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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/792/2017

ATAS/565/2018 du 21.06.2018 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/792/2017 ATAS/565/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juin 2018

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GenÈve, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ

demandeur

 

contre

 

ZURICH ASSURANCE POUR LA VIE SA, sise 46 Austrasse, Zürich, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre GABUS

défenderesse

 


 

 

EN FAIT

 

1.        a. Le 12 novembre 1996, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1952, a conclu avec Zurich Compagnie d’assurance sur la Vie SA (ci-après : l’assurance-vie) un contrat d’assurance-vie (police n°1______).

Celui-ci prévoyait le versement, en date du 1er décembre 2016, d’un capital de CHF 100'000.- en cas de vie.

En cas d’incapacité de gain, l’assuré bénéficiait, d’une rente annuelle de CHF 24'000.-, versée trimestriellement jusqu’au 1er décembre 2016, après un délai d’attente de vingt-quatre mois, d’une part, de la libération des primes après un délai d’attente de trois mois, d’autre part.

Le montant du capital en cas de vie a été porté à CHF 108'824.- à compter du 1er décembre 2013.

b. Parallèlement, en sa qualité d’employé de la fiduciaire B______ Sàrl, dont il était également associé-gérant, l’intéressé était assuré contre le risque de perte de gain pour maladie auprès de Zürich Compagnie d’assurance SA (ci-après : l’assurance perte de gain; police n°14.109.178).

2.        a. À compter du 1er septembre 2010, l’assuré a été incapable de travailler en raison des atteintes suivantes : surmenage se manifestant notamment par des troubles hypochondriaques ; importante diminution de la tolérance à l’effort physique et réduction de l’attention ; méralgie paresthésique, scoliose (cervico-dorsale à convexité droite ; M41) et prolapsus du vitré (rapports du 26 novembre 2010 et certificat du 11 février 2011 de la doctoresse C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, pharmacologie et toxicologie cliniques). Un épuisement psychique et physique s’était instauré depuis quelques mois, dans un contexte de stress professionnel aigu. Les symptômes étaient les suivants : troubles de la concentration, labilité émotionnelle, anxiété, épigastralgies, douleurs majorées du système ostéo-articulaire et nerveux (rapports de la Dresse C______ du 26 novembre 2010).

b. Conformément à la police n°14.109.178, l’assurance perte de gain a pris en charge les suites de cette incapacité de travail et demandé que l’assuré soit examiné par le docteur D______ spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Ce dernier, dans son rapport du 11 février 2011, a retenu les diagnostics suivants : trouble de l’adaptation, avec réaction mixte anxieuse et dépressive (F 43.22), syndrome douloureux somatoforme persistant non invalidant (F 45.4) - sous réserve de la découverte d’une pathologie sous-jacente, étant précisé que, dans un tel cas, le diagnostic de facteurs psychologiques ou comportementaux associés à des troubles ou des maladies classées ailleurs (F54) devrait être retenu -, dépendance ponctuelle aux benzodiazépines (F13.26), difficultés liées à l’emploi et au chômage (Z56) et traits de personnalité paranoïaque.

Le Dr D______ a considéré qu’en dépit des diagnostics retenus, on ne pouvait conclure à une invalidité d’un point de vue psychique puisqu’il n’y avait de répercussion significative ni sur les activités de la vie quotidienne et du ménage ni sur la vie sociale ou les activités nécessitant de la concentration. Cela étant, en tenant compte du déconditionnement de l’assuré et afin de laisser suffisamment de temps pour exclure une pathologique somatique invalidante, le Dr D______ a conclu à une capacité de travail de 50% du 1er au 30 septembre 2010, de 0% du 1er octobre 2010 au 1er mars 2011, 50% du 2 au 15 mars 2011 et de 100% dès le 16 mars 2011.

c. Au vu des conclusions du Dr D______, l’assurance perte de gain a informé l’assuré, par courrier du 17 février 2011, qu’elle lui reconnaissait une incapacité de travail de 100% jusqu’au 28 février 2011, puis de 50% jusqu’au 15 mars 2011, date à laquelle il serait mis fin aux prestations.

d. Début mars 2011, l’état psychique de l’assuré s’est aggravé, avec l’apparition d’une agitation psychomotrice d’origine anxieuse, avec blénopharospasmes, importantes difficultés de concentration subjectives et objectivables, troubles du sommeil (réveils nocturnes fréquents), hyperphagie anxieuse responsable d’une prise de poids manifeste et, enfin, tristesse envahissante quotidienne s’accompagnant d’idéations suicidaires. Cette aggravation a conduit à une totale incapacité de travail dès le 21 mars 2011 (cf. rapport de la doctoresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 21 mars 2011).

e. Par courrier du 17 mars 2011, l’assurance perte de gain a admis une incapacité de gain de 50% jusqu’au 20 mars 2011.

En résumé, l’assurance précitée a payé les indemnités journalières à 100% du 1er octobre au 14 décembre 2010 et du 5 janvier au 28 février 2011, ainsi qu’à 50% du 1er au 20 mars 2011.

f. Le 6 avril 2011, l’assuré a contesté tant le contenu que la validité du rapport du Dr D______. Il reprochait à ce dernier d’avoir été unilatéralement mandaté par l’assurance perte de gain et de tirer des conclusions diamétralement opposées à celles de ses médecins traitants. Il demandait la mise sur pied d’une expertise à laquelle il entendait participer (choix de l’expert et des questions) et la poursuite du versement des indemnités journalières jusqu’aux résultats de l’expertise en question.

L’assurance perte de gain a rejeté la demande de l’assuré par courrier du 14 avril 2011. Selon elle, l’expertise du Dr D______ - dûment documentée et motivée - pouvait se voir reconnaitre pleine valeur probante. Au demeurant, l’assuré ne précisait pas en quoi il en contestait le contenu. L’assurance a par ailleurs reproché à l’assuré de n’avoir pas tenté de reprendre son activité professionnelle, fût-ce à temps partiel.

3.        En lien avec l’incapacité de travail de l’assuré, les procédures suivantes ont été introduites devant les autorités et juridictions du canton de Genève :

-        le 22 avril 2011, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité de Genève (OAI ; voir infra ch. 4) ;

-        le 14 juillet 2011, il a saisi la Cour de céans d’une demande en paiement d’un montant total de CHF 228'817.60 (après plusieurs amplifications) correspondant au solde des indemnités journalières dues, selon lui, par l’assurance perte de gain (procédure A/2164/2011 ; voir infra ch. 5) ;

-        le 23 mai 2013, l’assurance perte de gain a déposé plainte pénale à l’encontre de l’assuré pour escroquerie et tentative d’escroquerie, au motif qu’il n’aurait en réalité jamais cessé de travailler (procédure pénale P/______/2013 ; voir infra ch. 6) ;

-        le 1er mars 2017, l’assuré a saisi la Cour de céans d’une demande en paiement dirigée contre l’assurance-vie, visant le versement du capital en cas de vie au 1er décembre 2016 et d’une rente pour incapacité de gain, objet de la présente procédure (voir infra ch. 7).

4.        a. Comme indiqué supra, le 22 avril 2011, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’OAI de Genève en invoquant une dépression et des problèmes dorsaux.

b. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’OAI a réuni divers rapports mentionnant notamment les atteintes suivantes :

-        des douleurs dorso-lombaires chroniques sur troubles dégénératifs étagés cervicaux et lombaires (rapport du docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne et endocrinologie, du 13 mai 2011) ; des cervico-dorsalgies sur troubles statiques (cyphose - scoliose marquées) et dégénératifs (rapport du docteur G______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine physique, du 24 mai 2011) ; une cypho-scoliose dorso-lombaire, cervicalgies (rapport du docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, du 15 mars 2012) ;

-        une dépression de degré majeur (burn-out) dans un contexte de troubles de la personnalité existant de façon massive depuis fin 2010 - début 2011 (rapport du Dr F______ du 13 mai 2011) ; un probable état dépressif (rapport du Dr G______ du 24 mai 2011) ; un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), existant depuis septembre 2010 (avec répercussion sur la capacité de travail) et des troubles mixtes de la personnalité existant depuis l’adolescence (sans répercussion sur la capacité de travail) (rapport de la Dresse E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 15 juin 2011) ; un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques, existant depuis 2010 et une claustrophobie (rapport de la doctoresse I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 9 janvier 2012) ; un état dépressif chronique (rapport du Dr H______ du 15 mars 2012) ;

-        un prostatisme depuis deux ans (rapport du Dr F______ du 13 mai 2011) ;

-        une hypertension artérielle traitée (rapport du Dr F______ du 13 mai 2011) ;

-        une hypercholestérolémie (rapport du Dr F______ du 13 mai 2011).

En raison des atteintes psychiques principalement, la capacité de travail de l’assuré oscillait entre 50% (rapports du Dr G______ du 24 mai 2011 et de la Dresse E______ du 15 juin 2011) et 100% (rapport de la Dresse I______ du 9 janvier 2012).

c. L’OAI a soumis l’assuré à un examen rhumatologique et psychiatrique, pratiqué par les docteurs J______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, et K______, spécialiste FMH en psychiatrie, médecins auprès du SMR. Dans leur rapport du 9 novembre 2012, ces médecins ont retenu à titre de diagnostics ayant une répercussion durable sur la capacité de travail ceux de trouble dépressif récurent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (F33.2), de rachialgies diffuses dans le cadre d’une cyphoscoliose dorsale et de troubles dégénératifs modérés du rachis avec séquelles de maladie de Scheuermann et status après tassement du plateau supérieur gauche de D5 anamestique (M54). Ils ont également mentionné, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail, un syndrome rotulien bilatéral (M22.2), un côlon irritable anamnestique, un status après opération de la cloison nasale, des lithiases rénales anamnestiques, un status après colique néphrétique, un status après décollement du vitré droit, une hypertrophie de la prostate, une hypertension artérielle traitée, une hypercholestérolémie traitée, une claustrophobie (F40.2) et une anxiété généralisée (F41.1).

En raison de ces atteintes, les médecins ont admis une incapacité à exercer à plus de 50% la moindre activité du 1er au 30 septembre 2010 et une totale incapacité à compter du 1er octobre 2010. Les limitations fonctionnelles retenues du point de vue du rachis étaient les suivantes : nécessité de pouvoir alterner une à deux fois par heure les positions assise et débout, d’éviter le soulèvement régulier de charges excédant 5 kg, le port régulier de charges excédant 8 kg, le travail en porte-à-faux statique prolongé du tronc et l’exposition prolongée à des vibrations. Sur le plan psychiatrique, les limitations fonctionnelles résultaient du diagnostic retenu (abaissement sévère de l’humeur, quasi-disparition de l’intérêt et du plaisir, importante réduction de l’énergie, troubles de la concentration et de l’attention, effondrement de l’estime de soi et idéation suicidaire obsédante et scénarisée).

d. Se ralliant aux conclusions du SMR, l’OAI, par décision du 7 mars 2013, a reconnu à l’assuré le droit à une rente entière d’invalidité à compter du 1er octobre 2011.

e. En automne 2013, l’OAI a initié une procédure de révision dont l’instruction a permis de conclure à la persistance d’une totale incapacité de travail (cf. rapports des Drs F______ et I______, des 20 septembre 2013 et 12 novembre 2013, faisant état d’une aggravation de l’état psychique de l’assuré). Dès lors, le 18 novembre 2013, l’OAI a informé l’assuré qu’il continuait à bénéficier d’une rente entière.

