escaliers ou des échafaudages et « limitation à soulever des poids d'une façon non-répétitive à 10 kg ». Depuis 2014, il n'existait plus de séquelles liées à l'accident et l'état de santé de l'assuré était stabilisé. Depuis 2016, il était entièrement invalide à la suite « de troubles de maladie ». Il n'était plus possible d'estimer l'atteinte à l'intégrité physique durable liée à l'accident et le maintien de la valeur de 17.5% pour l'indemnité pour atteinte à l'intégrité était proposé.
f. Par courrier du 26 avril 2021, l'assuré a contesté la valeur probante des rapports d'expertise, en argumentant sa position. Il a joint un certificat médical non daté de la docteure H______, médecin généraliste, rapportant des douleurs devenues permanentes, soit des cervicalgies avec des céphalées irradiant jusque derrière l'œil gauche et une névralgie cervico-brachiale gauche insomniante.
g. Dans une appréciation neurologique du 24 juin 2021, le docteur I______, spécialiste en neurologie et médecin-conseil de la SUVA, a conclu à l'absence d'une atteinte nerveuse au niveau du membre supérieur gauche en lien de causalité avec l'accident, sur la base de l'expertise du Dr F______. En conformité avec les constatations du Dr G______, un trouble fonctionnel, sans substrat organique avéré, pouvait être apprécié. La proposition du Dr F______ d'une mobilisation de l'épaule gauche sous narcose avait été expressément refusée par l'assuré. Au vu de l'évolution défavorable sur une dizaine d'années, d'autres mesures thérapeutiques n'étaient pas susceptibles d'améliorer de manière notable l'état de santé de l'assuré.
h. Interpellés par la SUVA, les experts ont répondu à des questions complémentaires et précisé leurs rapports par courriers des 23 septembre, 24 et 29 novembre 2021 pour le Dr G______ et des 25 octobre 2021 et 24 janvier 2022 pour le Dr F______.
i. Dans des observations motivées du 7 mars 2022, l'assuré a remis en cause les réponses des experts.
C. a. Par décision du 8 avril 2022, la SUVA a mis un terme au paiement des frais de traitement au 3 juin 2018 et maintenu la fin des indemnités journalières au
31 mars 2015, au motif que les expertises médicales montraient que des causes organiques ne suffisaient pas pour expliquer les troubles qui persistaient chez l'assuré. Au vu des critères déterminants, un lien de causalité adéquate n'était pas établi. En l'absence de séquelles ayant un rapport de causalité avec l'accident, l’intéressé n’avait pas le droit à une rente d'invalidité, ni à une indemnité pour atteinte à l'intégrité corporelle. Par simplification, elle renonçait toutefois à lui demander la restitution de ladite indemnité versée le 28 avril 2015.
b. Le 20 mai 2022, l'assuré a formé opposition à l'encontre de la décision précitée, concluant à son annulation et au réexamen de ses droits, avec une nouvelle expertise auprès de nouveaux experts, d'autres examens et spécialités étant nécessaires. En substance, il a contesté toute valeur probante aux expertises et compléments des Drs G______ et F______, et reproché à la SUVA d'avoir pris une décision basée uniquement sur ces documents.
c. Interpellé une nouvelle fois par la SUVA, le Dr G______ s'est déterminé le 26 septembre 2022 à propos d'une apparente contradiction dans son rapport du 3 février 2021.
d. Le 24 octobre 2022, l'assuré a derechef contesté toute valeur probante aux avis du Dr G______.
e. Par décision sur opposition du 17 novembre 2023, la SUVA a confirmé sa décision du 8 avril 2022 et rejeté l'opposition de l'assuré. S'agissant des troubles psychiques de l'assuré, leur réalité, leur caractère incapacitant et leur lien de causalité naturelle avec l'accident pouvaient demeurer ouverts, dans la mesure où la causalité adéquate entre ceux-ci et l'accident du 13 avril 2011 pouvait d'emblée être niée. La chute de l'assuré devant être qualifiée de gravité moyenne, à la limite inférieure, les critères jurisprudentiels nécessaires n'étaient pas remplis. Concernant les troubles somatiques, les expertises des Drs F______ et G______ satisfaisaient parfaitement aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante et leurs conclusions, dûment motivées, emportaient la conviction.
D. a. Par acte du 12 décembre 2023, l'assuré, représenté par son avocate, a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu’une expertise médicale judiciaire soit ordonnée et, principalement, à l'annulation des décisions des 8 avril 2022 et 17 novembre 2023, à ce qu'il soit dit et constaté qu'il avait droit à une rente entière d'invalidité à compter du 1er avril 2015, que l’intimée devait continuer à prendre en charge tous ses frais médicaux en lien avec l'accident au-delà du 3 juin 2018, qu'il devait être mis au bénéfice d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité, et à ce que la cause soit renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le recourant a fait grief à l'intimée d'avoir rendu une décision reposant uniquement sur les appréciations des Drs G______ et F______ alors que leurs expertises et compléments d'expertise étaient dénués de toute valeur probante, pour les motifs qu'il a explicités. Il a également relevé que l'intimée avait admis le lien de causalité naturelle fondant son droit à des prestations, versant des indemnités journalières jusqu'au 31 mars 2015 et une indemnité pour atteinte à l'intégrité, et en prenant en charge les frais de traitement jusqu'au 3 juin 2018. N'ayant pas rendu vraisemblable un quelconque fait interruptif de causalité, il incombait à l'intimée de prendre en charge les suites de son accident.
