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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4138/2021

ATAS/1022/2022 du 22.11.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4138/2021 ATAS/1022/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 novembre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Elodie SPAHNI, avocate

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré, l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1978, marié et père de trois enfants nés respectivement en 2011, 2013 et 2022, est domicilié à Genève depuis 1987, où il a travaillé en tant que magasinier-cariste, en dernier lieu à 100% depuis octobre 2005 pour l’entreprise B______.

b. En raison de lombosciatalgies (S1) du côté gauche, accompagnées de « déficits moteurs algiques », l’assuré a consulté, dès le 15 septembre 2017, les urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG). Le 12 décembre 2017, il a été opéré aux HUG d’une hernie discale L5-S1 gauche, en conflit avec la racine S1 gauche (séquestrectomie et microdiscectomie L5-S1 par abord interlamaire gauche) par les docteurs C______ et D______, spécialistes en neurochirurgie. L’assuré s’est vu prescrire par les HUG un arrêt de travail à 100% pour cause de maladie, du 12 décembre 2017 au 31 janvier 2018.

B. a. Le 5 février 2018, l’assuré a déposé auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) une demande de prestations d’invalidité, en invoquant la hernie discale L5-S1 gauche déficitaire dont il souffrait depuis septembre 2017.

b. Le 19 mars 2018, l’assuré a été licencié par B______, avec effet au 30 juin 2018. L’ex-employeur a précisé avoir tenu compte du délai de protection en cas de maladie de 180 jours.

c. L’OAI a obtenu copie d’un rapport de consultation daté du 23 mars 2018 et rédigé par le Dr C______, faisant état d’une rechute relativement rapide des symptômes, suite à l’intervention de microdiscectomie réalisée en décembre 2017, préconisant par ailleurs une cure de cortisone, ainsi que la réalisation d’une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) lombaire.

d. À la demande de l’OAI, le docteur E______, médecin généraliste, a complété un rapport le 25 octobre 2018, dans lequel il a confirmé le diagnostic d’hernie discale L5-S1 opérée. La capacité de travail était nulle, depuis le 12 décembre 2017, dans tout travail de « force ». En revanche, il jugeait ladite capacité de travail entière (100%) dans toute activité adaptée. Les limitations fonctionnelles étaient des lombalgies, et une réadaptation lui paraissait envisageable dans l’immédiat. Le Dr E______ a qualifié le pronostic de « bon, mais très long 1-2 ans ».

Le Dr E______ a joint copie d’un rapport établi le 11 juillet 2018 par les docteurs F______ et G______, de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG, relatant en substance que l’assuré souffrait de lomboradiculalgies L5-S1 à gauche, non soulagées par le traitement actuel et qui limitaient ses activités professionnelles, respectivement ses loisirs. Le score de Beck (14/63) était compatible avec un épisode dépressif léger et le score de sévérité de l’insomnie (16/28) avec une insomnie clinique modérée, le sommeil étant perturbé par les douleurs et parfois limité à deux heures par nuit. L’assuré avait été encouragé à reprendre progressivement le fitness, la piscine, la marche sur tapis et le rameur, afin de renforcer sa musculature paravertébrale et abdominale, de réduire ses douleurs et de prévenir la récidive de problèmes dorso-lombaires. Une consultation avait été organisée pour discuter l’opportunité d’un suivi par le biais du programme « ProMIDos ».

e. Le 22 novembre 2018, l’OAI a reçu copie d’une expertise réalisée (le 26 août 2018) à la demande de l’assurance perte de gain par la doctoresse N______, spécialiste FMH en rhumatologie, médecine physique et rééducation. La Dresse N______ y a retenu les diagnostics avec effet sur la capacité de travail de lombosciatalgies S1 persistantes à gauche, ainsi que de « status post opératoire de séquestrectomie et micro-discectomie du disque L5-S1 le 12 décembre 2017 avec persistance d’un résidu herniaire, fibrose autour de la racine S1 gauche à son niveau récessal, et aspect dégénératif MODIC I sur les plateaux adjacents de L5 et S1 ». La Dresse N______ a exposé que c’était la problématique de lombosciatique qui limitait fonctionnellement l’assuré. L’intéressé ne participait que très peu aux tâches ménagères et se déplaçait autour de son domicile pour amener ses enfants au parc. Malgré tout, il avait pu partir en voiture en Espagne pour les vacances, la conduite ayant été assumée par sa femme. L’assuré décrivait des douleurs plutôt mécaniques, exacerbées lors de mouvements et de positions statiques. Il avait été instauré un traitement par Prégabaline et par patchs de Fentanyl (analgésique opioïde), ayant permis de réduire les douleurs (de l’ordre de 30% à 40%). À l’examen, il avait été constaté une raideur du rachis lombaire, un Schober, ainsi que des contractures importantes du carré des lombes à gauche. La marche n’était en revanche pas altérée et l’assuré pouvait se vêtir / se dévêtir. Il existait une importante kinésiophobie et l’assuré n’avait pas eu de rééducation post-opératoire digne de ce nom. La Dresse N______ estimait que, dans la profession antérieure de magasinier-cariste, la capacité de travail était nulle ; en effet, cette profession était contraignante, avant tout en raison du maintien de positions statiques, et elle nécessitait la manutention de marchandises, mais également l’utilisation d’un élévateur en position debout sur une plateforme sensible aux vibrations, ainsi que l’utilisation d’un « clark » (chariot élévateur) sans amortisseurs, en position assise pendant plusieurs heures. En outre, les transbordements de marchandises étaient parfois effectués manuellement, ce qui impliquait des contraintes mécaniques. Dans une activité adaptée, la Dresse N______ jugeait la capacité de travail nulle « pour l’instant », précisant que l’amélioration constatée demeurait insuffisante, vu la persistance d’une importante raideur lombaire et d’une kinésiophobie. Elle a suggéré une prise en charge par un physiothérapeute spécialisé dans les cas « post-opératoires lombaires », ainsi que l’introduction d’un traitement de Dexaméthasone. Le pronostic d’amélioration était bon pour la problématique de la lombosciatalgie, dans un horizon de 3 à 6 mois.

f. Dans un avis médical daté du 14 février 2019, le docteur H______, du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a exposé qu’au vu notamment de l’évaluation effectuée par le Dr E______ (cf. rapport du 25 octobre 2018), il considérait que la capacité de travail était nulle, depuis le 15 septembre 2017, dans l’ancienne profession de magasinier-cariste, mais entière dans toute activité respectant diverses limitations fonctionnelles d’épargne lombaire (alternance des positions assise et debout, pas de port de charges supérieures à 5 kg, ni travail de force, ni de positions penchées en avant ou en porte-à-faux), ceci depuis le mois de mars 2018 (c’est-à-dire 6 mois après l’opération).

g. Le 15 février 2019, l’OAI a transmis à l’assuré un préavis (projet) de décision de refus de rente et de mesures professionnelles, fondé sur une capacité de travail entière, dès le mois de mars 2018, dans toute activité adaptée à l’état de santé, ainsi que sur un degré d’invalidité de 0%.

h. Par pli du 7 mars 2019, l’assuré a formé opposition contre ce préavis, arguant qu’en mars 2018, il n’était pas remis de son opération et demeurait donc incapable de travailler à 100% (quelle que soit la profession considérée), qu’en outre, la perspective de reprendre une activité professionnelle dans son ancien domaine lui paraissait « plus qu’incertaine » et que, sur la base des échanges qu’il avait eu avec une « conseillère » de l’OAI, il avait pensé pouvoir bénéficier de mesures de réinsertion.

