Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2576/2022

ATAS/276/2023 du 26.04.2023 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 05.06.2023, rendu le 24.01.2024, REJETE, 9C_367/2023, 50.001/270459
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2576/2022 ATAS/276/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 avril 2023

4ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Stéphane RYCHEN

 

 

demandeur

contre

 

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE LA CONSTRUCTION, sise rue de la Rôtisserie 8, GENÈVE

 

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le demandeur), né en 1969, a travaillé en tant que peintre en bâtiment pour l’entreprise B______, devenue par la suite C______ Sàrl, depuis 1994. À ce titre, il a été affilié à la Caisse de prévoyance de la construction (ci-après : la caisse ou la défenderesse).

b. Le 15 mai 2012, l’assuré a subi une sigmoïdectomie par laparoscopie, résection d’un nodule péritonéal, adhésiolyse, anastomose latéro-terminale, suite à une diverticulite perforée avec persistance d’une zone inflammatoire.

c. Placé en incapacité totale de travailler par le docteur D______, chirurgien, du 10 mai au 27 juin 2012, puis à 50% par le docteur E______, médecin traitant, dès le 2 juillet 2012, l’assuré a repris son activité habituelle à plein temps dès le 1er septembre 2012.

B. a. Dès le 7 juin 2013, le Dr E______ a attesté d’une incapacité totale de travailler du fait d’une hernie inguinale droite et du status post sigmoïdectomie.

b. Le 5 décembre 2013, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

c. Le 16 décembre 2014, le docteur F______, médecin adjoint auprès du service de chirurgie viscérale des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) a fait état du diagnostic de côlon irritable avec constipation, générant une incapacité de travail totale depuis le 7 juin 2014, pour une durée indéterminée. L’activité habituelle était cependant décrite comme encore exigible à 100% et un travail de bureau était préconisé pour réduire les limitations retenues (en l’occurrence non mentionnées par le Dr F______).

d. Par avis du 10 mars 2015, le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) a considéré que l’assuré était capable de travailler à 100%, dans toute activité depuis toujours. Aucune limitation fonctionnelle n’était retenue.

e. Sur cette base, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré par décision du 18 mai 2015, considérant qu’il n’y avait pas de maladie justifiant une diminution de la capacité de travail de longue durée. L’atteinte à la santé ne constituait donc pas une invalidité au sens de la loi.

f. Suite à l’épuisement des indemnités journalières perte de gain maladie intervenu le 27 mai 2015, l’assuré s’est inscrit auprès de l’Hospice général qui lui a versé des prestations financières dès le 1er juillet 2015.

g. En mai 2017, l’assuré a fait une tentative de réinsertion professionnelle en tant que surveillant de musée avec le soutien de l’Hospice général. Selon les dires de l’intéressé, l’expérience a duré un mois et s’est soldée par un échec vu qu’il devait régulièrement s’asseoir ou s’allonger pour supporter les douleurs.

h. Le 23 mai 2017, l’assuré a subi une cure de hernie inguinale bilatérale.

C. a. L’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI le 12 mars 2019. Il a indiqué être en incapacité totale de travailler depuis le 19 janvier 2012 en raison d’une sigmoïdectomie, d’une maladie diverticulaire et d’une hernie inguinale.

b. Par courrier du 10 avril 2019 à l’attention de l’OAI, le Dr E______ a fait état d’une aggravation évidente de la symptomatologie douloureuse, avec un transit intestinal chaotique accompagné parfois de petites incontinences et de douleurs inguinales droites de plus en plus gênantes.

c. Dans un rapport du 16 avril 2019, le docteur G______, chef de clinique auprès des HUG, a indiqué que l’assuré présentait une névralgie inguinale droite secondaire à la cure d’hernie inguinale de 2012, possiblement augmentée par une nouvelle cure inguinale pratiquée en 2017. L’imagerie de la colonne lombaire pratiquée le 22 mars 2019 laissait notamment apparaître des discopathies débutantes en L3-L4 et L4-L5 mais ne plaidait pas en faveur d’une irritation radiculaire justifiant les névralgies. Il était possible que l’ampleur des douleurs soient associées à une hyperalgésie, de la fatigue, des insomnies et des troubles de l’humeur.

d. Dans un rapport du 19 juin 2019, non signé, le service de chirurgie viscérale des HUG a indiqué que l’assuré présentait des douleurs chroniques et invalidantes au niveau abdominal et inguinal ainsi que des troubles majeurs de la défécation. Dans un travail de force, la capacité de travail était nulle. Un travail de bureau était en revanche possible, mais « pas en première ligne au vu des passages fréquents aux toilettes et de ses urgences ».

e. Par avis du 27 janvier 2020, le SMR a proposé la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire en médecine interne, rhumatologie et psychiatrie.

f. L’expertise a été attribuée de manière aléatoire au centre d’expertise CEMEDEX à Fribourg et sa mise en œuvre a été confiée aux docteurs H______ (médecine interne), I______ (psychiatrie), J______ (chirurgie) et K______ (rhumatologie).

g. Les experts ont rendu leur rapport d’expertise pluridisciplinaire le 28 juillet 2020.

