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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3702/2022

ATAS/319/2023 du 13.04.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3702/2022 ATAS/319/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 avril 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié
______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Mike HORNUNG

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1970, divorcé, père de trois enfants majeurs, est arrivé en Suisse
à l’âge de 7 ans. Titulaire d’un CFC et d’un brevet fédéral de tôlier en carrosserie, il a exercé la profession apprise, dès 1988, dans divers ateliers de carrosserie
du canton et de ses environs. Par décision provisionnelle du 10 juillet 2020, confirmée par ordonnance du 20 mai 2022 (DTAE/1______/2022), le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le TPAE), a instauré une curatelle de représentation et a désigné comme curateur, Me Mike HORNUNG, avocat, celui-ci ayant pour tâche de le représenter afin d’effectuer toutes démarches utiles en sa faveur auprès de l’assurance-invalidité.

b. Le 9 août 2016, l’assuré a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en indiquant qu’il présentait une maladie psychique (« addiction et problèmes de contrôle ») et des séquelles physiques dues à plusieurs accidents. Son incapacité de travail était totale depuis le 16 février 2016.

c. Par avis du 26 février 2018, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a estimé que les atteintes orthopédiques d’origine accidentelle à l’épaule droite (janvier 2013), au genou droit (août 2013), à l’épaule gauche (février 2014) et au dos (août 2015) n’avaient pas entraîné d’incapacité de travail durable. Sur le plan psychique, l’assuré avait présenté une incapacité de travail dès le mois de décembre 2015, en raison d’un épisode dépressif moyen (F32.10) faisant suite à la reprise de sa consommation d’alcool sur fond de difficultés conjugales. L’histoire de la dépendance à l’alcool, au cannabis et à la cocaïne remontait à l’adolescence, vers l’âge de 15 ans. Par la suite, l’assuré avait cessé ses consommations de drogues, à l’âge de 18 ans, au moment de se marier, sans pour autant renoncer à consommer de l’alcool, jusqu’en 2011. Il présentait par ailleurs une labilité émotionnelle et une impulsivité, mise sur le compte d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH ; F90), diagnostiqué en 2011 et contrôlé sous médication. La thymie s’était stabilisée au printemps 2016 avec le sevrage d’alcool, malgré le refus d’un traitement antidépresseur. En dépit de la persistance non seulement d’une certaine hyperactivité avec impulsivité et labilité de l’humeur, sur fond de tempérament hyperthymique, mais aussi de sensibilité au stress et de difficultés relationnelles en lien avec un possible trouble de la personnalité, sa psychiatre, la doctoresse B______, avait attesté le 14 octobre 2016 que la capacité de travail de l’assuré était de 50%. En janvier 2017, après un licenciement, l’assuré avait repris une consommation d’alcool et de cocaïne et interrompu son suivi psychiatrique, de même que ses traitements médicamenteux. Dès juin 2017, un nouveau sevrage de toute substance toxique et la reprise du suivi psychiatrique avaient permis une stabilisation des troubles. L’assuré avait cependant refusé la médication prescrite par sa psychiatre. Dans ce contexte, la Dresse B______ n’avait pas attesté d’incapacité de travail et estimé, le 28 juin 2017, que le maintien de l’abstinence de toxiques et l’observance
du traitement médicamenteux permettaient à l’assuré de conserver une pleine capacité de travail. En conclusion, le SMR a considéré, s’agissant des troubles psychiques, que le TDAH répondait bien au traitement lorsque l’assuré y adhérait de façon satisfaisante. Le trouble de l’humeur était influencé par la dépendance primaire aux toxiques et à l’alcool, apparue à l’adolescence, dont les rechutes dues aux facteurs de stress psychosociaux aggravaient la symptomatologie. À l’inverse, l’abstinence avait permis chaque fois d’améliorer la thymie. Par ailleurs, dans la mesure où les atteintes orthopédiques évoquées n’avaient pas causé d’incapacité de travail durable, aucune atteinte incapacitante au sens de l’assurance-invalidité ne pouvait être retenue.

d. Par décision du 7 mai 2018, l’OAI a rejeté la demande de prestations, motif pris que l’assuré ne présentait pas d’atteinte à la santé du ressort de l’assurance-invalidité.