À l’appui de son opposition, l’assuré a joint un certificat daté du 4 mars 2019, dans lequel le Dr E______ affirmait que son patient lui paraissait avoir droit à des mesures professionnelles, raison pour laquelle il invitait l’OAI à revoir sa position. En effet, l’assuré avait subi un échec opératoire ayant brisé sa carrière professionnelle, souffrait quotidiennement depuis lors et devait prendre de puissants médicaments (dont de la cortisone), ce qui avait modifié profondément sa morphologie ainsi que ses aptitudes physiques et psychologiques. À son sens, c’était le rôle de l’OAI de prendre les mesures adaptées pour un assuré qui avait été opéré de manière précipitée et pour des résultats « plus que négatifs ».

i. Dans un courriel adressé le 1er avril 2019 à la conseillère en réadaptation professionnelle de l’OAI, le Dr E______ a indiqué qu’à son sens, l’assuré ne pourrait exercer une activité adaptée qu’à 50% et avec un rendement diminué compte tenu du fait qu’il ne pouvait pas rester assis longtemps ni porter des charges, de sorte qu’il « relev[ait] d’une rente à 50% ».

j. Invité par le SMR à préciser quelle aggravation de l’état de santé justifiait son évaluation désormais différente de la capacité de travail (chiffrée initialement à 100% dans le rapport du 25 octobre 2018, puis à 50% dans le courriel du 1er avril 2019), respectivement s’il retenait une erreur d’indication opératoire, le Dr E______ a répondu, le 10 mai 2019, que suite à son opération en « semi-urgence » (micro-discectomie L5-S1) le 12 décembre 2017 pour une hernie discale (L5-S1 à gauche) et une sciatalgie gauche (S1 à gauche), l’assuré avait « mal évolué » en post-opératoire, développant un Modic I (L5-S1), des douleurs résiduelles (évaluées à 7/10), ainsi que des limitations fonctionnelles majeures. Les traitements entrepris jusqu’ici (infiltration, physiothérapie, anti-inflammatoires) s’étaient soldés par un échec et par une prise de poids de plus de 10 kg. En revanche, il n’y avait pas d’erreur médicale ou chirurgicale. Le Dr E______ maintenait que l’assuré ne pourrait plus exercer un métier impliquant des mobilisations, ce qui excluait tout travail physique. Par ailleurs, les possibilités de reconversion lui paraissaient très limitées, étant donné que l’assuré ne pouvait pas travailler plus de 15 minutes en position assise. Selon lui, il convenait d’accorder à l’assuré une rente d’au moins 50%, l’autre 50% étant destiné à un travail « occupationnel » où le rendement serait réduit.

k. À la demande de l’OAI, le Dr E______ a complété un nouveau rapport le 1er juillet 2019, dans lequel il a fait état d’une « lente aggravation des symptômes » et d’une capacité de travail nulle, aussi bien dans l’activité antérieure de magasinier que dans une autre profession.

l. Estimant manquer d’informations sur les atteintes lombaires et leurs éventuelles répercussions sur la capacité de travail, le SMR, par avis du 18 octobre 2019, a préconisé la mise en œuvre d’une « expertise rhumatologique ».

m. L’OAI a ordonné un « examen clinique rhumatologique » de l’assuré auprès du docteur I______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, médecin auprès du SMR. Dans son rapport du 4 février 2020, consécutif à un examen clinique effectué le 21 janvier 2020, le Dr I______ a retenu les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de « lombalgies chroniques, avec un déficit de réflexes et de sensibilité, dans un contexte de status post cure de hernie discale L5-S1 », de « remaniement des plateaux inflammatoires de type MODIC en L5-S1 », et de « fibrose périradiculaire postopératoire en L5-S1, récessale gauche ». À l’issue de son examen clinique, dont le contenu sera résumé, en tant que besoin, dans la partie en droit du présent arrêt, le Dr I______ a conclu que, dès le 25 octobre 2018 (date du rapport du Dr E______), une activité adaptée lui paraissait exigible à raison de 2 x 3 heures par jour, « permettant à l’assuré d’avoir une pause plus importante à midi et une diminution de 20% de rendement en relation avec le syndrome rachidien retenu et la composante inflammatoire » ; il en résultait une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée. Par rapport à l’expertise réalisée par la Dresse N______ en août 2018, le Dr I______ estimait que l’état de santé s’était amélioré, vu notamment l’absence (désormais) de sciatalgie irritative gauche, d’une contracture du carré des lombes à gauche, et la force (désormais) normale lors de la flexion plantaire de la cheville gauche.

n. Dans une brève note datée du 23 mars 2020, le Dr E______ a, estimé l’incapacité de travail à 80%, « le 20% restant ayant un caractère occupationnel », tout en joignant copie d’un « bilan multidisciplinaire ProMIDos » daté du 11 mars 2020, émanant du service de rhumatologie des HUG et signé « pour l’équipe ProMIDos » par le docteur J______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale. Il y était retenu les diagnostics d’état dépressif sévère et de lombalgies communes chroniques (« contexte de Modic I »), dans le cadre d’une discectomie. Il ressort notamment dudit rapport que des « tests de force normés » ont tous mis en évidence des résultats inférieurs aux scores attendus et que certains d’entre eux n’ont pas pu être terminés. Toujours selon ledit rapport, les lombalgies chroniques post-discectomie que présentait l’assuré étaient très invalidantes, et un bilan avait mis en évidence l’intrication de « nombreux facteurs de chronicité » ainsi qu’un état dépressif trop intense pour envisager une prise en charge multidisciplinaire, telle que celle proposée par ProMIDos. Le docteur K______, psychiatre, avait proposé une prise en charge intensive dans un centre spécialisé (CAPPI). Par ailleurs, les médecins des HUG jugeaient qu’au vu de l’importance et de l’intrication de sévères problématiques somatiques et psychiatriques, il leur paraissait peu probable qu’une amélioration clinique suffisante pour retrouver une capacité professionnelle ait lieu dans les 12 à 18 mois à venir.

o. Par avis du 27 avril 2020, le médecin du SMR, le Dr H______, a préconisé une expertise psychiatrique de l’assuré.

p. L’OAI a mandaté le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en vue de réaliser cette expertise. Dans son rapport du 15 octobre 2020, le Dr L______ a retenu les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail de trouble dépressif léger et de personnalité à traits anxieux. Sur la base de son appréciation du cas, qui sera résumée, en tant que besoin, dans la partie en droit du présent arrêt, l’expert a estimé que la symptomatologie dépressive n’était pas significative ou incapacitante et que, partant, l’assuré était capable, sous l’angle psychiatrique, de travailler à raison de 8 heures par jour. L’expert a précisé que les troubles psychiques n’étaient pas au premier plan, de sorte que l’incapacité de travail et (l’éventuelle) activité adaptée devaient être appréciées à l’aune des limitations fonctionnelles d’ordre somatique.

q. Par avis du 27 octobre 2020, le Dr H______ s’est rallié aux conclusions du Dr L______, relevant que, sur la base de l’expertise, on pouvait considérer que l’assuré n’avait présenté qu’un épisode anxio-dépressif réactionnel et non durable, entre les mois de mars et juin 2020. Il fallait donc s’en tenir aux conclusions du Dr I______, dont il ressortait une capacité de travail nulle dans la profession antérieure, mais de 60%, dès le 25 octobre 2018, dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

r. Dans un « rapport de surveillance – MOP » daté du 15 avril 2021, la conseillère en réadaptation de l’OAI a indiqué que, lors d’un entretien avec l’assuré, il avait été évoqué les domaines de la mécanique et de l’informatique ; l’assuré avait consulté des cours de formation en informatique dans différentes écoles genevoises, qui l’intéressaient beaucoup, mais il restait à déterminer si ses bases scolaires étaient suffisantes pour réussir dans ce genre de formation. Un poste de logisticien paraissait également envisageable, dans un domaine léger. Comme l’assuré n’avait pas pu se déterminer sur le choix d’une formation, il lui avait été proposé une mesure d’orientation professionnelle ayant pour objectif d’affiner et tester ces pistes, de manière à ce qu’il puisse se décider pour un projet professionnel futur « sous forme d’un reclassement ».

s. Par communication du 15 avril 2021, l’OAI a indiqué à l’assuré qu’il lui accordait une mesure d’orientation professionnelle de trois mois dès le 19 avril 2021 auprès des Établissements publics pour l’intégration (ci-après : les EPI).