-          Le Dr I______ n’a retenu aucun diagnostic incapacitant sous l’angle de la médecine interne. Sans incidence sur la capacité de travail, il a retenu une constipation chronique avec parfois des fausses diarrhées, des troubles fonctionnels intestinaux, une hydrocèle droite anamnestique, une hypertension artérielle, une épigastralgie chronique.

La capacité de travail est décrite comme entière dans toute activité, depuis toujours.

-          Le Dr I______ a retenu sous l’angle psychiatrique les diagnostics d’épisode dépressif moyen avec syndrome somatique depuis 2018 (précédé d’un trouble dépressif léger depuis 2011), d’un trouble panique sans agoraphobie et de syndrome douloureux somatoforme persistant.

La capacité de travail est considérée entière jusqu’à début 2018, puis de 80% du fait de l’anxiété, de la fatigabilité et des douleurs. Sur ce taux, l’expert a encore précisé qu’il existait une diminution de rendement de 20%, résultant du trouble de la concentration et d’un envahissement du champ des pensées par les douleurs et les problématiques somatiques perçues. Au final, est retenue une « capacité d’ensemble » de 64% dans toute activité ne nécessitant pas de traitement d’informations multiples, de prises de décisions immédiates ou d’adaptation régulière.

-          Le Dr J______ a pour sa part retenu les diagnostics de douleurs résiduelles post-opératoires inguinales sur deux cures de hernie inguinale par TEP laparoscopique avec symptomatologie douloureuse de la symphyse, status après sigmoidectomie pour diverticulite perforée en mai 2012 avec anastomose terminolatérale, constipation chronique et douleurs lombaires.

La capacité de travail est décrite comme nulle dans l’activité habituelle depuis mai 2012. Dans une activité adaptée, soit avec la possibilité de changer de position régulièrement et sans port de charge supérieure à 10 kg, elle est évaluée à 100% avec une diminution de rendement de 20%, également depuis mai 2012.

-          Le Dr K______ a retenu le diagnostic incapacitant de douleurs lombaires basses sur discopathie depuis mars 2019 et, sans incidence sur la capacité de travail, celui de canal carpien droit opéré avec légère paresthésie des trois premiers doigts.

La capacité de travail est considérée nulle dans l’activité habituelle depuis mars 2019, mais entière dans une activité sans efforts de soulèvement de plus de 5 kg à partir du sol, de porte-à-faux du buste, ni port de charge de plus de 10 kg proche du corps.

Au terme de l’évaluation consensuelle, les experts ont considéré la capacité de travail nulle dans l’activité habituelle, dès le 10 mai 2012, du fait de l’atteinte digestive, puis également par l’atteinte rhumatologique dès mars 2019.

Dans une activité adaptée, elle s’élevait à 80% jusqu’à fin 2017 du fait de l’atteinte digestive, puis à 64% du fait de l’atteinte psychiatrique.

h. Le 18 août 2020, le SMR a estimé que l’expertise était convaincante. Il ne pouvait cependant retenir la date de mai 2012 comme début de l’incapacité de travail totale en raison de la décision du 18 mai 2015 en force. Dès lors, était prise en considération une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle à partir du 1er juin 2017. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles résultant de l’expertise, une incapacité de 20% était retenue, également à partir du 1er juin 2017. Dès le 1er janvier 2018, le taux d’incapacité dans une telle activité était porté à 36%.

i. Par projet de décision du 14 octobre 2020, l’OAI a fait savoir à l’assuré qu’il envisageait de lui octroyer, dès le 1er septembre 2019, un trois quarts de rente fondé sur un taux d’invalidité de 63%.

Le revenu avec invalidité (CHF 38’651.00) avait été calculé sur la base du tableau TA1, ligne total de l’Enquête Suisse sur la Structure des Salaires (ci-après : ESS) 2016, pour un homme travaillant dans une activité de niveau 1 (activités simples et répétitives). Le salaire avait été ramené au taux de travail exigible (64%) et une réduction supplémentaire de 10% avait été octroyée à l’assuré en raison du taux d’activité et des années de service.

j. Suite à une demande du 12 janvier 2021 de la caisse, l’OAI lui a adressé une copie du dossier de l’assuré le 15 janvier 2021.

k. Par décision du 30 mars 2021, l’OAI a confirmé les termes de son projet du 14 octobre 2020 et octroyé à l’assuré un trois-quarts de rente dès le 1er septembre 2019.

l. Par courrier du 15 juin 2022, la caisse a informé l’assuré de ce qu’il n’avait droit à aucune prestation de sa part dans la mesure où il ressortait des deux décisions de l’OAI que l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité était survenue le 1er juin 2017, soit largement après la fin de l’affiliation auprès de la caisse, le 27 mai 2015.

m. Le 12 août 2022, l’assuré a contesté la position de la caisse, par l’intermédiaire de son conseil. Il a indiqué qu’il était en incapacité de travail continue depuis 2013, période où il était encore affilié à la caisse. Le fait que les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité semblaient ne pas avoir été remplies en 2015, date du rejet initial par l’OAI, n’était ainsi pas pertinent.

