Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/395/2024 du 28.05.2024 ( LPP ) , PARTAGE LPP
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/4221/2023 ATAS/395/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 mai 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______ B______ | demandeurs |
contre
CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENÈVE – CPEG CAP PRÉVOYANCE
| défenderesses |
1. Une convention de divorce a été déposée le 3 juillet 2023, auprès du Tribunal de première instance.
2. Par jugement du 10 octobre 2023, la 23ème chambre du Tribunal de première instance a prononcé le divorce de Madame A______, née le ______ 1969, et Monsieur B______, né le ______ 1974, mariés en date du 1er juillet 2016.
3. Selon le chiffre 21 du jugement précité, le Tribunal de première instance a ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle acquis par chacun des époux durant le mariage.
4. Le jugement de divorce est devenu définitif le 27 octobre 2023 et a été transmis d'office à la chambre de céans le 20 décembre 2023 pour exécution du partage.
5. La chambre de céans a sollicité des parties le nom de leurs institutions de prévoyance, puis a interpellé les institutions défenderesses en les priant de lui communiquer les montants des avoirs LPP des parties acquis durant le mariage, soit entre le 1er juillet 2016 et le 1er juin 2023, date fixée dans la convention de divorce.
6. L’instruction menée par la chambre de céans a permis d'établir les faits suivants :
S'agissant des avoirs de prévoyance de la demanderesse :
- Il résulte de l'extrait de compte individuel AVS transmis par la caisse cantonale genevoise de compensation le 25 janvier 2024 que la demanderesse a travaillé pendant toute la durée du mariage auprès du même employeur, en l’occurrence l’État de Genève.
- Le 21 février 2024, la caisse de prévoyance de l’État de Genève a indiqué que la demanderesse était affiliée auprès d’elle depuis le 1er septembre 2008 et que celle-ci est au bénéfice d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er janvier 2022. Le montant de la prestation de sortie au 1er juin 2023 en cas de suppression de la rente d’invalidité s’élève à CHF 170'219.-, tandis que le montant de la prestation de sortie au 1er juillet 2016 est de CHF 65'087.70, intérêts compris. La CPEG a encore précisé que le montant de la rente d’invalidité annuelle non réduite était de CHF 21'130.80.
S'agissant des avoirs de prévoyance du demandeur :
- Il ressort de l'extrait de compte individuel AVS transmis par la caisse cantonale genevoise de compensation le 25 janvier 2024 que le demandeur a également travaillé pendant toute la durée du mariage auprès du même employeur, en l’occurrence les Services industriels de Genève.
- Par courrier du 31 janvier 2024, CAP Prévoyance a informé la chambre de céans que le demandeur est affilié auprès d’elle depuis le 1er novembre 2007. La prestation de sortie au 1er juin 2023 est de CHF 1'071'955.40, tandis que celle au 1er juillet 2016 s’élève à CHF 381'115.90, intérêts au 1er juin 2023 compris.
7. Par courrier du 13 mai 2024, la chambre de céans a communiqué aux parties sur quelle base, elle procédera au partage.
8. En l'absence d'objections dans le délai fixé, la cause a été gardée à juger.
1. Au 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification des art. 122 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) concernant le partage des prestations de sortie des ex-époux, ainsi que des art. 280 ss du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et 22 ss de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42).
Le jugement de divorce ayant été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, des nouvelles dispositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, la chambre de céans applique les dispositions légales dans leur nouvelle teneur (art. 7d Tit. fin. CC).
2. L'art. 25a LFLP règle la procédure en cas de divorce. Si une décision concernant le partage de la prévoyance professionnelle en application de l’art. 280 ou 281 CPC s’avère impossible à prendre durant la procédure de divorce, le juge du lieu du divorce compétent au sens de l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), soit à Genève, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, exécute d’office, après que l’affaire lui a été transmise (art. 281 al. 3 CPC), le partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce.
3. Selon l'art. 22 LFLP (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017), en cas de divorce, les prestations de sortie et les parts de rente sont partagées conformément aux art. 122 à 124e du CC et 280 et 281 du CPC; les art. 3 à 5 LFLP s'appliquent par analogie au montant à transférer. À teneur de l’art. 22a al. 1 LFLP, pour chaque conjoint, la prestation de sortie à partager correspond à la différence entre la prestation de sortie, augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au jour de l'introduction de la procédure de divorce, et la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au moment de la conclusion du mariage. Pour ce calcul, on ajoute à la prestation de sortie et à l'avoir de libre passage existant au moment de la conclusion du mariage les intérêts dus au jour de l'introduction de la procédure de divorce. Les paiements en espèces et les versements en capital effectués durant le mariage ne sont pas pris en compte.