t. Invité par la représentante de l’assuré à différer la date de début du stage (dans la mesure où l’assuré devait s’occuper seul de ses enfants le mercredi et durant les vacances scolaires), la conseillère en réadaptation de l’OAI a répondu, par courriel du 27 avril 2021, que la mesure se déroulerait finalement du 3 mai au 2 juillet 2021, à un taux de 60% et avec une dispense pour les mercedis.

u. Dans un courriel adressé à l’OAI le 6 juin 2021, Madame M______, maître de réadaptation auprès des EPI, a fait part de son « inquiétude » quant à l’élaboration d’une piste professionnelle, à l’issue des 5 semaines d’observation effectuées auprès des EPI. En effet, bien que l’assuré relatait une amélioration de son moral depuis le début de la mesure, il déplorait également d’intenses douleurs, qui l’empêchaient de maintenir durablement les positions assise et debout. L’alternance très fréquente des positions (toutes les 15 minutes, malgré un bureau et une chaise ergonomiques) altérait le rythme de travail et entraînait des problèmes de concentration, respectivement une lenteur dans l’apprentissage. Même dans le cadre d’une formation en école, l’assuré ne paraissait pas en mesure de rester assis pendant une journée ordinaire de formation (demi-journée ou journée entière). Dans le cadre des entretiens individuels, l’alternance des positions était même plus fréquente (toutes les 7 à 10 minutes) et la position debout était la mieux supportée. L’assuré avait pris rendez-vous avec son médecin traitant en raison de névralgies, résistantes aux antalgiques.

v. Dans un bref certificat du 21 juin 2021, le Dr E______ a indiqué qu’en dépit d’un horaire réduit, l’assuré, qui effectuait son stage d’orientation professionnelle à 60%, se plaignait de lombalgies « constantes et invalidantes », exacerbées aussi bien en position assise prolongée que lors des mouvements de tous les jours. Le médecin a ajouté que ces douleurs seraient responsables d’insomnies et de céphalées de tension ou de migraines. Il avait encouragé son patient à terminer son stage pour permettre d’évaluer au mieux sa capacité résiduelle de travail. Il en concluait qu’à la lumière des déclarations de son patient, la meilleure option lui semblait être une rente couplée à un travail occupationnel.

w. Dans un rapport daté du 29 juillet 2021, les EPI ont conclu qu’au vu du déroulement de la mesure d’orientation professionnelle (présence 18 heures par semaine, changements de positions toutes les 15 minutes, interruptions répétées des activités jusqu’à 15 minutes par heure, tonus particulièrement bas, fatigabilité et concentration discontinue), il n’avait pas été possible d’affiner les pistes professionnelles de la mécanique et de l’informatique. Les EPI estimaient que les capacités d’apprentissage de l’assuré devaient lui permettre d’aborder une formation pratique avec des éléments théoriques, mais que celles-ci n’étaient actuellement pas mobilisables. Ils préconisaient d’investiguer le domaine administratif (planification logistique), mais « pour autant que les difficultés physiques et de concentration observées se stabilisent ». En accord avec l’OAI, l’assuré était sorti des effectifs des EPI au terme de la mesure, le 2 juillet 2021.

x. Dans un « rapport final – MOP » daté du 10 août 2021 la conseillère en réadaptation de l’OAI a exposé que, même si la mesure effectuée aux EPI avait été entravée par des interruptions répétées, en raison d’une recherche de positions antalgiques, il en était également ressorti de nombreux points « positifs et exploitables » dans l’économie. Quant au certificat du Dr E______, il ne permettait pas de s’écarter de l’avis exprimé par le SMR sur la base des rapports des Drs I______ et L______. L’OAI considérait que l’assuré pouvait prétendre à un poste dans le domaine administratif ou logistique (comprenant des tâches de planification, accueil, préparation de commande, facturation, livraison et conseils clients) ; il agissait là d’un domaine adapté et réaliste sur le marché ordinaire de l’emploi, dans lequel l’assuré pouvait travailler à un taux de 75% et avec une baisse de rendement de 20%.

y. Par décision du 3 novembre 2021, reçue par le mandataire de l’assuré le 8 novembre 2021, l’OAI a accordé à l’assuré une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019, puis un quart de rente d’invalidité dès le 1er février 2019. L’OAI a retenu que l’assuré avait présenté une totale incapacité de travail et de gain dès le 15 septembre 2017, de sorte qu’à l’issue du délai de carence d’un an, en septembre 2018, son degré d’invalidité était de 100%. Par la suite, dès le 25 octobre 2018, l’assuré avait recouvré une capacité de travail de 75%, avec une diminution de rendement de 20%, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, pour laquelle il avait été formé, grâce aux mesures de réadaptation. La comparaison des gains mettait en évidence un degré d’invalidité de 41%, ce qui entraînait le passage à un quart de rente dès le 1er février 2019, trois mois après l’amélioration de l’état de santé.

C. a. Par l’entremise de son conseil, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours le 6 décembre 2021. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement à l’annulation de la décision du 3 novembre 2021 en tant qu’elle ne lui accordait qu’un quart de rente dès le 1er février 2019, et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er septembre 2018 (et au-delà du 31 janvier 2019), subsidiairement à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire et à l’octroi, « dès que son état de santé le permettra[it] », de mesures d’ordre professionnel, singulièrement d’un reclassement professionnel. Plus subsidiairement encore, il a requis le renvoi de la cause à l’OAI afin que l’office mette lui-même en œuvre une expertise pluridisciplinaire.

b. Dans sa réponse du 27 janvier 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant a répliqué le 24 mars 2022, persistant dans les conclusions de son recours.

d. Cette écriture a été transmise à l’intimé, pour information, puis la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable.

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées ci-après dans leur ancienne teneur.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 3 novembre 2021, en tant qu’elle réduit (à un quart de rente), dès le 1er février 2019, la rente entière accordée jusqu’alors au recourant. Le litige porte également sur le droit du recourant à de nouvelles mesures d’ordre professionnel.

6.             L’assuré a droit à une rente lorsqu’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art.8 LPGA) à 40 % au moins (art. 28 al. 1 let. b et c LAI, en sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2008 – 5ème révision AI). En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

En vertu de l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré.

7.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.             Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Cela étant, pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). Par ailleurs, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

9.              

9.1 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA.

9.2 L'art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; ATF 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les références).

9.3 Aux termes de l’art. 88a al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RS 831.201 - RAI), si la capacité de gain s’améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

10.          

10.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

10.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

10.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

10.4 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005, consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêts du Tribunal fédéral 9C_65/2019 du 26 juillet 2019 consid. 5 et 9C_329/2015 du 20 novembre 2015 consid. 7.3). Au regard de la collaboration étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

11.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

12.          

12.1 En l’espèce, dans sa décision du 3 novembre 2021, l’intimé a accordé au recourant une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019, puis un quart de rente d’invalidité dès le 1er février 2019. L’OAI a retenu que l’assuré avait présenté une totale incapacité de travail et de gain dès le 15 septembre 2017, de sorte qu’à l’issue du délai de carence d’un an, en septembre 2018, son degré d’invalidité était de 100%. Par la suite, dès le 25 octobre 2018, l’assuré avait recouvré une capacité de travail de 75%, avec une diminution de rendement de 20%, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, pour laquelle on pouvait considérer, à l’issue des mesures de réadaptation, qu’il était formé. La comparaison des gains mettait en évidence un degré d’invalidité de 41%, ce qui entraînait le passage à un quart de rente dès le 1er février 2019, trois mois après l’amélioration de l’état de santé.

12.2 De son côté, le recourant conclut notamment à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er septembre 2018 (et au-delà du 31 janvier 2019), subsidiairement à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire et à l’octroi, « dès que son état de santé le permettra », de mesures d’ordre professionnel, singulièrement d’un reclassement professionnel. Plus subsidiairement encore, il requiert le renvoi de la cause à l’intimé afin que ce dernier mette lui-même en œuvre une expertise pluridisciplinaire.

