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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2542/2019

ATAS/1270/2021 du 10.12.2021 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.02.2022, rendu le 06.09.2022, REJETE, 8C_59/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2542/2019 ATAS/1270/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 décembre 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à LACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yvan JEANNERET

 

 

recourant

 

contre

SOCIÉTÉ D'ASSURANCE B______ SA, sise à LAUSANNE

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUZERN

 

 

intimée

 

appelée en cause

 

EN FAIT

A. a. Le 13 juin 2018, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), marié, né le ______ 1989, a été grièvement blessé lors d’une explosion, suivie d’un incendie survenu dans l’appartement qu’il occupait dans un bâtiment agricole, propriété des époux C______ et D______, sis à Laconnex.

b. L’assuré a été transféré au Service des grands brûlés du Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CHUV) à Lausanne.

c. Deux procédures pénales (P/1______/2018 et P/2______/2019) ont été ouvertes par le Ministère public à la suite de cet événement.

d. Par ordonnance du 18 juin 2018, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’assuré et désigné sa mère, Madame E______ aux fonctions de curatrice.

B. a. Par courriel du 26 juin 2018, L______, association genevoise, a adressé à la Société d'assurance B______ SA (ci-après : l’assurance) une déclaration d’accident signée par M. D______, qui y était inscrit comme employeur. Il était notamment précisé que l’assuré avait été engagé le 1er avril 2017 en qualité d’employé agricole.

b. Le 4 juillet 2018, l’assurance a garanti la prise en charge de l’hospitalisation au CHUV.

c. Le 17 juillet 2018, l’assurance a informé M. D______ qu’elle acceptait la prise en charge des frais de traitement et de verser l’indemnité journalière jusqu’au 30 septembre 2018 sur présentation d’un certificat d’incapacité de travail. Dès qu’elle aurait reçu le rapport de police, elle lui adresserait une décision en bonne et due forme.

d. Entre juillet et septembre 2018, l’assurance a établi le décompte des indemnités journalières pour la période du 16 juin au 30 septembre 2018.

e. Le 30 octobre 2018, l’assurance a informé M. D______ qu’elle n’avait toujours pas reçu le rapport de police du Ministère public du canton de Genève et que, dans l’intervalle, elle avancerait la moitié des indemnités journalières à compter du 1er octobre 2018. Le solde des indemnités serait versé dès réception du rapport en question.

f. Entre octobre 2018 et décembre 2018, l’assurance a établi le décompte des indemnités journalières pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2018, réduites de moitié.

C. a. Par courrier du 24 décembre 2018, Mme C______ a informé l’assurance qu’elle avait conclu un contrat de travail avec l’assuré « à la demande » de ce dernier. Elle avait « agi dans le seul but de [lui] rendre service » et se rendait compte qu’elle avait été « très naïve ». L’assuré n’avait toutefois jamais travaillé pour elle. Elle ne lui avait jamais versé de salaire et le « contrat ne correspond[ait] pas à la réalité ». Il convenait donc de ne lui accorder aucune prestation sur la base de ce contrat de travail et de solliciter le remboursement des prestations déjà versées.

b. Par décision du 18 février 2019, l’assurance a refusé la prise en charge des suites de l’accident du 13 juin 2018, au motif que l’assuré n’était pas un travailleur occupé dans l’exploitation agricole de M. D______.

c. Le 14 mars 2019, l’assuré, par l’intermédiaire de son avocat, a formé opposition à cette décision. La décision se fondait sur un « courrier totalement surréaliste » adressé à l’assurance par Mme C______. Or le père de l’assuré avait pu retrouver sur les lieux de l’incendie un certain nombre de pièces venant contredire certaines affirmations des époux C______ et D______. À cela s’ajoutait que des indices semblaient se réunir pour démontrer que des activités sujettes à caution étaient menées dans les sous-sols du bâtiment, propriété des époux C______ et D______, à tout le moins à connaissance de ce dernier, voire en collaboration avec ceux-ci. Les époux C______ et D______ étaient dans une logique de mesures de représailles aux fins de nuire aux intérêts de l’assuré. Un certain nombre de pièces apportaient par ailleurs des indices concordants quant à l’existence réelle d’un contrat de travail entre les différents protagonistes.

