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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2670/2024

ATAS/279/2025 du 10.04.2025 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2670/2024 ATAS/279/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 avril 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Razi ABDERRAHIM, avocat

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1967, de nationalité française, au bénéfice d’un permis C, est marié depuis 2004 et père de trois enfants scolarisés et vivant avec leur mère en France, à B______, dans une maison appartenant au couple.

b. L’assuré a travaillé en Suisse à compter de 2011, dans le domaine de l’informatique. Il a été employé par la même société jusqu’au 30 novembre 2023.

c. De 2011 à 2018, l’assuré a effectué quotidiennement les trajets entre la France et la Suisse. Selon le registre de l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), il a habité à Genève à partir du 24 juillet 2018, d’abord avenue C______ chez D______, puis, du 8 juin 2023 au 1er mai 2024, chez son oncle, à Versoix, et, depuis le 1er mai 2024, à Vernier. Selon l’OCPM, l’assuré, bien que marié, s’est annoncé comme « seul à Genève ».

B. a. L’assuré s’est annoncé auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) pour le 1er décembre 2023, en déclarant être domicilié chez son oncle, à Versoix. Il a indiqué être séparé.

b. En mars 2024, intriguée par le fait que des fiches de salaire mentionnent une adresse en France, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) a soumis le cas de l’assuré pour examen à l’OCE.

Contacté par téléphone, l’intéressé avait précisé être séparé et être hébergé gratuitement chez son oncle, son épouse résidant toujours en France.

L’oncle de l’assuré avait rédigé en date du 22 mars 2024 une attestation confirmant qu’il avait hébergé son neveu du 12 juin 2023 au 31 mars 2024, après qu’il s’est trouvé dans une situation difficile suite à sa séparation. Il précisait qu’au début, son neveu venait régulièrement dormir chez lui mais qu’ensuite, gêné par la situation, il était devenu « irrégulier dans ces allers et retours ». Il avait enfin trouvé un logement pour la fin du mois.

L’assuré avait quant à lui indiqué par courriel du 23 mars 2024 être toujours à la recherche d’un logement fixe et d’un travail. Sa situation familiale était compliquée du fait de l’éloignement de sa femme et de ses enfants. Sa femme avait toujours refusé de le suivre en Suisse parce que l’un de leurs enfants, handicapé, était pris en charge par la Sécurité sociale française. Mais cet enfant, désormais âgée de 25 ans, était placé dans une structure adaptée et autonome, de sorte que son épouse était « prête à franchir le pas » et à déménager en Suisse. Il fallait toutefois trouver un logement pour la famille.

c. Le 27 mars 2024, l’OCE a adressé à l’assuré un courrier sollicitant de sa part un certain nombre de renseignements afin de déterminer son lieu de domicile.

d. Par courriel du 2 avril 2024, l’assuré a répondu qu’il n’était plus domicilié chez son oncle, mais qu’il n’avait pas encore de nouvelle adresse.

Il avait emménagé chez son oncle le 12 juin 2023 de manière transitoire pour « prendre du recul par rapport [au] conflit avec [sa] femme et le temps de chercher un logement en [son] nom sur Genève ». Il disait être toujours à la recherche d’un logement fixe.

Ses enfants étaient scolarisés en France.

Il possédait un véhicule immatriculé à Genève.

e. Par décision du 8 avril 2024, l’OCE a nié à l’assuré le droit à l’indemnité au motif qu’il ne remplissait pas la condition de la domiciliation en Suisse.

Il était établi qu’il était propriétaire d’un bien immobilier en France, où vivaient son épouse et ses enfants, que ceux-ci étaient scolarisés en France et que l’intéressé avait été hébergé gratuitement de juin 2023 à mars 2024 par son oncle, à Versoix, mais que cet hébergement n’était que transitoire, suite à une séparation avec sa femme.

Dans ces conditions, l’existence d’une résidence régulière à Genève ne pouvait être admise, ce que l’intéressé reconnaissait d’ailleurs expressément en qualifiant son hébergement à Versoix de transitoire.

f. Le 8 mai 2024, l’assuré s’est opposé à cette décision en faisant valoir que, depuis son inscription, il remplissait toutes ses obligations envers l’assurance-chômage et recherchait soigneusement un nouvel emploi. Il soulignait avoir travaillé à Genève depuis 2011, être titulaire d’un permis C depuis 2023 et être assuré auprès de l’assurance-maladie obligatoire en Suisse. Il expliquait vivre depuis 2018 « une séparation graduelle » avec son épouse, restée en France et avoir, depuis lors, été contraint de changer plusieurs fois de domicile à Genève en raison de la crise du logement. Il n’en restait pas moins que toute sa vie professionnelle et sociale se trouvait à Genève. Il avait pu conclure un contrat de bail durable pour un logement au Lignon.