En substance, le recourant conteste la valeur probante du rapport du Dr I______, dont il fait remarquer qu’il retient les mêmes diagnostics que ceux posés par les médecins consultés avant lui, mais tout en livrant des conclusions divergentes et non motivées sur la capacité de travail. Quant au Dr L______, il a été mandaté par l’intimé pour effectuer une expertise psychiatrique, sans qu’ait lieu une coordination entre experts et alors même qu’il avait été relevé, dans le rapport établi par les médecins des HUG (équipe « ProMIDos »), une intrication entre les problématiques somatiques et psychiques. Enfin, il ressort du rapport des EPI qu’il a dû constamment chercher des positions antalgiques et n’a jamais respecté les temps de réalisation impartis, ce qui a conduit les EPI à considérer qu’il n’était actuellement pas en mesure d’exercer une activité de type administratif ou dans le domaine de la planification logistique, son état de santé n’étant pas stabilisé. Le recourant en déduit que le rapport du Dr I______ n’a pas de valeur probante et qu’il se justifie de se fonder sur les autres rapports versés au dossier.

En outre, le recourant fait valoir que la réduction de rente décidée dès le 1er février 2019 ne peut intervenir qu’aux conditions d’une révision. Or, l’office intimé et le Dr I______ n’ont pas démontré de nette amélioration de son état de santé. Il appert bien plutôt que, par rapport au pronostic favorable retenu initialement par les médecins, la situation médicale n’a pas évolué aussi favorablement qu’espéré, raison pour laquelle le Dr E______ a certifié une capacité de travail nulle. De son côté, la Dresse N______ a attesté, en août 2018, d’une amélioration insuffisante pour permettre la reprise d’une activité professionnelle. Quant à l’équipe multidisciplinaire « ProMIDos », elle a estimé, en mars 2020, qu’aucune capacité de travail n’était exigible et qu’il était très peu probable qu’une amélioration suffisante pour retrouver une capacité de travail ait lieu dans les 12 à 18 mois à venir. En l’absence d’amélioration significative de l’état de santé, c’est à tort que l’OAI a remplacé la rente entière par un quart de rente dès le 1er février 2019. En dernier lieu, le recourant conteste la comparaison des gains figurant dans la décision attaquée, relevant qu’en toute hypothèse, son revenu d’invalide n’aurait pas dû être déterminé sur la base de la table « T1 » de l’Enquête suisse sur la structure des salaires, mais de la table « TA1 ».

12.3 L’intimé objecte que le Dr E______, dans son rapport d’octobre 2018, a retenu une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, avant d’attester, en avril 2019, d’une capacité de travail réduite à 50% avec un rendement diminué de 50%, mais sans justifier cette diminution par des éléments médicaux objectifs. En juillet 2019, ce médecin traitant a décrit une aggravation de l’état de santé et attesté d’une incapacité de travail totale dans toute activité, mais toujours « sans expliciter les éléments médicaux pertinents ». C’est dans ce contexte que l’office a diligenté une « expertise » rhumatologique auprès du Dr I______. Contrairement à ce que fait valoir le recourant, « l’expertise » du Dr I______ est pleinement probante et ce médecin a conclu à une capacité de travail de 60% dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Le fait que le Dr I______ fasse partie des examinateurs du SMR n’enlève pas toute valeur probante à son rapport, dont il ressort certaines incohérences entre les déclarations et le comportement du recourant (signes de Waddell, gémissements par intermittence), lequel n’a par ailleurs pas effectué de rééducation postopératoire. Pour le reste, il n’appartient pas à l’« expert rhumatologue » de se prononcer sur des aspects psychiatriques et le Dr L______, après avoir diagnostiqué une dépression réactionnaire à des facteurs « externes » à l’assurance-invalidité, a conclu à une pleine capacité de travail au plan psychiatrique, ce que le recourant ne critique pas. L’argumentation du recourant relative aux règles sur la révision de la rente est dénuée de pertinence, la décision attaquée faisant suite à une première demande de prestations. Pour le reste, à l’issue de leur évaluation, les EPI ont conclu à une « potentielle capacité de retrouver un emploi dans le secteur administratif et planification logistique », et si la présence du recourant a été limitée pendant la mesure, c’est en raison de problèmes d’organisation familiale. Enfin, c’est conformément à la volonté du recourant qu’il a été mis fin aux mesures d’ordre professionnel, après que ce dernier a produit un certificat de son médecin traitant.

13.        

13.1 À titre liminaire, on relèvera qu’il est admis par l’intimé et donc incontesté que, pendant la période courant du 15 septembre 2017 au 24 octobre 2018, le recourant a présenté une incapacité de travail de 100% dans toute activité, lui ouvrant droit à une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2018 (échéance du délai de carence d’un an) au 31 janvier 2019.

13.2 Seule demeure litigieuse la réduction de rente (passage à un quart de rente au lieu d’une rente entière) décidée par l’intimé dès le 1er février 2019, trois mois après le 25 octobre 2018, date à partir de laquelle le recourant aurait recouvré, selon le médecin du SMR, une capacité de travail globale de 60% dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (taux d’activité exigible de 75%, moyennant une diminution de rendement de 20% [75% x 80% = 60%]).

En vue d’examiner la capacité de travail du recourant dès le 25 octobre 2018, il convient tout d’abord de revenir sur les principaux rapports obtenus par l’intimé, lesquels mettent en évidence les éléments suivants.

14.          

14.1 Dans son rapport du 4 février 2020, consécutif à un examen clinique effectué le 21 janvier 2020, le médecin du SMR, le Dr I______, a retenu les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de « lombalgies chroniques, avec un déficit de réflexes et de sensibilité, dans un contexte de status post cure de hernie discale L5-S1 », de « remaniement des plateaux inflammatoires de type MODIC en L5-S1 », et de « fibrose périradiculaire postopératoire en L5-S1, récessale gauche ». Dans son appréciation du cas, le Dr I______ a notamment relevé que la capacité de travail exigible était déterminée sous l’angle rhumatologique par la tolérance mécanique du rachis lombaire, par la sévérité du syndrome rachidien et par une éventuelle composante inflammatoire associée. S’agissant du syndrome rachidien, le Dr I______ avait constaté des incohérences cliniques : même si l’assuré disait ne disposer que d’une tolérance très limitée pour maintenir la station assise, il n’avait objectivement été constaté qu’une légère raideur du rachis, et les douleurs multiétagées à la palpation depuis D7 dépassaient nettement la région lombaire basse. Le Dr I______ se disait frappé par l’absence de contracture paravertébrale et indiquait avoir constaté des signes d’amplification des symptômes, de sorte qu’il ne retenait qu’un syndrome rachidien léger. S’agissant d’éventuelles douleurs de type inflammatoire, le Dr I______ estimait qu’il existait vraisemblablement une « composante inflammatoire surajoutée », précisant que l’IRM montrait une composante inflammatoire au niveau des plateaux, mais que, de l’autre côté, il existait une discordance entre la composante inflammatoire matinale et les douleurs nocturnes, d’allure mécanique.

À l’issue de son examen clinique, le Dr I______ a conclu que, dès le 25 octobre 2018 (date du rapport du Dr E______), une activité adaptée lui paraissait exigible à raison de 2 x 3 heures par jour, « permettant à l’assuré d’avoir une pause plus importante à midi et une diminution de 20% de rendement en relation avec le syndrome rachidien retenu et la composante inflammatoire » ; il en résultait une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée. Par rapport à l’expertise réalisée par la Dresse N______ en août 2018, le Dr I______ a estimé que l’état de santé s’était amélioré, vu notamment l’absence (désormais) de sciatalgie irritative gauche, d’une contracture du carré des lombes à gauche, et la force (désormais) normale lors de la flexion plantaire de la cheville gauche.