À l’appui de son opposition, il a notamment produit :

-          Un extrait du registre du commerce du 5 février 2019, d’où il ressort que l’assuré avait été titulaire d’une entreprise individuelle, inscrite à son nom, d’août 2016 jusqu’à sa radiation en juillet 2017 ;

-          Une décision de cotisations personnelles pour personnes exerçant une activité lucrative indépendante de l’OCAS du 21 juin 2018, fixant les cotisations à CHF 541.40 pour la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2016 ;

-          Un formulaire de cessation adressé à l’OCAS, ni daté ni signé, indiquant une cessation d’activité au 31 décembre 2016 ;

-          L’extrait du compte individuel de l’assuré mentionnant un revenu de CHF 32'187.- pour l’année 2017 ;

-          Un certificat de salaire établi par M. D______ à l’attention de l’assuré pour l’année 2017, mentionnant un revenu brut de CHF 32'187.15 ;

-          Un courrier de l’OCAS du 13 juillet 2017 confirmant la cessation définitive de son activité indépendante depuis le 31 décembre 2016 à la suite de son engagement en qualité de salarié ;

-          Un contrat de bail commercial, non signé et daté du 1er août 2016, conclu entre M. D______ en qualité de bailleur et l’assuré en qualité de locataire pour un appartement de trois pièces ¼ sis à Laconnex, prévoyant notamment une entrée en vigueur le 1er août 2016, ainsi qu’un loyer s’élevant à CHF 1'500.- par mois ;

-          Un contrat de bail, signé et daté du 1er avril 2017 entre M. D______ et l’assuré portant sur le même appartement mais pour un loyer de CHF 300.- par mois ;

-          Un contrat de travail, non daté, signé par M. D______ et l’assuré, mentionnant une entrée en fonction le 1er avril 2017 et un salaire de CHF 3'576.35 brut par mois.

d. Le 9 mai 2019, l’assurance a demandé à M. ______ de rembourser dans les trente jours les indemnités journalières versées du 16 juin au 31 décembre 2018, après déduction des primes versées en trop par L______ pour 2017.

e. Par décision sur opposition du 4 juin 2019, l’assurance a confirmé sa décision du 18 février 2019. Il résultait du courrier de M. D______ du 24 décembre 2018 que l’assuré n’avait jamais travaillé pour lui et qu’aucun salaire ne lui avait été versé. Le contrat de travail avait été conclu pour lui rendre service. Au vu de ces nouveaux faits, l’assurance devait décliner toute compétence dans cette affaire. Il appartenait à la caisse maladie de l’assuré d’intervenir.

D. a. Par acte du 28 juin 2019, l’assuré a recouru contre la décision du 4 juin 2019 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant, préalablement, à l’apport de la procédure pénale et à l’audition des parties et, au fond, à l’annulation de la décision sur opposition du 4 juin 2019 et au constat que l’intéressé était valablement assuré en assurance-accident au sens de la LAA auprès de la « B______ » et à ce qu’il soit ordonné en conséquence à la « B______ » de servir les prestations légales à l’assuré, à savoir la prise en charge des frais médicaux et l’allocation d’une indemnité journalière, le tout avec suite de frais et dépens.

En substance, l’assuré a fait valoir qu’il était en relation de travail avec les époux C______ et D______. et que l’objet de la prestation fournie consistait en la culture et la fabrication de stupéfiants dérivés du cannabis. Le salaire était versé en espèce. Le loyer de l’appartement mis à sa disposition avait été ramené de CHF 1'500.- à CHF 300.- par mois au jour de la conclusion du contrat de travail, de sorte qu’une prestation de logement en nature d’une valeur de CHF 1'200.- avait été concédée en faveur de l’assuré, en sa qualité d’employé. Même si l’objet du contrat était illicite, cela ne changeait rien à la validité de l’affiliation aux assurances sociales.

b. Dans sa réponse du 31 août 2019, l’assurance a conclu, préalablement, à la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit connu sur le plan pénal et à l’audition de la caisse nationale d’assurance en cas d’accidents (ci-après : CNA) et, au fond, au rejet du recours sous suite de frais.