5.        a. Comme indiqué plus haut, en juillet 2011, l’assuré a également saisi la Cour de céans d’une demande en paiement visant l’obtention du versement des indemnités journalières perte de gain de mars à octobre 2011.

b. Par ordonnance du 16 novembre 2012 (ATAS/1381/2012), la Cour de céans a nié toute valeur probante au rapport du Dr D______ au motif que l’on pouvait légitimement se demander si ce psychiatre ne s’était pas prononcé sur l’existence d’une incapacité de gain durable justifiant une invalidité en lieu et place d’une incapacité de travail au sens des conditions générales. La Policlinique médicale universitaire (PMU) a été mandatée pour expertise, mais ce mandat a finalement été annulé par la suite, compte tenu de l’examen du SMR du 9 novembre 2012, de la décision de l’OAI y consécutive et de la procédure pénale introduite par l’assureur.

c. Par écriture du 24 mai 2013, l’assurance perte de gain a produit plusieurs courriels émanant de l’assuré, ainsi qu’une convention signée avec sa fille, dont elle a tiré la conclusion que l’intéressé n’avait jamais cessé de travailler et qu’il était resté le détenteur économique de la fiduciaire. L’assureur se basait notamment sur les pièces suivantes :

-         un courriel adressé par l’assuré à sa fille en date du 21 avril 2011, dans lequel il écrivait, notamment : « je suis présentement au bureau car je dois quand même contrôler les déclarations d’impôt que ta mère a saisies » ;

-         un courriel daté du 21 septembre 2011, dans lequel le demandeur mentionnait : « ce nouveau médicament fait de moi un véritable légume. Je n’ai plus de force, plus d’énergie. Je dois encore terminer 7 déclarations d’impôt mais ce travail représente un véritable supplice. (…) J’oublie beaucoup de choses. Par exemple ce matin, je ne parvenais plus à retrouver les clients 2009 dans l’ancien programme « fiscalité ». Il m’a fallu près de 15 minutes pour trouver la solution. Le rhumatologue (sic) m’a prescrit de la physio en piscine mais je n’ai pas encore eu la force de téléphoner pour un r.d.v. Je ne veux plus voir quiconque. (…). Ensuite, je retournerai au bureau pour tenter de faire une ou deux déclarations d’impôt car nous sommes bientôt au 30 septembre, délai final » ;

-         un courriel de l’assuré daté du 28 novembre 2011, dans lequel il expliquait : « la bonne nouvelle, c’est que je n’aurai plus besoin de venir travailler au bureau le soir ou le week-end. Je vais commander à Bluewin une adresse IP fixe. Ensuite M. L______ fera des réglages dans le serveur je pourrai travailler à la maison comme si j’étais au bureau (…). Et tiens-toi bien, on va aussi paramétrer mon portable et également en Thaïlande ce sera la même chose. Ainsi dans le futur, je pourrai sans problèmes contrôler les déclarations d’impôt depuis Bangkok. C’est ça le progrès. En conclusion, la Zurich peut faire tout ce qu’elle veut pour me coincer au bureau. Je ne me fais maintenant plus de soucis… » ;

-         une convention signée entre le demandeur et sa fille, datée du 28 avril 2011, prévoyant notamment que « suite aux nombreux problèmes de santé de Monsieur A______ ainsi qu’à ses différents (recte différends) avec son assureur qui le prive de tout revenu bien qu’il soit en incapacité de travail de 100%, il est décidé » que la fiduciaire deviendrait la propriété de la fille du demandeur, administratrice avec signature individuelle, le demandeur lui cédant l’intégralité de ses parts (19, de CHF 1'000.- chacune) et devenant fondé de pouvoir avec signature individuelle, simple salarié ;

-         un courriel du demandeur du 19 juin 2012, adressé à sa fille, mentionnant notamment : « je travaille comme un dingue depuis le début de l’année. Grâce à la campagne ‘Google’, j’ai quasiment réussi à compenser tous les clients qui ne sont pas revenus si bien que nous devrions avoir le même nombre de clients que l’année dernière, un peu plus. (…) J’ai aussi appris que tu as demandé à ta mère de me surveiller. Je te rappelle que lorsque je t’ai remis la fiduciaire, nous avons signé un document comme quoi c’était moi qui gérait la fiduciaire. Si cette fiduciaire était mal gérée comme l’affirme ta mère, elle aurait à ce jour beaucoup de poursuites. Or, ce n’est pas le cas et depuis que je m’occupe de B______, nous n’avons jamais eu une seule poursuite » ;

-         un courrier de la fille du demandeur, adressé le 26 novembre 2012 au conseil de celui-ci, rédigé en ces termes : « c’est tout de même incroyable que pour le sauver de la faillite afin qu’il touche de l’argent de l’Hospice Général, j’ai accepté de reprendre la fiduciaire et qu’après il s’auto déclare directeur général et qu’il vide la caisse tous les jours, mon employée est témoin ».

L’assuré a contesté avoir retrouvé la moindre capacité de travail et avoir perçu le moindre revenu de sa fiduciaire. Il a expliqué que sa fille avait agi « par esprit de vengeance ». En juillet 2011, elle avait confirmé que son père lui avait remis sa fiduciaire pour raisons de santé et qu’il était privé de tout revenu depuis mars 2011. Son incapacité de travail avait d’ailleurs été corroborée par de nombreux rapports médicaux. La convention établie sous seing privé le 28 avril 2011 était restée sans effet, car elle avait été remplacée, le 26 mai 2011, par un contrat de donation ne prévoyant aucun usufruit. Au demeurant, aucun revenu en sa faveur n’apparaissait dans les comptes de la société. Au contraire, le chiffre d’affaires avait drastiquement diminué entre 2010 et 2011. Cette baisse était due au fait que sa fille n’avait jamais travaillé au sein de la société ; elle avait continué à employer sa mère, laquelle n’avait aucune connaissance en matière comptable. La gestion de l’entreprise était catastrophique depuis son départ.

À l’appui de sa position, l’assuré a produit, notamment :

-        le rapport établi le 21 juin 2013 par la Dresse I______, dans lequel elle a notamment expliqué que « durant le suivi, Monsieur A______ s’est plaint à plusieurs reprises de subir une grande pression de la part de son ex-épouse qui le harcelait par téléphone et par des messages électroniques afin de pallier à ses incompétences dans la gestion de la fiduciaire B______. Dans ce contexte, Monsieur A______ a été également très atteint et malmené par sa fille dépressive, ainsi que par les menaces de suicide de cette dernière qui lui étaient rapportées par sa mère (…). Cette situation très pesante et les menaces répétitives ont contribué à l’état d’épuisement de Monsieur A______ et ont aggravé son état dépressif, d’autant plus que Monsieur A______ était contraint de répondre aux sollicitations de son ex-épouse alors qu’il ne disposait plus de ses capacités psychiques habituelles » ; pour la Dresse I______, l’exercice d’une activité accessoire de quelques heures par année et sous la contrainte ne changeait pas son appréciation quant à la capacité de travail de son patient ;

-        le rapport du Dr F______ du 10 juin 2013, dans lequel ce médecin a notamment expliqué qu’il avait la conviction que l’assuré n’était pas à même de garantir, depuis mars 2011 au moins, un revenu économique équivalent à ce qui était le sien jusqu’alors ; l’assurance-invalidité lui avait d’ailleurs accordé une rente d’invalidité entière, admettant ainsi une perte de gain de plus de 75% ; l’état psychique de l’assuré restait préoccupant.

d. Par arrêt incident du 14 novembre 2013 (ATAS/1119/2013), la Cour de céans a suspendu cette procédure jusqu’à droit connu au pénal. Cette suspension a été prolongée le 8 décembre 2016 (ATAS/1058/2016).

e. Suite au classement de la procédure pénale (voir infra ch. 6), l’instruction de la procédure A/2164/2011 a été reprise le 19 avril 2017.

La défenderesse a alors conclu reconventionnellement à ce que le demandeur soit condamné à lui rembourser la somme de CHF 55'237.- avec intérêts et à la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer notifié dans la poursuite n°3______.

Par ordonnances des 14 novembre 2013 et 6 juin 2017, la Cour de céans a requis l’apport du dossier AI et de la procédure pénale, sur lesquels les parties ont eu l’occasion de se déterminer. Le demandeur s’est également prononcé sur la demande reconventionnelle et a conclu au déboutement de la défenderesse.

Après plaidoiries des parties, la cause a été gardée à juger.

6.        a. Comme indiqué précédemment, le 23 mai 2013, l’assurance perte de gain a déposé plainte pénale à l’encontre de l’assuré pour escroquerie et tentative d’escroquerie. Les faits portés à la connaissance du Ministère public correspondaient en substance à ceux allégués par l’assurance perte de gain dans son écriture du 24 mai 2013 (voir supra ch. 5 let. c).

b. Par ordonnance du 4 novembre 2016, le Ministère public a classé la procédure P/______/2013.

Après audition de l’assuré, de sa nouvelle épouse, de son ex-épouse, de sa fille, de la Dresse I______ et au vu des pièces du dossier, il n’avait pas été possible de confirmer que l’assuré s’était rendu plus d’une heure par semaine dans les locaux de la fiduciaire entre septembre 2010 et mars 2011. L’enquête n’avait pas non plus permis d’établir ce que l’assuré faisait exactement dans les locaux de la société. Dans ces circonstances, il ne pouvait être retenu que l’assuré avait menti aux médecins ayant attesté de son incapacité de travail et caché le fait qu’il travaillait.

Le Ministère public a relevé que tous les rapports et certificats médicaux fournis dans le cadre de la procédure pénale, y compris l’appréciation des médecins de l’OAI, dont le rapport était le plus complet, allaient dans le sens d’une incapacité de travail à 100% à compter du 1er octobre 2010. En définitive, seul le médecin-conseil de l’assurance perte de gain était d’un avis contraire. Dans ces circonstances, il convenait de classer la procédure quant à l’infraction d’escroquerie. Il en allait de même de celle de tentative d’escroquerie, l’assurance perte de gain ayant cessé de verser des prestations au demandeur en raison des doutes qu’elle éprouvait quant à la capacité de travail.

c. Le 20 mars 2017, la Chambre pénale de recours (CRP) a rejeté le recours interjeté par l’assurance perte de gain contre l’ordonnance de classement (ACPR/______/2017).

