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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1858/2024

ATAS/588/2025 du 13.08.2025 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1858/2024 ATAS/588/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 août 2025

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

recourant

 

contre

 

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 7 janvier 2024, A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1969, a fait une demande de subsides à l’assurance-maladie pour l’année 2024.

b. Compte tenu du revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) établi sur la base du revenu fiscal brut et de la fortune brute, le service de l’assurance-maladie (ci‑après : le SAM ou l’intimé) a rejeté la demande de subsides précitée par décision du 5 février 2024, au motif que le revenu déterminant était supérieur au montant admis pour pouvoir bénéficier d’un subside.

c. L’intéressé a contesté la décision précitée par courrier du 11 février 2024, alléguant, d’une part, un calcul incorrect de sa fortune brute, laquelle ne s’élevait pas à CHF 266'920.- comme retenu par le SAM mais à CHF 156'553.- comme cela ressortait de la déclaration fiscale jointe. D’autre part, il sollicitait la prise en considération d’une charge de famille, dès lors qu’il avait un jeune adulte âgé de 23 ans à sa charge.

d. Le 21 avril 2024, il a relancé le SAM.

e. Par décision sur opposition du 6 mai 2024, le SAM a persisté dans les termes de sa décision du 11 février 2024, expliquant pour le surplus qu’il prenait en considération le revenu annuel brut fiscal et la fortune brute avant abattement, tels que transmis par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC). Par ailleurs, les données de l’AFC ne montraient aucune charge pour l’année 2022, de sorte qu’aucune charge concernant son fils âgé de 23 ans ne pouvait être prise en considération.

B. a. Le 31 mai 2024, l’intéressé, agissant en personne, a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée, contestant le montant de la fortune brute retenu par le SAM et l’invitant à se fonder sur le montant ressortant de sa déclaration d’impôts, de CHF 156'553.-.

b. Le service intimé a répondu en date du 3 mars 2025 et a conclu au rejet du recours précité. Après avoir rappelé les termes de sa décision sur opposition, il a précisé que si l’AFC devait procéder à une rectification du montant de la fortune brute avant abattement, il pourrait réexaminer le dossier du recourant.

c. Par courrier du 16 mars 2025, le recourant a transmis un courrier de l’AFC daté du 25 juin 2024, dont il ressort que la différence entre la fortune brute déclarée et celle prise en considération pour l’imposition provenait de la différence de valeur retenue en ce qui concernait un bien immobilier sis à B______ (Portugal). En effet, c’était un montant de CHF 206'900.- (EUR 125'000.- au taux de change fiscal pour l’année 2007) qui avait été retenu en lieu et place du montant de CHF 117'466.- déclaré.

Dans son courrier d’accompagnement, le recourant a également expliqué que le taux de change était de 0.938450 CHF/EUR en 2024, ce qui représentait une différence significative dans l’évaluation de son patrimoine. En appliquant le taux de 2024, son patrimoine présentait une valeur de CHF 117'306.25. La différence de taux créait un écart de CHF 89'593.75, ce qui avait un impact direct sur son éligibilité aux subsides.

d. Par courrier du 3 avril 2025, le service intimé a persisté dans ses précédentes conclusions, rappelant pour le surplus qu’il était lié par les informations transmises par l’AFC. Cela étant, le document produit était un courrier explicatif au sujet de la différence entre le montant retenu et le montant déclaré de la fortune brute du recourant et ne constituait pas une rectification du montant retenu par l’AFC. Si toutefois l’AFC devait procéder à une rectification du montant de la fortune brute avant abattement, le service intimé pourrait réexaminer le dossier du recourant.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l'art. 36 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance‑maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), la procédure devant la chambre de céans est réglée par les art. 89A à 89I de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

1.3 Interjeté dans les formes prévues par la loi (art. 89B LPA) et dans le délai de recours de 30 jours (art. 36 al. 1 LaLAMal), le recours est recevable.

2.             L’objet du litige porte sur le droit du recourant à des subsides d’assurance-maladie pour l’année 2024, singulièrement sur le montant de sa fortune devant être pris en compte pour déterminer son éventuel droit.

3.              

3.1 À teneur de l'art. 19 al. 1 LaLAMal, conformément aux art. 65 et suivants LAMal, l’État de Genève accorde aux assurés de condition économique modeste des subsides destinés à la couverture totale ou partielle des primes de l’assurance-maladie.