Le recourant a produit un bordereau de pièces.
b. Dans sa réponse du 3 janvier 2024, l'intimée a conclu au rejet du recours, considérant que les rapports des experts étaient probants.
c. Les 7 et 21 février 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, en motivant chacune encore leur position.
d. Le 14 mars 2024, le recourant a encore argumenté ses griefs et produit un rapport d'expertise médicale du 24 février 2024 du docteur J______, médecin généraliste et expert auprès de la Cour K______, France, dans le cadre d'une procédure judiciaire française l'opposant à L______ Assurances SA, dont il ressortait que la raideur sévère de l'épaule gauche, dans l'ensemble de ses axes, était comparable aux amplitudes articulaires décrites par les différents chirurgiens orthopédistes des HUG consultés de 2011 à 2017. L'importance de cette raideur séquellaire, imputable à l'accident du 13 avril 2011, sans participation d'un état antérieur, était incompatible avec l'exercice de toute profession, ainsi qu'avec la conduite automobile nécessaire pour se rendre sur un lieu de travail quelconque. L’intéressé n'avait pas la capacité de reprendre une activité professionnelle quelconque, à temps partiel, depuis le jour de son accident et ce, de manière définitive.
e. Le 27 mars 2024, l'intimée a maintenu sa position et indiqué que l'expertise produite ne pouvait se voir conférer de valeur probante du fait que son auteur n'avait eu connaissance que de 25 pièces médicales alors que le dossier en comptait environ 80, et que les rapports d'expertise des Drs F______ et G______ n’avaient pas été portés à sa connaissance.
f. Le 27 septembre 2024, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait ordonner une expertise judiciaire qui serait confiée au
docteur M______, spécialiste en neurologie, et auprofesseur N______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et leur a communiqué les questions qu’elle soumettrait aux experts.
g. Par pli du 16 octobre 2024, le recourant a indiqué ne pas avoir de motif de récusation à l’encontre des experts et suggéré l’ajout de questions.
h. Le 18 octobre 2024, l’intimée s’est opposée à la désignation du
Prof. N______, lequel avait été à la tête du service de chirurgie des HUG au cours des années durant lesquelles le recourant y avait été traité. Il était donc inadéquat qu’il œuvre en tant qu’expert et soit amené, éventuellement, à contacter ses anciens collèges. Elle a proposé le nom d’un autre spécialiste en orthopédie, ainsi que la modification de certaines questions.
i. En date du 24 octobre 2024, le recourant a considéré que la demande de changement d’expert orthopédique semblait infondée. Il a refusé l’expert suggéré par l’intimée et évoqué deux autres spécialistes.
j. Par ordonnance du 4 novembre 2024, la chambre de céans a confié l'expertise judiciaire bidisciplinaire au Dr M______ et au Prof. N______ (ATAS/851/2024).
En substance, elle a considéré que le rapport d'expertise du Dr G______ et ses compléments ne pouvaient se voir reconnaître une quelconque valeur probante. Il n'avait pas fait preuve de la retenue qui s'imposait à lui en sa qualité d'expert puisque ses rapports comprenaient de nombreuses qualifications dépréciatives et des jugements de valeur sur les personnes du recourant et de son conseil. Son expertise n'avait pas été rédigée en pleine connaissance du dossier. Enfin, ses rapports contenaient plusieurs contradictions et incohérences et n'étaient pas convaincants. Quant au rapport d'expertise du Dr F______ et ses différents compléments, il n'y avait pas lieu d'examiner en détails leur valeur probante, puisque la lecture seule du volet neurologique ne permettait pas d'établir les diagnostics ayant des répercussions sur la capacité de travail. En effet, cet expert neurologue avait notamment conclu que les différentes atteintes du recourant n'était pas d'origine neurologique et que la problématique était peut-être sous‑tendue par une pathologie ostéo-articulaire orthopédique.
La chambre de céans a par ailleurs rejeté la demande de récusation formée par l'intimé à l'encontre du Prof. N______, concluant qu’il n'y avait pas d'apparence de prévention, ce d’autant que ce médecin n’avait pas œuvré comme médecin traitant du recourant.
k. Le 24 mars 2025, le Prof. N______ a rendu son rapport d'expertise. Il en ressort que le recourant – qui avait été examiné par l'expert le 18 février 2025 – présentait, comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail et séquellaire à l'accident du 13 avril 2011, une fracture-luxation glénohumérale antéroinférieure avec fracture de la coracoïde gauche, lésion du labrum antéroinférieure, petit arrachement du bord inférieur de la glène (lésion de Bankart) et lésion de Hill-Sachs, une légère neuropathie motrice du nerf cubital au coude gauche, un status post capsulite rétractile, un status post SDRC, une raideur du coude gauche, ainsi qu'une raideur et une négligence du membre supérieur gauche. À titre de diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, étaient retenus des lombalgies communes non déficitaires (M54.5), des gonalgies droites depuis le 13 avril 2011, une cure de hernie inguinale gauche à l'âge de 8 ans, un macroadénome hypophysaire prolactinome diagnostiqué en avril 2015, une hypothyroïdie périphérique, un trouble anxieux depuis le
13 avril 2011, de l'arthrose acromioclaviculaire depuis 2017 et des cervicobrachialgies gauches depuis le 19 juin 2015.
Sur le plan du membre supérieur gauche, la situation était stabilisée depuis le 8 octobre 2014. Il existait un substrat anatomique évident, à commencer par la luxation glénohumérale et son cortège de lésions accompagnatrices (Bankart, Hill-Sachs, fracture coracoïde) ayant évolué vers une épaule gelée qui avait abouti à une raideur chronicisée touchant l'épaule et le coude gauches sur fond de SDRC. Les critères de Budapest étaient remplis, de sorte que l'état du recourant était compatible avec un SDRC. Les atteintes constatées (raideur articulaire douloureuse de l'épaule et du coude gauches), y compris le SDRC, se trouvaient en lien de causalité avec l'accident du 13 avril 2011 et la luxation glénohumérale traumatique de l'épaule gauche constituait la preuve physique de la lésion et le facteur déclenchant du SDRC. Ce syndrome était apparu dans les suites du traitement par immobilisation, c'est-à-dire dans les six à huit semaines qui avaient suivi l'accident en cause. Le statu quo sine vel ante n'avait jamais été atteint.
S'agissant des limitations fonctionnelles, l'utilisation du membre supérieur gauche n'était pas possible en raison du SDRC et les lombalgies communes entrainaient une limitation du port de charge à 5 kg, le travail en porte-à-faux devait être évité, de même que l'utilisation d'échelle et d'escabeau ainsi que la station debout ou assise prolongée. La capacité de travail était nulle depuis l'accident du
13 avril 2011 dans l'activité habituelle. Elle était également nulle dans une activité adaptée, ce qui avait été constaté par l'OAI. La douleur constante engendrée par le SDRC avec la raideur de l'épaule gauche et la négligence du membre supérieur gauche ajoutées à la surcharge douloureuse sur sursollicitation de l'épaule droite réduisaient à néant la capacité de travail. Après presque quinze ans d'évolution d'un SDRC chronicisé avec raideur de l'épaule et du coude, un traitement autre que de soutien, par antalgie et physiothérapie, n'avait aucune chance de succès et ne pourrait pas améliorer la capacité de travail. Pour le maintien de l'état actuel, le traitement de soutien, ainsi qu'un suivi psychologique étaient nécessaires. Le pronostic quant à une récupération de l'usage du membre supérieur gauche était mauvais mais une réévaluation périodique était néanmoins indiquée. Enfin, selon les tables de la SUVA, l'atteinte à l'intégrité était au total de 27.5%, soit 17.5% pour l'atteinte à l'épaule et 10% pour l'atteinte au coude.