e. Par appréciation médicale du 3 mai 2019, le docteur C______, médecin d’arrondissement de la SUVA caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA) – assureur-accidents de la caisse de chômage auprès de laquelle l’assuré était inscrit en 2017 – a indiqué que les suites d’un accident de moto survenu le 6 novembre 2017 avaient débouché
sur des remaniements du ligament croisé antérieur [ci-après : LCA] du genou droit, une plastie de ce LCA, effectuée le 24 octobre 2018 par le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et une gonarthrose en progression, constatée le 12 mars 2019. Malgré l’intervention pratiquée le 24 octobre 2018, le Dr D______ avait confirmé son pronostic sombre pour le genou droit, en raison des lésions de chondropathie mises en évidence. De l’avis du Dr C______, ce genou était bien stable et la mobilité articulaire avait été récupérée. Le cas était stabilisé à ce jour, mais l’ancienne activité de tôlier en carrosserie n’était plus exigible vu l’état actuel de ce genou. Dans une activité professionnelle réalisée, au gré de l’assuré, en position assise ou debout, avec un port de charges limité à 10kg de façon ponctuelle, sans limitation au niveau de la mobilité des membres supérieurs, sans déplacement répété sur des terrains accidentés ou dans des escaliers, sans devoir monter sur une échelle, ni devoir travailler en position agenouillée ou accroupie, on pouvait s’attendre à une activité professionnelle réalisée à plein temps sans baisse de rendement. Cependant, compte tenu du risque d’aggravation des lésions arthrosiques, l’indication à une arthroplastie restait possible dans les années futures.

B. a. Le 12 août 2019, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI en expliquant qu’il avait subi une opération au genou droit et que de l’avis de son médecin et de celui de la SUVA, il ne pouvait plus exercer son activité habituelle de tôlier, en raison de douleurs récurrentes. Sa capacité de travail était nulle depuis le 6 novembre 2017.

b. Par courrier du 27 septembre 2019 à l’OAI, le docteur E______, spécialiste en médecine interne générale, a indiqué qu’il suivait régulièrement l’assuré depuis quelques années. Sur le plan psychologique, celui-ci présentait un trouble de la personnalité, type borderline, sociopathe, associé à une toxicomanie (cocaïnomanie) et à un alcoolisme actif. Il avait bénéficié de nombreuses cures de désintoxication dans diverses cliniques, mais toutes s’étaient soldées par un échec. Les différents traitements psychotropes avaient été mal tolérés et s’étaient révélés inefficaces. Il présentait également un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, dont le traitement avait été non moins inefficace. S’ajoutaient, sur le plan physique, non seulement des gonalgies bilatérales sur gonarthrose, mais aussi des douleurs chroniques de l’épaule droite et des névralgies chroniques étagées en C6-C7. Ces diverses affections étaient à l’origine d’une incapacité de travail totale, dans tous les domaines d’activités.

c. Le 25 octobre 2019, l’assuré a transmis à la SUVA des informations données en réponse à un questionnaire relatif à un accident dont il avait été victime le
2 octobre 2019 : en se réveillant durant la nuit pour aller aux WC, il avait trébuché sur une chaussure et avait chuté.

d. Par avis du 7 janvier 2020, le SMR a estimé que les éléments psychiatriques annoncés dans le rapport du Dr E______ du 27 septembre 2019 étaient similaires à ceux pris en compte dans le rapport final du SMR du 26 février 2018, lequel avait été établi suite aux rapports de la Dresse B______. Sur le plan somatique, la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle depuis le
6 novembre 2017 mais entière dans une activité adaptée dès le 3 mai 2019, conformément au rapport du 3 mai 2019 du Dr C______.

e. Dans une appréciation du 3 février 2020, retraçant les suites d’accidents ayant touché le genou droit (6 novembre 2017 et 2 octobre 2019) et l’épaule droite (glissade et chute le 24 juin 2019), le Dr C______ a noté que malgré une récidive de lésion du LCA, due à l’accident du 2 octobre 2019, et un traumatisme de l’articulation acromio-claviculaire consécutif à l’événement du 24 juin 2019, le Dr D______ l’avait informé, le 23 janvier 2020, qu’il n’y avait finalement
pas eu de nouvelle intervention, ni au genou droit, ni à l’épaule droite, même si
cette dernière présentait désormais une limitation de l’abduction à 90°. Aussi le
Dr C______ a-t-il estimé que la situation de l’épaule droite était stabilisée et qu’il pouvait aussi confirmer la stabilisation du cas déjà retenue le 3 mai 2019 pour le genou droit. Les critères d’exigibilité d’une activité adaptée, définis antérieurement, devaient cependant être complétés en ce sens que le port de charges était limité à 10kg dans l’axe du corps du côté droit et qu’il y avait lieu d’éviter les mouvements au-delà de 90° en abduction.

f. Le 4 février 2020, la SUVA a informé l’assuré que dans la mesure où il n’avait plus besoin d’un traitement pour ses accidents des 24 juin et 2 octobre 2019, elle mettrait fin à la prise en charge des frais médicaux dès le 1er mars et lui verserait des indemnités journalières jusqu’au 31 mars 2020.

g. Par communication du 6 février 2020, l’OAI a informé l’assuré que des mesures de réadaptation n’étaient actuellement pas indiquées.

h. Le 22 avril 2020, la SUVA a rendu une décision octroyant à l’assuré une rente d’invalidité de 10% à compter du 1er avril 2020, pour les séquelles de l’accident du 6 novembre 2017, ainsi que des indemnités pour atteinte à l’intégrité de 13.5% (accident du 24 juin 2019), respectivement 10% (accident du 6 novembre 2017).