14.2 Dans son rapport d’expertise psychiatrique du 15 octobre 2020, consécutif à un entretien avec le recourant le 23 juin 2020, le Dr L______, mandaté par l’intimé, a retenu les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail de trouble dépressif léger et de personnalité à traits anxieux. En substance, l’expert a relevé qu’il ne ressortait pas du dossier en sa possession de troubles psychiques incapacitants jusqu’en 2020. En particulier, il avait été mentionné, dans un rapport de consultation ambulatoire de la douleur établi en juillet 2018, un score de Beck compatible avec un épisode dépressif léger et donc non incapacitant. Seul le « bilan multidisciplinaire ProMiDos » établi en mars 2020 semblait indiquer un état dépressif sévère. Toutefois, le recourant n’avait pas donné suite à une proposition de prise en charge par le CAPPI en invoquant des motifs financiers ; dans les faits, il n’était pas demandeur d’une prise en charge psychiatrique et disait ne pas en voir l’utilité. Il n’avait eu comme seul traitement antidépresseur que de la Mirtazapine, prescrite par le psychiatre des HUG en mai 2020, mais le traitement avait été interrompu car il lui faisait « tourner la tête ». L’expert relevait cependant que rien n’aurait empêché le médecin de famille, s’il l’avait jugé nécessaire, de mettre en place un antidépresseur léger mieux toléré que la Mirtzapine (trop sédative). L’expert a indiqué que durant l’entretien, le recourant n’avait jamais paru dramatique ou débordé par les émotions. Le tableau clinique ne mettait pas en évidence d’anhédonie ou d’apragmatisme, chez un sujet qui investissait la relation avec son épouse, ses enfants, faisait des recherches sur l’ordinateur, regardait la télévision ou amenait ses enfants à l’école ; l’expert ne relevait que des troubles du sommeil, liés aux douleurs et à une certaine « réactivité anxieuse ». Le recourant avait, en outre, décrit une perte de poids de 25 kg et des problèmes dans la vie intime, mais pas d’idée suicidaire. De l’avis de l’expert, on pouvait tout au plus parler d’un trouble dépressif de gravité légère, et si le recourant avait pu présenter un état dépressif réactionnel, en mars 2020, la symptomatologie n’était pas significative ou incapacitante au moment de l’expertise, en juin 2020. Au plan psychiatrique, le recourant était donc capable, selon l’expert, de travailler à raison de 8 heures par jour. Dès lors que les troubles psychiques n’étaient pas au premier plan, l’incapacité de travail et (l’éventuelle) activité adaptée devaient être appréciée à l’aune des limitations fonctionnelles d’ordre somatique.

14.3 Dans leur rapport du 29 juillet 2021, les EPI ont exposé, au sujet des capacités physiques du recourant, que ce dernier alternait régulièrement les positions assise et debout, et que cette alternance impliquait des arrêts fréquents durant plusieurs minutes (en moyenne 15 minutes par heure), l’intéressé étant constamment à la recherche de positions antalgiques. La position privilégiée était la position debout, mais l’assuré devait s’asseoir après 15 minutes. Une fois assis et malgré la chaise ergonomique mise à sa disposition, le recourant déplaçait régulièrement sa jambe gauche entre la position allongée et la position pliée. La position debout penchée n’était pas maintenue non plus au-delà de 15 minutes en raison des douleurs, ce qui limitait fortement les activités telles que le classement, l’installation de pièces à l’intérieur d’une machine, etc. La position « debout dynamique » était difficilement maintenue de manière durable et les déplacements au sein de l’atelier étaient réalisés lentement, avec une légère boiterie. Quant à la mobilité des membres supérieurs, elle ne permettait que des activités de type bureautique (assis face à un bureau). S’agissant de la gestuelle du recourant (droitier), elle permettait de réaliser la plupart des activités demandant une amplitude moyenne ; cependant, la gestuelle fine avait donné lieu à des imprécisions (tremblements lors d’activités de soudure, etc.), tandis que la prise en main de machines et d’outils (cutter, graveuse, fer à souder, etc.) s’était faite progressivement et avec peu d’aisance. D’une manière générale, dans les activités manuelles, la difficulté du recourant à maintenir la position de travail l’empêchait de progresser, ce qui se traduisait par un état de tension, des gestes moins précis et, fréquemment, un arrêt de l’activité. Les EPI qualifiaient le tonus de « faible » et le rythme de travail de « lent », précisant que les temps de réalisation s’étaient révélés supérieurs de plus de 50% à ce qui était attendu, quelles que soient les activités proposées et sans progression au fil de la journée de travail. Les activités sérielles avaient été réalisées dans des temps pratiquement trois fois supérieurs par rapport aux exigences. Les temps de réalisation avaient été fortement rallongés par le fait que l’intéressé devait alterner les positions et s’arrêter de travailler en moyenne 15 minutes par heure. Le rythme de travail était demeuré bas toute la journée et le recourant, cherchant des positions antalgiques, se fatiguait au fil des heures, ce qui se traduisait par des « traits tirés » et des signes de crispation, de sorte que sa résistance avait été jugée « faible ».

Au sujet des capacités d’apprentissage du recourant, les EPI n’ont relevé aucun problème concernant la mémoire visuelle, auditive ou procédurale, ainsi que la logique pratique et théorique (correspondant à des tâches relativement complexes du marché ordinaire de l’emploi). En revanche, les nombreuses interruptions et alternances de positions, ainsi que la recherche de positions antalgiques, se répercutaient sur la capacité du recourant à rester durablement concentré, raison pour laquelle des erreurs avaient été constatées dans plusieurs exercices exigeant une importante concentration (soumission comptable, saisie et tri horloger). Son niveau de français répondait aux exigences d’une activité de type administratif, et, de manière générale, le recourant était capable d’assimiler de nouvelles compétences, tant au niveau pratique que théorique.

S’agissant des capacités d’intégration sociale, les EPI ont indiqué que le recourant s’était montré respectueux des règles de fonctionnement de l’atelier et s’était engagé dans la mesure avec sérieux et ponctualité. Lors des animations et exercices de groupe, l’intéressé avait été à l’écoute des autres et avait même proposé son aide, en jouant par exemple le rôle de traducteur ou de « scribe ». Le recourant avait montré une envie de collaborer afin d’optimiser les résultats de la mesure, laquelle avait été suivie sur la base d’un horaire réduit, en accord avec l’OAI (en raison de difficultés d’organisation familiale). L’intéressé avait manifesté son intérêt à intégrer la mesure pour lui permettre de s’autotester. Toutefois, les ruptures répétées d’activités l’avaient très souvent empêché de se concentrer sur les tâches en cours, ce qui avait influencé sa proactivité pour rechercher des pistes professionnelles. La recherche permanente de positions antalgiques et les interruptions répétées des activités avaient entravé sa capacité d’adaptation. En revanche, le recourant saisissait rapidement les enjeux du contexte dans lequel il évoluait. S’agissant des pistes professionnelles envisagées, les EPI avaient écarté aussi bien les emplois du domaine primaire que ceux du domaine secondaire (notamment les métiers de la mécanique tels qu’opérateur CNC), en raison des limitations fonctionnelles du recourant. Dans le domaine tertiaire, « orientation à tester », les métiers du domaine administratif, voire du secteur de la planification logistique, semblaient être à sa portée, moyennant une remise à niveau en informatique. Toutefois, les observations faites durant la mesure n’avaient pas permis de concrétiser ce type de projet (par exemple par un stage en entreprise ou une formation).

Les EPI ont conclu qu’au vu du déroulement de la mesure d’orientation professionnelle (présence 18 heures par semaine, changements de positions toutes les 15 minutes, interruptions répétées des activités jusqu’à 15 minutes par heure, tonus particulièrement bas, fatigabilité et concentration discontinue), il n’avait pas été possible d’affiner les pistes professionnelles de la mécanique et de l’informatique. Les EPI estimaient que les capacités d’apprentissage de l’assuré devaient lui permettre d’aborder une formation pratique avec des éléments théoriques, mais que celles-ci n’étaient actuellement pas mobilisables. Ils préconisaient d’investiguer le domaine administratif (planification logistique), pour autant que les difficultés physiques et de concentration se stabilisent. En accord avec l’OAI, l’assuré était sorti des effectifs des EPI au terme de la mesure, le 2 juillet 2021.