Le Prof. N______ a indiqué qu'il avait eu un consilium avec le Dr M______ le 20 mars 2025. Leurs opinions étaient consensuelles, à savoir que le recourant ne présentait pas de lésion neurologique et que le diagnostic de l'état actuel était un SDRC sévère amenant à une raideur douloureuse majeure de l'épaule et du coude gauches. Ce diagnostic était une conséquence directe du traumatisme du 13 avril 2021 et les experts étaient d'avis que la capacité de travail dans toute activité était nulle depuis l'accident.
l. Le 3 avril 2025, le Dr M______ a transmis à la chambre de céans son propre rapport d'expertise. Cet expert – qui a examiné l'assuré le 18 mars 2025 – n'a retenu aucun diagnostic sur le plan neurologique. Le tableau retenu était celui d'une épaule gelée sans substrat neurologique sous-jacent, en particulier sans anomalie neurogène d'origine traumatique, mais objectivable par une hypomyotrophie segmentaire de sous-utilisation. Il existait quelques atypies traduisant une surcharge, en particulier une douleur qui irradiait jusque derrière l'œil gauche mais pour le reste le tableau était cohérent. Les troubles sensitifs diffus pouvaient être attribués à des séquelles de CRPS. Il existait un substrat organique mais pas sur le plan neurologique. Ces conclusions avaient été discutées et retenues consensuellement avec le Prof. N______. Le Dr M______ partageait les conclusions du Dr F______ et précisait qu'en tant que neurologue, il n'avait pas les compétences pour se prononcer sur une expertise orthopédique telle que celle du Dr G______.
m. Le 9 avril 2025, ces deux rapports d'expertise ont été transmis aux parties, lesquelles ont été invitées à faire part de leurs conclusions après expertise.
n. Par détermination du 9 mai 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions, précisant qu'il convenait de confirmer le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité tel que déterminé par le Prof. N______. L'expertise judiciaire remplissait les prérequis pour se voir reconnaitre pleine valeur probante et les experts avaient conclu consensuellement à une totale incapacité de travail dans toute activité suite aux séquelles de son accident, à la nécessité d'un traitement pour maintenir l'état actuel et à la fixation du taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à 27.5%.
o. Le 19 mai 2025, l'intimée a maintenu ses conclusions, estimant qu'il existait des motifs impérieux de s'écarter du rapport du Prof. N______. Ses conclusions sur la capacité de travail étaient erronées, dès lors qu'en retenant une surcharge douloureuse sur sursollicitation de l'épaule droite, l'expert s'écartait de ses propres constatations cliniques, des plaintes du recourant et des diagnostics retenus lesquels n'avaient mis en évidence aucun trouble de l'épaule droite. En outre, elle s'est référée aux critiques émises à l'encontre de l'expertise par son
médecin-conseil, le docteur O______, spécialiste en chirurgie orthopédique.
Dans cette appréciation du 9 mai 2025, le Dr O______ a estimé qu'il existait un conflit d'intérêt clair avec le Prof. N______, lequel s'était vu communiquer une copie du courrier du Dr P______ au Dr Q______ daté du 18 mars 2013, ce qui était inhabituel. Dans son résumé des pièces, le Prof. N______ avait fait des commentaires – ce qui était également inhabituel, voire incorrect –, et ce en particulier à l'égard de l'expertise du Dr. G______ qu'il critiquait pour dénigrer d'emblée son rapport. Un résumé était en général neutre et la critique était exprimée lors de l'appréciation synthétique du dossier, ce qui devait permettre au lecteur de se faire une idée objective de la situation. Les limitations fonctionnelles décrites ne concernaient pas le problème à charge de l'intimée, à savoir les séquelles d'une fracture luxation glénohumérale gauche compliquée d'une capsulite rétractile qui n'avait pas récupéré. Les limitations fonctionnelles étaient le travail avec le bras gauche au-dessus du plan des épaules pour les charges moyennes à lourdes en privilégiant les activités mono-manuelles. Il avait de la peine à comprendre pourquoi les limitations fonctionnelles proposées par le Prof. N______ étaient complètement différentes, le recourant n'avait quasi pas de capacité résiduelle, était incapable de travailler ce qui était difficilement compréhensible des suites d'un évènement qui ne concernait que le membre supérieur gauche. Il s'agissait probablement d'un jugement de la capacité de travail dans sa globalité, sans faire la part des choses entre les suites de l'évènement du 13 avril 2011 et la situation actuelle dans sa globalité.
p. Le 6 juin 2025, le recourant a considéré que les critiques émises par l'intimée à propos de la structure « déroutante » du rapport d'expertise et de l'absence de mention du rapport du 18 mars 2013 adressé en copie au Prof. N______, relevaient de l'abus de droit. S'agissant des reproches sur la structure de l'expertise, ils n'étaient pas fondés dès lors que l'expert s’était prononcé concrètement sur les rapports au dossier comme le demandait la jurisprudence. Concernant le rapport du 18 mars 2013, il s'agissait en réalité d'un courrier ne contenant aucune prise de position et qui n'avait ainsi aucune influence sur l'analyse du cas. Par ailleurs, la transmission d'une copie de ce simple courrier ne voulait pas dire que le Prof. N______ avait été impliqué dans le dossier avant son expertise. Il était donc faux de prétendre qu'il y aurait eu un conflit d'intérêt. Enfin, la chambre de céans s'était d'ores et déjà prononcée sur le fait que le Prof. N______ avait dirigé le service des HUG durant les années pendant lesquelles le recourant y avait été traité, de sorte que l'intimée revenait sur un point déjà tranché. Quant aux remarques de l'intimée et du Dr O______ à propos des conclusions de l'expertise sur la capacité de travail et les limitations fonctionnelles, il convenait d'interpeller l'expert sur ces points.