i. Par décision du 29 juin 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations du 12 août 2019. Il ressortait de l’instruction médicale que son incapacité de travail était entière dans toute activité professionnelle, dès le 6 novembre 2017, mais que dans une activité adaptée à son état de santé, sa capacité de travail était entière depuis le 3 mai 2019. À l’échéance du délai d’attente d’une année, le 6 novembre 2018, son incapacité de gain, qui était alors entière, aurait pu ouvrir le droit à une rente d’invalidité. Cependant, dans la mesure où la demande de prestations avait été déposée le 12 août 2019, une rente ne pouvait être allouée qu’à compter du 1er février 2020. Or, à cette date, la capacité de travail était entière dans une activité adaptée. En tenant compte de cette capacité de travail résiduelle, la comparaison des revenus avec et sans invalidité (CHF 60’687.-, respectivement CHF 67’683.-) ne révélait qu’une perte de gain de CHF 6’996.-, correspondant à un degré d’invalidité de 10% qui était trop faible pour ouvrir le droit à une rente. Enfin, des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées.

C. a. Par pli du 7 septembre 2020 à l’OAI, l’assuré a contesté la décision précitée
en tant qu’elle lui refusait l’octroi d’une rente, motif pris qu’il présentait de nouveaux problèmes de santé depuis le mois de mars 2020 et que de l’avis
de « [son] médecin », son incapacité de travail était totale. Pour étayer ces affirmations, l’assuré a produit notamment un « avis de sortie des soins aigus » du 25 mars 2020, duquel il ressortait que les Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG) avaient pris en charge l’assuré du 24 mars 2020 au lendemain, en raison du diagnostic principal de sepsis d’origine pulmonaire avec défaillance d’organes multiples. Au titre des diagnostics secondaires, ce rapport précisait
que l’assuré présentait une insuffisance rénale aigüe, une stéatose hépatique alcoolique, une cardiopathie d’origine septique probable, une hyponatrémie pseudo-hyponatrémie ainsi qu’une instabilité émotionnelle.

b. Le 14 septembre 2020, l’OAI a accusé réception de ce courrier en indiquant qu’il le considérait comme une nouvelle demande depuis la décision du 29 juin 2020 qui était entrée en force. Enfin, l’OAI a précisé que cette nouvelle demande, enregistrée le 11 septembre 2020, ne pourrait être examinée que si l’assuré rendait plausible que son invalidité s’était modifiée de manière à influencer ses droits depuis la décision précitée.

c. Dans un rapport du 29 janvier 2021, le Dr D______ a mentionné qu’il n’avait pas revu l’assuré depuis février 2020. Les deux entorses graves du genou droit, survenues le « 24.10.2018 » (NDR : probablement le « 6 novembre 2017 »), respectivement le 2 octobre 2019, ainsi que l’entorse acromio-claviculaire droite de « juillet 2019 » (NDR : probablement du « 24 juin 2019 ») se répercutaient
sur la capacité de travail de l’assuré. Interrogé sur le traitement, le pronostic et l’évolution de l’atteinte, le Dr D______ a indiqué que l’assuré avait été peu collaborant, en raison de ses problèmes d’addiction, et que d’un point de vue orthopédique, l’évolution avait été catastrophique, tant au niveau de l’épaule que du genou. En l’absence de prise en charge médico-chirurgicale, la capacité de travail était nulle, y compris dans une activité adaptée, ce depuis plus de deux ans.

d. Dans un rapport du 16 décembre 2021, le Dr E______ a évoqué une dégradation de l’évolution clinique depuis septembre 2019, sur fond de poursuite de la consommation d’alcool et de cocaïne. Il avait consulté plusieurs psychiatres mais sans jamais vouloir poursuivre le suivi thérapeutique, que ce soit en psychiatrie ou en addictologie.

e. Par avis du 4 janvier 2022, le SMR a estimé que sur le plan somatique, il n’y avait pas lieu de s’écarter de l’appréciation du 3 mai 2019 du Dr C______. Quant aux éléments psychiatriques annoncés par le Dr E______ dans son rapport du 27 septembre 2019, ils étaient similaires à ceux pris en compte dans le rapport final rendu le 26 février 2018 par le SMR. Cependant, dans la mesure
où la mise sous curatelle de l’assuré le 10 juillet 2020 rendait plausible une modification notable de la santé psychique de l’assuré, la réalisation d’une expertise psychiatrique était nécessaire, afin d’établir de manière claire et circonstanciée les atteintes à la santé ayant un impact sur la capacité de travail, l’évolution des incapacités de travail et la capacité de travail résiduelle depuis 2018.