La CRP a constaté dans son arrêt que l’assuré avait reconnu être l’auteur des quatre courriels adressés à sa fille, en avril, septembre et novembre 2011, ainsi qu’en juin 2012. Rien dans la formulation des messages en question ne permettait toutefois d’inférer qu’ils se rapporteraient à une activité concrète antérieure à celle effectuée le jour en question. Contrairement aux affirmations de l’assurance perte de gain, de l’aveu même de l’ex-épouse et de la fille du demandeur, ce dernier avait formé la première à la comptabilité et à l’établissement des déclarations fiscales. Depuis septembre 2010, l’ex-épouse gérait seule la société, dont le chiffre d’affaires avait par ailleurs diminué de moitié entre 2010 et 2011.

S’il était établi que l’assuré se rendait dans les bureaux de la société pour prendre son courrier personnel, des montants en espèces et qu’il s’occupait de régler les factures et charges de la société, il n’en demeurait pas moins que l’ex-épouse du demandeur avait admis avoir peu sollicité ce dernier entre septembre 2010 et février 2011, mais l’avoir supplié de venir l’aider, de temps en temps, entre mi-février et mi-mai 2011, car elle peinait sur les dossiers plus complexes. Sa fille avait confirmé que l’assuré ne s’occupait que des dossiers épineux, qu’en 2011, il ne faisait que contrôler les déclarations et qu’au cours des mois précédant l’installation de l’extension du système informatique en novembre 2011, il ne venait à la fiduciaire que pour prélever de l’argent. Ces propos corroboraient les explications du demandeur, à savoir qu’il s’était limité à donner ponctuellement un coup de main. Le dossier ne permettait ainsi pas de retenir que l’assuré aurait poursuivi une activité professionnelle pleine et entière plutôt qu’occasionnelle, de courte durée, non rémunérée, et consistant essentiellement en des contrôles.

Par ailleurs, en mars 2011, l’incapacité de travail du demandeur était de 50%, de sorte que l’aide apportée à ce moment-là était compatible avec la perception de prestations perte de gain à due concurrence. À cela s’ajoutait le fait que l’assuré avait formellement renoncé à son statut d’associé-gérant, ainsi qu’aux profits de la société, lorsqu’il avait ratifié l’acte de donation en faveur de sa fille. En 2011, il n’était pas salarié de la société. Il avait fait augmenter sa ligne de crédit et avait bénéficié de l’aide social de l’Hospice général. Les faits n’étaient donc pas établis, de sorte que c’était à juste titre que le Ministère public avait considéré qu’il n’existait pas de prévention suffisante d’escroquerie, un acquittement paraissant plus probable qu’une condamnation.

Quant à la tentative d’escroquerie dénoncée s’agissant des nouvelles prétentions en indemnisation en juillet 2011 et en septembre 2012, la CRP a relevé que les documents médicaux produits par l’assuré n’étaient pas divergents, puisqu’il souffrait à la fois d’atteintes physiques (atteintes cervico-dorsales en lien avec la maladie de Scheuermann, fibromyalgie) et de symptômes anxio-dépressifs. On ne pouvait donc lui reprocher d’avoir consulté des spécialistes dans chacun des domaines visés (médecine interne, rhumatologie et psychiatrie). D’ailleurs, les diagnostics respectifs étaient concordants. Il en allait de même des appréciations de la capacité de travail (nulle du 1er octobre 2010 à mars 2011). Certes, l’assuré avait consulté trois psychiatres différentes. Cela était toutefois dû au fait qu’il avait eu de la peine à nouer une relation de confiance jusqu’à ce qu’il soit pris en charge par la Dresse I______, laquelle le suivait toujours en 2015, ce qui tendait à accréditer les dires du demandeur, affirmant qu’il n’avait pas changé de médecin dans le but d’« induire le corps médical en erreur sur sa capacité de travail ». Enfin, il ne ressortait pas du dossier que les tâches accomplies entre mars 2011 et septembre 2012 auraient consisté en autre chose que des contrôles de déclarations fiscales ou du démarchage de clientèle via internet, c'est-à-dire des tâches sporadiques et non rémunérées. Aucun élément ne permettait dès lors que considérer que l’assuré aurait déployé une réelle activité professionnelle excédant sa faible résistance physique ou ses capacités de concentration limitées et donc d’admettre qu’il aurait abusé ses thérapeutes.

7.        a. Se fondant sur la police d’assurance de prévoyance liée n°2______, l’assuré, invoquant son incapacité de travail, a requis de l’assurance-vie, par courrier du 16 décembre 2011, la suspension de ses primes.

Par courrier du 16 janvier 2012, l’assurance-vie a accepté la suspension sollicitée à compter du 1er décembre 2012 et jusqu’à droit jugé dans la procédure A/2164/2011, étant précisé que les primes avaient été payées jusqu’au 30 novembre 2012.

b. Par courrier du 9 avril 2013, l’assuré a transmis à son assurance-vie la décision de l’OAI du 7 mars 2013 et l’a invitée à lui verser une rente de 2'000.- CHF/mois à compter du 1er septembre 2012, la somme de CHF 16'000.- étant déjà due.

Par ailleurs, dans la mesure où le contrat d’assurance prévoyait la libération des primes après trois mois d’incapacité et que la libération n’avait été effective qu’à compter du 1er décembre 2012, l’assuré requérait la restitution du montant de CHF 13'132.-, correspondant à deux primes encaissées à tort.

Selon lui, c’était donc un montant total de CHF 29'132.- qui devait lui être versé.

Ce courrier a été transmis au service juridique de l’assurance-vie (cf. courrier du 30 avril 2013), qui ne lui a apporté aucune réponse.

c. Les 24 octobre et 1er décembre 2016, l’assurance-vie a adressé à l’assuré un document en relation avec la police Vie n°2______ arrivant à échéance le 1er décembre 2016. Selon ce document, les prestations dues étaient les suivantes :

capital en cas de vie

CHF

108'668.00

avoir sur compte d’excédents

CHF

3'057.70

total

CHF

111'725.70

postes impayés (primes, bonifications, etc).

- CHF

26'728.00

Par courrier du 15 novembre 2016, l’assuré a contesté l’imputation du montant de CHF 26'728.-.

Par ailleurs, invoquant les conditions générales, il a réclamé une rente d’invalidité de CHF 2'000.- après un délai d’attente de 24 mois. Celui-ci étant arrivé à échéance, l’assurance lui devait un montant de CHF 100'000.-, correspondant aux rentes mensuelles échues au 1er novembre 2016. Dès lors, l’assurance était formellement mise en demeure de lui verser ce montant avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2012.

Le 20 février 2016 (recte 2017), l’assuré a une nouvelle fois contesté les montants retenus par l’assurance-vie.

8.        Finalement, le 1er mars 2017, l’assuré (ci-après : le demandeur) a saisi la Cour de céans d’une demande en paiement visant la condamnation de l’assurance-vie (ci-après : la défenderesse) au paiement de CHF 225'024,70 avec intérêts à 5% l’an dès le 1er septembre 2010 (CHF 84'997,70 [capital-vie non contesté] + CHF 26'728.- [primes impayées] + CHF 11'299.- [primes payées en trop] + CHF 102'000.- [rente pour incapacité de gain]).

Le demandeur se prévaut, s’agissant du capital-vie retenu au titre de primes impayées (CHF 26'728.-) d’une libération du paiement des primes pour incapacité de travail remontant au 1er septembre 2010.

Compte tenu de cette incapacité de travail, il estime avoir versé à tort des primes jusqu’au 30 novembre 2012, ce qui représente une somme de CHF 11'299.-.

Toujours en raison de son incapacité de travail, il considère avoir droit à une rente d’invalidité de 2'000.- CHF/mois du 1er septembre 2012 au 1er décembre 2016, soit un total de CHF 102'000.-.

9.        Invitée à se déterminer, la défenderesse, dans sa réponse du 4 mai 2017, a conclu, préalablement, à la jonction de la cause avec celle ouverte en matière d’assurance perte de gain (A/2164/2011) et, principalement, au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens.

La défenderesse, invoquant les faits décrits dans sa plainte pénale du 23 mai 2013, reproche au demandeur d’avoir fait valoir une prétention frauduleuse, en dissimulant le fait que, pendant son incapacité de travail et à tout le moins jusqu’en 2013, il a continué à effectuer des tâches et à déployer une activité pour son entreprise.

Par surabondance de moyens, la défenderesse invoque également la prescription s’agissant des indemnités réclamées entre le 1er septembre 2012 et le 1er mars 2015, d’une part, du remboursement des primes prétendument versées à tort, d’autre part. Selon elle, le 30 novembre 2013 était la date limite pour réclamer la restitution desdites primes.

10.    Par courrier du 11 mai 2017, la Cour de céans a refusé la jonction formelle des causes.

11.    Le 6 juin 2017, le demandeur a répliqué.

Le demandeur allègue que la défenderesse lui a par deux fois proposé le versement de CHF 84'997.70 sans invoquer de prétention frauduleuse, qu’elle n’y a pas non plus fait allusion par la suite, lorsqu’il a contesté sa position par courriers des 15 novembre 2016 et 20 février 2017 et qu’elle ne lui a opposé cet argument que par la suite, ce qu’il considère comme une démonstration de mauvaise foi.

Le demandeur relève que la défenderesse se contente de contester la teneur de ses allégués, sans avancer le moindre argument médical susceptible de mettre en doute son incapacité de travail. Il en tire la conclusion que la défenderesse n’a aucun argument objectif justifiant son refus de prester. L’unique élément sur lequel elle se fonde est l’échange de courriels et de courriers qu’elle produit. Or, ceux-ci ne démontrent en aucun cas l’exercice d’une activité. D’ailleurs, tant le Ministère public que la CRP ont nié l’existence d’une escroquerie à l’assurance.

Quant à la prescription invoquée, le demandeur soutient que la défenderesse y a implicitement renoncé par courrier du 16 janvier 2012 ; dès lors, invoquer cette exception constituerait un abus de droit au vu des circonstances.

12.    Lors de l’audience du 22 mars 2018, les parties se sont déclarées d’accord avec une jonction informelle des causes, en ce sens qu’il a été considéré que tout ce qui avait été versé à la procédure LPP l’avait également été de facto à la procédure LCA et inversement.

Cela fait, les parties ont plaidé.

13.    A la demande de la Cour de céans, la défenderesse a produit quelques pièces manquantes par courrier du 23 avril 2018 et la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.        a. L'art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40) dispose que chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1). Ce tribunal est également compétent pour les contestations avec des institutions lorsque ces contestations résultent de l’application de l’art. 82 al. 2 (al. 1 let. b).