q. Interpellé par la chambre de céans à propos des remarques émises par l'intimée et le Dr O______, le Prof. N______ y a répondu par pli du 4 juillet 2025. La critique sur la forme de son expertise n'était pas fondée et n'avait aucune influence sur le fond, étant précisé qu'il aurait pu inclure ces éléments dans une autre partie de son rapport. Il n'avait aucun souvenir d'avoir été consulté pour ce cas et, malgré les courriels mentionnant son nom, aucun avis ou opinion qu'il aurait émis concernant le recourant n'apparaissait dans le dossier. S'agissant de l'épaule droite, le fait que l'examen clinique ne montrait pas de raideur ou de perte de force de cette épaule n'impliquait pas que ce membre puisse être utilisé dans le cadre d'une activité lucrative. Des essais en ce sens avaient été réalisés mais les évaluations faites par des professionnels – ressortant de rapports, courriers et notes au dossier – démontraient à l'évidence l'incapacité fonctionnelle du recourant à exercer une profession lucrative. Cette incapacité était le fait du développement d'un SDRC invalidant séquellaire à la luxation de l'épaule gauche du 13 avril 2011. Un traumatisme pouvait mener à l'instauration d'un SDRC qui touchait un membre atteint dans sa totalité et au-delà. Ce membre restait douloureux et enraidi ce qui entravait la vie, le travail et les fonctionnalités des patients, lesquels étaient atteints dans leur globalité par l'évolution néfaste de ce traumatisme. L'intimée connaissait les séquelles qu'entrainait le SDRC, puisqu'elle y avait consacré un livre entier. Or, il était reconnu dans une abondante littérature que le SDRC ne touchait pas seulement la région anatomique atteinte mais s'étendait aux articulations adjacentes et même dans certains cas au membre controlatéral. Les limitations retenues par l'intimée, à savoir le travail avec le bras gauche au-dessus du plan des épaules pour les charges moyennes à lourdes en privilégiant les activités mono-manuelles, n'étaient pas réalistes, le recourant pouvant à peine décoller son bras gauche du tronc. L'incapacité de travail était évidemment à la charge de l'intimée s'agissant de l'apparition d'une épaule gelée, puis d'un SDRC très sévère suite à une fracture-luxation de l'épaule gauche, soit à l'évidence un traumatisme.
r. Ce pli a été transmis aux parties par courrier du 7 juillet 2025.
1. La compétence de la chambre de céans et la recevabilité du recours ont déjà été examinées dans l'ordonnance d'expertise. Il suffit d'y renvoyer.
2. Le litige porte sur la question de savoir si l'intimée était fondée à mettre un terme au paiement des frais de traitement au 3 juin 2018 et à nier le droit du recourant à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité corporelle, singulièrement sur la valeur probante de l'expertise judiciaire.
3.
3.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3.2 Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. L’accident étant survenu avant le 1er janvier 2017, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit
(cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au
31 décembre 2016.
4. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; 122 V 230 consid. 1 et les références).
La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
4.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1). Ainsi, l’assureur-accidents doit également prendre en charge les suites indirectes d’un accident (RAMA 2003 no. U 487 p. 337
consid. 5.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_684/2008 du 5 janvier 2009
consid. 5.1 et 8C_444/2008 du 23 décembre 2008 consid. 5 ; ATAS/848/2013 du 2 septembre 2013 consid. 5b/aa).
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ;
RAMA 2000 n. U 363 p. 46).
4.2 Les notions de syndrome douloureux régional complexe, algodystrophie ou maladie de Suedeck appartiennent aux maladies neurologiques, orthopédiques et traumatologiques et constituent ainsi une atteinte à la santé physique, respectivement corporelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2023 du
12 décembre 2023 consid. 3.2). Ils désignent, en médecine, un état maladif post‑traumatique, qui est causé par un traumatisme bénin, qui se transforme rapidement en des douleurs importantes et individualisées avec des sensations de cuisson, qui s’accompagnent de limitations fonctionnelles de type moteur, trophique ou sensori-moteur. Toute une extrémité ou une grande partie d’une zone du corps est touchée. Les causes peuvent non seulement être une distorsion d’une articulation mais aussi, par exemple, un infarctus. La discordance entre le traumatisme à l’origine, qui peut en réalité être qualifié de bagatelle, et les conséquences est importante. L’étiologie et la pathogenèse de ce syndrome ne sont pas claires. C’est pourquoi, selon la jurisprudence, pour qu’un tel syndrome puisse constituer la conséquence d’un accident, les trois critères suivants doivent être réalisés : a) la preuve d'une lésion physique (comme par exemple un hématome ou une contusion) après un accident ou l'apparition d'une algodystrophie à la suite d'une opération nécessitée par l'accident ; b) l'absence d'un autre facteur causal de nature non traumatique (comme par exemple un état après infarctus du myocarde, après apoplexie, après ou lors de l’ingestion de barbituriques, lors de tumeurs, de grossesses ; etc.) et c) une courte période de latence entre l'accident et l'apparition de l'algodystrophie, soit au maximum six à huit semaines (arrêts du Tribunal fédéral 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 5.2.1 ; 8C_871/2010 du 4 octobre 2011 consid. 3.2 et 8C_384/2009 du 5 janvier 2010 consid. 4.2.1 in SVR 2010 UV n° 18 p. 69). Pour admettre un lien de causalité naturelle, il n'est pas nécessaire que le diagnostic ait été posé dans les six à huit semaines après l’accident ; il est en revanche déterminant que sur la base de constatations médicales effectuées en temps réel, il soit établi que la personne concernée a présenté, au moins partiellement, des symptômes typiques du CRPS durant la période de latence de six à huit semaines après l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3.2 et les références). La causalité naturelle peut également être admise si le syndrome fait suite à une opération en lien avec l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_27/2019 du
20 août 2019 consid. 6.4.2 et les références citées).
Pour la validation du diagnostic, il est communément fait référence aux critères dits « de Budapest », qui sont exclusivement cliniques et associent symptômes et signes dans quatre domaines : sensoriels, vasomoteurs, sudomoteurs/oedème, moteurs/trophiques (arrêts du Tribunal fédéral 8C_234/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3.2 ; 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 5.1). Lorsqu'il s'agit d'écarter le diagnostic, le médecin ou l'expert médical doit le faire après avoir analysé les critères de Budapest (arrêt du Tribunal fédéral 8C_863/2018 du 10 mars 2020 consid. 4.4 cité dans : David IONTA, Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) et causalité en LAA, in Jusletter du 18 octobre 2021, p. 10).