En substance, l’assurance a fait valoir que le contrat de travail liant les parties était, du propre aveu de l’employeur, un faux. Sauf demande expresse de l’employeur, seuls les travailleurs agricoles étaient assurés par l’assurance, ce qui n’était pas le cas de l’assuré, dont l’activité consistait en la culture et la transformation de plans de cannabis pour la fabrication de stupéfiants. En tout état, l’activité de l’assuré relevait de la compétence de la CNA dans la mesure où des produits inflammables étaient stockés sur l’exploitation. Enfin, l’assurance a relevé que les conclusions condamnatoires de l’assuré à l’égard de la « B______ », soit la fédération rurale vaudoise, étaient manifestement inopposables à l’assurance.

c. Par réplique du 24 septembre 2019, l’assuré a conclu préalablement à ce que la chambre de céans ordonne l’intervention de la CNA dans la procédure, l’apport de la procédure pénale et l’audition des parties et, au fond, à l’annulation de la décision sur opposition du 4 juin 2019.

d. Par duplique du 7 novembre 2019, l’assurance a déclaré qu’elle ne s’opposait pas à l’apport de la procédure pénale. À condition que la mesure soit suffisamment précise, elle consentait à l’intervention de la CNA et persistait dans ses conclusions pour le surplus.

e. Par courrier du 11 novembre 2019 adressé au Ministère public, la chambre de céans a requis toute pièce utile permettant, d’une part, d’établir la relation juridique liant M. D______ à l’assuré et, d’autre part, de déterminer si l’entreprise agricole de M. ______ produisait, employait en grande quantité ou avait en dépôt en grande quantité des matières inflammables, explosibles ou pouvant entraîner des maladies professionnelles.

f. Par arrêt incident du 11 novembre 2019, la chambre de céans a appelé en cause la CNA.

g. Le 29 novembre 2019, la CNA a conclu au rejet de l’appel en cause à son encontre, indiquant qu’elle ne saurait être qualifiée d’assureur LAA dans le cadre de l’événement du 18 juin 2018. Les époux C______ et D______. ne sauraient être qualifiés d’employeurs de l’assuré dans la mesure où il n’y avait pas de lien de subordination entre eux. Même à supposer que l’on puisse qualifier l’assuré de travailleur au sens de l’art. 1a al. 1 let. a LAA pour son activité d’aide à la ferme, il n’était pas établi que l’activité dépassait les huit heures par semaine. Au demeurant, le fait qu’une douzaine de bombonnes de butane soit utilisée dans le cadre de la fabrication de l’extraction de la résine, respectivement de l’huile de chanvre tous les quatre mois ne saurait permettre d’établir qu’une grande quantité de produit inflammable ou explosible était employée au sens de l’art. 66 al. 1 let. f LAA. Enfin, quand bien même il s’agirait d’une couverture d’assurance obligatoire auprès de la CNA, une couverture d’assurance rétroactive ne saurait intervenir, le cas devant être pris en charge par la caisse supplétive.

h. Par déterminations du 11 août 2020, la CNA a persisté dans les conclusions de son écriture du 29 novembre 2019. Le dossier de la procédure pénale consacrait le fait que l’assuré ne travaillait pas pour les époux C______ et D______. Au vu des différents témoignages, la version des faits des époux C______ et D______. selon laquelle ils auraient établi des faux documents à la demande de l’assuré pour venir en aide à ce dernier devait être retenue.

i. Par pli du 20 août 2020, la chambre de céans a reporté la suite de la procédure au 15 octobre 2020, suite à quoi les parties seraient interpellées sur la suite à donner à la procédure devant la chambre de céans et l’avancée des procédures pénales en cours.