Cette disposition régit le traitement équivalent d'autres formes de prévoyance. L'art. 82 LPP prévoit que les salariés et les indépendants peuvent également déduire les cotisations affectées exclusivement et irrévocablement à d’autres formes reconnues de prévoyance assimilées à la prévoyance professionnelle (al. 1). Le Conseil fédéral détermine, avec la collaboration des cantons, quelles formes de prévoyance peuvent être prises en considération et décide dans quelle mesure de telles déductions seront admises pour les cotisations (al. 2).

Faisant usage de cette délégation législative, le Conseil fédéral a édicté l'ordonnance sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance, du 13 novembre 1985 (OPP 3 – RS 831.461.3).

Selon l’art. 1 al. 1 OPP 3, constituent des formes reconnues de prévoyance au sens de l'art. 82 LPP : le contrat de prévoyance liée conclu avec les établissements d'assurances (let. a) ; la convention de prévoyance liée conclue avec les fondations bancaires (let. b).

L'art. 1 al. 2 OPP 3 dispose que par contrats de prévoyance liée, on entend les contrats spéciaux d’assurance de capital et de rentes sur la vie ou en cas d’invalidité ou de décès, y compris d’éventuelles assurances complémentaires en cas de décès par accident ou d’invalidité, qui sont conclus avec une institution d’assurance soumise à la surveillance des assurances ou avec une institution d’assurance de droit public satisfaisant aux exigences fixées à l’art. 67 al. 1 LPP (let. a) et sont affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance (let. b).

Aux termes de l'art. 1 al. 3 OPP 3, par conventions de prévoyance liée, on entend les contrats spéciaux d’épargne conclus avec des fondations bancaires et affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance. Ces contrats peuvent être complétés par un contrat de prévoyance risque.

Ainsi, les institutions visées à l'art. 82 al. 2 LPP sont les institutions du pilier 3a, soit des fondations bancaires ou des institutions d'assurance qui offrent des contrats de prévoyance liée au sens de l'art. 1 al. 2 OPP 3 ou des conventions de prévoyance liée au sens de l'art. 1 al. 3 OPP 3 (MEYER/UTTINGER, Commentaire LPP et LFLP, 2010, n. 17 ad art. 73 LPP).

Les contrats ou conventions de prévoyance liée au sens de l'art. 82 LPP, affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance au sens des art. 1 al. 2 et 3 OPP 3, doivent être distingués du compte d'épargne traditionnel, qui ne peut bénéficier du statut particulier du pilier 3a, ainsi que de la police de prévoyance "libre" (ou pilier 3b), dont le preneur a la faculté de disposer à sa guise, sous forme de cession, de mise en gage, d'avances sur police ou de rachat (ATF 121 III 285 consid. 1c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_746/2010 du 12 janvier 2011 consid. 3.1).

L’art. 73 LPP a été modifié lors de la première révision de la LPP afin de fixer une seule juridiction pour les contentieux en matière de prévoyance professionnelle et de libre passage et pour les formes de prévoyance individuelle du pilier 3a (Message du 1er mars 2000 du Conseil fédéral relatif à la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [1ère révision LPP], FF 2000 2495 p. 2540).

b. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO – RS 220]; art. 52, 56a al. 1 et art. 73 LPP; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

c. Selon la jurisprudence, bien que les contrats de prévoyance liée au sens de l’art. 1 al. 2 OPP 3 soient matériellement régis par la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (LCA – RS 221.229.1), les contestations résultant de leur application sont de la compétence de l’autorité cantonale désignée pour connaître des contestations opposant fondations ou institutions de prévoyance, employeurs et ayants droits (art. 73 al. 1 let. b LPP ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_944/2008 du 30 mars 2009 consid. 2.2).

d. Quant à la compétence à raison du lieu, quand bien même l’art. 73 al. 3 LPP - qui revêt un caractère impératif - stipule que « [l]e for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé », le Tribunal fédéral a reconnu un for alternatif à celui du siège ou du domicile du défendeur, à savoir au domicile du preneur d’assureur, dès lors que cette disposition, en tant qu’elle institue comme for alternatif le « lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé », prévoit un for qui n’est pas applicable dans le cadre d’un litige résultant de la prévoyance professionnelle liée. Ainsi, le preneur d’assurance, ne disposant plus d’aucun choix de for s’il souhaite procéder contre son assurance, se voit contraint d’ouvrir action au lieu du siège de celle-ci, soit dans un lieu et dans une langue auxquels il ne pouvait raisonnablement s’attendre lors de la conclusion du contrat d’assurance, ce qui n’est pas compatible avec le principe de simplicité défini à l’art. 73 al. 2 LPP et, plus généralement, avec la ratio legis de l’art. 73 LPP (arrêt du Tribunal fédéral 9C_944/2008 du 30 mars 2009 consid. 2.3, 5.3 et 5.4 ; ATAS/175/2016 du 8 mars 2016 consid. 3b).

e. En l’espèce, le contrat d’assurance conclu par les parties relève de la prévoyance liée, soit du pilier 3a. Cela ressort en effet clairement de la police d’assurance établie le 12 novembre 1996 et remplacée le 22 octobre 2013, ainsi que des conditions particulières.

La compétence de la Cour de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Quant à la compétence à raison du lieu, elle est également donnée, puisque le demandeur, preneur d’assurance, est domicilié dans le canton de Genève.

2.        a. Les institutions de prévoyance ne sont pas habilitées à rendre des décisions à l’égard de leurs affiliés. Les prétentions émises en matière de prévoyance professionnelle - que ce soit par les institutions de prévoyance elles-mêmes, les ayants droit ou les employeurs - doivent l’être par voie d’action (ATF 115 V 224 consid. 2).

L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (ATAS/708/2015 consid. 2; Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, RJN 1984, p. 19).

C’est pourquoi, en matière de prévoyance professionnelle, le juge ne peut renvoyer l’affaire aux organes de l’assurance pour complément d’instruction et nouveau prononcé (ATF 117 V 237 consid. 2). Les prétentions qu’un affilié fonde sur la LPP ou sur le règlement de l’institution de prévoyance ne peuvent s’éteindre par suite de l’écoulement du temps qu’en raison de la prescription (ATF 117 V 329 consid. 4), question qui relève du fond et non de la recevabilité (ATAS/318/2016 consid. 1d). Du reste, l'exception de la prescription doit être expressément soulevée (ATF 129 V 237 consid. 4).

b. L’art. 73 al. 2 LPP se limite à fixer des règles-cadres de procédure. Celle-ci doit être simple, rapide et, en principe, gratuite. Lorsque le litige porte sur une contestation opposant ayant droit et institution de prévoyance, l’action est ouverte à l’initiative du premier par une écriture qui doit désigner l’institution de prévoyance visée et contenir des conclusions ainsi qu’une motivation. C’est donc la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure et détermine l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral B.59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).

c. À Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), plus particulièrement par les art. 89A ss.

d. En l’espèce, déposée dans les formes prévues par l'art. 89B al. 1 LPA, et par devant la juridiction compétente à raison du lieu et de la matière, la demande est recevable contre Zurich Assurance sur la Vie SA en tant qu’elle concerne la police de prévoyance liée n°2______.

3.        La LPP ne prévoit pas l’application de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), si bien que celle-ci n’est pas applicable (art. 2 LPGA), en dehors des cas visés par l'art. 34a LPP (et le renvoi des art. 18 let. c et 23 let. c LPP à l'art. 8 al. 2 LPGA), lesquels ne concernent pas le présent litige (arrêt du Tribunal fédéral B.128/05 du 25 juillet 2006 consid. 1).

4.        a. La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (première révision) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositions dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier 2006 [RO 2004 1700]), entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677). Les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 132 III 523 consid. 4.3).

Elle est applicable en l'espèce, dès lors que les faits juridiquement déterminants, soit les conséquences d’une incapacité de travail depuis le 1er septembre 2010, se sont déroulés postérieurement à son entrée en vigueur (ATF 130 V 445 consid. 1).

b. Comme indiqué précédemment, l’assurance en cause, qui est une police de prévoyance liée au sens de l’art. 1 al. 2 OPP 3, est régie matériellement par la LCA (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_944/2008 du 30 mars 2009 consid. 2.2 ; 9C_44/2013 du 24 avril 2013 consid. 2).

En outre, au sens de l’art. 100 al. 1 LCA, le droit des obligations, du 30 mars 1911 (CO - RS 220) est applicable au contrat d’assurance pour tout ce qui n'est pas réglé par la LCA.

5.        Le litige porte sur le droit du demandeur à recevoir de la défenderesse les prestations prévues par la police d’assurance n°1.634.674, à savoir CHF 108'824.- à titre de capital en cas de vie au 1er décembre 2016 et CHF 102'000.- (montant correspondant à la rente d’invalidité annuelle de CHF 24'000.- due du 1er septembre 2012 au 1er décembre 2016).

Le litige porte également sur le versement de CHF 3'057.70 correspondant à un avoir sur compte excédent, ainsi que sur la restitution d’un montant de CHF 11'299.-, relatif aux primes qu’il estime avoir versées en trop.

Concrètement, les questions à résoudre concernent la prescription de certaines des prétentions du demandeur, le fait que ce dernier aurait fait valoir des prétentions frauduleuses et, subsidiairement, sa capacité de travail.

6.        Dans la mesure où la défenderesse soulève l’exception de prescription, il convient d’examiner cette question en premier lieu.

a. Selon l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation. L’art. 41 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité est réservé.

Il s'agit là d'une lex specialis qui déroge tant à l'art. 41 al. 1 LCA qu'à l'art. 130 al. 1 CO et qui seule fait règle dans le domaine régi par la loi sur le contrat d'assurance (ATF 75 II 227 consid. 2 et l'arrêt cité; ATF 127 III 268 consid. 2c ; 118 II 447 consid. 2a/aa p). Le moment de l'exigibilité de la créance n'a donc aucune incidence sur le début du cours de la prescription (arrêt du Tribunal fédéral du 13 mars 2005, 5C.237/2004, consid. 2.1).

La dernière phrase de l’art. 46 al. 1 LCA a été introduite par la LPP. Dans son Message du 19 décembre 1975 à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (FF 1976 I p. 245), le Conseil fédéral a exposé que l’introduction de la 2e phrase de l’art. 46 al. 1 LCA était due à l’art. 41 al. 2 LPP. Aux termes de l'art. 41 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations sont applicables (al. 1). L'al. 1 s'applique aussi aux actions fondées sur les contrats conclus entre institutions de prévoyance et institutions d'assurance soumises à la surveillance des assurances (al. 2). Dans la partie du Message relative à l’art. 41 LPP (FF 1976 I p. 219), le Conseil fédéral a précisé que « l’insertion de l’alinéa 2 répond à une nécessité parce que les créances dérivant du contrat d’assurance se prescrivent par 2 ans (art. 46 LCA). Faute d’une telle disposition, une institution de prévoyance risquerait de voir ses créances découlant d’un contrat d’assurance collective se prescrire plus tôt que les droits des assurés envers elle. C’est pourquoi les délais de prescription de 5 et 10 ans de l’art. 41 LPP doivent aussi être applicables dans de tels cas ».