D. a. Le 16 août 2022, l’assuré a déposé un document intitulé « recours » par-devant la chambre de céans « de manière conservatoire, si par impossible le courrier du 15 juin 2022 de la caisse devait être considéré comme une décision formelle, sujette à recours, ce que le recourant contestait [conteste] fermement ». Il a conclu principalement à l’octroi de prestations d’invalidité de la part de la défenderesse depuis le 1er septembre 2019, du fait que l’incapacité de travail à la base de la rente d’invalidité octroyée par l’OAI datait de 2013, soit une époque où il était affilié à la caisse défenderesse.

b. Le 17 octobre 2022, la défenderesse a conclu au rejet du recours, faute de légitimation passive. Le demandeur était sorti du cercle de ses assurés le 27 mai 2015. Or, selon l’OAI, sa capacité de travail avait été entière du 5 mai 2013 au 31 mai 2017. En outre, sur la base de « diverses expertises psychiatriques », l’OAI avait établi un début d’incapacité au 1er juin 2017 seulement et la naissance du droit à une rente au 1er septembre 2019. Enfin, aucun document médical n’attestait d’une quelconque affection médicale ou incapacité de travail ouvrant le droit à une rente entre 2015 et 2017. Au vu de ces éléments, la défenderesse n’était pas compétente pour verser les prestations demandées, faute de connexité temporelle.

c. Par réplique du 9 novembre 2022, le demandeur a persisté dans ses conclusions. Il a souligné s’être trouvé en incapacité de travail de manière ininterrompue depuis une date antérieure à la fin de son affiliation auprès de la défenderesse, le 27 mai 2015. Ainsi, il ressortait de son dossier médical :

-          une incapacité totale de travailler du 7 juin 2013 au 10 novembre 2016 en raison de problèmes gastriques ;

-          une incapacité à 50%, dans une activité adaptée uniquement (l’incapacité demeurant totale dans l’activité habituelle) du 14 novembre 2016 au 3 mai 2017 ;

-          à nouveau une incapacité totale dans toute activité dès le 3 mai 2017.

Il n’avait ainsi jamais joui d’une capacité de travail supérieure à 50% depuis le 7 juin 2013. En outre, l’affection à l’origine de l’invalidité était la même que celle qui s’était manifestée durant le rapport de prévoyance et avait entraîné une incapacité de travail. Il convenait donc d’admettre tant la connexité matérielle que temporelle.

d. Par duplique du 1er décembre 2022, la défenderesse a maintenu sa position exprimée précédemment, insistant sur le fait qu’aucune incapacité de travail d’au moins 20% n’avait été attestée avant 2017, ce que le demandeur avait admis en ne formant pas opposition à l’encontre de la décision de l’OAI du 30 mars 2022. En outre, la connexité matérielle entre l’atteinte à la santé de 2013 et celle ayant donné lieu à une rente d’invalidité dès le 1er septembre 2019 était contestée, celle-ci résultant de troubles psychiatriques.

e. Le 16 février 2023, la chambre de céans a obtenu, avec l’accord du demandeur, l’apport de son dossier auprès de l’OAI.

f. Invitée à se déterminer sur la teneur dudit dossier, les parties ont persisté dans leurs positions respectives, les 6 (demandeur) et 13 (défenderesse) mars 2023.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans lequel l'assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

Le siège de la défenderesse se situant à Genève, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3.             L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984 ; Jacques-André SCHNEIDER / Thomas GEISER / Thomas GÄCHTER, LPP et LFLP, Commentaire des assurances sociales suisse, ad art. 73 N 78).

En outre, la procédure prévue par l'art. 73 LPP n'est pas déclenchée par une décision sujette à recours, mais par une simple prise de position de l'institution de prévoyance qui ne peut s'imposer qu'en vertu de la décision d'un tribunal saisi par la voie de l'action (ATF 115 V 239). C'est dire que les institutions de prévoyance (y compris celles de droit public) n'ont pas le pouvoir de rendre des décisions proprement dites (ATF 115 V 224).

À teneur de l'art. 73 al. 2 LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite dans laquelle le juge constatera les faits d'office.

Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle, est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) et plus particulièrement par les art. 89A et ss.

3.1 Au vu de ce qui précède, le courrier de la caisse du 15 juin 2022 n’est pas une décision mais une simple prise de position. L’écriture de l’assuré ne saurait dès lors constituer un recours, mais bien une demande en justice. Dans la mesure où elle respecte, en outre, la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), cette demande est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit du demandeur à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle à charge de la caisse défenderesse.