f. Par pli du 25 février 2022 au curateur de l’assuré, l’OAI a fait part de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et de confier celle-ci au docteur F______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

g. Les 18 mai et 8 juin 2022, le Dr F______, assisté de Madame G______, psychologue, a reçu l’assuré en entretien et rendu son rapport le 20 juin 2022, dans lequel il considérait, en synthèse, qu’il n’y avait pas de diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. En effet, le trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), le trouble de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif, actuellement non décompensé (F61.30), le trouble de l’attention avec hyperactivité légère, ainsi que la dépendance à plusieurs substances (F19.2) à savoir l’alcool et la cocaïne (abstinence actuelle), remplissaient certes les critères diagnostiques de la CIM-10 depuis fin 2018 et jusqu’au moment de l’expertise, mais n’empêchaient pas de retenir, dans l’activité habituelle comme dans toute activité adaptée (soit une activité en cohérence avec le niveau d’acquisition
et sans confrontation aux substances), une capacité de travail entière dont le rendement n’était réduit de 30% que lors « d’alcoolisations plus importantes ».

h. Par avis du 11 juillet 2022, le SMR a estimé qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise du Dr F______ sur le plan psychique et,
sur le plan somatique, de l’appréciation du 3 mai 2019 du Dr C______. En conséquence, la capacité de travail de l’assuré était nulle depuis le 6 novembre 2017 dans l’activité habituelle, mais entière dans une activité adaptée, depuis le
3 mai 2019.

i. Le 12 juillet 2022, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 9.89% sur
la base du raisonnement et des calculs suivants : au moment du début de l’incapacité de travail retenue par le SMR, soit en 2017, l’assuré était inscrit à l’office cantonal de l'emploi. Aussi convenait-il de déterminer le revenu sans invalidité sur la base de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) et d’établir la comparaison suivante : en se référant au tableau TA1 (tirage « skill level »), secteur privé, ligne « total », un homme pouvait réaliser, dans une activité de niveau 1, un revenu mensuel de CHF 5’417.- selon l’ESS 2018. En tenant compte de la durée normale de travail s’élevant à 41.7 heures, le revenu avec invalidité se montait à
CHF 5’647.- (soit CHF 67’767.- par année). L’indexation de ce revenu à 2019 (67’767 x 2’279 / 2’260) révélait un revenu brut avec invalidité de CHF 68’336.-, respectivement CHF 61’503.- après la prise en compte d’un abattement de 10% au titre des limitations fonctionnelles. En comparant ce dernier montant au revenu
correspondant à une activité de niveau 2 réalisée en 2016 par un homme dans le domaine « commerce, réparation d’automobiles » (ligne 45-47 du tableau TA1, tirage « skill level »), soit CHF 5’284.- par mois ou CHF 63’408.- par année, après adaptation à la durée normale du travail de 42.3h hebdomadaires dans
cette branche (CHF 67’054.-) puis indexation à l’année 2019 (CHF 68’252.- ; soit CHF 67’054 x 2’279 / 2’239), la perte de gain s’élevait à CHF 6’749.- et le degré d’invalidité à 10% ([68’252 – 61’503] x 100 / 68’252 = 9.89%, arrondi à 10%).

j. Le 14 juillet 2022, l’OAI a rendu un projet de décision niant à l’assuré le droit une rente, ainsi qu’à des mesures professionnelles.

k. Les 8 août et 14 septembre 2022, l’assuré, agissant par l’intermédiaire de son curateur, a fait part de son désaccord avec ce projet. Tout en contestant la valeur probante de l’expertise du Dr F______ et des avis du SMR, il a relevé que l’OAI ne tenait, au demeurant, pas compte de la réduction de rendement de 30% retenue par l’expert psychiatre, en lien avec la consommation d’alcool, alors que celle-ci était quotidienne.

l. Par décision du 6 octobre 2022, l’OAI a confirmé son projet de décision du
14 juillet 2022 en indiquant que les observations présentées par l’assuré n’étaient pas de nature à modifier sa position.

D. a. Le 9 novembre 2022, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’il avait droit à une rente d’invalidité, à tout le moins dès le 24 juin 2019. À l’appui de ses conclusions, il a réitéré en substance les griefs déjà formulés à l’encontre du projet de décision et soutenu que, même si l’on s’en tenait aux rapports médicaux jugés déterminants par l’intimé, le calcul du degré d’invalidité n’en aboutirait pas moins à un taux d’invalidité de 49%.

b. Par réponse du 4 janvier 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le 14 février 2023, le recourant a renoncé formellement à répliquer tout en persistant dans les faits et moyens invoqués à l’appui de ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Par courrier du 6 avril 2023, le recourant a transmis à la chambre de céans
un rapport d’intervention du 17 février 2023 des HUG (« justificatif de mission sanitaire urgente »), relatant une intervention des ambulanciers au domicile de l’intéressé, suite à un appel téléphonique de son colocataire.

f. Le 21 avril 2023, le recourant a encore communiqué à la chambre de céans une attestation du colocataire de recourant, datée du 19 avril 2023, par laquelle ce tiers indiquait s’occuper de l’entretien du logement et des courses, le recourant étant saisi de tremblements le rendant « incapable de se lever de son canapé pendant quelques jours ».

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée étant une décision relative à des prestations prévues par la LAI.

1.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAI contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAI).

Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont
le droit, s’il était admis, serait né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le principe jurisprudentiel selon lequel la décision sur opposition de l'organe de l'assurance sociale fixe la limite temporelle de l'état de fait déterminant (parmi
de nombreux autres arrêts, ATF 131 V 242 consid. 2.1) s'applique au contrôle judiciaire de la décision (sur opposition) qui clôt la procédure administrative. Selon la jurisprudence, le juge appelé à connaître de la légalité d'une décision rendue par les organes de l'assurance sociale doit apprécier l'état de fait déterminant existant au moment où la décision sur opposition litigieuse a été rendue (ATF 131 V 407 consid. 2.1.2.1 ; 121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités).

Le litige porte sur le bien-fondé du rejet de la nouvelle demande de prestations du recourant, du 11 septembre 2020, singulièrement sur la question de savoir si son état de santé s’est aggravé entre la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit aux prestations et la décision litigieuse. En tant qu’ils relatent des événements postérieurs à cette dernière, les courriers des 6 et 21 avril 2023 ne feront pas l’objet de d’un examen par la chambre de céans.

4.              

4.1 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation (cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI – RS 831.201]), l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d’un cas de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 130 V 71 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016
consid. 4.1 et les références).

L’art. 17 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée
(al. 1). De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (al. 2). Pour qu’une décision de révision entrée en force constitue elle aussi une nouvelle base de comparaison dans le cadre d’une révision ultérieure,
il faut qu’elle repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 133 V 108). Ces principes s’appliquent également en cas de nouvelle demande (ATF 130 V 71 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_685/2011 du 6 mars 2012 consid. 5.1).

Pour fixer le cadre temporel des faits à comparer au regard d’une éventuelle révision, respectivement – comme dans le cas d’espèce – pour trancher la question de savoir si le recourant a rendu vraisemblable une éventuelle péjoration de son état de santé, seul importe que la décision à la base de la comparaison se fonde sur un examen matériel de la situation, sans que le résultat de celui-ci ne doive être apprécié ou ne joue un rôle dans le présent contexte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_685/2011 du 6 mars 2012 consid. 5.2 et la référence).

Si, après un premier refus de prestation, un nouvel examen matériel du droit à
la rente a eu lieu et que celui-ci a été une nouvelle fois nié de manière définitive après un établissement des faits conforme au droit, une appréciation des preuves ainsi que la réalisation d’une comparaison des revenus (en cas d’indices d’une répercussion des effets de l’état de santé sur l’activité lucrative), la personne demandant la prestation doit – sous réserve de la jurisprudence relative au réexamen ou à la révision procédurale – se laisser opposer ce second refus lors d’une nouvelle demande (ATF 130 V 71 consid. 3.2.3). La dernière évaluation matérielle du droit à la rente doit englober l’état de fait déterminant sur la modification duquel la nouvelle demande se fonde (arrêt du Tribunal fédéral 9C_235/2020 du 8 juillet 2020 consid. 3.1). Si seuls des aspects liés au revenu tiré d’une activité lucrative exercée par l’assuré ont guidé la dernière décision entrée en force, la question de savoir si une modification du degré d’invalidité due à l’état de santé s’est produite doit être examinée à la lumière de la décision antérieure la plus proche fondée sur les constatations de fait se rapportant à l’état de santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2009 du 26 mars 2010 consid. 2.1).

4.2 Constatant, en l’espèce, que l’instruction de la première demande sur le plan psychiatrique s’était close par le rapport SMR du 26 février 2018, le docteur
H______, médecin SMR, a estimé dans son avis du 4 janvier 2022 que même si les éléments psychiatriques annoncés par le Dr E______ le 27 septembre 2019 étaient similaires à ceux que le SMR avait pris en compte le 26 février
2018, la mise sous curatelle du recourant en juillet 2020 rendait plausible une modification notable de sa santé psychique depuis 2018. S’agissant en revanche de la situation sur le plan somatique, les avis des 4 janvier et 11 juillet 2022 du
Dr H______ citaient une nouvelle fois les conclusions de l’appréciation du 3 mai 2019 du Dr C______, auxquelles ce médecin du SMR faisait déjà référence dans son avis du 7 janvier 2020. Or, sachant que l’OAI avait rendu sa décision du
29 juin 2020 sur la base de ce dernier avis, lequel ne tenait pas compte du dossier LAA postérieur au 3 mai 2019, notamment de l’appréciation du 3 février 2020 du Dr C______ qui avait été rendue à la lumière de nouveaux éléments, force est de constater que la décision du 29 juin 2020 ne repose pas sur un établissement des faits conforme au droit puisqu’il ne couvre pas entièrement le complexe de faits sur la modification duquel la demande de prestations du 11 septembre 2020 se fonde.