Il ressort de ce qui précède que la réserve prévue à l’art. 46 al. 1 LCA de l’art. 41 LPP ne concerne que les contrats conclus entre institutions de prévoyance et institutions d’assurance soumises à la surveillance des assurances et ne s’applique pas aux contrats conclus entre l’institution de prévoyance et le preneur d’assurance ou l’ayant droit, de sorte que le présent cas est strictement régi par le délai de prescription de deux ans de l’art. 46 al. 1, 1ère phrase, LCA.

b. Dans un arrêt rendu en matière d’assurance-vie, le Tribunal fédéral a considéré que les rentes dues en vertu d'un contrat assurant l'incapacité de gain se prescrivaient chacune par deux ans, conformément au délai prévu à l'art. 46 al. 1 LCA (ATF 139 III 263). Lorsque l'assuré peut réclamer une indemnité distincte pour chaque jour, ces prestations ne se prescrivent pas en bloc, mais séparément, dès le jour pour lequel chacune d'elles est exigible après l'attestation médicale de l'incapacité de travail et l'expiration du délai d'attente (ATF 139 III 418).

c. Les délais de prescription qui ne sont pas fixés au titre troisième du code des obligations, auxquels les art. 129 et 141 al. 1 CO ne s'appliquent pas, peuvent être prolongés pour autant que la disposition qui les institue ne soit pas impérative par nature (ATF 99 II 185 consid. 2a). En matière d'assurances privées, le délai de prescription auquel sont soumises les prétentions du preneur ou de l'ayant droit contre l'assureur peut être prolongé, puisque l'art. 46 al. 2 LCA n'en interdit que l'abrégement (cf. aussi art. 98 al. 1 LCA).

La prolongation peut notamment résulter d'une déclaration unilatérale par laquelle le débiteur renonce, soit à se prévaloir de la partie déjà écoulée du délai de prescription, soit, pour un temps généralement limité, à soulever l'exception de prescription en cas de procès (cf. ATF 99 II 185 consid. 2b et 3). De telles déclarations sont très répandues en pratique, notamment dans les relations avec les compagnies d'assurances (cf. ATF 112 II 231 consid. 3e/bb), où elles ont notoirement pour but de dispenser le créancier de l'accomplissement de l'un ou l'autre des actes interruptifs de prescription prévus à l'art. 135 ch. 2 CO. Ce but ne peut être atteint pleinement que si la déclaration n'est pas assortie de restrictions permettant à son auteur de se prévaloir de l'expiration du délai entre le moment où la déclaration est signée et la date jusqu'à laquelle sa validité est limitée - date qui correspond en général, mais non nécessairement, à l'échéance du nouveau délai qui se serait mis à courir conformément à l'art. 137 CO s'il y avait eu interruption selon l'art. 135 ch. 2 CO. En revanche, la déclaration irait au-delà de ce but si elle emportait renonciation à se prévaloir d'une prescription déjà acquise au moment où elle est signée, car ses effets seraient alors supérieurs à ceux d'une réquisition de poursuite, d'une demande en justice ou d'une citation en conciliation, qui ne font pas repartir un délai déjà échu. C'est pourquoi les déclarations de renonciation à invoquer la prescription sont le plus souvent subordonnées à la condition que le délai de prescription n'ait pas encore expiré au moment où la déclaration est émise.

Une déclaration unilatérale de renonciation à se prévaloir de la prescription doit être interprétée selon le principe de la confiance (ATF 112 II 231 consid. 3e/bb) et a donc le sens que son destinataire pouvait raisonnablement lui attribuer dans les circonstances concrètes où elle a été faite (cf. ATF 129 III 118 consid. 2.5 et les références).

d. Comme toute prescription, celle de l'art. 46 LCA peut être interrompue lorsque le débiteur reconnaît la dette (art. 135 ch. 1 CO) ou lorsque le créancier fait valoir ses droits par l'une des voies énumérées par l'art. 135 ch. 2 CO (cf. ATF 118 II 447 consid. 4c). La prescription est notamment interrompue, avec pour effet qu'un nouveau délai commence à courir dès l'interruption (art. 137 al. 1 CO), lorsque le créancier fait valoir ses droits par une action devant un tribunal. Conformément à l'art. 138 al. 1 CO, elle est ensuite interrompue et recommence à courir, durant l'instance, à compter de chaque acte judiciaire des parties et de chaque ordonnance ou décision du juge (ATF 133 III 675 consid. 2.3.1).

Lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites ou par une action devant un tribunal (art. 135 ch. 2 CO), jurisprudence et doctrine s'accordent pour admettre que la prescription n'est interrompue que jusqu'à concurrence de la somme indiquée (ATF 119 II 339 675 consid. 2.3.2). S'il entend sauvegarder ses droits, le créancier qui ne connaît pas encore le montant exact de sa créance doit donc soit interrompre la prescription pour le montant le plus élevé pouvant entrer en ligne de compte, soit accomplir un acte interruptif ne nécessitant pas l'indication d'un montant déterminé, tel que l'action en paiement non chiffrée (art. 42 al. 2 CO) ou l'action en constatation du fondement juridique de la prétention litigieuse (ATF 133 III, ATF 119 II 339 consid. 1c/aa et les références citées).

e. Le débiteur commet un abus de droit en se prévalant de la prescription, non seulement lorsqu'il amène astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, mais aussi lorsque, sans dol, il a un comportement qui donne au créancier l'assurance qu'il sera payé et l'incite donc à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription, étant précisé que l'inaction du créancier doit apparaître objectivement compréhensible (ATF 113 II 264 consid. 2e  ; ATF 108 II 287 consid. 5b ; ATF 89 II 262 consid. 4). Un tel comportement peut consister par exemple à faire patienter le créancier par des pourparlers, en entretenant l'espoir d'un règlement amiable. Selon la jurisprudence, le débiteur de mauvaise foi peut aussi se prévaloir de la prescription sans pour autant commettre un abus de droit. Seul le comportement positif à l'origine du manquement de délai - même dépourvu d'astuce - justifie la contre-exception de l'abus de droit (ATF 83 II 93).

7.        a. Comme indiqué précédemment, sous réserve d'un délai conventionnel plus long (art. 98 al. 1 LCA), les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation (art. 46 al. 1, 1ère phrase, LCA). Cette disposition est applicable à toutes les créances qui, en vertu de la loi ou du contrat, ont leur source dans les rapports d'assurance. Les deux principales situations visées par cette disposition concernent, d'une part, la prétention de l'assureur en paiement de la prime et, d'autre part, la prétention de l'ayant droit à l'exécution de la prestation d'assurance.

Les prétentions qui ont certes un rapport avec le contrat d'assurance, mais qui ne constituent pas des prétentions légales ou contractuelles, ne tombent pas dans le champ d'application de l'art. 46 LCA. Ainsi, une créance en restitution de prestations versées à tort ne dérive pas du contrat d'assurance lui-même, mais ressortit à l'enrichissement illégitime. Par analogie, il y a lieu de tenir le même raisonnement s'agissant de la créance en restitution de primes versées à tort (ATF 135 III 289 consid. 6.2).

b. Conformément à l'art. 67 CO, l'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition, et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit. Le lésé n'a connaissance de son droit que lorsqu'il a la possibilité d'intenter une action en justice et qu'il possède les éléments suffisants pour motiver une telle demande (ATF 132 V 404 consid. 3; ATF 129 III 503 consid. 3.4).

8.        En l’espèce, la défenderesse soutient que les prétentions du demandeur en remboursement des primes payées en trop, d’une part, en paiement d’une rente pour incapacité de gain, d’autre part, sont prescrites.

a. La prescription des primes versées en trop est d’un an à compter du jour où le demandeur a eu connaissance de son droit de répétition, ce par quoi il faut comprendre dès qu’il a la possibilité d’intenter une action en justice et qu’il possède les éléments suffisants pour motiver une telle demande (voir supra consid. 5 let. b).

En l’espèce, force est de constater qu’au plus tard le 9 avril 2013, le demandeur a eu connaissance de son paiement indu (voir courrier de BRS du 9 avril 2013, dans lequel le conseil du recourant écrit « le contrat d’assurance prévoyait la libération des primes après trois mois d’incapacité de travail. Or, Monsieur A______ a payé les primes de l’assurance jusqu’au 30 novembre 2012 et la Zurich Compagnie d’Assurances SA a accepté de suspendre le paiement des primes à partir du 1er décembre 2012. Par conséquent, votre compagnie d’assurance est également tenue de rembourser à mon client les deux primes encaissées depuis son incapacité de travail, correspondant à CHF 13'132.- »). Au vu de la formulation de ce courrier, c’est à compter de cette date que le demandeur a eu conscience d’avoir versé à tort certains montants. Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir et est arrivé à échéance le 8 avril 2014 au plus tard sans avoir été interrompu.

Par conséquent, la demande en remboursement des primes éventuellement payées en trop est effectivement prescrite.

b. La prescription de la rente en cas d’incapacité de gain commence, elle, à courir dès le jour où chaque indemnité devient exigible (voir supra). La demande en paiement des rentes dues ayant été déposée le 3 mars 2017, les rentes réclamées pour la période antérieure au 3 mars 2015, sont prescrites comme le soulève à juste titre la défenderesse.

c. Le demandeur argue que le courrier du 16 janvier 2012 constituait une renonciation implicite à la prescription et que, dès lors, se prévaloir de cette exception constitue un abus de droit.

Cette argumentation ne peut être suivie. Dans ce courrier du 16 janvier 2012, la défenderesse ne fait qu’accepter de suspendre le paiement des primes, conformément à la police d’assurance et aux conditions P3. Le fait qu’elle limite la suspension jusqu’à droit jugé dans la procédure portant sur le versement des indemnités journalières perte de gain ne permet pas de déduire qu’elle renonce tacitement à invoquer la prescription.

d. En résumé, il ressort de ce qui précède que la demande en paiement est prescrite en tant qu’elle porte sur la restitution des primes éventuellement versées à tort (CHF 11'299.-) et sur le versement d’une rente en cas d’incapacité de gain pour la période antérieure au 1er mars 2015 (CHF 66'000.-, soit 33 mois à CHF 2'000.-).