4.2.1 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 143 II 661 consid. 5.1.2 ;
139 V 156 consid. 8.4.2). En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références).
5. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux
(ATF 125 V 351 consid. 3b).
Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
5.3 Il appartient avant tout aux médecins, et non aux spécialistes de l'orientation professionnelle, de se prononcer sur la capacité de travail d'un assuré souffrant d'une atteinte à la santé et sur les éventuelles limitations résultant de celle-ci. Cependant, les organes d'observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire entre les médecins et les organes d'observation professionnelle, on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré. En effet, dans les cas où ces appréciations (d'observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l'administration, respectivement au tribunal – conformément au principe de la libre appréciation des preuves – de confronter les deux évaluations et, au besoin, de requérir un complément d'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_607/2024 du 18 août 2025 consid. 5.1.2 et les références).
On relèvera que dans un arrêt récent, destiné à la publication, le Tribunal fédéral a notamment opéré une confrontation entre une expertise médicale et les avis des spécialistes en réadaptation professionnelles et reproché à l'expert de ne pas avoir expliqué la contradiction manifeste entre une capacité de travail estimée à 70% et l'échec de toutes les tentatives de réinsertion (LACI et LAI) menées par l'assuré, qui n'avait pas présenté de signes d'exagération lors desdites tentatives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_539/2024 du 12 juin 2025 consid. 4).
6. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA).
6.1 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).
Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, dans sa teneur en vigueur jusqu'au
31 décembre 2020) ; seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain ; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2). Depuis le 1er janvier 2021, l'expression « marché du travail équilibré dans son domaine d'activité » a été remplacée, dans le texte français, par celle de « marché du travail équilibré qui entre en considération », dans le but de faire correspondre la version française aux versions allemandes et italiennes (cf. Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 2 mars 2018, FF 2018 1622).
6.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance‑invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.
Dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, il appartient à l'assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu'aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ATF 134 V 109 consid. 4.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 3.2 et les références).
7. Selon l’art. 10 al. 1 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident, à savoir : au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou, sur leur prescription, par le personnel paramédical ainsi que, par la suite, par le chiropraticien (al. 1 let. a) ; aux médicaments et analyses ordonnés par le médecin ou le dentiste (al. 1 let. b) ; au traitement, à la nourriture et au logement dans la division commune d’un hôpital (al. 1 let. c) ; aux cures complémentaires et aux cures de bain prescrites par le médecin (al. 1 let. d) ; aux moyens et appareils servant à la guérison (al. 1 let. e).
Selon l’art. 21 al. 1 LAA, lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13) sont accordées à son bénéficiaire dans les cas suivants : lorsqu’il souffre d’une maladie professionnelle (let. a) ; lorsqu’il souffre d’une rechute ou de séquelles tardives et que des mesures médicales amélioreraient notablement sa capacité de gain ou empêcheraient une notable diminution de celle-ci (let. b) ; lorsqu’il a besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c) ; lorsqu’il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d).
Lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l'art. 21 al. 1 LAA. Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l'assuré est ou n'est pas au bénéfice d'une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b). Dans l'éventualité visée à l'art. 10 al. 1 LAA, un traitement doit être pris en charge lorsqu'il est propre à entraîner une amélioration de l'état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. Il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature à rétablir ou à augmenter la capacité de gain. En revanche, dans l'éventualité visée à l'art. 21 al. 1 LAA, un traitement ne peut être pris en charge qu'aux conditions énumérées à cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 8C_332/2012 du 18 avril 2013 consid. 1). Les cas de figure listés à cet article sont exhaustifs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_248/2023 du 19 septembre 2023
consid. 5.2.2 et la référence).
8. Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).
D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1ère phrase) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2e phrase). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).
8.1 L'indemnité pour atteinte à l'intégrité est une forme de réparation morale pour le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) subi par la personne atteinte, qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant. Elle n'a pas pour but d'indemniser les souffrances physiques ou psychiques de l'assuré pendant le traitement, ni le tort moral subi par les proches en cas de décès. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité se caractérise par le fait qu'elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 1 et les références). En cela, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité se distingue de la réparation morale selon le droit civil, qui n'implique pas une atteinte durable et qui vise toutes les souffrances graves liées à une lésion corporelle (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références). Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ;
113 V 218 consid. 4b et les références ; voir aussi ATF 125 II 169 consid. 2d).
8.2 Selon l’art. 36 OLAA, édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1ère phrase) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2e phrase). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3, 1ère phrase).
Cette disposition a été jugée conforme à la loi en tant qu'elle définit le caractère durable de l'atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral
U 401/06 du 12 janvier 2007 consid. 2.2). Le caractère durable de l'atteinte doit être à tout le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante
(ATF 124 V 29 consid. 4b/cc). Quant au caractère important de l'atteinte, le ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA précise que les atteintes à l'intégrité qui sont inférieures à 5% selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Il faut en conclure qu'une atteinte est réputée importante si elle atteint au moins ce pourcentage (Thomas FREI et Juerg P. BLEUER, Évaluation d'atteintes à l'intégrité multiples, in SUVA Medical 2012, p. 202).
8.3 Le taux d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; RAMA 2004 p. 415 ; arrêt du Tribunal fédéral U 134/03 du 12 janvier 2004 consid. 5.2).
8.4 L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).
L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité énumérées à cette annexe est fixée, en règle générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1 de l'annexe 3). Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte. On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5% serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires – à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de celui-ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence ; toutefois aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5% du montant maximum du gain assuré serait appliqué (ch. 2 de l'annexe 3).
La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).
8.5 En cas de concours de plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique, dues à un ou plusieurs accidents, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est fixée d’après l’ensemble du dommage. L’indemnité totale ne peut dépasser le montant maximum du gain annuel assuré. Il est tenu compte, dans le taux d’indemnisation, des indemnités déjà reçues en vertu de la loi (art. 36 al. 3 OLAA).
Selon la jurisprudence, il y a lieu d'additionner le pour cent correspondant à chacune des atteintes, même celles qui n'atteignent pas 5% (ATF 116 V 156 consid. 3b ; RAMA 1988 p. 230).
9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents
(ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité
(ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du
6 juin 2018 consid. 3.3). À cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel (ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022
consid. 3.2 et les références).