j. Lors de l’audience de comparution des mandataires du 19 janvier 2021, le conseil de l’assuré a persisté dans sa conclusion en suspension de la procédure dans l’attente de la clôture de l’instruction pénale. De son côté, la société a relevé qu’après lecture du dossier pénal, elle ne voyait plus d’évolution susceptible de changer le sort de la présente procédure. Elle n’était toutefois pas opposée à la suspension de la procédure, étant précisé que faute d’éléments nouveaux la procédure devrait reprendre au plus tard au printemps. Quant à la CNA, elle a relevé que la chambre de céans pouvait statuer en l’état du dossier. À l’issue de l’audience, la chambre de céans a ordonné la production de toute pièce utile de la procédure pénale en cours.

k. Par plis des 22 janvier et 22 mars 2021, la chambre de céans a reporté la suite de la procédure.

l. Le 13 avril 2021, l’assuré a produit les procès-verbaux des audiences devant le Ministère public des 31 mars et 1er avril 2021, ainsi que la convocation à une nouvelle audience devant le Ministère public le 7 juin prochain. Compte tenu des enjeux importants de la procédure et de l’absence d’urgence à statuer, il sollicitait le maintien de la suspension de la procédure, dans l’attente d’éventuels éléments de preuve complémentaires.

m. Par arrêt incident du 6 mai 2021 (ATAS/429/2021), après avoir entendu les parties, la chambre de céans a refusé de suspendre la procédure.

n. Lors de l’audience de comparution personnelle et d’enquêtes du 25 mai 2021, l'assuré a déclaré que son travail principal pour les époux C______ et D______. était consacré à la plantation. Il faisait d'autres tâches (balayage, nettoyage) lorsqu'il n'y avait plus de travail. Son salaire était versé chaque mois en mains propres dans une enveloppe. À son souvenir il était payé environ CHF 3'500.-, étant précisé qu'il ne s'agissait pas d'un chiffre rond. Ce montant comprenait une déduction de loyer. Il était retourné à la fiduciaire pour conclure un nouveau bail. Il faisait environ trois récoltes par année, pour un chiffre d'affaires de CHF 46'000.- par récolte. Il versait CHF 25'000.- aux époux C______ et D______. par récolte et le reste était investi dans le matériel pour la future exploitation.

Entendue en qualité de témoin, Madame F______a confirmé avoir travaillé en qualité de comptable pour la Fiduciaire du Mandement de 2001 à juin 2018. Elle se chargeait de la rédaction des contrats de travail pour l'exploitation. Elle n'avait pas le souvenir d'avoir rédigé de contrats de bail pour les époux C______ et D______. Elle a confirmé avoir rédigé le contrat de travail de l'assuré, étant précisé qu'elle ne l'avait jamais rencontré. Le salaire prévu dans le contrat de travail était beaucoup plus élevé que les salaires des autres contrats de l'exploitation, étant précisé que Mme C______ payait le minimum salarial des conventions collectives à l'ensemble des employés de l'exploitation. D'après la témoin, Mme C______ payait ses employés en espèces, à l'exception de l'apprenti qui était payé par virement bancaire. La témoin a précisé qu'il lui paraissait évident que le contrat de travail était arrangé entre les deux parties, même si elle ne connaissait pas les motifs de cet arrangement. Le salaire lui paraissait trop élevé, étant donné la situation financière des époux C______ et D______. D'après elle, l'assuré travaillait dans les vignes avec D______, même si personne ne le lui avait dit explicitement. Il ne s'agissait dès lors pas d'un "faux" contrat. Elle a précisé, enfin, qu'en son absence, elle était remplacée par Madame G______.

Au terme de l'audience, la chambre de céans a invité les parties à produire une liste de questions à poser à Mme G______.

o. Le 2 juillet 2021, répondant aux questions des parties, Mme G______ a confirmé être la seule administratrice de la Fiduciaire du Mandement depuis 2009. Elle a déclaré n'avoir jamais reçu ni rencontré l'assuré. Il ne fait pas partie de son fichier clients. À la demande de D______, un contrat de travail entre ce dernier et l'assuré avait été rédigé en avril 2017 par une employée de sa fiduciaire. L'original avait été remis en mains propres à C______ afin que les deux parties le signent. À ce jour, aucune copie signée du contrat ne lui avait été retournée, malgré sa demande. Elle n'était pas intervenue personnellement dans ce contexte. Lors du bouclement annuel des comptes de l'exercice 2017, effectué en fin d'année 2018, la fiduciaire avait fait le constat qu'aucun salaire versé à l'assuré n'apparaissait dans les comptes. Ses clients lui avaient indiqué que c'était tout à fait correct, étant donné qu'aucune prestation de travail n'avait jamais été fournie. Afin d'éviter une incohérence entre la comptabilité en cours et l'annonce faite à l'OCAS selon l'attestation 2017, établie début 2018, la fiduciaire avait dirigé ses clients vers une rectification immédiate de la situation auprès de l'AVS et des autres institutions sociales. In fine, aucune charge sociale n'avait été annoncée à l'AVS et aux autres institutions sociales.