Restent dès lors litigieux les CHF 108'668.- réclamés par le demandeur à titre de capital en cas de vie, les CHF 3'057,70 correspondant à un excédent sur le compte - montant reconnu par la défenderesse - et les CHF 36'000.- correspondant à une rente en cas d’incapacité de gain pour la période non prescrite.

9.        a. La défenderesse s’oppose au versement des prestations non prescrites au motif que le demandeur aurait passé sous silence une capacité de travail résiduelle et le fait qu’il aurait continué à exercer une activité au sein de sa fiduciaire en dépit de l’incapacité de travail attestée médicalement.

b. L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse de la manière suivante : si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue. Il faut, en d’autres termes, constater que, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur aurait versé une prestation moins importante, voire aucune. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée.

En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit ; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêts du Tribunal fédéral 4A_286/2016 du 29 août 2016 consid.5.1.2 et les arrêts cités et 4A_643/2016 du 7 avril 2017).

L'art. 40 LCA formule un moyen libératoire pour l'assureur, de sorte qu'il incombe à ce dernier de prouver les faits permettant l'application de cette disposition. Cette disposition est notamment conçue pour l'hypothèse où l'ayant droit fait des déclarations mensongères relevant de l'escroquerie à l'assurance, en particulier pour le cas où il déclare un dommage plus étendu que celui qui est survenu en réalité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_671/2010 du 25 mars 2011 consid. 2.6 et les références).

Lorsque les conditions de l’art. 40 LCA sont réunies, l’assureur peut non seulement refuser ses prestations, mais aussi se départir du contrat et répéter en principe celles qu’il a déjà versées, cette faculté n’existant cependant qu’à l’égard de l’auteur de la tromperie (arrêt du Tribunal fédéral 5C.138/2005 du 5 septembre 2005, consid. 4.2) et pour le contrat affecté par elle (ATF 131 III 314, consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_671/2010 du 25 mars 2011, consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2010 du 17 novembre 2010). L’assureur peut également se départir du contrat lorsque l’employé fraudeur ayant en principe droit à des prétentions dans le cadre d’une assurance collective contre les accidents ou la maladie est en même temps le gérant de la Sàrl, soit un organe de celle-ci (voir arrêt du Tribunal fédéral 4A_382/2014 du 3 mars 2015, consid. 5.2 et 6.3). La résolution du contrat, laquelle produit des effets ex tunc, n’étend ses effets que jusqu’au jour de la fraude – et non au jour de la conclusion du contrat (BRULHART, Droit des assurances privées, 2e édition, 2017, n° 817 p. 422 et les références citées)

b/aa. Dans un arrêt 4A_432/2015 du 8 février 2016, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’était pas arbitraire de retenir qu’un assureur n’avait pas apporté la preuve de la capacité de travail entière ou partielle d’un opticien en arrêt de travail à 100%, quand bien même un détective privé mandaté par l’assureur avait constaté que l’opticien en question était présent quotidiennement dans sa boutique durant 4h30 chaque jour et prenait en charge divers clients (consid. 4.3). L’assuré - interrogé par l’assureur - avait certes menti en déclarant qu’il lui arrivait de rendre visite à sa femme à la boutique et de lui rendre de tout petits services - par ex. changer de la monnaie - sans jamais servir de clients ou leur faire passer de tests de la vue. Malgré tout, le Tribunal fédéral a nié l’intention d’induire en erreur l’assureur alors que, pour l’instance cantonale, il était établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré, en passant sous silence l’activité réellement exercée dans la boutique, avait voulu accroître ses chances de toucher d’autres indemnités journalières, le Tribunal fédéral a estimé qu’il n’était pas arbitraire de considérer que l’assuré n’avait pas agi consciemment et volontairement dans le but d’obtenir des indemnités journalières indues, dès lors que son médecin traitant lui avait recommandé de reprendre progressivement son activité à des fins thérapeutiques, à la manière d’un stage (consid. 5.3.2 et 5.3.3).

b/bb. Dans un arrêt 4A_382/2014 du 3 mars 2015, le Tribunal fédéral a jugé qu’un assuré, architecte d’intérieur de profession, avait travaillé, dès lors qu’il avait été aperçu dans ses locaux à Zurich, à diverses discussions professionnelles et sur des chantiers à St-Gall, Zermatt et Berne.

b/cc. Dans un arrêt 4A_286/2016 du 26 août 2016, le Tribunal fédéral a considéré que l’assuré qui s’était rendu, pendant son incapacité de travail à 100%, dans son garage, et y avait mené, avec des clients, des discussions relatives à des véhicules d’occasion et expertisé des profils de pneus, avait commis une prétention frauduleuse au sens de l’art. 40 LCA.

b/dd. Dans un arrêt ATAS/802/2016 du 29 septembre 2016, la Chambre de céans a considéré qu’une assurée, coiffeuse de profession, n’avait pas exercé son activité pendant son incapacité de travail, mais s’était limitée à réaliser quelques activités accessoires (prise de rendez-vous, téléphone, agenda) afin de s’occuper et non dans un but lucratif, puisque lesdites tâches incombaient en principe à son employée qui, seule, coiffait les clients. Les faits n’étaient donc pas constitutifs d’une prétention frauduleuse.

Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral a suivi l’avis de la Cour cantonale (cf. arrêt 4A/643/2016 du 7 avril 2017). Il a considéré que l’assurée, coiffeuse indépendante, qui, en arrêt de travail, s’était rendue dans son salon pour passer du temps devant l’ordinateur, répondre au téléphone, prendre des rendez-vous, s’occuper de l’agenda et discuter avec la clientèle, n’avait pas exercé d’activité constituant l’essence de son métier de base. Le dossier ne permettait pas non plus de considérer qu’elle avait assumé lesdites activités systématiquement, à un niveau professionnel. Dès lors, on ne pouvait lui reprocher de déclaration mensongère, d’autant moins que, d’un point de vue subjectif, l’intéressée pouvait penser de bonne foi que seule l’activité de coiffeuse en tant que telle était déterminante.

10.    a. En l’espèce, la défenderesse se fonde sur les documents qui lui ont été envoyés par la fille du demandeur le 2 avril 2013 (pièce 3, chargé défenderesse ; voir supra, partie « en FAIT »). Elle en tire la conclusion que l’assuré lui a sciemment dissimulé une capacité de travail résiduelle et la continuation de son activité professionnelle au sein de la fiduciaire et que, ce faisant, il a fait valoir des prétentions frauduleuses en requérant le versement d’une rente pour incapacité de gain.

Il convient de déterminer si l’on peut retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le demandeur a exercé son activité habituelle alors qu’il était censé être totalement incapable de travailler.

b. Suite à la plainte pénale déposée le 23 mai 2012 sur la base des courriels précités, le Ministère public a procédé à une instruction approfondie. Après avoir entendu le demandeur, son épouse actuelle, son ex-femme, sa fille et la Dresse I______, il a décidé de classer le dossier, classement confirmé, sur recours, par la CPR.

Il est constant que l’art. 146 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), examiné par les autorités pénales dans l’ordonnance de classement du 4 novembre 2016 et l’arrêt du 20 mars 2007, ne prévoit pas les mêmes conditions que l’art. 40 LCA, l’astuce étant notamment indispensable pour une condamnation pénale.

Cela étant, les éléments récoltés dans le cadre de la procédure pénale se révèlent utiles pour examiner si les conditions de la prétention frauduleuse sont réalisées.

c. A titre liminaire, il convient de relever que l’envoi des courriels sur lesquels la défenderesse se fonde pour refuser de prester s’inscrit dans un contexte familial très conflictuel. En effet, il ressort de la procédure pénale que le demandeur aurait menacé la fiduciaire - dont sa fille est désormais propriétaire - d’une plainte pénale. Il a également adressé un courrier aux clients de la fiduciaire afin de les informer qu’il n’y travaillait plus, démarche qui a eu pour conséquence que l’entreprise a perdu la quasi-totalité de ses clients vaudois (cf. procès-verbal de police établi suite à l’audition de la fille du demandeur, le 27 mars 2014, p. 4). L’envoi des courriels litigieux constitue donc en quelque sorte une mesure de rétorsion, ce qu’admet d’ailleurs implicitement la fille du demandeur (cf. notamment le procès-verbal de l’audience d’instruction du 12 mai 2015 p. 8 : « je me suis dit que ça devait s’arrêter. Il se croit au-dessus des lois »).

Par ailleurs, les courriels dont a eu à connaître l’assurance perte de gain, transmis à la défenderesse, ont été sortis de leur contexte et seuls ceux laissant croire que le demandeur travaillait ont été remis, à l’exclusion de ceux dans lesquels le demandeur faisait état de sa maladie, de ses difficultés à se concentrer, ainsi que de ceux dont il ressort que son ex-femme le sollicitait de manière répétée et s’occupait seule de la gestion de la fiduciaire.

Enfin, de nombreuses contradictions - au demeurant relevées par les autorités et juridictions pénales - ressortent des auditions, par la police ou le Ministère public, de l’ex-épouse du demandeur et de leur fille.

Dans de telles circonstances, les déclarations et pièces précitées doivent être examinées avec circonspection.

d/aa. À l’examen du dossier, la Cour de céans constate en premier lieu, comme l’ont fait les autorités pénales avant elle, que les courriels litigieux - sur lesquels se fonde la défenderesse pour refuser de prester - ont été rédigés les 21 avril, 21 septembre et 28 novembre 2011 et le 19 juin 2012 et que rien dans leur formulation ne permet de déduire qu’ils se rapporteraient à une activité concrète antérieure à celle effectuée le jour concerné.

Il ressort également des déclarations de l’ex-femme du demandeur qu’entre octobre 2010 et mars 2011, l’intéressé se trouvait dans un état de « demi-légume » et prenait tellement de médicaments qu’elle ne le reconnaissait plus (cf. procès-verbal de police relatif à l’audition de l’ex-épouse du demandeur le 27 mars 2017 p. 4). Elle disait même avoir pensé, en avril 2011, que le demandeur n’avait plus toute sa tête (cf. procès-verbal de police relatif à l’audition de l’ex-épouse du demandeur le 27 mars 2017 p. 5). L’ex-épouse du demandeur a également admis n’avoir que peu sollicité celui-ci entre septembre 2010 et février 2011 et s’être chargée de tout (cf. procès-verbal de l’audition à la police de l’ex-épouse du demandeur du 27 mars 2017 p. 6).

Dans ces circonstances, la Cour de céans rejoint la position de la CPR et considère, comme cette dernière, qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir que le demandeur aurait effectué des tâches typiques de son activité habituelle de gérant de fiduciaire entre septembre 2010 et mars 2011.

d/bb. S’agissant de la période pendant laquelle lesdits courriels ont été rédigés, la Cour de céans constate ce qui suit.