10. En l'espèce, il est rappelé que l'intimée a supprimé le droit aux prestations d'assurance qui avaient été accordées au recourant à la suite de l'accident du
13 avril 2011, estimant que les atteintes n'étaient plus en lien avec le sinistre. Elle a également nié le droit à une rente et d'indemnité pour atteinte à l'intégrité corporelle, au motif qu'il n'y avait aucune séquelle en lien de causalité avec l'accident en question.
L'intimée a justifié sa position en s'appuyant sur les rapports d'expertise des
Drs F______ et G______.
Cependant, cette expertise administrative a été jugée non probante par la chambre de céans par ordonnance du 4 novembre 2024 (ATAS/851/2024), de sorte qu'une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée aux Prof. N______ et
Dr M______. Ces derniers ont rendu leurs rapports d'expertise les 24 mars et
7 avril 2025.
10.1 Il convient donc d'examiner la valeur probante des rapports précités.
10.1.1 Concernant d'abord le rapport d'expertise du Prof. N______, il comprend l'anamnèse, la description d'une journée-type, les plaintes, un examen clinique, des constatations objectives, un résumé des rapports médicaux, des commentaires à l'égard des rapports d'expertise des Drs G______ et F______, plusieurs extraits de revue de la littérature médicale applicable au cas d'espèce, un récapitulatif des diagnostics du dossier, ainsi que la discussion du cas sous forme de réponses aux questions posées dans l'ordonnance d'expertise du 4 novembre 2024. L'expert a dûment motivé ses conclusions.
Il a noté que le recourant se plaignait d'importantes limitations dans la mobilité de l'épaule et du membre supérieur gauches et de douleurs persistantes et l'empêchant de dormir, partant de la colonne cervicale à gauche, descendant dans l'épaule jusque dans le membre supérieur et la main qui s'engourdissait avec des fourmillements dans les doigts D4 et D5 et remontant dans la partie latérale de la tête pour terminer derrière l'œil.
Il a retenu, comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail et séquellaire à l'accident du 13 avril 2011, une fracture-luxation glénohumérale antéroinférieure avec fracture de la coracoïde gauche, lésion du labrum antéroinférieure, petit arrachement du bord inférieur de la glène (lésion de Bankart) et lésion de Hill-Sachs, une légère neuropathie motrice du nerf cubital au coude gauche, un status post capsulite rétractile, un status post SDRC, une raideur du coude gauche, ainsi qu'une raideur et une négligence du membre supérieur gauche. Il a estimé en revanche que les autres diagnostics retenus – à savoir les lombalgies communes non déficitaires (M54.5), les gonalgies droites depuis le 13 avril 2011, la cure de hernie inguinale gauche à l'âge de 8 ans, le macroadénome hypophysaire prolactinome diagnostiqué en avril 2015, l'hypothyroïdie périphérique, le trouble anxieux depuis le 13 avril 2011, l'arthrose acromioclaviculaire depuis 2017 et les cervicobrachialgies gauches depuis le 19 juin 2015 – étaient sans répercussion sur la capacité de travail.
Il a indiqué que la situation du membre supérieur gauche devait être considérée comme stabilisée depuis le 8 octobre 2014, soit à la date de l'examen médical réalisé par la Dre D______.
L'expert orthopédiste a procédé à l'examen des critères de Budapest, lesquels étaient remplis dans le cas du recourant, et expliqué, arguments à l’appui et sur la base de la littérature médicale, les raisons pour lesquelles il confirmait la présence d'un SDRC. Il a précisé que ce trouble était apparu dans les suites du traitement par immobilisation, c'est-à-dire dans les six à huit semaines qui avaient suivi l'accident en cause.
Il a indiqué que la luxation glénohumérale de l'épaule gauche du recourant et ses lésions accompagnatrices – soit la fracture de la coracoïde gauche, la lésion du labrum antéroinférieure, le petit arrachement du bord inférieur de la glène (lésion de Bankart) et la lésion de Hill-Sachs –, avaient évolué vers une épaule gelée et abouti à une raideur chronicisée touchant l'épaule et le coude gauches dans un contexte de SDRC. Il a également exclu, avec conviction, qu'un élément autre que l'accident en cause puisse avoir déclenché ce SDRC. Ainsi, selon l'expert orthopédiste, la luxation glénohumérale traumatique de l'épaule gauche constituait la preuve physique de l'atteinte et le facteur déclenchant du SDRC, lequel était donc bel et bien en lien de causalité avec l'accident du 13 avril 2011. Le Prof. N______ a estimé que le statu quo sine vel ante n'avait jamais été atteint, puisque le recourant avait développé une raideur douloureuse persistante de l'épaule et du coude gauches, ou SDRC, dans les suites de l'accident, alors qu'auparavant il ne souffrait d'aucune pathologie de l'épaule gauche.
À titre de limitations fonctionnelles, il a considéré qu'en raison du SDRC, le recourant ne pouvait pas utiliser son membre supérieur gauche, et qu'en raison des lombalgies communes, il était limité au port de charge à 5 kg, et devait éviter le travail en porte-à-faux, de même que l'utilisation d'échelle et d'escabeau, ainsi que la station debout ou assise prolongée. Le Prof. N______ a conclu à une incapacité de travail totale dans toute activité, en soulignant que l'OAI avait constaté que le recourant n'avait aucune capacité de travail résiduelle et en précisant que la douleur constante engendrée par le SDRC, avec la raideur de l'épaule gauche et la négligence du membre supérieur gauche ajoutées à la surcharge douloureuse sur sursollicitation de l'épaule droite, réduisaient à néant la capacité de travail.
S'agissant du traitement, l'expert a estimé qu'un soutien par antalgie et physiothérapie, ainsi qu'un suivi psychologique, étaient nécessaires pour maintenir l'état actuel mais qu'après presque quinze ans d'évolution d'un SDRC chronicisé avec raideur de l'épaule et du coude, aucun traitement ne pourrait améliorer la capacité de travail et le pronostic, quant à une récupération de l'usage du membre supérieur gauche, était mauvais, bien qu'une réévaluation périodique soit indiquée.
Concernant la question de l'atteinte à l'intégrité, le Prof. N______ l'a évaluée, au total, à un taux de 27.5% sur la base des tables de la SUVA. Il a considéré que la diminution de la mobilité de l'épaule jusqu'à l'horizontale correspondait à une atteinte à l'intégrité de 17.5%, en se référant à l'estimation de la Dre D______, et que la diminution de la mobilité du coude entre zéro et 90 degrés correspondait à une atteinte à l'intégrité de 10%.