4. Dans le cadre du renvoi de l’affaire en matière de partage de la prévoyance professionnelle qui lui a été adressé par le juge du divorce, la chambre des assurances sociales est liée par la clé de répartition définie par celui-ci, conformément aux art. 281 al. 3 CPC et 25a LFLP (cf. ATF 133 V 147 consid. 5.3.4 ; ATF 132 V 337 ; Denis TAPPY, in Commentaire romand, CPC, 2019, n. 9 ad art. 281 CPC ; Thomas GEISER/Christoph SENTI, in Commentaire LPP et LFLP, 2020, n. 9 ad art. 25a LFLP).
5. Par ailleurs, selon les art. 8a de l'ordonnance fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 3 octobre 1994 (ordonnance sur le libre passage, OLP - RS 831.425) et 12 de l'ordonnance fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 (OPP 2 - RS 831.441.1), le taux d'intérêt applicable aux prestations de sortie et de libre passage acquises au moment de la conclusion du mariage et aux versements uniques effectués jusqu’au moment du divorce est de 4% jusqu'au 31 décembre 2002, 3.25% en 2003, 2.25% en 2004, 2.5% de 2005 à 2007, 2.75% en 2008, 2% de 2009 à 2011, 1.5% de 2012 à 2013, 1.75% de 2014 à 2015, 1.25% en 2016, 1% de 2017 à 2023 et 1.25% dès le 1er janvier 2024.
Si le règlement de l'institution de prévoyance prévoit un taux d'intérêt supérieur pour l'avoir de vieillesse, ce taux est alors applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_149/2017 du 10 octobre 2017 consid. 5.1).
6. Conformément à l’art. 124 CC – dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2017 (RO 2016 2313 ; FF 2013 4341) –, si, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, l’un des époux perçoit une rente d’invalidité et qu’il n’a pas encore atteint l’âge réglementaire de la retraite, le montant auquel il aurait droit en vertu de l’art. 2 al. 1ter LFLP en cas de suppression de sa rente est considéré comme prestation de sortie (al. 1). Les dispositions relatives au partage des prestations de sortie s’appliquent par analogie (al. 2). Le Conseil fédéral détermine quels sont les cas dans lesquels le montant visé à l’al. 1 ne peut pas être utilisé pour le partage parce que la rente d’invalidité est réduite pour cause de surindemnisation (al. 3).
Aux termes de l’art. 2 LFLP, de même, l’assuré dont la rente de l’assurance‑invalidité est réduite ou supprimée en raison de l’abaissement de son taux d’invalidité a droit à une prestation de sortie au terme du maintien provisoire de l’assurance et du droit aux prestations prévu à l’art. 26a al. 1 et 2 LPP (al. 1ter). L’institution de prévoyance fixe le montant de la prestation de sortie dans son règlement ; cette prestation de sortie doit être au moins égale à la prestation de sortie calculée selon les dispositions de la section 4 (al. 2).
À teneur des travaux préparatoires, concernant l’art. 124 CC – tel qu’en vigueur depuis le 1er janvier 2017 –, jusqu’au moment où l’assuré atteint l’âge de la retraite, il est possible que son droit à la rente d’invalidité s’éteigne en cas de disparition de l’invalidité (cf. art. 26 al. 3 LPP) et soit converti en un droit à une prestation de sortie. S’il perçoit une rente d’invalidité avant l’âge de la retraite, le partage peut donc s’effectuer dans une large mesure de façon analogue à la règle applicable avant la survenance d’un cas de prévoyance : il y a lieu de se baser, en vertu de l’al. 1 – de l’art. 124 CC –, sur la prestation de sortie hypothétique à laquelle l’assuré pourrait prétendre en cas d’extinction de son droit à la rente d’invalidité qui courait au moment où la procédure de divorce a été introduite. Parmi les dispositions légales en vigueur, seul l’art. 2 al. 1ter LFLP mentionne expressément une telle prestation de sortie, qui prend naissance après la disparition du droit à une rente d’invalidité et englobe la part surobligatoire de la prévoyance. C’est la raison pour laquelle l’al. 1 de l’art. 124 CC renvoie à cet article de la loi sur le libre passage. Si, au moment de son mariage, l’assuré avait déjà droit à une rente d’invalidité avant l’âge réglementaire de la retraite, il y aura aussi lieu de se baser sur la prestation de sortie hypothétique au moment du mariage (Message du Conseil fédéral du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341 ss, spéc. 4360 s.).