Il ressort des courriels en question que le demandeur aurait contrôlé des déclarations d’impôt (courriels des 21 avril 2011, 21 et 28 novembre 2011), terminé - c'est-à-dire contrôlé (cf. procès-verbal de l’audience d’instruction du 9 octobre 2014, p. 2) - sept déclarations d’impôt (courriel du 21 septembre 2011), établi des factures, fait des paiements pour la fiduciaire ou encore démarché des clients par le biais d’une campagne Google (courriel du 19 juin 2012).

Interrogé par la police, puis par le Ministère public, le demandeur a admis avoir écrit lesdits courriels, affirmant toutefois n’avoir pas effectué de sa propre initiative les activités qui y étaient mentionnées, mais être intervenu à la demande de son ex-épouse. Ces déclarations sont corroborées par les courriels transmis au Ministère public les 1er et 3 novembre 2010, 10 et 11 février 2011, 3 et 21 août 2011, 17 et 23 février, 7 mars, 2, 4, 5, 12, 18 et 21 avril, 7 et 13 juin 2012, dont il ressort que l’ex-épouse a effectivement à de nombreuses reprises sollicité l’aide du demandeur, ce qu’elle a d’ailleurs admis lors de ses auditions.

Le demandeur a également expliqué avoir donné ces coups de main parce qu’il était sous la domination de son ex-femme, qui insistait jusqu’à ce qu’il cède ; il craignait par ailleurs de se faire licencier prématurément, ce qui l’aurait empêché de bénéficier des prestations de l’institution de prévoyance de la fiduciaire (cf. procès-verbaux d’instruction du 24 septembre 2014 p. 9 et du 9 octobre 2014 p. 2). Les déclarations du demandeur ont été confirmées par son ex-épouse, laquelle a admis, lors de l’audience d’instruction du 12 mai 2015, l’avoir supplié de venir à la fiduciaire, malgré sa maladie, et avoir exercé une certaine domination sur lui. Cette pression psychologique a également été confirmée par la Dresse I______, qui a expliqué, dans son rapport du 21 juin 2013, que le demandeur s’était plaint, à plusieurs reprises, d’être harcelé par son ex-épouse et malmené par sa fille. Cette situation, très pesante, et les menaces répétées dont il avait fait l’objet avaient d’ailleurs en partie contribué à son état d’épuisement et aggravé son état dépressif, car il s’était plié aux exigences de son ex-épouse alors qu’il ne disposait plus de ses capacités psychiques habituelles (cf. procès-verbal d’instruction du 26 mars 2015, p. 13).

Les facultés psychiques amoindries du demandeur ont également eu des répercussions sur la qualité de son contrôle. Il avait des troubles de la mémoire (voir courriel du 21 septembre 2011 : « j’oublie beaucoup de choses »), commettait des erreurs dans le travail de vérification et ne décelait pas celles commises par son ex-épouse (cf. procès-verbal d’instruction du 9 octobre 2014 p. 2 ; voir également courriel d’un client, daté du 28 septembre 2012, « vu que nous avons tout de même 3 points faux dans la déclaration »).

Enfin, s’agissant de l’intensité des activités, le demandeur a admis se rendre une à deux fois par semaine à la fiduciaire, le soir, pour des périodes d’une demi-heure au plus (cf. procès-verbal de police établi suite à l’audition du demandeur le 12 septembre 2013 et procès-verbal d’instruction du 9 octobre 2014, p. 3). En 2011, il a ainsi passé entre 10 et 15 heures dans les bureaux de la fiduciaire (cf. procès-verbal d’instruction du 24 septembre 2014, p. 9). Selon la Dresse I______, le demandeur a procédé au contrôle des déclarations pendant environ 20 heures entre février et juin, ainsi qu’en septembre 2011 et pendant environ 15 heures, entre février et juin 2012 (rapport de la Dresse I______ du 21 juin 2013). Au demeurant, pour la Dresse I______ a indiqué que son opinion quant à la capacité de travail de son patient n’était pas susceptible d’être modifiée par l’exercice d’une activité accessoire de quelques heures par année et sous la contrainte. Lors de l’audience d’instruction du 26 mars 2015, la doctoresse a précisé qu’elle pensait le demandeur apte à travailler une heure de temps à autre, sur demande, mais ne l’estimait pas capable de travailler une semaine entière (cf. le procès-verbal d’instruction du 26 mars 2015, p. 13).

Au vu de ce qui précède, force est de constater que le dossier ne permet pas de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le demandeur aurait exercé des activités typiques de sa profession, de manière systématique ou encore à un niveau professionnel et dans des conditions sereines pendant le délai d’attente de 24 mois et au-delà. L’absence du demandeur semble d’ailleurs s’être fait ressentir sur le chiffre d’affaires, celui-ci étant passé de CHF 242'964.- en 2010 à CHF 118'666.- en 2011 (cf. ordonnance de classement du 4 novembre 2016 p. 10). Au demeurant, bien qu’informée de l’existence de coups de main à son épouse, la Dresse I______ a persisté à qualifier son patient de totalement incapable d’exercer sa profession (rapport de la Dresse I______ du 21 juin 2013).

Aucune prétention frauduleuse ne peut ainsi être retenue à l’encontre du demandeur, de sorte que la défenderesse est tenue de s’acquitter des prestations non prescrites prévues par la police d’assurance n°2______.

11.    S’agissant des prestations dues, la police d’assurance précitée prévoit tout d’abord le versement d’une rente en cas d’incapacité de gain de CHF 24'000.- par an.

Dans la présente procédure, la défenderesse n’a pas contesté l’incapacité de travail du demandeur en tant que telle. Cependant, dans la mesure où, lors de l’audience du 22 mars 2018, les parties se sont déclarées d’accord avec une jonction informelle des causes et où la défenderesse a contesté la capacité de travail dans la procédure A/2164/2011, cette problématique sera abordée ici dans un souci d’exhaustivité.

a. Selon l’art. 2 des conditions pour la rente en cas d’incapacité de gain (Assurance complémentaire I4 ; ci-après : les conditions I4), par incapacité de gain, il faut entendre l’impossibilité d’exercer entièrement ou partiellement la profession ou une autre activité lucrative acceptable, subissant ainsi une perte de gain. Une autre activité n’est acceptable que si elle correspond aux connaissances, aptitudes et à l’ancienne situation de l’assuré. L’incapacité de gain doit résulter des suites d’une maladie ou d’un accident médicalement attestées (…).

Quant à l’art. 3 des conditions I4, il précise que si l’assuré est incapable de gagner sa vie et que cette incapacité a duré sans interruption pendant le délai d’attente convenu, l’assureur verse une rente trimestrielle payable d’avance pour la durée ultérieure de cette incapacité et au plus jusqu’à l’échéance de la durée d’assurance convenue. Pour la période qui s’étend jusqu’à la fin du trimestre d’assurance en cours, une rente partielle est versée. La rente varie en fonction du degré de l’incapacité de gain. Une incapacité de deux tiers ou plus donne droit à une rente entière (…).

Selon la police d’assurance, la rente en cas d’incapacité de gain est payable trimestriellement, d’avance, après un délai d’attente de 24 mois et ce, jusqu’au 1er décembre 2016.

b. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1).

c. Selon le principe de libre appréciation des preuves, également applicable dans les procédures en matière de prévoyance professionnelle (Meyer/Uttinger, in Commentaire de la LPP et LFLP, 2010, n° 96 ad Art. 73 LPP), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

d. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

d/aa. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé (ATF 125 V 251 consid. 3b/ee). Le seul fait que les médecins de l'assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l'existence d'une prévention et d'un manque d'objectivité. Si un cas d'assurance est jugé sans rapport d'un médecin externe à l'assurance, l'appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. Une instruction complémentaire sera ainsi requise, s'il subsiste des doutes, même minimes, quant au bien-fondé des rapports et expertises médicaux versés au dossier par l'assureur (ATF 122 V 157 consid. 1d; ATF 123 V 175 consid. 3d; ATF 125 V 351 consid. 3b ee; ATF 135 V 465 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 8C_588 /2015 du 17 décembre 2015 consid. 2).

d/bb. En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêts 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). A noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

12.    Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 135 V 39 consid. 6.1 p. 45 et les références; voir également arrêt 9C_717/2009 du 20 octobre 2009 consid. 3.3).  

Ce principe est également applicable en matière de prévoyance professionnelle.

13.    a. En l’espèce, figurent notamment au dossier : un rapport du Dr D______ du 11 février 2011, divers rapports des médecins traitants du demandeur et un rapport du SMR du 9 novembre 2012. Il convient d’examiner la valeur probante de ces divers documents.

a/aa. S’agissant tout d’abord du rapport du Dr D______ du 11 février 2011, auquel la défenderesse se réfère, une pleine valeur probante lui a été niée par la Cour de céans dans son ordonnance d’expertise du 16 novembre 2012, à laquelle il convient de renvoyer.

a/bb. La valeur probante des rapports des médecins traitants peut en l’état rester ouverte dès lors que leurs conclusions concordent avec celles du SMR examiné ci-après.

a/cc. Le rapport établi par le SMR en date du 9 novembre 2012 remplit quant à lui sur le plan formel toutes les exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document : il contient le résumé du dossier, une anamnèse détaillée, les indications subjectives du demandeur, des observations cliniques, ainsi qu’une discussion générale du cas ; ses conclusions, qui résultent d'une analyse complète de la situation médicale, sont claires, bien motivées et convaincantes.

Sur le fond, les médecins du SMR ont retenu les diagnostics de trouble dépressif récurent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (F33.2), rachialgies diffuses dans le cadre d’une cyphoscoliose dorsale et de troubles dégénératifs modérés du rachis avec séquelles de maladie de Scheuermann et status après tassement du plateau supérieur gauche de D5 anamestique (M54). Ils ont également mentionné, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail, un syndrome rotulien bilatéral (M22.2), un côlon irritable anamnestique, un status après opération de la cloison nasale, des lithiases rénales anamnestiques et un status après colique néphrétique, un status après décollement du vitré droit, une hypertrophie de la prostate, une hypertension artérielle traitée, une hypercholestérolémie traitée, une claustrophobie (F40.2) et une anxiété généralisée (F41.1).

Les médecins du SMR ont conclu à une incapacité à exercer à plus de 50% dans toute activité du 1er au 30 septembre 2010 et à une totale incapacité depuis le 1er octobre 2010.

b. Lorsqu’une appréciation repose sur une évaluation médicale complète, il faut, pour la contester, faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En d’autres termes, il faut faire état d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en œuvre d'un complément d'instruction (voir notamment l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015 consid. 6.2.3).

En l’occurrence, la défenderesse ne formule aucune critique à l’encontre du rapport du SMR, mais se limite à se référer à celui du Dr D______, dont la valeur probante a pourtant déjà été niée par la Cour de céans.