Il produisait à l’appui de ses dires, notamment :

- des témoignages d’amis certifiant qu’ils l’avaient rencontré à Genève et/ou qu’il y recherchait activement un emploi ;

- un certificat attestant de son affiliation à l’assurance obligatoire des soins suisse pour 2024 ;

- un contrat de bail pour une chambre meublée au Lignon, débutant le 1er mai 2024, renouvelable tacitement de mois en mois.

g. Par décision du 17 juin 2024, l’OCE a rejeté l’opposition.

Il a considéré qu’au vu de sa situation familiale, il paraissait peu vraisemblable que le centre des intérêts et le domicile principal de l’assuré ne se trouvent pas en France, auprès de sa famille.

C. a. Par écriture du 19 août 2024, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, en concluant à son annulation et à ce que lui soit reconnu le droit aux prestations de chômage depuis décembre 2023.

En substance, l’assuré explique qu’il a travaillé en Suisse depuis 2011, qu’en 2018, les relations avec son épouse se sont tendues, notamment en raison du refus de cette dernière d’emménager en Suisse, qu’il a alors pris la décision de s’en séparer et de s’installer seul à Genève et qu’en juillet 2018, il a ainsi emménagé chez D______, un collègue avec lequel il a vécu en colocation pendant de nombreuses années. Il a annoncé son changement d’adresse à l’OCPM et, depuis lors, a toujours vécu à Genève, ne se rendant en France que pour rendre visite à ses enfants, restés auprès de leur mère. Malgré une séparation de fait, l’assuré et son épouse n’ont pas entamé de procédure de divorce pour « diverses raisons personnelles ». Il a entrepris des recherches pour obtenir un logement.

Il explique que les fiches de salaire de décembre 2022 et janvier 2023 mentionnant son adresse en France sont le fruit d’une erreur de son employeur, comme le démontre le fait que des fiches antérieures indiquent l’adresse de son ancien collègue, D______. Ces fiches n’étaient pas envoyées par courrier, mais disponibles sur une plateforme en ligne, raison pour laquelle il n’a pas jugé nécessaire et utile d’en demander la correction.

En mai 2023, D______, son colocataire, a mis fin à son bail pour emménager dans un autre logement. Le recourant ne souhaitant pas reprendre le bail de son collègue, a emménagé durant un mois chez un ami, avant d’être hébergé par son oncle, à Versoix. Si cet hébergement était temporaire, il n’en allait pas de même de sa domiciliation à Genève. Il a ensuite loué une chambre meublée à partir de mai 2024 au Lignon. Il a certes conservé une relation cordiale avec son épouse, mais il n’a jamais été question pour lui de retourner vivre en France. Le recourant admet avoir néanmoins tenté de se remettre en couple avec son épouse et de la faire venir auprès de lui, à Genève, en vain. Il en est sorti convaincu que plus aucun avenir en commun n’était envisageable, raison pour laquelle il a entamé une procédure de divorce.

A l’appui de ses dires, le recourant produit, notamment :

-       une attestation établie par D______, non datée, confirmant qu’il connait l’assuré depuis longtemps, qu’ils ont travaillé ensemble dans la même entreprise durant plusieurs années et qu’ils ont vécu en colocation après que l’assuré s’est séparé de sa femme en 2018 ;

-       un permis B valable jusqu’au 23 juillet 2023, faisant mention d’une entrée en Suisse le 24 juillet 2018 ;

-       des factures de primes d’assurance-maladie obligatoire émises en 2019 et 2020 ;

-       la facture d’un ophtalmologue adressée à l’assuré chez D______, concernant des soins administrés le 16 septembre 2019 ;

-       la liste des prestations médicales remboursées par l’assurance-maladie en 2019, faisant état de plusieurs achats auprès d’une pharmacie de Plan-les-Ouates et de consultations auprès du docteur E______, de l’ophtalmologue et d’un médecin dentiste ;

-       un courrier de la caisse interprofessionnelle AVS de la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES (ci‑après : FER‑CIAM) adressé à l’assuré chez D______ le 2 octobre 2019 ;

-       un extrait du casier judiciaire adressé à l’assuré chez D______ le 7 juillet 2021 ;