L'expert orthopédiste a expliqué de manière convaincante et circonstanciée les raisons pour lesquelles il s'écartait des conclusions de l'expertise du Dr G______. La chambre de céans relève en outre qu'il a répondu à toutes les critiques émises par l'intimée et par le Dr O______ à l'encontre de son rapport d'expertise.
Il s'est en particulier fondé sur les rapports d'observations professionnelles, établis à la suite des deux mesures d'orientation professionnelle qui avaient été accordées par l'OAI, pour retenir que ces évaluations réalisées par des professionnels démontraient l'incapacité fonctionnelle du recourant à exercer une profession lucrative, précisant que cette incapacité était le fait du développement du SDRC invalidant séquellaire à la luxation de l'épaule gauche du 13 avril 2011. Il a relevé que l'OAI avait d'ailleurs reconnu une incapacité de travail totale et le droit à une rente entière sur la base de ces observations. Il a souligné que l'ORIF avait estimé qu'un poste à 100% ne semblait pas possible et s'était interrogé sur l'existence d'une activité adaptée dans le cas du recourant. Il s'est également référé à une note au dossier de l'intimée – établie à la suite d'un appel téléphonique avec l'OAI –, selon laquelle la situation du recourant était catastrophique, que celui-ci ne pouvait rien faire, même les activités les plus simples, que son état s'était empiré, qu’il avait les deux bras et mains enflés, rouges et enflammés, qu'il compensait beaucoup avec le bras droit et commençait à avoir des problèmes aussi de ce côté, qu'il y avait une aggravation également au niveau des cervicales, qu’il faisait tous les efforts possibles, voulait se former, était volontaire, mais qu'il n'y arrivait pas, son rendement étant nul, que le stage avait dû être interrompu mais que pour que l’intéressé – qui était dans une situation financière très difficile – puisse continuer à toucher les indemnités journalières, il avait été décidé qu'il poursuivrait la mesure à 50%, si possible, en étant présent tous les jours mais sans contrainte d'horaire. Le Prof. N______ s'est encore rapporté au contenu des rapports d'observations professionnelles desdites mesures, dont le contenu confirmait celui de cette note. Il a relevé que l'OAI avait reconnu que les limitations du recourant étaient trop invalidantes pour prétendre à une reprise d'activité professionnelle dans le premier marché.
Il a considéré, au sujet du membre supérieur droit, que si son examen clinique du recourant n'avait pas montré de raideur ou de perte de force de l'épaule droite, cela n'impliquait pas que ce membre puisse être utilisé dans le cadre d'une activité lucrative, dès lors que des essais en ce sens avaient échoué. Selon le
Prof. N______, cette incapacité était le fait du développement d'un SDRC invalidant séquellaire à la luxation du 13 avril 2011 – rappelant qu'un traumatisme pouvait mener à l'instauration d'un SDRC qui touchait un membre atteint dans sa totalité et au-delà et que ce membre restait douloureux et enraidi ce qui entravait la vie, le travail et les fonctionnalités des patients, lesquels étaient atteints dans leur globalité par l'évolution néfaste de ce traumatisme. Il était reconnu dans une abondante littérature, selon cet expert, que le SDRC ne touchait pas seulement la région anatomique atteinte mais s'étendait aux articulations adjacentes et même dans certains cas au membre controlatéral. Le Prof. N______ a estimé que les limitations retenues par l'intimée n'étaient pas réalistes, le recourant pouvant à peine décoller son bras gauche du tronc, et que l'incapacité de travail était évidemment à la charge de l'intimée, puisque l'apparition d'une épaule gelée, puis d'un SDRC très sévère, suite à une fracture-luxation de l'épaule gauche, constituait un traumatisme.
L'expert orthopédiste a relevé que la critique sur la forme de son expertise n'était pas fondée et n'avait aucune influence sur le fond, dès lors qu'il aurait pu inclure ces commentaires dans une autre partie de son rapport.
Quant au conflit d'intérêt allégué par l'intimée et le Dr O______, il y a répondu en indiquant qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir été consulté pour ce cas et, malgré les courriels mentionnant son nom, aucun avis ou opinion qu'il aurait émis concernant le recourant n'apparaissait dans le dossier.
10.1.2 S'agissant ensuite du rapport d'expertise du Dr M______, il comprend une synthèse des rapports médicaux au dossier, l'anamnèse, des constatations objectives établies sur la base d'un examen clinique du recourant et de l'étude du dossier. Aucun diagnostic sur le plan neurologique n'a été retenu par cet expert neurologue, qui a cependant relevé qu'il s'agissait d'un tableau d'épaule gelée sans substrat neurologique sous-jacent, en particulier sans anomalie neurogène d'origine traumatique, mais objectivable par une hypomyotrophie segmentaire de sous-utilisation. Il a observé que l'épaule gauche n'était pas mobilisable et que des douleurs étaient reproduites à la palpation de façon assez diffuse au membre supérieur gauche. Il a indiqué avoir été frappé par une hypomyotrophie significative du muscle deltoïde et du muscle sus-épineux. Il a estimé que le tableau était cohérent, sous réserve de quelques atypies traduisant une surcharge en particulier une douleur qui irradiait jusque derrière l'œil gauche et que les troubles sensitifs diffus pouvaient être attribués à des séquelles de SDRC. Selon lui, il existait un substrat organique mais pas sur le plan neurologique. Il a mentionné qu'il partageait les conclusions du Dr F______.
10.1.3 Les experts ont confirmé dans leurs rapports respectifs que leurs conclusions avaient été discutées et retenues de manière consensuelle.
10.2 La chambre de céans constate ainsi que les rapports des experts reposent sur l’intégralité du dossier médical du recourant, dont les plaintes ont été prises en considération. Les experts ont procédé à un examen clinique complet dans leur domaine de spécialisation et se sont livrés à une analyse minutieuse du cas. Ils ont justifié leur appréciation, en particulier lorsqu’ils se sont écartés des conclusions d’autres médecins, et ce sur toutes les questions litigieuses, notamment celles relatives aux diagnostics, à l’évolution de l’état de santé, au lien de causalité avec l'accident assuré, aux limitations fonctionnelles et à l’évaluation de la capacité de travail. Ils ont présenté des conclusions claires, cohérentes et argumentées.