p. Le 13 septembre 2021, Mme G______ a notamment produit l'attestation des salaires de D______ pour l'année 2017, ainsi qu'un courrier du 20 décembre 2018 informant l'OCAS de ce que l'assuré n'était pas employé de D______ en 2017.

q. La chambre de céans a entendu Mme G______ en qualité de témoin le 9 novembre 2021. La témoin a notamment expliqué que les salaires des employés des époux C______ et D______ provenaient de recettes versées en espèces (leçons, pensions), de sorte qu'une grande partie des salaires ne figurait pas dans les comptes bancaires. Les époux C______ et D______ ne lui fournissaient pas de quittances de salaire. Aucune pièce dans le dossier de la fiduciaire ne permettait de déterminer si les salaires des employés avaient été versés. Pour savoir si un salaire avait été versé, elle demandait aux époux C______ et D______. S'agissant de l'assuré, les époux C______ et D______ l'avaient informée qu'aucun salaire n'avait été versé.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans le délai prévu par la loi (art. 60 LPGA et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA- E 5 10]), le recours est recevable sous cet angle.

1.3 S'agissant de la forme, l'art. 61 let. b LPGA prévoit que l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions. Il suffit que le tribunal puisse déduire de l'acte de recours ce que souhaite le recourant et pour quels motif la décision contestée est, d'après lui, erronée sur le plan factuel ou juridique (Jean METRAL, Commentaire romand de la LPGA, n. 44 ad art. 61 LPGA).

En l'occurrence, l'intimée fait valoir que les conclusions prises par le recourant à l'égard de la B______ lui sont inopposables, dès lors qu'il s'agit de la Fédération rurale vaudoise de mutualité et d'assurances sociales (B______), soit une association distincte de la SAD. Or, dans la mesure où la décision contestée est expressément mentionnée dans l'acte de recours, sans qu'il y ait de doute à ce sujet, le grief de l'intimée tombe à faux. Quoi qu'en dise l'intéressée, et quand bien même le recourant a employé l'abréviation "B______" dans les conclusions de son recours - en lieu et place de l'abréviation "SAD"-, celles-ci restent suffisamment précises pour comprendre de quelle manière le recourant entend modifier la situation juridique résultant de la décision entreprise. Sous cet angle également, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur la question de savoir si l'intimée est tenue de prendre en charge les coûts des prestations dispensées au recourant ensuite de l'incident survenu le 13 juin 2018. Cette question implique notamment de déterminer si, au moment de l’événement du 13 juin 2018, le recourant pouvait être considéré comme un travailleur occupé en Suisse au sens de la LAA.

3.              

3.1  

3.1.1 Selon l'art. 1a al. 1 let. a LAA, sont assurés à titre obligatoire contre les accidents les travailleurs occupés en Suisse. Est réputé travailleur selon
l'art. 1a al. 1 LAA quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 1 OLAA; RS 832.202).