Sous réserve des exceptions prévues par l'art. 27, les subsides sont destinés aux assurés de condition économique modeste ou aux bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI ou de prestations complémentaires familiales accordées par le service des prestations complémentaires (art. 20 al. 1 let. a et b LaLAMal).

Cependant, le législateur a considéré que, dans certains cas précis, il convenait de poser la présomption qu’un assuré n’est pas de condition économique modeste. L’assuré concerné conserve toutefois la possibilité d’établir que tel est en réalité le cas. Ces situations sont décrites par l’art. 20 al. 2 à 4 LAMal, lequel est libellé comme suit :

2 Les assurés qui disposent d'une fortune brute ou d'un revenu annuel brut importants sont présumés n'étant pas de condition économique modeste, à moins qu'ils ne prouvent que leur situation justifie l'octroi de subsides. Le Conseil d'Etat détermine les montants considérés comme importants.

3 (…)

4 Le Conseil d'Etat détermine les conditions d'application des alinéas 2 et 3.

3.2 L’art. 10 al. 1 et 2 du règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 15 décembre 1997 (RaLAMal - J 3 05.01), lequel concrétise la délégation susmentionnée au Conseil d’État, est formulé comme suit :

1 Est considérée comme importante au sens de l'article 20, alinéa 2, de la loi la fortune brute qui excède 250 000 francs, telle que retenue par l'administration fiscale cantonale sur la base de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009. L'abattement de la valeur fiscale d'immeubles de 4% par année d'occupation continue par le même propriétaire ou usufruitier – jusqu'à concurrence de 40% – au sens de l'article 50, lettre e, de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, n'est pas pris en compte.

2 Est considéré comme important au sens de l'article 20, alinéa 2, de la loi le revenu annuel brut qui dépasse 200 000 francs, tel que retenu par l'administration fiscale cantonale sur la base de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009.

3 Les personnes visées par l'article 20, alinéa 2, de la loi peuvent, en application de l'article 23, alinéa 5, de la loi, obtenir un subside lorsque leur revenu brut fiscal, réalisé 2 ans avant l'année d'ouverture du droit aux subsides, multiplié par le coefficient 0,95, augmenté du 15e de la fortune brute, ne dépasse pas les montants figurant à l'article 21 de la loi. Pour le calcul de la fortune brute, l'abattement mentionné à l'alinéa 1 n'est pas pris en compte

4.             En vertu de l’art. 21 al. 1 LaLAMal, sous réserve des assurés visés par l’art. 20, al. 2 et 3, le droit aux subsides est ouvert lorsque le revenu déterminant ne dépasse pas les montants suivants pour un assuré seul, sans charge légale : groupe 1 : CHF 30'000.- ; groupe 2 : CHF 35'000.- ; groupe 3 : CHF 37'500.- ; groupe 4 : CHF 40'000.- ; groupe 5 : CHF 42'500 ; groupe 6 : CHF 45'000.- ; groupe 7 : CHF 47'500.- et groupe 8 : CHF 50'000.-. Selon l’al. 2, ces limites sont majorées de CHF 6'000.- par charge légale.

Selon l’art. 21 al. 2 LaLAMal, le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales du 19 mai 2005 (LRD).

5.              

5.1 À teneur de l'art. 23 al. 1 LaLAMal, l'administration fiscale cantonale transmet au service de l'assurance-maladie, sur support informatique, une liste des contribuables dont les ressources sont comprises dans les limites de revenu fixées conformément à l'art. 21. Cette liste est établie sur la base de la dernière taxation.

Est considérée comme dernière taxation, au sens de l'art. 23 al. 1 de la loi, la taxation qui a permis l'établissement de la première liste des contribuables transmise sur support informatique par l'administration fiscale cantonale au service (art. 11A al. 1 RaLAMal).

Il s'agit de l'avis de taxation sur les impôts cantonaux et communaux (cf. ATAS/1061/2005 du 6 décembre 2005 consid. 6).