4.3 En conséquence, la décision du 29 juin 2020 ne saurait constituer le point de comparaison déterminant pour apprécier si le recourant a rendu plausible une aggravation de son état de santé d’un point de vue somatique. Aussi – et de manière à tenir compte des éléments somatiques qui ont été ignorés dans la décision du 29 juin 2020 malgré la transmission préalable des rapports y relatifs par la SUVA à l’OAI – le SMR aurait-il dû prendre pour point de comparaison la décision du 7 mai 2018 pour apprécier si les éléments invoqués à l’appui de la demande du 11 septembre 2020 rendaient plausible une aggravation de l’état de santé physique. Sachant toutefois que l’office intimé est entré en matière sur la demande du 11 septembre 2020 après avoir estimé que le recourant avait rendu plausible une aggravation de son état de santé psychique, il aurait dû instruire tous les aspects – médicaux et juridiques notamment – de cette nouvelle demande, comme s’il se prononçait pour la première fois sur le droit aux prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4 ; Michel VALTERIO, Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], Commentaire, 2018, p. 507). Or, ceci n’a été effectué qu’en partie puisque l’évolution orthopédique postérieure à l’appréciation du 3 mai 2019 du Dr C______ n’a fait l’objet d’aucune mention de la part du SMR, ce qui se reflète dans la décision attaquée, notamment en tant qu’elle retient une capacité de travail entière dans une activité adaptée dès le 3 mai 2019, malgré le versement d’indemnités journalières par la SUVA jusqu’au 31 mars 2020.

4.4 Sans préjudice de ce qui précède, il n’en reste pas moins nécessaire d’examiner ci-après (consid. 8) si au regard de l’expertise psychiatrique mise en œuvre – dont la valeur probante est contestée par le recourant – une aggravation de l’état de santé, propre à influencer le degré d’invalidité du recourant, est survenue depuis la décision du 7 mai 2018.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et
art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc
pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure
où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain
de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001
consid. 1).

5.2  

5.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en lien avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2.2 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, valable jusqu’à peu, une dépendance comme l’alcoolisme, la pharmacodépendance ou la toxicomanie ne constituait pas en soi une invalidité au sens de la loi. En revanche, elle jouait un rôle dans l’assurance-invalidité lorsqu’elle avait provoqué une atteinte à la santé physique ou mentale qui nuisait à la capacité de gain de l’assuré, ou si elle résultait elle-même d’une atteinte à la santé physique ou mentale qui avait valeur de maladie (ATF 99 V 28 consid. 2 ; VSI 2002 p. 32 consid. 2a, 1996 p. 319 consid. 2a).

Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2019, le Tribunal fédéral a expliqué que cette jurisprudence partait du principe que l’assuré, souffrant de dépendance, avait provoqué lui-même fautivement cet état et qu’il aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de la consommation de substances et s’en détourner ou à tout le moins entreprendre une thérapie (ATF 145 V 215 consid. 4.2 et la réf.). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances (« Substanzkonsumstörungen »), diagnostiqués en bonne et due forme, ne sauraient se voir dénier d’emblée toute pertinence sous l’angle de l’assurance-invalidité mais doivent être considérés comme d’autres atteintes à la santé psychique pouvant entraîner une invalidité (ATF 145 V 215 précité consid. 5.3.3 et 6). Dès lors qu’il n’existe pas, en matière de syndromes de dépendance – comme pour la plupart des maladies (ATF 140 V 193 consid. 3.1) – de relation directe entre le diagnostic posé et l’incapacité de travail, respectivement l’invalidité, il est nécessaire de constater médicalement les conséquences de l’atteinte à la santé sur les possibilités de gain dans chaque cas particulier (art. 7 al. 2 LPGA ; ATF 145 V 215 consid. 6.1, renvoyant à l’ATF 143 V 409 consid. 4.2.1).

Dans l’ATF 143 V 409, auquel se réfère l’ATF 145 V 215 précité, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique en cas de troubles psychiques comme suit : la jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d’examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d’une procédure structurée d’administration des preuves à l’aide d’indicateurs (ATF 141 V 281), s’applique dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris les troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). Et, depuis le revirement jurisprudentiel opéré le 11 juillet 2019, cette même procédure structurée d’administration des preuves s’applique également aux syndromes de dépendance et troubles liés à la consommation de substances, sans qu’il y ait lieu de faire de distinction entre leur caractère primaire ou secondaire (ATF 145 V 215 consid. 7 et 8.1).

Par conséquent, il s’agit, comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée si, et le cas échéant dans quelle mesure, un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d’autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d’autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s’applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en lien avec
l’art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (ATF 145 V consid 5.3.1).

5.2.3 La capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n’y a plus lieu de se fonder sur les critères de l’ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d’autre part, les potentiels de compensation (ressources).