-       une attestation du Dr E______ du 23 juillet 2024, confirmant qu’il est le médecin traitant de l’assuré depuis 2018 ;

-       un courrier adressé à l’assuré chez D______ le 30 juillet 2021 répondant défavorablement à une demande de location formulée par l’intéressé ;

-       les fiches de salaire de l’assuré de février et mars 2020 adressées à lui chez D______, tout comme son certificat de salaire de l’année 2019 ;

-       une attestation établie le 6 septembre 2024 par Me F______, avocate à Annemasse, confirmant que l’assuré lui a demandé, en août 2024, d’engager une procédure de divorce et que, dans le cadre de la procédure, il a déclaré avoir quitté le domicile conjugal en date du 24 juillet 2018.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 17 septembre 2024, a conclu au rejet du recours.

c. Le 25 octobre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 56ss LPGA et 62ss LPA).

2.             L’objet du litige porte sur le droit du recourant aux indemnités de chômage à compter du 1er décembre 2023, plus particulièrement sur la question de savoir s’il a été domicilié en Suisse depuis lors et jusqu’au 17 juin 2024, date de la décision litigieuse.

3.             En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit un certain nombre de conditions cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2), au nombre desquelles figure le fait d’être domicilié en Suisse (art. 8 al. 1 let. c).

3.1 Selon la jurisprudence, la notion de domicile au sens de la LACI ne correspond pas à celle du droit civil (art. 23ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; CC – RS 210), mais bien plutôt à celle de la résidence habituelle (cf. bulletin du SECO sur l’indemnité de chômage [IC], état juillet 2013, B 136 ; voir aussi les textes allemands et italien de l’art. 8 al. 1 let. c LACI : « in der Schweiz wohnt », « risiede in Svizzera » ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 di 7 décembre 2007, consid. 2.1). Sont ainsi exigées, selon cette disposition légale, la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 469 consid. 5).

L’entrée en vigueur de la LPGA n’a pas modifié cette pratique, dès lors que la notion de domicile inscrite à l’art. 13 al. 1er LPGA ne trouve pas application en matière d’assurance-chômage et ce, même si la LACI ne contient de dérogation expresse qu’à l’égard des étrangers habitant en Suisse (cf. ATAS/726/2008 du 19 juin 2008, consid. 4). En particulier, le principe prévu par l’art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau, n’entre pas en ligne de compte pour l’application de l’art. 8 al. 1 let. c LACI (arrêt du Tribunal fédéral C 121/02 du 9 avril 2003, consid. 2.2).

Pour avoir droit à l’indemnité, l’assuré doit remplir cette condition du « domicile » en Suisse, non seulement à l’ouverture du délai-cadre, mais pendant tout le temps où il touche l’indemnité (Gustavo SCARTAZZINI, Marc HURZELER, Bundessozialversicherungsrecht, 4ème éd. 2012, p. 599, n° 59 et les réf. citées). Cette exigence essentielle est l’expression de l’interdiction de l’exportation des indemnités de chômage, principe instauré pour prévenir les abus. Ce dernier terme doit être compris en ce sens que la vérification et les conditions du droit aux prestations, en particulier l’existence d’une situation de chômage, sont rendues plus difficiles lorsque l’assuré réside à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003 consid. 1.1; Thomas NUSSBAUMER, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, vol. XIV, 3ème éd. 2016 p. 2319, n. 180).

3.2 Dans la mesure où la résidence suppose un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits (arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2015 du 11 septembre 2015), l’occupation d’un studio une à deux fois par semaine – le reste du temps étant passé à l’étranger – ne suffit pas à établir une résidence effective en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage, 2ème éd. 2006, p. 173). De même, un séjour tout à fait éphémère ou de pur hasard, ainsi qu’un pied-à-terre destiné uniquement à la recherche d’un emploi, ne sont pas assimilables à une résidence. Cela étant, un séjour prolongé et permanent n’est pas indispensable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2007, consid. 2.2 et 3.1). Si tel n’était pas le cas, certaines personnes se trouveraient dépourvues de résidence et, partant, privées de domicile (Boris RUBIN, ibidem). Ainsi, en cas de séjour, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, la résidence est là où les liens sont les plus forts (ATF 87 II 7 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 153/03 du 22 septembre 2003). En revanche, la présence de seules relations professionnelles, même intenses, avec la Suisse ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_326/2020 du 4 août 2020 consid. 3). Le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (cf. arrêt du Tribunal fédéral C 149/01 du 13 mars 2002, consid. 3).

Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que l’assuré, qui loge une partie de la semaine à Genève dans un pied-à-terre de dimensions modestes ne lui permettant pas d’accueillir sa famille, afin de conserver une adresse en Suisse pour bénéficier de la qualité de résident sur territoire helvétique, mais réside la plupart du temps en France voisine avec ses trois enfants qui y sont régulièrement scolarisés, dont il a la garde et sur lesquels il exerce l’autorité parentale, a le centre de ses intérêts personnels en France dès lors qu’il y bénéficie de diverses prestations sociales (revenu minimum d’insertion, allocation de soutien familial, aide au logement; arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2010 du 20 juin 2011).

Dans un arrêt 8C_186/2017 du 1er septembre 2017, qui concernait un demandeur d’emploi partageant un appartement de 2.5 pièces avec son frère à Lugano (TI), possédant un véhicule sans l’avoir dédouané, et retournant en Italie (où vivaient ses parents) durant les week-ends, le Tribunal fédéral a considéré que la proximité du domicile avec la frontière, en particulier dans la région du Sottoceneri, exigeait une plus grande rigueur dans l’application de l’art. 8 al. 1 let. c LACI, afin de s’assurer que l’assuré avait effectivement le centre de ses relations personnelles en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2017 du 1er septembre 2017 consid. 5.3 ; cf. aussi l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_440/2022 du 23 février 2023 consid. 4.1).

3.3 Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

3.4 La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge, mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 130 I 183 consid. 3.2 ; 125 V 195 consid. 2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l’administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2, 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3).

3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

3.6 En l’espèce, le recourant allègue en substance être domicilié à Genève depuis le 24 juillet 2018 et l’avoir donc déjà été à l’ouverture du délai-cadre d’indemnisation, le 1er décembre 2023.

Il est vrai que la situation familiale de l’assuré compliquée nécessite quelques précisions afin d’élucider la question de son domicile.

De l’instruction du dossier, il peut être considéré comme établi que, depuis juillet 2018, l’assuré a effectivement eu une résidence effective à Genève, d’abord en colocation avec D______, jusqu’en mai 2023, puis chez son oncle, jusqu’en avril 2024 et que, depuis le 1er mai 2024, dans son propre logement, au Lignon. Cela ressort non seulement de ses dires, mais également du témoignage de son colocataire, de son oncle, du registre de l’OCPM et de la production de son contrat de bail.

Certes, de l’aveu même du recourant, il lui est arrivé de dormir, durant la période où l’hébergeait son oncle, en France, avec son épouse et ses enfants. Il est vrai également que sa famille est restée en France et que ses enfants y sont scolarisés. Cela étant, force est de constater que, depuis le début, le recourant a expliqué être séparé de fait de son épouse. Il s’est ainsi formellement annoncé « seul à Genève » auprès de l’OCPM. Dans sa demande de prestations, il a précisé être séparé. Il l’a allégué tout au long de la procédure – même s’il a reconnu avoir eu l’espoir, à un moment donné, de renouer avec son épouse et de la convaincre de le rejoindre. Ses propos sont corroborés par le fait qu’il s’est séparé de son épouse et a installé sa résidence effective à Genève il y a de cela plusieurs années déjà, plus de cinq ans avant de perdre son emploi et de solliciter l’octroi de prestations. On notera au surplus que cette séparation de fait va vraisemblablement se terminer par le divorce du couple. Dans ces conditions, si l’on ne peut nier qu’une partie des intérêts personnels du recourant soit restée auprès de ses enfants, il n’en demeure pas moins qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il est séparé de fait de son épouse depuis 2018 déjà et que les allégations selon lesquelles il aurait décidé de refaire sa vie à Genève sont étayées par son comportement.

Ainsi que le fait remarquer le recourant, le fait que l’hébergement par son oncle n’ait constitué qu’une solution provisoire ne permet pas encore d’en déduire que sa résidence à Genève l’était, dès lors qu’il y a vécu plusieurs années auparavant déjà et que ses efforts pour trouver un logement ont finalement abouti, ce qui démontre qu’il avait bel et bien l’intention de poursuivre sa vie à Genève, où il réside, a souscrit des assurances et entrepris un suivi médical.

Dans ces conditions, la Cour de céans considère que le recourant était bel et bien domicilié en Suisse au moment de son inscription au chômage, si bien que c’est à tort que l’intimé lui a nié le droit aux prestations. Le recours est donc admis et la décision litigieuse annulée.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 17 juin 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour calcul des prestations dues.

5.         Condamne l’intimé à verser au recourant la somme de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le