On relèvera en particulier qu’aucun élément ne permet de douter du bien-fondé des conclusions du Prof. N______, circonstanciées et bien motivées. Concernant le diagnostic de SDRC, cet expert a notamment expliqué clairement qu'il était apparu dans les six à huit semaines suivant l'accident ayant entrainé les lésions physiques à l'épaule du recourant. Or, dans ces conditions et conformément à la jurisprudence précitée relative au SDRC, on peut retenir que ce syndrome est la conséquence de l'accident du 13 avril 2011.
On observera encore, à l'instar du Prof. N______, que les limitations en lien uniquement avec les problèmes au membre supérieur gauche, observées à l'occasions des deux stages d'orientation professionnelle réalisés auprès de l'ORIF et de PRO, étaient déjà très importantes et avaient des répercussions au-delà de la simple impossibilité d'utilisation du membre supérieur gauche. En effet, il ressort notamment du rapport d'évaluation du 14 mars 2016 établi par PRO que pour protéger et stabiliser son membre supérieur gauche, le recourant plaçait constamment sa main gauche dans sa poche et que, dès lors que cette position était instable et rapidement douloureuse, tous les mouvements étaient ralentis et aucune endurance n'était possible. Les responsables de la mesure ont noté en particulier que leurs évaluations montraient que la capacité à exercer durablement une seule et même activité était compromise, que la position assise était limitée à cinq minutes maximum sinon les douleurs s'intensifiaient et que c'était donc en position debout que le recourant avait principalement travaillé. Ils ont observé l'augmentation des douleurs, fréquentes et chroniques et dont l'intensité variait en fonction de la durée et du type d'activité, le plus souvent aiguë et irradiant dans la nuque, l'épaule, le bras et la main gauche. Il est noté encore que ces difficultés s'accompagnaient généralement d'une fatigabilité accrue, d'une perte de concentration et de nombreuses interruptions d'activité. Ainsi, selon les professionnels de PRO, la capacité de travail était extrêmement réduite, seule la main droite pouvait être sollicitée et de façon limitée car à force de compenser le côté gauche accidenté par son bras droit, le recourant avait développé une importante tendinite du côté droit. Par ailleurs, toujours selon les rapports d'observations professionnelles, le recourant avait eu des périodes d'incapacité de travail et n'avait finalement pas pu terminer la mesure, en dépit de sa bonne volonté et de sa parfaite collaboration.
Le Prof. N______ ne pouvait faire fi des observations professionnelles, en particulier des limitations physiques observées en lien avec les atteintes au membre supérieur gauche (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_539/2024 précité).
D'ailleurs, on ne saurait suivre l'intimée et le Dr O______ lorsqu'ils allèguent que l'expert orthopédiste aurait tenu compte de l'ensemble des limitations physiques, et non pas seulement de celles en lien avec l'accident du 13 avril 2011. En effet, cet expert a expliqué que les restrictions prises en compte pour évaluer la capacité de travail du recourant sont toutes celles liées aux problèmes au membre supérieur gauche – dus principalement au SDRC – puisque, selon lui, il ressortait des observations professionnelles précitées que ces problèmes avaient clairement des répercussions au-delà de l'utilisation du seul bras gauche. En outre, à la lecture desdits rapports d'observations professionnelles, la chambre de céans ne peut que suivre les explications et conclusions du Prof. N______, lesquelles sont convaincantes. Quant au fait que certaines limitations n'ont pas été constatées par l'expert lors de l'examen clinique, cela ne justifie pas non plus de les écarter, puisqu'à défaut d'activité récente nécessitant notamment l'utilisation accrue et sur une période prolongée du bras droit pour compenser l'impossibilité d'utiliser le membre supérieur gauche – comme cela a été le cas lors des mesures d'ordre professionnel – il n'y avait pas de raison en soi que ces limitations spécifiques se révèlent.
Quant aux allégations du Dr O______ sur l'existence d'un supposé conflit d'intérêt avec le Prof. N______, la chambre de céans relève que ce dernier a exposé de manière convaincante qu'il ne se trouvait pas dans une telle position dans cette affaire. Au demeurant, on rappellera que ce grief a d'ores et déjà été discuté et écarté dans l'ordonnance d'expertise (cf. ATAS/851/2024). Il n'y a ainsi pas lieu d'y revenir.
10.3 Au vu de ce qui précède, les conclusions de l'expertise judiciaire – renforcées par celles des rapports d'observations professionnelles – emportent la conviction de la chambre de céans et il convient de retenir une incapacité de travail de 100% dans toute activité.
10.4 En fonction du taux d'incapacité de travail ainsi déterminé, le degré d'invalidité présenté par le recourant doit être également fixé à 100%, auquel correspond le droit à une rente entière d'invalidité.
Le recourant a donc droit au versement d'une rente d'invalidité au taux de 100% à compter du 9 octobre 2014, soit le lendemain de la date à laquelle la situation du membre supérieur gauche est considérée, selon l'expertise, comme stabilisée.
10.5 On rappellera concernant le droit au traitement médical, que celui-ci cesse dès la naissance du droit à la rente, sous réserve des cas de figure listés de manière exhaustive à l'art. 21 al. 1 LAA. Or, le recourant, qui ne souffre pas d'une maladie professionnelle et ne dispose plus d'aucune capacité de gain – sa capacité de travail étant nulle dans toute activité – ne remplit pas les conditions énumérées à cette disposition. Il n'a ainsi plus droit à la poursuite de la prise en charge de ses frais de traitement médicaux, de sorte que sa conclusion en ce sens devra être rejetée.
10.6 Quant au taux de l'atteinte à l'intégrité tel que retenu par le Prof. N______, soit 27.5%, il n'est pas contesté par les parties et n'est pas critiquable, de sorte qu'il sied de le confirmer. L’intimée sera donc condamnée à verser au recourant une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 27.5%, sous déduction de celle déjà versée.
11. Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que le recourant a droit à une rente d'invalidité de 100% dès le 9 octobre 2014 et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 27.5%, sous déduction de l’indemnité déjà versée.
La cause sera renvoyée à l’intimée, pour calculs du gain assuré et de la rente, dans le sens des considérants et nouvelle décision.
Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition de l'intimée du 17 novembre 2023.
4. Dit que le recourant a droit à une rente d'invalidité de 100% dès le 9 octobre 2014.
5. Dit que le recourant a droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 27.5%, sous déduction de celle déjà versée.
6. Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
7. Alloue au recourant une indemnité de CHF 4'000.-, à charge de l'intimée.
8. Dit que la procédure est gratuite.
9. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le