En d’autres termes, concernant toujours la situation visée par l’art. 124 al. 1 CC, jusqu’au moment où l’époux (au bénéfice d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle) atteint l’âge réglementaire de la retraite, l’invalidité peut disparaître et, à sa suite, le droit à la rente d’invalidité s’éteindre. Le droit à une prestation de sortie renaît alors. La personne invalide a ainsi une prestation de sortie (dans l’ombre) qui se calcule et se divise comme pour une personne active. Pour le partage de la prévoyance, l’on se fonde sur la prestation de sortie hypothétique à laquelle l’époux pourrait prétendre, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, en cas d’extinction du droit à la rente d’invalidité (Thomas GEISER/Christoph SENTI, op. cit., n. 36 des remarques préliminaires aux art. 22 ss LFLP ; cf. aussi ATAS/120/2021 du 17 février 2021 consid. 5 ; Pascal PICHONNAZ, in Commentaire romand, CC I, 2023, n. 23 à 27 ad art. 124 CC).
Selon l’al. 2 de l’art. 124 CC, une fois déterminée la prestation de sortie hypothétique, le partage de la prévoyance s’effectuera de manière analogue à ce qui est prévu à l’art. 123 CC, étant en outre précisé que le juge pourra, pour de justes motifs, ordonner l’attribution de moins de la moitié de la prestation de sortie hypothétique en application de l’art. 124b al. 2 CC (Message du Conseil fédéral précité, FF 2013 4341 ss, spéc. 4361).
Les conséquences du partage de la prévoyance sur les rentes d’invalidité en cours dépendent de la manière dont la prévoyance est concrètement aménagée dans le règlement de l’institution de prévoyance. Le partage de la prévoyance peut conduire à une réduction de la rente en cours. Il est également possible que la rente reste inchangée, mais soit remplacée par une rente de vieillesse nettement inférieure au moment où l’assuré atteint l’âge de la retraite (Thomas GEISER/Christoph SENTI, op. cit., n. 37 des remarques préliminaires aux art. 22 ss LFLP).
7. En l’espèce, le juge de première instance a ordonné le partage par moitié des prestations de sortie acquises durant le mariage par les demandeurs. Les dates pertinentes sont, d’une part, celle du mariage, le 1er juillet 2016, d’autre part, le 1er juin 2023, date fixée dans la convention de divorce.
8. Selon les documents produits, la prestation acquise pendant le mariage par le demandeur est de CHF 690'839.50 (CHF 1'071'955.40 - CHF 381'115.90).
Tandis que celle acquise par la demanderesse est de CHF 105'131.30 (CHF 170'219.- - CHF 65'087.70), les intérêts ayant déjà été calculés par les institutions de prévoyance défenderesses.
Ainsi le demandeur doit à son ex-épouse le montant de CHF 345'419.75 (CHF 690'839.50 : 2) et celle-ci doit à celui-là le montant de CHF 52'565.65 (CHF 105'131.30 : 2), de sorte que c’est le demandeur qui doit à la demanderesse le montant de CHF 292'854.10.
9. Conformément à la jurisprudence, depuis le jour déterminant pour le partage jusqu'au moment du transfert de la prestation de sortie ou de la demeure, le conjoint divorcé bénéficiaire de cette prestation a droit à des intérêts compensatoires sur le montant de celle-ci. Ces intérêts sont calculés au taux minimum légal selon l'art. 12 OPP 2 ou selon le taux réglementaire, si celui-ci est supérieur (ATF 129 V 255 consid. 3).
10. Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
1. Invite la CAP Prévoyance à transférer, du compte de Monsieur B______, la somme de CHF 292'854.10 à la caisse de prévoyance de l’État de Genève en faveur de Madame A______, ainsi que des intérêts compensatoires au sens des considérants, dès le 1er juin 2023 jusqu'au moment du transfert.
2. L’y condamne en tant que de besoin.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le