5.             L’art. 10 LPP dispose que l’assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail ; pour les bénéficiaires d’indemnités journalières de l’assurance-chômage, elle commence le jour où ils perçoivent pour la première fois une indemnité de chômage (al. 1). Selon l'alinéa 2 de cette disposition, l’obligation d’être assuré cesse, sous réserve de l’art. 8 al. 3 LPP, à l’âge ordinaire de la retraite (let. a) ; en cas de dissolution des rapports de travail (let. b); lorsque le salaire minimum n’est plus atteint (let. c) ; lorsque le droit aux indemnités journalières de l’assurance-chômage s’éteint (let. d). Durant un mois après la fin des rapports avec l’institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l’ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d’invalidité (al. 3). Si un rapport de prévoyance existait auparavant, c’est la nouvelle institution de prévoyance qui est compétente (al. 4).

6.              

6.1 Conformément à l’art. 23 let. a LPP, ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 40% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité. En vertu de l'art. 24 al. 1 LPP, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à raison 70% au moins au sens de l'AI (let. a) ; à trois quarts de rente s'il est invalide à raison de 60% au moins (let. b) ; à une demi-rente s'il est invalide à raison de 50% au moins (let. c) ; à un quart de rente s'il est invalide à raison de 40% au moins (let. d).

Comme cela ressort du texte de l’art. 23 LPP, les prestations sont dues par l’institution de prévoyance à laquelle l’intéressé est ou était affilié au moment de la survenance de l’événement assuré. Dans la prévoyance obligatoire, ce moment ne coïncide pas avec la naissance du droit à la rente de l’assurance-invalidité selon l’art. 28 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20), mais correspond à la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité ; les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance plus étendue, à tout le moins en l’absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires. Selon la jurisprudence, la qualité d’assuré doit exister au moment de la survenance de l’incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l’apparition ou de l’aggravation de l’invalidité. Lorsqu’il existe un droit à une prestation d’invalidité fondée sur une incapacité de travail survenue durant la période d’assurance, l’institution de prévoyance concernée est tenue de prendre en charge le cas, même si le degré d’invalidité se modifie après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la perte de la qualité d’assuré ne constitue pas un motif d’extinction du droit aux prestations au sens de l’art. 26 al. 3 LPP (ATF 123 V 262 consid. 1a ; ATF 118 V 45 consid. 5).

6.2 Selon la jurisprudence et la définition générale de l’art. 6 LPGA, l’on entend par incapacité de travail toute perte ou diminution de la capacité de rendement de l’assuré dans sa profession ou son domaine d’activité. Afin que cette perte puisse devenir pertinente pour le droit de la prévoyance, elle doit, aussi bien qualitativement, atteindre une certaine importance. Ainsi, une perte d’au moins 20% est exigée, d’après une pratique bien établie (ATF 144 V 58 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_162/2013 du 8 août 2013 consid. 2.1.2 ; Marc HÜRZELER, in SCHNEIDER/GEISER/GÄCHTER, Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, Berne 2020, n. 8 ad art. 23 LPP). De plus, la diminution de rendement doit être durable, dans le sens que le dommage à la santé à la base de cette diminution est susceptible, à long terme, de porter gravement atteinte à la capacité de travail de la personne assurée. Cette exigence n’est en principe pas remplie en cas d’absences répétées de courte durée pour cause de maladie de peu de jours ou de semaines isolées. En aucun cas, une atteinte à la santé qui n’a pas (encore) d’effet sur la capacité de travail de la personne assurée ne suffira pour le rattachement selon l’art. 23 LPP ; en particulier, des symptômes qui se sont déjà manifestés auparavant n’entraînent pas nécessairement une incapacité de travail (arrêts du Tribunal fédéral 9C_162/2013 du 8 août 2013 consid. 2.3.1 ; 9C_315/2013 du 22 octobre 2013 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 49/03 du 23 septembre 2004 consid. 2.3). Une incapacité de travail pertinente au sens de l’art. 23 LPP n’est pas donnée uniquement lorsque la personne assurée ne peut plus ou que partiellement exercer l’activité précédente pour des raisons de santé. Elle existe aussi lorsque l’activité ne peut plus être poursuivie sans aggraver l’état de santé de la personne (arrêt du Tribunal fédéral 9C_18/2009 consid. 4.2).