De manière générale, la jurisprudence considère comme tel la personne qui, dans un but lucratif ou de formation, exécute durablement ou passagèrement un travail pour un employeur, auquel elle est plus ou moins subordonnée et sans avoir à supporter pour cela un risque économique (ATF 115 V 55 consid. 2d p. 58 s.; arrêt 8C_500/2018 du 18 septembre 2019 consid. 3). Ce sont donc avant tout les personnes au bénéfice d'un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO ou qui sont soumises à des rapports de service de droit public qui sont ici visées. Dans le doute, la qualité de travailleur doit être déterminée, de cas en cas, à la lumière de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment au regard de l'existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'un droit au salaire sous quelque forme que ce soit (arrêts du Tribunal fédéral 8C_538/2019 du 24 janvier 2020 consid. 2.3 et 8C_500/2018 consid. 3 précité; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in: Soziale Sicherheit, SBVR vol XIV, 3 e éd., 2016, n. 2 p. 899). Dans cette appréciation, il convient de ne pas perdre de vue que la LAA, dans la perspective d'une couverture d'assurance la plus globale possible, inclut également des personnes qui, en l'absence de rémunération, ne peuvent pas être qualifiées de travailleurs tels que les volontaires ou les stagiaires. La notion de travailleur au sens de l'art. 1a LAA est par conséquent plus large que celle que l'on rencontre en droit du travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2018 du 4 décembre 2018 consid. 4.2 et les références).

L'assujettissement à l'assurance-accidents n'implique pas un horaire minimal de travail ou le versement d'un salaire minimum. Il ne dépend pas d'une décision d'affiliation, de la conclusion d'un contrat d'assurance ou encore d'une déclaration de l'employeur. Peu importe au demeurant que les primes d'assurance aient ou non été payées (Jean-Maurice FRESARD / Margit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in  Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., Bâle 2016, n. 7 p. 900).

Dans l'assurance-accidents, le gain peut aussi bien provenir d'une activité licite que d'une occupation illicite, en particulier d'un « travail au noir » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_676/2007 du 11 mars 2008 consid. 3.3.4, cf. sur ce point ATF 121 V 321 à propos d'un ouvrier agricole étranger sans permis de travail).

Récemment, le Tribunal fédéral a confirmé un jugement de la cour cantonale fribourgeoise, selon lequel l'engagement d'un contremaître-constructeur en métallurgie était purement fictif : les conditions d'engagement du recourant et les heures de travail effectuées par ce dernier paraissaient peu réalistes : un salaire horaire de CHF 65.70 était particulièrement élevé, alors que la société était confrontée à des difficultés financières et le décompte des heures faisait ressortir un horaire hebdomadaire de 64 heures, lequel allait largement au-delà des 40 heures prévues contractuellement ; le recourant n'avait fourni aucune indication précise sur les activités qu'il aurait effectuées durant les treize jours de travail décomptés et les photographies prises sur un chantier, que le recourant avait transmises à la SUVA, ne permettaient pas, compte tenu des nombreuses contradictions et incohérences relevées, d'attester la réalité de son engagement auprès de la société (arrêt du Tribunal fédéral du 8C_500/2018 du 18 septembre 2019).

De simples coups de main ne suffisent pas pour créer une relation de travail. Il en va de même lorsque, par pure complaisance, une personne exerce pour une autre des activités durant une période limitée, et ce quand bien même elle serait indemnisée sous une forme ou une autre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_393/2011 du 13 février 2012 consid. 3). La jurisprudence a ainsi nié la qualité de travailleur à un homme qui se rendait fréquemment sans horaires ni contraintes dans un bar dont le gérant le sollicitait parfois pour rendre des services (rangements ou commissions), dont il le remerciait en lui offrant des consommations ou en lui remettant de petites sommes. Le Tribunal fédéral a retenu que rien ne permettait de considérer que ces services avaient été rendus autrement qu'à bien plaire, qu'ils ne répondaient pas à des obligations convenues ou consenties, qu'ils étaient fournis sans qu'existe un lien de subordination et qu'ils ne devaient pas donner droit à une rémunération ou des prestations en nature (RAMA 2001 n° U 418 p. 100 consid. 2b).

La chambre de céans a nié la qualité d'assurée à une mère, qui avait déployé une activité à temps partiel au sein de l'entreprise exploitée par son fils. Les nombreuses contradictions dans les montants des salaires ressortant des différentes pièces, son affiliation tardive à la Caisse cantonale genevoise de compensation ainsi que le fait que plusieurs documents avaient été établis postérieurement à l'accident, laissaient penser qu'elle n'avait en réalité pas perçu de salaire pour l'activité au sein de la société. Sa déclaration fiscale ne mentionnait pas non plus de revenu d'activité dépendante pour l'année en question. Il apparaissait plus plausible que la recourante n'ait perçu en réalité aucune rétribution pour son activité au sein de l'entreprise familiale, son but étant d'aider la société de son fils à décoller (ATAS/1188/2011 du 30 novembre 2011, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_16/2012 du 13 février 2013).