14.4 Dans un « rapport final – MOP » daté du 10 août 2021, la conseillère en réadaptation de l’OAI a exposé que, même si la mesure effectuée aux EPI avait été entravée par des interruptions répétées, en raison d’une recherche de positions antalgiques, il en était également ressorti de nombreux points « positifs et exploitables » dans l’économie. Quant au certificat du Dr E______ (sollicitant une rente couplée à un travail occupationnel), il ne permettait pas de s’écarter de l’avis exprimé par le SMR. L’OAI considérait que l’assuré pouvait prétendre à un poste dans le domaine administratif ou logistique (comprenant des tâches de planification, accueil, préparation de commande, facturation, livraison et conseils clients) ; il agissait là d’un domaine adapté et réaliste sur le marché ordinaire de l’emploi, dans lequel l’assuré pouvait travailler à un taux de 75% et avec une baisse de rendement de 20%.

15.         En ce qui concerne tout d’abord l’expertise psychiatrique du Dr L______, elle revêt certes un caractère succinct, notamment en ce qui concerne l’analyse des indicateurs prescrits par la jurisprudence en matière de troubles psychosomatiques (ATF 141 V 281 consid. 4). Malgré cela, la chambre de céans estime n’avoir pas de raison de s’en écarter, dès lors que le recourant n’en discute ni les conclusions, ni le contenu dans ses écritures. En particulier, l’intéressé ne remet pas en question les diagnostics posés par l’expert-psychiatre (trouble dépressif léger et personnalité à traits anxieux), jugés l’un et l’autre sans effet sur la capacité de travail, ni le constat de cet expert selon lequel il a pu présenter un état dépressif réactionnel en mars 2020 (au moment où le « bilan multidisciplinaire ProMIDos » a été établi), alors qu’au moment de son entretien avec l’expert-psychiatre en juin 2020, le trouble dépressif était tout au plus de gravité légère (cf. p. 22 du rapport d’expertise), ce qui plaide contre l’existence d’un trouble psychique grave et durable. Le recourant ne conteste pas non plus l’absence, relevée par l’expert-psychiatre, de suivi psychiatrique en-dehors « d’une ou deux » consultations avec le psychiatre des HUG, ni l’absence de traitement antidépresseur (un traitement de Mirtazapine ayant été interrompu en raison de son effet sédatif, apparemment sans que le médecin généraliste traitant juge opportun de le substituer par un autre, cf. pp. 10 et 32 du rapport d’expertise). L’intéressé ne met pas davantage en évidence d’élément susceptible d’avoir été ignoré par l’expert. À vrai dire, le seul grief soulevé par le recourant en relation avec cette expertise – au demeurant de façon sommaire (cf. p. 19 de son mémoire de recours) – concerne l’absence de concertation entre l’expert-psychiatre mandaté par l’intimé et le médecin du SMR l’ayant examiné au plan rhumatologique.

Ce grief se révèle toutefois infondé. En effet, dans la mesure où l’expert-psychiatre était parvenu à la conclusion que la capacité de travail devait être appréciée sous l’angle somatique – les troubles psychiques n’étant, selon lui, « pas au premier plan » et ne revêtant pas une intensité suffisante pour justifier une quelconque incapacité de travail –, on ne voit pas qu’une concertation avec le Dr I______ eût été indispensable (quand bien même le « bilan multidisciplinaire ProMIDos » établi en mars 2020 mentionnait une « intrication » entre les problématiques somatiques et psychiques). Une telle concertation n’était pas non plus requise par la jurisprudence. En effet, comme l’a relevé le Tribunal fédéral dans une situation similaire, « le fait que les experts mandatés par l'administration [aient] rendu leurs conclusions séparément l'un de l'autre et sans se concerter en une prise de position commune ne diminue en rien la pertinence de leurs évaluations respectives. De manière optimale, lors d'une expertise pluridisciplinaire, la capacité de travail devrait faire l'objet d'une appréciation globale de synthèse fondée sur un consilium entre les experts, dans lequel les résultats obtenus dans chacune des disciplines sont discutés. Une telle discussion interdisciplinaire de synthèse ne constitue toutefois pas une condition nécessaire pour la valeur probante de chacun des rapports médicaux particuliers, dans la mesure où les appréciations respectives - effectuées dans les règles de l'art et ne comportant pas en soi de contradictions - sont compatibles les unes avec les autres » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2012 du 29 août 2012 consid. 4.1 et les références citées).

16.        

16.1 S’agissant ensuite du rapport d’examen rhumatologique du Dr I______, la chambre de céans observe d’emblée que, contrairement à ce qu’affirme l’intimé dans sa réponse, ce document ne constitue pas une « expertise », mais un examen médical du SMR au sens de l’art. 49 al. 2 RAI, ce qui ressort clairement dudit rapport (dont l’intitulé « examen clinique rhumatologique » figure directement sous le logotype du SMR). Comme cela ressort des considérants qui précèdent, un tel rapport peut revêtir la même valeur probante qu’une expertise, pour autant qu’il satisfasse aux exigences définies par la jurisprudence en matière d'expertise médicale (consid. 3.3.2 non publié de l'ATF 135 V 254 et les références). Cela étant, l'appréciation des preuves est soumise dans ce contexte à des exigences sévères et il convient d'ordonner une expertise si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales effectuées par le service médical interne de l'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_745/2010 du 30 mars 2011 consid. 3.3 et les références).

16.2 En l’occurrence, on peut certes admettre de prime abord que, d’un point de vue purement formel, le rapport d’examen rhumatologique du Dr I______ remplit les conditions fixées par la jurisprudence en matière de valeur probante de rapports médicaux (puisqu’il en ressort une anamnèse, un descriptif des plaintes de l’assuré, un status clinique et des conclusions succinctement motivées).

Toutefois, comme le relève à juste titre le recourant, les appréciations émises respectivement par le Dr I______ et par les maîtres de réadaptation des EPI divergent sensiblement. Même si les maîtres de réadaptation des EPI ont mis en évidence des limitations fonctionnelles en partie similaires – quoique d’une ampleur paraissant supérieure – à celles résultant du rapport du Dr I______, leurs conclusions contredisent en définitive l'appréciation médicale, puisqu'ils ont considéré, au regard desdites limitations (nécessité d’alterner fréquemment les positions debout et assise, à savoir toutes les 15 minutes, difficultés à trouver une position antalgique, manque de tonus, impossibilité de porter des charges au-delà de 5 kg de façon répétée, d’effectuer des mouvements répétés du rachis et d’adopter des positions en porte-à-faux), qu’il n’existait pas de perspectives de réinsertion dans les métiers des domaines primaires et secondaires (y compris dans ceux de la mécanique, par exemple en tant qu’« opérateur CNC »). Dans le domaine tertiaire, les maîtres de réadaptation ont suggéré d’investiguer des emplois de type administratif, voire dans le secteur de la planification logistique, mais tout en précisant, d’une part, qu’une formation complémentaire serait nécessaire (notamment une remise à niveau en informatique) et d’autre part, que cette cible professionnelle serait à investiguer « pour autant que les difficultés physiques et de concentration observées se stabilisent », les observations relevées durant la mesure d’orientation professionnelle n’ayant pas permis de concrétiser cette piste. Les EPI ont souligné les difficultés du recourant à travailler dans toutes les positions testées en atelier, ainsi que la fatigue accumulée par ce dernier au fil des heures (se traduisant notamment par des « traits tirés » et des signes de crispation). À cela s’ajoute que les EPI ont fait état d’une très importante diminution de rendement (manifestement plus élevée que celle de 20% retenue par le Dr I______), en précisant que les activités en atelier avaient été effectuées avec des temps de réalisation supérieurs de plus de 50% par rapport à ce qui était entendu, sans progression au fil de la journée, les activités « sérielles » ayant même nécessité des temps pratiquement trois fois supérieurs par rapport aux exigences, ceci malgré l’accomplissement du stage d’observation professionnelle moyennant un horaire allégé (18 heures par semaine, réparties sur quatre jours).