Le début de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité au sens de l’art. 23 LPP est d’une importance primordiale pour déterminer quelle institution de prévoyance est compétente. En droit de la prévoyance professionnelle, on ne peut renoncer à une preuve suffisamment claire en ce qui concerne sa survenance (Marc HÜRZELER, op. cit., n. 11 ad art. 23 LPP). Selon la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans le domaine, une perte de la capacité fonctionnelle de rendement est « en règle générale, mais pas obligatoirement », prouvée de manière satisfaisante par une incapacité de travail attestée en temps réel (« echtzeitlich ») par un médecin. Des suppositions ultérieures ainsi que des réflexions commerciales ou médicales spéculatives, telles que par exemple une incapacité de travail établie rétroactivement de manière médico-théorique après de nombreuses années, ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 9C_162/2013 du 8 août 2013 consid. 2.1.2 ; 9C_653/2016 du 2 mars 2017 consid. 4.4 et les références citées ; 9C_420/2015 du 26 janvier 2016 consid. 4.2.1). Est plutôt déterminant le fait de savoir si, quand et comment l’atteinte à la santé s’est manifestée de façon durable, acquérant ainsi une pertinence du point de vue du droit du travail (arrêts du Tribunal fédéral des assurances B 88/06 du 13 août 2007 consid. 5.1 ; B 61/06 du 23 octobre 2006 consid. 2.2 ; RSAS 2007 p. 480). L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur le rapport de travail, c’est-à-dire que la perte de la capacité fonctionnelle de rendement doit s’être manifestée dans des aspects de droit du travail, par exemple, par une baisse de rendement qui a été constatée par l’employeur, voire un avertissement de l’employeur, ou des absences au travail pour des raisons de santé, qui sortent de l’ordinaire de par leur fréquence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_420/2015 du 26 janvier 2016 consid. 4.2.1 et les références citées). Cela étant, des évaluations médicales établies rétrospectivement, peuvent, dans certains cas, représenter un complément de preuve important, en particulier en cas de tableaux cliniques avec une évolution instable, pour lesquels la succession de périodes d’incapacités de travail et de capacité de travail ne peut être évaluée de manière fiable qu’à la lumière de constatations ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2013 du 24 février 2014 consid. 4.2.2).

Peu importe le moment où un phénomène pathologique a commencé à se développer. Ce qui est décisif, c’est le moment où ce phénomène a atteint une gravité fondant une incapacité de travail significative et durable. Si l’assuré ne parvient pas à établir que l’incapacité significative de travail existait déjà pendant le rapport de prévoyance, il supporte le défaut de la preuve (RSAS 2004 p. 443). Une réduction du temps de travail pour des raisons de santé est un indice d’une incapacité de travail déterminante en matière de prévoyance professionnelle, mais ne suffit en règle générale pas à démontrer une baisse fonctionnelle de rendement. Il faut généralement qu’une attestation médicale en temps réel confirme que la réduction du temps de travail est motivée par des problèmes de santé, entre autres parce que la poursuite de l’activité professionnelle risque d’aggraver l’état de santé. On peut renoncer à une telle exigence seulement lorsqu’il est fondé d’admettre en raison d’autres circonstances – telles que des absences pour maladie avant la baisse du taux d’activité – que cette démarche est objectivement dictée par des raisons de santé et qu’il y a ainsi lieu d’admettre une baisse de rendement au travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2014 du 23 juillet 2014 consid. 5.1 et les références).

6.3 Pour que l’institution de prévoyance reste tenue à prestations après la dissolution du rapport de prévoyance, il faut non seulement que l’incapacité de travail ait débuté à une époque où l’assuré lui était affilié, mais encore qu’il existe entre cette incapacité de travail et l’invalidité une relation d’étroite connexité. La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle (ATF 130 V 270 consid. 4.1).

6.3.1 Il y a connexité matérielle si l’affection à l’origine de l’invalidité est en substance la même que celle qui s’est déjà manifestée durant le rapport de prévoyance et qui a entraîné une incapacité de travail (ATF 134 V 20, consid. 3.2). Si l’invalidité donnant droit à une rente repose sur plusieurs causes liées à la santé, mais dont une seule a eu des effets sur la capacité de travail de la personne assurée pendant la couverture de prévoyance, l’institution de prévoyance doit uniquement prendre en charge l’invalidité qui résulte de celle-ci. Pour la part de l’invalidité totale qui est due à des troubles qui ne se sont manifestés de sorte à donner 348 lieu à des prestations qu’après que la personne assurée ait quitté l’institution de prévoyance, la connexité matérielle nécessaire fait défaut (Marc HÜRZELER, in SCHNEIDER/GEISER/GÄCHTER, Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, Berne 2020, ad art. 23 LPP N 28 et les références). Dans cette optique, une connexité matérielle doit être niée par exemple lorsque l’octroi d’une rente fondée sur le droit de l’assurance-invalidité d’une rente d’invalidité résulte uniquement des troubles psychiques diagnostiqués chez le demandeur de la prestation, et qu’aucun élément ne permet cependant de déduire des rapports médicaux et des expertises – même par une interprétation très large – l’existence, déjà pendant le rapport de prévoyance, d’un trouble psychique et d’une incapacité de travail qui en résulte, mais que seules des incapacités de travail provoquées uniquement par des douleurs dorsales ont été attestées pendant la période où le demandeur avait la qualité d’assuré ; ceci est le cas même s’il apparaît évident que les problèmes dorsaux à la base de l’incapacité de travail avaient déjà à l’époque une influence sur l’état psychique et la situation psychosociale de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 9/06 du 21 novembre 2006, cons. 4. C). Une connexité matérielle fait défaut lorsqu’une superposition psychogène de douleurs corporelles combinée avec une tendance à l’aggravation n’a pas encore pu être qualifiée de maladie au moment de l’arrêt du travail et que, en tant que trouble psychique, elle n’a pas été à même de restreindre de manière déterminante la capacité de travail, mais qu’un trouble psychique ayant atteint la qualité de maladie a toutefois par la suite été à la base de l’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 73/05 du 3 mai 2006 ; RSAS 2007, p. 163).