3.1.2 Selon l’art. 20 al. 1 CO, le contrat est nul s’il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux mœurs. La nullité au sens strict déploie un effet ex tunc; elle est absolue et ne permet donc pas le rétablissement du contrat. Le juge l'examine d'office; n'importe quelle personne ayant un intérêt digne de protection peut l'invoquer en tout temps (GUILLOD/STEFFEN, Commentaire romand du Code des obligation, Art. 1-252 CO, 3e éd. 2021, n. 94 ad art. 19/20 CO).

3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération
(ATF 144 V 427 consid. 3.2 p. 429; 139 V 176 consid. 5.3 p. 186; 
138 V 218 consid. 6 p. 221 s.).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante
(ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).

4.              

4.1 En l’occurrence, dans ses écritures, le recourant explique avoir travaillé pour le compte de D______ en cultivant des plans de cannabis et en procédant à leur transformation dans la cave se trouvant au sous-sol du bâtiment propriété des époux C______ et D______. Il s’appuie en cela sur un contrat de travail conclu avec D______ prévoyant une entrée en fonction le 1er avril 2017 pour un salaire brut de CHF 3'576.35. Se prévalant de la jurisprudence selon laquelle, dans l’assurance-accidents, le gain peut aussi bien provenir d’une activité licite que d’une occupation illicite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_676/2007 du 11 mars 2008 consid. 3.3.4), il soutient qu’il doit être considéré comme un travailleur occupé au sens de la LAA.

L’intimée estime pour sa part que la jurisprudence à laquelle se réfère le recourant porte sur des activités légales mais non autorisées pour des raisons administratives. D’après l’intéressée, il n’est pas certain que le Tribunal fédéral aille dans le même sens s’agissant d’une activité dont l’objet est illicite par essence.

En l’occurrence, ainsi que le relève l’intimée, la jurisprudence précitée porte sur des cas dans lesquels un assuré exerce une activité sans être au bénéfice d’une autorisation de travail (cf. ATF 121 V 321 qui a été rendu à propos d'un ouvrier agricole étranger sans permis de travail). Certes, en pareille situation, le Tribunal fédéral considère que le défaut de l’autorisation exigée par le droit public n’exclut pas le droit à des prestations de l’assurance-accidents. La présente situation vise toutefois un cas de figure différent. En effet, à suivre le raisonnement du recourant, le contrat de travail le liant à D______ portait sur des produits stupéfiants. En cela, le contrat de travail devrait être considéré comme nul en application de l’art. 20 CO dès lors que les cocontractants poursuivaient un but illicite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_986/2008 du 20 avril 2009 consid. 4.2). Or, tel n’est pas le cas du contrat de travail par lequel l’employeur utilise les services d’un travailleur étranger qui n’est pas au bénéfice d’une autorisation de travail. En effet, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le défaut de l’autorisation imposée par le droit public n’entraîne pas à lui seul la nullité du contrat de travail (ATF 122 II 110 consid. 4d ; cf. aussi ATF 137 IV 305 consid. 33 ; ATF 114 II 279 consid. 2d/aa). Dans cette situation, le Tribunal fédéral a considéré que la sanction de nullité entrait en conflit avec l'impératif de protection de la partie au contrat la plus faible. La nullité devait partant être réservée aux cas où elle est postulée par un intérêt public prépondérant (but de protection sociale; ATF 114 II 279 consid. 2d/aa). Or, c'est précisément le cas lorsque le contrat porte sur la vente de stupéfiants (cf. arrêt 6B_986/2008 précité, consid. 4.2). Il convient donc d'en conclure que la jurisprudence que le Tribunal fédéral a développée en lien avec l'exercice d'une activité légale sans autorisation de travail ne s'applique pas dans le cas d'un contrat de travail frappé de nullité au sens de l’art. 20 al. 1 CO. Dans ce cas de figure, et dans la mesure où la nullité déploie un effet ex tunc, le droit à des prestations de l'assurance-accident est exclu, faute de remplir la condition de travailleur occupé prévu à
l'art. 1a al. 1 let. a LAA. La qualité de travailleur occupé doit ainsi être déniée au recourant pour ce motif déjà.