La question des effets fonctionnels d’un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d’une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu’il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n’est pas le cas, la preuve d’une limitation de la capacité de travail invalidante n’est pas rapportée et l’absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n’est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l’appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n’est pas invalidante, mais peut l’être lorsqu’elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu’ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l’attitude de l’assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l’atteinte à la santé. Le refus de l’assuré d’y participer est un indice sérieux d’une atteinte non invalidante. À l’inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d’une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d’un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble somatoforme douloureux avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (cf. consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s’agit d’accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du
Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l’assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l’atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

 

 

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2 ; ATF 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

6.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi
qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.3.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

8.1 Dans son rapport d’expertise du 20 juin 2022, le Dr F______ a retenu en synthèse que faute de limitations fonctionnelles psychiatriques objectivables, le recourant présentait uniquement des diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, à savoir un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2) depuis fin 2018, un trouble de la personnalité émotionnellement labile (F60.3) depuis le début de l’âge adulte, un trouble de l’attention avec hyperactivité légère (F90) depuis l’enfance, et une dépendance à plusieurs substances (F19.2 ; « alcool utilisation continue et cocaïne actuellement abstinent »).

Pour conclure au caractère non incapacitant des troubles évoqués, le Dr F______ a effectué une analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents et constaté que le recourant ne nécessitait pas d’aide significative durant « la journée type » avec des activités variées possibles et sans limitations (notamment lors de l’examen clinique), en dehors des moments où il buvait trop. En l’absence de limitations fonctionnelles objectivables depuis fin 2018 jusqu’à ce jour, selon l’anamnèse, l’examen clinique et la journée-type, l’indice de gravité de l’atteinte à la santé était absent. S’agissant du traitement, l’évolution des troubles précités était globalement stationnaire depuis fin 2018 jusqu’à ce jour, sans un traitement psychotrope et sans sevrage éthylique, qui n’était pas exigible vu l’absence de limitations fonctionnelles au quotidien. Quant aux comorbidités psychiatriques précitées, elles n’entrainaient pas non plus de limitations fonctionnelles significatives et objectivables, selon l’anamnèse, l’examen clinique et la journée-type.

Concernant l’axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles), l’anamnèse révélait que le recourant présentait de longue date des comportements durables et stables nettement disharmonieux dans plusieurs secteurs de fonctionnement, ce qui permettait de retenir la présence d’un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif. Bien que présent depuis le début de l’âge adulte, ce trouble n’avait pas empêché le recourant de gérer son quotidien et de travailler sans limitations.

S’agissant du contexte social, il apparaissait, au moment de l’expertise, que le recourant présentait un isolement social partiel, mais pas total.

En ce qui concernait l’aspect « cohérence », l’expert objectivait une cohérence moyenne entre plusieurs plaintes subjectives et le constat objectif, mais sans exagération volontaire des plaintes. Au moment de l’expertise, le recourant gardait des capacités et ressources personnelles suffisantes, sans nécessiter une aide significative au quotidien et sans limitations fonctionnelles psychiatriques significatives selon l’anamnèse, la journée-type et l’examen clinique. Aussi ne pouvait-on retenir de limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie. Enfin, le recourant présentait une motivation ambivalente pour une réadaptation professionnelle dans un contexte de déconditionnement, et une motivation nulle pour un traitement antidépresseur et un sevrage éthylique selon l’anamnèse.

En conclusion, le Dr F______ a estimé que les indices jurisprudentiels de gravité n’étaient pas remplis depuis fin 2018 jusqu’à présent, en l’absence de limitations fonctionnelles psychiatriques significatives objectivables pour les diagnostics retenus.

La chambre de céans constate que le rapport d’expertise du Dr F______ comporte une anamnèse complète et détaillée d’un point de vue médical, familial et personnel, une description du status sur la base de deux entretiens d’expertise,
du dossier médical, ainsi que des plaintes et, enfin, que les conclusions sont cohérentes et motivées à la lumière des indicateurs jurisprudentiels pertinents. Il convient donc en principe d’en reconnaître la valeur probante.

8.2 Le recourant soutient que pour arriver à la conclusion qu’il peut travailler 9h par jour dans une activité adaptée (i.e. une activité en adéquation avec le niveau d’acquisitions et « sans confrontation aux substances »), l’expert aurait tiré argument des déclarations selon lesquelles il effectuerait lui-même ses courses et les tâches ménagères et qu’en conséquence, il pourrait travailler. Sans remettre en question la réalité de l’accomplissement de ces tâches et actes de la vie quotidienne, le recourant n’en estime pas moins que l’expert n’aurait pas tenu compte des troubles physiques dont il souffre et qu’en outre, il serait incohérent de prendre en compte une baisse de rendement de 30% seulement en cas de forte alcoolisation et de considérer ainsi qu’une consommation de 2 bouteilles de whisky par jour ne remplirait pas ce critère.

Ces arguments ne sauraient être suivis. Il n’a, en effet, pas échappé à l’expert que le recourant estime ne pas être capable de retravailler au vu de la perception qui est la sienne (fatigabilité accrue, tremblement des mains qui l’empêchent d’exercer une activité en étant limité par ses douleurs). Cela étant, le Dr F______ n’en retient pas moins des discordances entre les activités possibles durant la journée-type étant donné que le recourant gère son quotidien sans difficultés objectivables « en dehors des activités lourdes physiquement » (rapport d’expertise, p. 27). Par cette dernière précision, le Dr F______ réserve certes les limitations fonctionnelles d’ordre physique mais il n’en constate pas moins, pour le domaine médical qui le concerne, que les divers troubles que l’assuré présente ne le privent pas de certaines ressources, comme en atteste le déroulement d’une journée-type. Dans le même ordre d’idées, il sied de relever que le recourant ne critique pas – à juste titre – le fait que le Dr F______ parvienne à la conclusion que d’un point de vue psychiatrique, l’activité antérieure de tôlier en carrosserie puisse toujours être exercée à plein temps, sous réserve d’une diminution de rendement de 30% « lors d’alcoolisations plus importantes ».