6.3.2 La relation de connexité temporelle suppose qu’après la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité, la personne assurée n’ait pas à nouveau été capable de travailler pendant une longue période. L’existence d’un tel lien doit être examinée au regard de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, tels la nature de l’atteinte à la santé, le pronostic médical, ainsi que les motifs qui ont conduit la personne assurée à reprendre ou ne pas reprendre une activité lucrative. Il peut également être tenu compte du comportement de la personne assurée dans le monde du travail, tel que, par exemple, le fait qu’elle perçoive des indemnités journalières de l’assurance-chômage en qualité de demanderesse d’emploi pleinement apte au placement, étant précisé que les périodes de chômage indemnisées ne sauraient être pleinement assimilées à des périodes de travail effectif (ATF 134 V 20 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_76/2015 du 18 décembre 2015 consid. 2.3). La connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois (ATF 144 V 58 consid. 4.4) et que celle-ci lui permette de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 134 V 20 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_375/2019 du 25 septembre 2019 consid. 4.2 et les références citées).

6.4 Conformément à l’art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la LAI s’appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d’invalidité. Si une institution de prévoyance reprend - explicitement ou par renvoi - la définition de l’invalidité dans l’assurance-invalidité, elle est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l’estimation de l’invalidité des organes de l’assurance-invalidité, sauf lorsque cette estimation apparaît d’emblée insoutenable (ATF 126 V 311 consid. 1 in fine). Cette force contraignante vaut non seulement pour la fixation du degré d’invalidité (ATF 115 V 208), mais également pour la détermination du moment à partir duquel la capacité de travail de l’assuré s’est détériorée de manière sensible et durable (ATF 123 V 271 consid. 2a et les références citées). Cependant, l’office AI est tenu de notifier d’office une décision de rente à toutes les institutions de prévoyance entrant en considération (ATF 129 V 73). Lorsqu’il n’est pas intégré à la procédure, l’assureur LPP - qui dispose d’un droit de recours propre dans les procédures régies par la LAI - n’est pas lié par l’évaluation de l’invalidité (principe, taux et début du droit) à laquelle ont procédé les organes de l’assurance-invalidité.

Dans son ATF 140 V 470 (consid. 3.2 à 3.4), le Tribunal fédéral a considéré que depuis l'entrée en vigueur de la 5ème révision de l'AI, le droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire commençait avec la naissance du droit à une rente, soit au plus tôt six mois après le dépôt de la demande auprès de l'assurance-invalidité.

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré et le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 339/03 du 19 novembre 2003 consid. 2).

8.              

8.1 En l’espèce, la défenderesse conteste tout d’abord que l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité, reconnue par l’OAI dans sa décision du 30 mars 2021, soit survenue alors que le demandeur était encore assuré auprès d’elle. Elle rappelle qu’à teneur de la décision précédente de l’OAI, datée du 18 mai 2015 et non contestée par le demandeur, il avait été retenu qu’il n’existait pas de maladie justifiant une diminution de longue durée de la capacité de travail. C’est au final dans le cadre de la nouvelle demande de l’intéressé, déposée en 2019, qu’une incapacité de travail durable a été retenue, ce dès le 1er juin 2017, qui plus est pour des motifs psychiatriques. L’affiliation ayant pris fin le 27 mai 2015, le demandeur n’avait plus la qualité d’assuré lors de la survenance d’une diminution durable de rendement d’au moins 20%.

8.2 La chambre de céans relève cependant que la décision de l’OAI du 30 mars 2021 se fonde sur l’expertise du CEMEDEX du 28 juillet 2020 qu’elle considère, probante. Or, celle-ci retient, sur la base des éléments médicaux établis en temps réels par les médecins du demandeur, listés et discutés par les experts (cf. notamment expertise, p. 37 ss), que l’intéressé s’est toujours trouvé en incapacité de travail depuis mai 2012. Dès cette date et du fait de l’atteinte digestive, les experts évaluent consensuellement la capacité de travail comme nulle dans l’activité habituelle et de 20% dans une activité adaptée. Le SMR considère cette expertise comme convaincante, mais explique ne pas pouvoir « retenir la date de mai 2012 comme début d’incapacité de travail totale, en raison de la dernière décision entrée en force en mai 2015 (décision de l’OAI du 18.05.2015). Nous retenons la date de juin 2017, qui correspond à l’incapacité de travail totale durable depuis la dernière intervention chirurgicale » (pièce 138 OAI).