On peut en déduire qu’à l’issue du stage d’orientation professionnelle, en juillet 2021, les EPI ne jugeaient pas le recourant apte à exercer une quelconque activité adaptée à 60% (taux d’activité de 75%, avec une diminution de rendement de 20%), comme l’avait retenu le Dr I______, les seules pistes a priori susceptibles d’entrer en considération (emplois de type administratif ou dans le secteur de la planification logistique) n’ayant pas pu être explorées, en raison de l’état de santé du recourant. Cette divergence notable entre les conclusions du SMR et celles des EPI suffit déjà à faire naître des doutes quant à la fiabilité et la pertinence des conclusions du Dr I______.

16.3 Contrairement à ce que laisse entendre l’intimé (de façon implicite) lorsqu’il se réfère dans sa réponse à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 (au terme duquel notre Haute-Cour avait jugé que les données médicales émanant d’une expertise [rhumatologique] l’emportaient en principe sur les constatations faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle, dans un dossier où les maîtres de réadaptation avaient relevé que l'assuré avait fait preuve d'un « engagement restreint » dans le cadre d’exercices manuels en atelier), on ne saurait, dans le cas d’espèce, écarter d’emblée (et sans complément d’instruction) les constatations des EPI au motif que celles-ci seraient largement influencées par des éléments purement subjectifs liés à la personne de l’assuré. En effet, dans le cas particulier et à l’inverse de ce qui ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral précité, les constatations issues de la mesure d’orientation professionnelle ne semblent pas s’expliquer par un défaut de motivation : les EPI n’ont constaté aucun manque d’engagement, puisqu’ils ont souligné dans leur rapport (cf. p. 10) que le recourant avait témoigné de son « envie de collaborer pour optimiser les résultats de la mesure », mesure dans laquelle il s’était par ailleurs « engagé avec sérieux », ponctualité et en manifestant son « intérêt à intégrer la mesure pour lui permettre de s’autotester [ ] ». De surcroît, les EPI ont relevé que le recourant avait fait preuve de curiosité, aussi bien lors des exercices proposés en atelier que lors des animations de groupe, lors desquelles il avait même proposé son aide, en jouant le rôle de traducteur ou de « scribe ».

16.4 Certes, comme le relève le Dr I______ lorsqu’il situe dans son rapport le recouvrement d’une capacité de travail partielle et l’« aptitude à suivre une mesure de réadaptation » au 25 octobre 2018, le Dr E______ avait initialement attesté, dans un très bref rapport complété de façon manuscrite à la date précitée, d’une capacité de travail entière dans toute activité adaptée, tout en préconisant une reconversion professionnelle. Ce même médecin a encore sollicité des mesures d’ordre professionnel dans un certificat (daté du 4 mars 2019) produit au stade de l’opposition. Il importe toutefois de relever que le Dr E______ est revenu par la suite sur ses conclusions initiales, d’abord dans son courrier du 10 mai 2019, où il a indiqué que les possibilités de reconversion lui paraissaient « très limitées », tout en préconisant l’exercice d’une profession « occupationnelle » à 50% et pour laquelle « le rendement serait réduit », ce qui semble plutôt désigner une activité exercée en-dehors de l’économie libre. Puis, dans son rapport du 1er juillet 2019, le Dr E______ a fait état d’une « lente aggravation des symptômes » et d’une capacité de travail nulle, aussi bien dans l’activité antérieure de magasinier-cariste que dans une autre profession, ce qu’il a encore confirmé dans une brève note datée du 23 mars 2020 (postérieure à l’examen rhumatologique effectué par le SMR, mais antérieur au prononcé de la décision attaquée, en novembre 2021) en chiffrant l’incapacité de travail à 80%, tout en précisant que le 20% restant « [avait] un caractère occupationnel ». À l’appui de ladite note, le Dr E______ a joint copie d’un « bilan multidisciplinaire ProMIDos » daté du 11 mars 2020 et émanant du service de rhumatologie des HUG ; il ressort notamment dudit rapport que des tests de force ont tous mis en évidence des résultats inférieurs aux scores attendus et que certains d’entre eux n’ont pas pu être terminés. Par ailleurs, les médecins des HUG ont jugé qu’au vu de l’importance (et de l’intrication) de sévères problématiques somatiques et psychiatriques, il leur paraissait peu probable qu’une amélioration clinique suffisante pour retrouver une « capacité professionnelle » ait lieu dans les 12 à 18 mois à venir.

De ce qui précède, il résulte que l’appréciation du Dr I______ entre également en contradiction avec celle émise par le Dr E______ et par le service de rhumatologie des HUG, ce qui, là encore, éveille le doute quant au bien-fondé des conclusions du médecin du SMR quant au recouvrement d’une capacité de travail de 60%, dès le 25 octobre 2018, dans toute activité adaptée.

Pour autant, les rapports établis par les médecins traitants ne sont, contrairement à ce que souhaiterait le recourant, pas suffisamment motivés pour que l’on puisse sans autre se fonder sur ceux-ci. Il sied également de tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc).

16.5 Dans une constellation où l'évaluation de la capacité de travail par le SMR était contredite aussi bien par les organes de l’orientation professionnelle, que par le médecin traitant et par les spécialistes consultés par le recourant (aux HUG), l’intimé ne pouvait valablement retenir dans sa décision – sans mettre en évidence lesdites contradictions, ni compléter l’instruction – « [qu’]à l’issue des mesures de réadaptation, [ ] [l’assuré était] formé dans une activité adaptée à [son] état de santé et [qu’il] dispos[ait] des aptitudes et des ressources pour exercer une [telle] activité ». Au vu des divergences significatives séparant l’appréciation du Dr I______ de celle émise par les EPI, respectivement par les médecins consultés par le recourant, l’intimé ne pouvait faire l'économie d'une d'instruction complémentaire.

En conséquence de ce qui précède, la chambre de céans constate que la cause est insuffisamment instruite, de sorte qu’elle n’est pas en mesure de statuer définitivement sur la capacité de travail du recourant dès le 25 octobre 2018, partant sur le degré d’invalidité et le bien-fondé de la diminution de rente (passage d’une rente entière à un quart de rente) décidée par l’intimé dès le 1er février 2019. À ce stade, les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer si, comme le retient la décision attaquée, un changement notable du taux d’invalidité au sens de l'art. 17 LPGA, propre à justifier une réduction de la rente et revêtant en outre un caractère durable (selon l’art. 88a al. 1 RAI), pourrait être survenu à partir du 25 octobre 2018 (ou à une date ultérieure).

Dans la mesure où des doutes subsistent quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales effectuées par le service médical interne de l'assurance, il se justifie de renvoyer la cause à l’intimé pour qu'il mette en œuvre une expertise médicale indépendante selon l’art. 44 LPGA, étant rappelé qu’il n’appartient pas au juge de suppléer aux carences de l’instruction menée par l’administration (dans le même sens, cf. ATAS/35/2018 du 18 janvier 2018 consid. 11 ; ATAS/859/2015 du 17 novembre 2015 consid. 11 ; ATAS/678/2014 du 4 juin 2014 consid. 6). Cela vaut a fortiori dans un cas où, comme en l’espèce, l’instruction se révèle très insuffisante, l’intimé n’ayant précisément pas mis en œuvre d’expertise, en dépit des circonstances qui viennent d’être exposées. Dans ce contexte, il conviendra notamment que l’intimé invite l’expert à se déterminer sur les conclusions du Dr I______, d’une part, et sur celles des EPI, du Dr E______ et du service de rhumatologie des HUG, d’autre part, et sur le type d'activité adaptée que le recourant serait le cas échéant à même d'exécuter, en précisant à quel taux et depuis quelle date.