5.2 D'après la jurisprudence, toute taxation fiscale est présumée conforme à la réalité ; cette présomption ne peut être infirmée que par des faits. Le juge des assurances sociales ou l’administration ne saurait s'écarter des décisions de taxation entrées en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales. À cet égard, de simples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne suffisent pas. La détermination du revenu et de la fortune est, en effet, une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'appartient pas au juge des assurances sociales de procéder lui-même à une taxation (ATF 110 V 83 consid. 4 ; 106 V 130 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_857/2013 du 15 septembre 2015 consid. 5.2 ; 9C_253/2014 du 28 juillet 2014 consid. 6.3.1).

6.              

6.1 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

6.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.             En l’espèce, force est de relever que dans le cadre de l’examen de la demande de subsides, le SAM est en principe lié par la procédure et les conditions prévues par l’art. 10 al. 3 RaLAMal (cf. ATAS/679/2009 du 28 mai 2009) et en particulier par les données transmises par l’AFC.

Or, le montant de CHF 266'930.- retenu par le SAM provient justement des données transmises par l’AFC. Ce montant comprend celui de CHF 206'900.-, qui correspond à la valeur fiscale du bien immobilier sis au Portugal, de EUR 125'000.- convertis en CHF au taux de change de 2007.

Le SAM et la chambre de céans ne peuvent toutefois s’en écarter que si les indications fiscales contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales.

Dans le cas d’espèce, le recourant conteste le taux de change appliqué par l’AFC et considère que c’est le taux de change pour l’année 2024 qui aurait dû être appliqué et non pas celui de 2007, année d’acquisition du bien.

Or, force est toutefois de constater que la pratique de l’AFC, qui est celle d’appliquer le taux de change de l’année d’acquisition du bien immobilier sis à l’étranger, existe depuis de nombreuses années. En effet, dans une décision de réclamation datée du 15 mai 2013 qui a été contestée par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : CJCA) et qui a fait l’objet de l’ATA/297/2015 du 24 mars 2015, l’AFC a expliqué que conformément à la loi, le prix d'achat devenait estimation fiscale et que la valeur fiscale d’un immeuble à l’étranger ne variait pas chaque année selon le cours de change car le cours officiel de l'année d'achat était appliqué pour déterminer la contre-valeur en francs suisses. Dans l’arrêt précité, la CJCA a notamment considéré que, comme le contribuable propriétaire d'un bien immobilier situé à Genève, le propriétaire d’un bien immobilier situé à l’étranger avait le droit de former une demande de nouvelle évaluation de la valeur de son bien. Il devait le faire en déposant une demande motivée auprès de l'administration fiscale cantonale, avant le 31 décembre de l'année fiscale considérée. Dans le cas qui lui était soumis, le droit des contribuables de demander la réévaluation de leur bien immobilier situé en Californie était périmé et la CJCA n’était dès lors pas entrée en matière sur les deux autres griefs soulevés par les recourants, à savoir sur la survenance de changements importants de la valeur de leur immeuble et sur les variations de change.

La question des variations du taux de change en lien avec la valeur fiscale d’un immeuble sis à l’étranger ne semble pas avoir fait l’objet d’autres décisions de la CJCA.

En outre, aucune disposition dans la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) ne porte explicitement sur le taux de change applicable à la prise en considération d’un bien immobilier sis à l’étranger.

Dans de telles conditions, on ne saurait considérer, sans autres investigations, que l’AFC a commis, dans l’établissement de la fortune du recourant, des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée.

En réalité, les questions du taux de change applicable et de la prise en considération des variations des taux de change et partant, de la conformité de la pratique de l’AFC au droit fiscal cantonal, nécessitent une instruction qui dépasse la compétence du juge des assurances sociales. S’y ajoute le fait qu’en cas de nouvel examen de la fortune brute, il convient de déterminer la valeur actuelle du bien immobilier sis au Portugal, laquelle est selon toute vraisemblance bien supérieure à celle de 2007.

Quoi qu’il en soit, la détermination de la fortune fiscale est une tâche qui incombe aux autorités fiscales et comme l’a relevé le service intimé, il appartient donc au recourant d’entreprendre les démarches nécessaires auprès de l’AFC pour faire rectifier la valeur du bien immobilier sis au Portugal.

Ce n’est qu’une fois que l’AFC aura éventuellement rectifié les montants pris en considération que le SAM pourra le cas échéant recalculer le droit au subside du recourant.

Dans l’intervalle, le SAM et la chambre de céans n’ont d’autres choix que de se référer aux montants donnés par l’AFC.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours est donc rejeté.

Le recourant, qui agit en personne et succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le