En ce qui concerne ces dernières, il sied de constater que la dépendance à l’alcool remonte au début de l’âge adulte, qu’elle n’a pas été incapacitante (cf. expertise, p. 50) et qu’elle ne l’est pas non plus à partir de 2018. Le Dr F______ constate
en effet, depuis lors, une évolution globalement stationnaire des troubles diagnostiqués jusqu’à la date de l’expertise, sans suivi psychiatrique ni sevrage, ni traitement psychotrope. Il ajoute qu’il n’existe pas d’exigibilité pour un traitement vu l’absence de limitations fonctionnelles significatives (expertise, p. 48-49), même s’il convient qu’un sevrage éthylique peut améliorer le pronostic d’une réinsertion professionnelle (cf. expertise, p. 53). Sachant par ailleurs que le recourant ne présentait pas de limitations objectivables lors de l’examen clinique (expertise, p. 27), malgré la consommation alléguée de 2 bouteilles de whisky
par jour, qu’il fait la cuisine, le ménage, les courses et gère seul les tâches administratives (expertise, p. 25), il n’y pas d’incohérence dans le fait de retenir qu’une consommation d’alcool à la fois régulière et élevée n’exclurait pas des excès plus importants qui, eux seulement, s’ils se produisent, se répercutent de manière passagère sur le rendement au travail, la préservation de celui-ci étant la règle, à moins que les aspects somatiques du cas, qui ne sont pas du ressort de l’expert psychiatre et restent à instruire (ci-dessus : consid. 4.2), n’aboutissent à d’autres conclusions.

8.3 Dans un deuxième moyen, le recourant soutient que l’expertise réalisée serait lacunaire dans la mesure où le Dr F______ affirme lui-même n’avoir pas soumis le recourant au test de BECK, celui-ci permettant de mesurer la gravité subjective des symptômes dépressifs.

Cette objection et la conclusion que le recourant en tire ne sauraient être suivies. La chambre de céans constate tout d’abord qu’à l’instar d’autres diagnostics au sens de la CIM-10, la recherche d’éventuels troubles dépressifs a été dûment investiguée (expertise, p. 31-34 et 44). Il importe de rappeler ensuite que la question de savoir si des examens médicaux spécialisés sont nécessaires pour établir un diagnostic et, le cas échéant, lesquels, ne sont pas du ressort de l’autorité chargée d’appliquer le droit, mais exclusivement de celui du médecin chargé de l’expertise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_794/2018 du 15 juillet 2019 consid. 4.2 et la référence).

8.4 S’agissant, enfin, de l’argument tiré d’une dégradation de l’évolution clinique depuis septembre 2019 (cf. rapport du 16 janvier 2021 du Dr E______), respectivement d’une incapacité de travail totale selon le Dr D______ (cf. rapport du 29 janvier 2021), il ne mérite pas que l’on s’y attarde, compte tenu d’un champ d’analyse qui, pour le Dr D______, ne concerne pas les aspects psychiques du cas et, pour le Dr E______, les dépasse, mais sans que ce médecin fasse état d’éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés par l’expert psychiatre.

8.5 Il résulte de ce qui précède que les arguments développés par le recourant
– sur la base de l’état de fait tel qu’il se présentait au moment de la décision litigieuse (cf. ci-dessus : consid. 3) – ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d’expertise du Dr F______. En conséquence, il est établi, au degré requis de la vraisemblance prépondérante, que sur le plan psychique, l’état de santé du recourant ne s’est pas aggravé depuis la décision du 7 mai 2018.

Compte tenu toutefois du caractère lacunaire de l’instruction menée sur le plan somatique (cf. ci-dessus : consid. 4.2), la chambre de céans ne dispose pas, en l’état, d’assez d’éléments pour se prononcer sur une modification de l’état de santé qui serait propre à influencer le degré d’invalidité du recourant.

9.             Il convient donc d’admettre partiellement le recours, d’annuler la décision du
6 octobre 2022 et de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’il en complète l’instruction et, cela fait, rende une nouvelle décision.

10.         Le recourant, représenté par son curateur, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1’500.- (art. 61 let. g LPGA). En effet, selon la jurisprudence, l’avocat désigné comme curateur qui mène avec succès le procès de son protégé peut prétendre à des dépens, s’il obtient gain de cause (ATF 124 V 338 consid. 4).

11.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

*****

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 6 octobre 2022 et renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Octroie au recourant une indemnité de CHF 1’500.-, à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le