L’OAI n’estime donc pas qu’une incapacité de travail durable d’au moins 20% existe uniquement à partir de juin 2017. Au contraire, il considère qu’une telle incapacité est établie médicalement depuis mai 2012 mais qu’elle n’ouvre pas un droit à des prestations AI, pour des raisons procédurales (soit l’entrée en force d’une décision précédente retenant que la capacité de travail avait toujours été entière jusqu’en mai 2015).

Dans ces circonstances, il appert qu’une incapacité de travail de 20% existait déjà pour des troubles digestifs depuis mai 2012, soit lorsque le demandeur était encore affilié à la caisse défenderesse.

Au-delà des conclusions de l’expertise du CEMEDEX, qui ne semblent à cet égard guère critiquables, ce constat est également rendu hautement vraisemblable par le fait qu’à partir du 7 juin 2013 et jusqu’à fin mai 2015, le Dr E______ a établi chaque mois un certificat d’incapacité totale de travailler. Sur cette base, l’assureur perte de gain maladie de l’employeur a versé une indemnité journalière complète au recourant jusqu’à épuisement du droit, soit jusqu’au 27 mai 2015, au demeurant sans remettre en question l’incapacité de travail attestée.

Au final, seul le SMR, dans son rapport du 10 mars 2015 (pièce 96 OAI), a initialement retenu une capacité de travail entière du recourant « depuis toujours », se fondant essentiellement sur le rapport du Dr F______ du 16 décembre 2014, indiquant que l’activité habituelle est exigible à 100% et qu’il n’y a aucune limitation fonctionnelle à prendre en considération. Force est cependant de constater qu’une lecture attentive du rapport du Dr F______ ne permet pas de retenir de telles conclusions, vu que son auteur y indique également (et en totale contradiction avec les éléments retenus par le SMR) que l’incapacité de travail est de 100% depuis le 7 juin 2014, pour une durée indéfinie (p. 2) et qu’un travail de bureau est préconisé pour réduire les limitations fonctionnelles (p. 3), lesquelles ne sont cependant pas citées dans le rapport (pièce 88 OAI). Ce rapport est ainsi contradictoire et particulièrement peu convaincant. Il n’est donc guère surprenant que, le 18 août 2020 (pièce 138 OAI), le SMR soit explicitement revenu sur sa position du 10 mars 2015, reconnaissant, sur la base de l’expertise du CEMEDEX, que la capacité de travail est réduite (de 100% dans l’activité habituelle et 20% dans une activité adaptée) depuis mai 2012. Son appréciation précédente n’était en effet pas soutenable.

Au vu de ces éléments, il appert, au degré de preuve requis de la vraisemblance prépondérante, qu’à partir d’une date antérieure à la fin des rapports de prévoyance professionnelle, le demandeur a vu sa capacité de rendement réduite de manière durable d’au moins 20% (soit dès le 7 juin 2013 selon le médecin traitant, l’employeur et l’assureur perte de gain, soit dès mai 2012 selon les experts) en raison d’atteintes à la santé. À teneur de l’expertise, les seules atteintes incapacitantes au 27 mai 2015 (fin de l’affiliation) sont d’ordre digestif et comprennent essentiellement, selon les explications consensuelles des experts, le status après sigmoidectomie pour diverticulite perforée, la constipation et les douleurs inguinales post-opératoires permanentes (expertise, p. 5, para. 4.9). Il s’agit des mêmes atteintes que celles retenues par les médecins traitants à la même époque.

8.3 Reste à examiner si ces atteintes sont les mêmes que celles à l’origine de l’invalidité admise par l’OAI dans sa décision du 30 mars 2021 (connexité matérielle) et si le demandeur n’a pas retrouvé sa pleine capacité de travail postérieurement à la fin de son affiliation, soit le 27 mai 2015 (connexité temporelle).

Pour rappel, le taux d’invalidité retenu par l’OAI est fondé sur les conclusions de l’expertise du CEMEDEX relatives à la capacité de travail au moment de la naissance du droit à la rente, soit au 1er septembre 2019, capacité considérée nulle dans l’activité habituelle du demandeur mais de 64% dans une activité adaptée. Une fois opérée une déduction de 10% supplémentaires sur le salaire statistique en raison du taux d’activité réduit et des années de service, l’OAI a abouti à un taux d’invalidité de 63%.