Dans ces circonstances, on ne peut que reconnaître une pleine valeur probante au rapport du SMR du 9 novembre 2012 et considérer que le demandeur a été incapable de travailler à compter du 1er septembre 2010. En d’autres termes, il y a eu incapacité de gain au sens de l’art. 2 des conditions I4 et une rente d’invalidité devait lui être versée trimestriellement.

c. S’agissant du montant total de la rente d’incapacité de gain due, l’art. 3 des conditions I4 prévoit qu’une rente trimestrielle est payable d’avance pour la durée ultérieure de cette incapacité, après un délai d’attente de 24 mois.

Comme indiqué précédemment, l’incapacité de travail a débuté le 1er septembre 2010. Le délai de 24 mois a dès lors expiré le 31 août 2012 et la rente trimestrielle était due à compter du 1er septembre 2012. La rente devant être payée d’avance, elle aurait dû l’être au plus tard le 1er des mois de septembre, décembre, mars et juin, pour les trois mois suivants.

Comme cela a été relevé ci-dessus, le droit à la rente trimestrielle est prescrit pour la période antérieure au 3 mars 2015, la demande en paiement, qui constitue l’acte interruptif, ayant été déposée le 3 mars 2017 à la poste. Partant, c’est un montant total de CHF 36'000.- que la défenderesse doit au demandeur à titre de rente en cas d’incapacité de gain.

14.    La police d’assurance n°2______ prévoit par ailleurs le versement d’un capital en cas de vie au 16 décembre 2016.

a/aa. L'assurance-vie est une assurance de personnes au sens des art. 73 à 96 LCA. Le sinistre (ou le cas d'assurance) est lié à la durée de la vie humaine (Brulhart, Droit des assurances privées, Berne, 2008, n° 753). L'assureur s'engage à verser des prestations sous forme de capital ou de rente, soit en cas de décès de la personne assurée (assurance-décès), soit en cas de vie de la personne assurée à un certain âge (assurance en cas de vie), voire, en sus, des prestations en cas d'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_639/2016 du 1er septembre 2017 consid. 5.2.1). La même police peut couvrir ces différents risques (Brulhart, Droit des assurances privées, Berne, 2008, n° 753).

a/bb. Selon la police d’assurance n°2______, la défenderesse s’est engagée à verser au demandeur, en cas de vie au 1er décembre 2016, un capital de CHF 108'824.-.

Les conditions générales produites par la défenderesse ne contiennent aucune disposition spécifique relative au versement d’un capital-vie, à l’exception de l’art. 1 des conditions pour l’assurance mixte - Assurance principale G3, « Quelles sont les prestations assurées », qui prévoit que la somme d’assurance est versée en cas de vie ou en cas de décès.

Interpellée à plusieurs reprises à propos du fait que les conditions générales ne figuraient pas au dossier, la défenderesse a allégué avoir tout produit.

Dans ces circonstances et en l’absence de toute disposition spécifique, la Cour de céans considère que le montant de CHF 108'824.- est dû au demandeur, dès lors que celui-ci était manifestement bien en vie le 1er décembre 2016.

La défenderesse a déduit le montant de CHF 26'728.- du capital en cas de vie, invoquant une compensation.

b/aa. Selon l'art. 120 al. 1 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l’une envers l’autre de sommes d’argent ou d’autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles. En droit suisse, la compensation n'est pas automatique : elle ne peut résulter que d'une manifestation de volonté du débiteur. La compensation résulte ainsi d'un acte juridique unilatéral. L'effet extinctif ne se produit que si le débiteur fait connaître au créancier son intention de l'invoquer par une déclaration de compensation (SJ 2002 I 244 ; TERCIER, op. cit., p. 309).

La déclaration de compensation contenus dans acte de procédure n'est pas un acte judiciaire, mais un acte juridique, c'est-à-dire une manifestation de volonté destinée et apte à produire l'effet juridique correspondant à la volonté exprimée, ressortissant au droit matériel (HOHL, op. cit., tome II, p. 91, n° 1899).

Lorsqu’une partie invoque la compensation, le juge ne sait rien a priori de la créance compensatoire ; il incombe donc à la partie de présenter les faits permettant de constater que les conditions de la compensation sont réunies ; si elle détient des moyens de preuve, on peut attendre d’elle qu’elle les produise (SJ 2002 I 244).

b/bb. Il ressort des divers courriers au dossier que la défenderesse a compensé le montant du capital en cas de vie avec des postes impayés (primes/bonifications, etc.), dont elle n’a cependant pas fourni le détail.

S’agissant tout d’abord des primes, force est de constater que selon la police de prévoyance professionnelle, l’assuré, en incapacité de gain, aurait dû être exempté du versement des primes après un délai d’attente de trois mois.

La notion d’incapacité de gain est prévue par l’art. 2 des conditions pour la libération du paiement des primes en cas d’incapacité de gain (Assurance complémentaire P3 ; ci-après : les conditions P3), dont la teneur est identique à celle de l’art. 2 des conditions I4, auxquelles il sera dès lors renvoyé (voir supra).

Selon l’art. 3 des conditions P3, l’assurance-vie se charge de tout ou partie du paiement des primes dès que l’incapacité de gain a duré trois mois sans interruption. La libération du paiement des primes varie en fonction du degré de l’incapacité. Ainsi, une incapacité de deux tiers ou plus donne droit à l’entière libération des primes.

Dès lors que le demandeur est incapable de travailler depuis le 1er septembre 2010, ce qui correspond à une incapacité de gain au sens des conditions P3, il aurait dû être libéré des primes dues dès le 1er décembre 2010. Par conséquent, aucune compensation à titre de primes non acquittées ne saurait être opérée.

Quant à d’autres montants que le demandeur n’aurait pas payés, ils n’ont été ni décrits, ni étayés par la défenderesse, de sorte que la Cour de céans n’en tiendra pas compte.

En conclusion, c’est bien l’intégralité du capital en cas de vie de CHF 108'824.- qui doit être versée au demandeur.

15.    Enfin, il est pris acte que la défenderesse a reconnu devoir au demandeur un montant de CHF 3'057.70 à titre d’avoir sur compte d’excédents.

16.    Reste à déterminer le montant des intérêts, le demandeur concluant à ce qu’ils lui soient versés à raison de 5% l’an dès le 1er septembre 2010.

Le contrat litigieux étant matériellement régi par la LCA, il y a lieu de déterminer les intérêts moratoires conformément aux dispositions prévues par la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

a. La police de prévoyance professionnelle stipule que le capital en cas de vie est versé le 1er décembre 2016. On doit dès lors admettre que cette créance est exigible à cette date. Quant à la rente, elle est payable d’avance, trimestriellement. On peut dès lors considérer qu’elle était due, au plus tard, les 1er septembre, 1er décembre, 1er mars et 1er juin de chaque année.

La LCA ne contient pas de dispositions sur la demeure, laquelle est dès lors régie, en vertu de l’art. 100 al. 1 LCA, par les art. 102ss CO.

À teneur de l’art. 102 al. 1 CO, le débiteur d’une obligation est en demeure par l’interpellation du créancier (al. 1) ou, lorsque le jour de l’exécution a été déterminé d’un commun accord, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2). L’intérêt moratoire est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l’interpellation (ATF 103 II 102 consid. 1a). Une interpellation est une déclaration, expresse ou par acte concluant, adressée par le créancier au débiteur par laquelle le premier fait comprendre au second qu’il réclame l’exécution de la prestation due (Luc THEVENOZ, Commentaire romand, Code des obligations I, 2ème éd. 2012, n. 17 ad art. 102). À défaut d’une telle interpellation, l’intérêt moratoire n’est dû, en cas d’ouverture d’une action en justice, que dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Il y a lieu de souligner qu’un débiteur peut valablement être interpellé avant même l’exigibilité de la créance (ATF 103 II 102 consid. 1a ; Rolf WEBER, Berner Kommentar, 2000, n. 102 ad art. 102 CO). La demeure ne déploie toutefois ses effets qu’avec l’exigibilité de la créance. L’assureur qui est en demeure doit un intérêt moratoire au taux de 5% l’an, conformément à l’art. 104 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2008 du
27 novembre 2008 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, force est de constater, au vu des pièces du dossier, que la défenderesse a été interpellée, les 9 avril 2013 et 15 octobre 2016 s’agissant du versement de la rente.

Quant au versement du capital en cas de vie, il était prévu par la police d’assurance et la défenderesse a été mise en demeure par la seule expiration de la date du 1er décembre 2016.

Enfin, s’agissant du montant du compte pour excédents, il a fait l’objet d’une interpellation le 15 novembre 2016 et est devenu exigible le 1er décembre 2016, en même temps que le capital en cas de vie.

Il en découle que des intérêts moratoires sont dus :

-        dès le 1er décembre 2016, s’agissant du montant de CHF 108'824.- (capital en cas de vie) ;

-        dès le 1er mars 2016 (date moyenne), s’agissant des rentes de CHF 36'000.- ; en effet, les intérêts moratoires ne peuvent commencer à courir avant que la rente ne soit exigible ; dès lors que la première rente non prescrite a été exigible le 1er juin 2015 et que les rentes sont dues jusqu’au 30 novembre 2016, le 1er mars 2016 constitue la date moyenne ;

-        dès le 1er décembre 2016 s’agissant du montant de CHF 3'057.70.

17.    Contrairement aux autres branches des assurances sociales, la législation en matière de prévoyance professionnelle ne contient aucune disposition relative à la fixation des dépens pour la procédure devant le tribunal cantonal désigné pour connaître des litiges en matière de prévoyance professionnelle (art. 73 al. 2 LPP). Il appartient par conséquent au droit cantonal de procédure de déterminer si et à quelles conditions il existe un droit à une indemnité de dépens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_590/2009 du 26 mars 2010, consid. 3.1). Selon l’art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative (LPA ; RSG E 5 10), une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause. Les dépens sont fixés en fonction du nombre d’échanges d’écritures, de l’importance et de la pertinence des écritures, de la complexité de l’affaire et du nombre d’audiences et d’actes d’instruction (ATAS/334/2013).

En l’espèce, il se justifie d’allouer une indemnité de CHF 2'800.- au demandeur à titre de dépens. En effet, il n’y a eu aucune audience, en dehors de celle de plaidoiries, commune à la cause pendante en matière LCA. Si plusieurs échanges d’écritures ont bien eu lieu, lesdites écritures n’étaient pas suffisamment complexes pour justifier des dépens plus importants.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et condamne la défenderesse à verser au demandeur les montants suivants :

-        CHF 108'824.- avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2016 ;

-        CJHF 36'000.- avec intérêts dès le 1er mars 2016 (date moyenne) ;

-        CHF 3'057.70 avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2016.

3.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité de CHF 2'800.- à titre de participation à ses frais et dépens.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le