17.         En dernier lieu, le recourant requiert l’octroi de nouvelles mesures d’ordre professionnel (dont une mesure de reclassement) « lorsque son état de santé le permettra ».

17.1 Selon l’art. 8 al. 1er LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n’est pas lié à l’exercice d’une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008).

17.2 Selon l'art. 15 LAI, l'assuré auquel son invalidité rend difficile le choix d'une profession ou l'exercice de son activité antérieure a droit à l'orientation professionnelle. L’orientation professionnelle, qui inclut également les conseils en matière de carrière, a pour but de cerner la personnalité des assurés et de déterminer leurs capacités et leurs dispositions qui constitueront la base permettant de choisir une activité professionnelle appropriée ou une activité dans un autre domaine, voire un placement adéquat. Y ont droit les assurés qui, en raison de leur invalidité, sont limités dans le choix d’une profession ou dans l’exercice de leur activité antérieure et qui ont dès lors besoin d’une orientation professionnelle spécialisée (Circulaire sur les mesures de réadaptation professionnelle, CMRP, p. 16, nos 2001 et 2002). Le Tribunal fédéral a rappelé que l'orientation professionnelle se démarque des autres mesures d'ordre professionnel (art. 16 ss LAI) par le fait que, dans le cas particulier, l'assuré n'a pas encore fait le choix d'une profession. L'art. 15 LAI suppose que l'assuré soit capable en principe d'opérer un tel choix, mais que seule l'invalidité l'en empêche, parce que ses propres connaissances sur les aptitudes exigées et les possibilités disponibles ne sont pas suffisantes pour choisir une profession adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_882/2008 du 29 octobre 2009 consid. 5.1 et les références).

17.3 Selon l’art.17 LAI, l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée (al. 1er). La rééducation dans la même profession est assimilée au reclassement (al. 2). Sont considérées comme un reclassement les mesures de formation destinées à des assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité, après achèvement d'une formation professionnelle initiale ou après le début de l'exercice d'une activité lucrative sans formation préalable, pour maintenir ou pour améliorer sensiblement leur capacité de gain (art. 6 al. 1 RAI).

Par reclassement, la jurisprudence entend l’ensemble des mesures de réadaptation de nature professionnelle qui sont nécessaires et suffisantes pour procurer à l’assuré une possibilité de gain à peu près équivalente à celle que lui offrait son ancienne activité. La notion d'équivalence approximative entre l'activité antérieure et l'activité envisagée ne se réfère pas en premier lieu au niveau de formation en tant que tel, mais aux perspectives de gain après la réadaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_644/2008 du 12 décembre 2008 consid. 3). En règle générale, l’assuré n’a droit qu’aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas (ATF 124 V 110 consid. 2a et les références ; VSI 2002 p. 109 consid. 2a). En particulier, l’assuré ne peut prétendre à une formation d’un niveau supérieur à celui de son ancienne activité, sauf si la nature et la gravité de l’invalidité sont telles que seule une formation d’un niveau supérieur permet de mettre à profit d’une manière optimale la capacité de travail à un niveau professionnel plus élevé (cf. VSI 2002 p. 109 consid. 2a ; RJJ 1998 p. 281 consid. 1b, RCC 1988 p. 266 consid. 1 et les références). Si une perte de gain de 20% environ ouvre en principe droit à une mesure de reclassement dans une nouvelle profession (ATF 124 V 108 consid. 2b et les arrêts cités), la question reste ouverte s'agissant des autres mesures d'ordre professionnel prévues par la loi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_464/2009 du 31 mai 2010).

Sont réputées nécessaires et appropriées toutes les mesures de réadaptation professionnelle qui contribuent directement à favoriser la réadaptation dans la vie active. L'étendue de ces mesures ne saurait être déterminée de manière abstraite, dès lors qu'elles présupposent un minimum de connaissances et de savoir-faire et que seules entrent en ligne de compte, en vue de l'acquisition d'une formation professionnelle, celles qui peuvent s'articuler sur ce minimum de connaissance. Au contraire, il faut s'en tenir aux circonstances du cas concret. Celui qui peut prétendre au reclassement en raison de son invalidité a droit à la formation complète qui est nécessaire dans son cas, si sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être sauvegardée ou améliorée de manière notable (ATF 124 V 108 consid. 2a p. 110). Une mesure de reclassement ne saurait être interrompue de façon prématurée, aussi longtemps que le but de réadaptation visé peut, dans les limites de la proportionnalité, encore être atteint (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 34/95 du 21 juillet 1995 consid. 3c).

17.4 En l’espèce, l’intimé a, par communication du 15 avril 2021, alloué au recourant une mesure d’orientation professionnelle, destinée à lui permettre de tester les pistes évoquées en entretien avec la conseillère en réadaptation (mécanique, informatique, logistique) et de se déterminer sur le choix d’une formation. Selon le « rapport de surveillance – MOP » du 15 avril 2021, l’idée était que le recourant puisse se décider pour un projet professionnel futur « sous forme de reclassement ». L’intimé a donc considéré, à tout le moins implicitement, qu’une mesure d’orientation professionnelle (suivie d’un reclassement) était appropriée pour lui permettre de recouvrer une capacité de gain satisfaisante. Or, contrairement à ce que laisse entendre la conseillère en réadaptation de l’intimé dans son rapport final (du 10 août 2021), on ne peut pas considérer sans autre qu’à l’issue de la mesure effectuée aux EPI, le recourant pouvait prétendre à un poste dans le domaine administratif ou logistique. Comme exposé plus haut, les EPI ont qualifié les métiers du domaine administratif ou de la logistique d’« orientations à tester », mais tout en suggérant une remise à niveau en informatique et en soulignant que les observations faites durant la mesure n’avaient pas permis de concrétiser ces cibles professionnelles (par exemple par un stage en entreprise ou une formation).

Force est ainsi d’admettre qu’à l’issue du stage aux EPI, la mesure d’orientation professionnelle n’avait pas atteint son but et que, dans ces conditions, l’intimé n'était pas en droit de mettre un terme aux mesures de réadaptation. Par conséquent, si l’expertise rhumatologique à venir confirme l’existence d’une capacité résiduelle de travail exploitable, il appartiendra à l’intimé de reprendre les mesures de réadaptation (éventuellement en accordant au recourant une nouvelle mesure d’orientation professionnelle, puis un reclassement), de façon à ce que le recourant puisse obtenir une ou plusieurs cibles professionnelles exploitables.

18.         En conclusion, le recours sera partiellement admis et la décision du 3 novembre 2021 sera annulée en tant qu’elle réduit (dans le sens du passage à un quart de rente), dès le 1er février 2019, la rente entière d'invalidité accordée au recourant (cf. ATAS/620/2020 du 23 juillet 2020 consid. 33 ; ATAS/508/2020 du 24 juin 2020 consid. 24). Pour le surplus, on rappellera incidemment que le droit à une rente entière a déjà été reconnu par l'intimé pour la période courant du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019.

La cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire, à charge pour celui-ci de mettre en œuvre une expertise en rhumatologie auprès d’un expert indépendant. À l'issue de cette instruction, l'intimé rendra une nouvelle décision statuant sur le droit à une rente d’invalidité pour la période courant depuis le 1er février 2019. Si l’expertise confirme l’existence d’une capacité résiduelle de travail exploitable, il appartiendra à l’intimé de déterminer quelles (nouvelles) mesures d’ordre professionnel mettre en œuvre.

19.         Vu l’issue du litige, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’argumentation du recourant relative au calcul du degré d’invalidité.

20.         Le recourant obtenant partiellement gain de cause et étant représenté, une indemnité de CHF 2’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l'intimé.

21.         La procédure de recours en matière de contestation portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, un émolument de CHF 200.- sera mis à charge de l'intimé (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

***

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 3 novembre 2021 en tant qu’elle réduit (à un quart de rente), dès le 1er février 2019, la rente entière d’invalidité allouée au recourant.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire, puis nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le