Si le calcul du taux n’apparaît pas critiquable, il se fonde sur des atteintes incapacitantes partiellement distinctes de celles qui prévalaient le 27 mai 2015. Outre l’incapacité résultant de diagnostics d’ordres digestifs, il inclut ainsi désormais des incapacités de travail résultant de troubles d’ordres psychiatriques et rhumatologiques existant respectivement, depuis janvier 2018 et mars 2019, soit plusieurs années après la fin du rapport d’assurance ayant lié les parties.

Or, en vertu de l’exigence d’un rapport d’étroite connexité matérielle, il incombe à l’institution de prévoyance de prendre en charge uniquement l’invalidité résultant de la maladie assurée, soit en l’occurrence les seuls troubles digestifs. Selon les conclusions de l’expertise CEMEDEX que l’OAI a fait siennes, lesdits troubles sont invariablement la cause, depuis 2012, d’une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle et de 20% dans une activité adaptée.

C’est donc uniquement sur la base de ces 20% qu’il convient de calculer le degré d’invalidité pertinent sous l’angle de la LPP.

Ainsi, en reprenant pour le surplus les références de l’OAI (pièce 143 OAI) et en les adaptant, le calcul d’invalidité se présente comme suit :

Revenu sans invalidité actualisé : CHF 103'917.-

Revenu statistique (ESS 2016 TA1 homme) actualisé : CHF 67'102.-

Temps de travail exigible : 80%

Réduction (taux réduit et années de service) : 10%

Revenu avec invalidité actualisé : CHF 48’314.-

Perte de gain subie du fait de l’atteinte assurée : CHF 55'603.-

Degré d’invalidité du fait de l’atteinte assurée : 53.5%

Le demandeur est donc invalide à hauteur de 53.5% du fait des seuls troubles digestifs déjà incapacitants alors qu’il était encore affilié auprès de la défenderesse.

8.3.1 La défenderesse estime cependant encore qu’il ne lui incombe pas de prester, du fait que le lien de connexité temporel ferait défaut. Rien n’indique cependant que le demandeur aurait retrouvé sa capacité de travail pendant une longue période après le 27 mai 2015. À l’épuisement de ses indemnités journalières (versées pour cause de maladie), le demandeur a bénéficié de prestations d’assistance de la part de l’Hospice général, ce en tout cas jusqu’à l’octroi de sa rente AI. Il n’a jamais touché d’indemnités de la part de l’assurance-chômage et n’a donc jamais été considéré apte au placement. Sa seule tentative de se réinsérer sur le marché de l’emploi effectuée dans le cadre d’une tentative de réinsertion professionnelle avec le soutien de l’Hospice général en tant que surveillant de musée n’a pas aboutie et a été abandonnée après un mois, le 23 mai 2017, lorsque l’assuré a dû subir une cure de hernie inguinale bilatérale. Quand bien même l’intéressé n’a pas continué à faire établir des certificats d’incapacité mensuels au-delà du mois de mai 2015 (faute probablement d’avoir un employeur ou un assureur perte de gain auprès de qui les produire), rien au dossier ne laisse présager une quelconque amélioration des troubles digestifs (ici seuls pertinents). Au contraire, comme cela ressort notamment clairement de l’expertise du CEDEMEX avalisée par l’OAI, la situation est à cet égard inchangée depuis 2012.

Il existe donc également une étroite connexité temporelle entre l’incapacité de travail qui prévalait au terme de l’affiliation et la part de l’invalidité résultant des troubles digestifs.

9.             Compte tenu de ce qui précède, le demandeur a droit, dès le 1er septembre 2019 (naissance du droit à la rente AI), au versement d’une demi-rente d’invalidité de la part de la défenderesse, fondé sur un taux d’invalidité de 52.5%.

10.         Enfin, il sera renoncé à l’audition du Dr E______, requise par le demandeur, par appréciation anticipée des preuves.

11.         Contrairement aux autres branches des assurances sociales, la législation en matière de prévoyance professionnelle ne contient aucune disposition relative à la fixation des dépens pour la procédure devant le tribunal cantonal désigné pour connaître des litiges en matière de prévoyance professionnelle (art. 73 al. 2 LPP). Il appartient par conséquent au droit cantonal de procédure de déterminer si et à quelles conditions il existe un droit à une indemnité de dépens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_590/2009 du 26 mars 2010, consid. 3.1). Selon l’art. 89H al. 3 LPA, une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause, étant précisé que le terme recourant vise l’assuré, soit également le demandeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_382/2008 du 12 novembre 2008). Selon l’art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA – E 5 10.03), la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-. Les dépens sont fixés en fonction du nombre d’échanges d’écritures, de l’importance et de la pertinence des écritures, de la complexité de l’affaire et du nombre d’audiences et d’actes d’instruction (ATAS/565/2018 du 21 juin 2018).

En l’espèce, il se justifie d’allouer une indemnité de CHF 2'000.- au demandeur à titre de dépens à charge de la défenderesse.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Dit que la défenderesse doit verser au demandeur une demi-rente d'invalidité dès le 1er septembre 2019.

4.        La rejette pour le surplus.

5.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le