4.2 À cela s'ajoute que, comme il sera exposé ci-après, le recourant n'a pas réussi à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante requise en assurances sociales, l'existence d'une relation de travail le liant aux époux C______ et D______.

Il convient d'emblée de rappeler que le recourant et les époux C______ et D______ ont adopté des positions diamétralement opposées s'agissant du caractère fictif du contrat de travail mentionnant une entrée en fonction le 1er avril 2017 et un salaire mensuel brut de CHF 3'576.35. Alors que le recourant se fonde sur ce contrat pour démontrer une relation de travail effective entre lui-même et les époux C______ et D______, ces derniers soutiennent que ce contrat ne correspondait pas à la réalité. Dans un courrier du 24 décembre 2018, C______ a informé l'intimée avoir conclu ce contrat à la demande du recourant, qui en avait besoin pour justifier d'un emploi afin de pouvoir se mettre à son compte. Elle a ajouté avoir agi ainsi dans le seul but de rendre service au recourant. Au vu des positions très différentes du recourant et des époux C______ et D______ quant au caractère fictif du contrat de travail, il convient d'examiner l'ensemble des circonstances afin de déterminer si le recourant dépendait des époux C______ et D______ quant à l'organisation du travail et du point de vue économique.

Outre l’existence d’un contrat de travail – qui ne suffit pas en tant que telle à établir un rapport de travail – le recourant a également produit un extrait de compte individuel faisant état d'un revenu de CHF 32'187.- en 2017, un certificat de salaire pour l'année 2017 mentionnant un salaire brut de CHF 32'187.15, une déclaration de cessation définitive d'activité indépendante "suite à [son] engagement en tant que salarié" adressée à l'OCAS le 13 juillet 2017 ainsi que deux contrats de bail, dont le premier, daté du 1er août 2016, non signé, mentionne un loyer de CHF 1'500.- par mois et le deuxième, signé et daté du 1er avril 2017, mentionne un loyer de CHF 300.-. Or, ainsi qu'il sera exposé ci-après, ces éléments ne permettent pas d'attester de la réalité de l'engagement du recourant auprès des époux C______ et D______ lors de l'incident du 13 juin 2018.

S'agissant d'abord du rapport de subordination, le dossier ne permet pas de retenir que les époux C______ et D______ intervenaient dans l'organisation du travail du recourant en lui donnant des ordres ou en exigeant des comptes. Au contraire, lors de son audition devant la Police judiciaire, le recourant a expliqué qu'il achetait les graines, qu'il plantait et arrosait dans la cave. Il s'occupait de la vente et tenait la comptabilité pour "notre business". Il recevait ainsi le produit des ventes qu'il reversait aux époux C______ et D______ (procès-verbal d'audition du 6 juin 2019 devant la police, produit par le recourant, p. 3). Or, ce fonctionnement reflète davantage celui d'un indépendant. S'ajoute à cela que le recourant a lui-même recruté un associé qu'il payait lui-même en lui fournissant de l'herbe (procès-verbal d'audition du 6 juin 2019 devant la police, produit par le recourant, p. 2). Quant à la nature de ses activités, le recourant a indiqué en audience que son travail était principalement consacré à la plantation. Lorsqu'il n'y avait plus de travail, il faisait d'autres tâches (balayage, nettoyage), étant précisé que, devant la police judiciaire, il a estimé qu'il travaillait à 80% pour la plantation et le reste autour de la ferme (procès-verbal d'audition du 6 juin 2019 devant la police, produit par le recourant, p. 7) Or, entendus dans le cadre de la procédure pénale, les employés de la ferme ont tous déclaré n'avoir jamais aperçu le recourant travailler sur la ferme (cf. Renseignements de la Police judiciaire du 19 décembre 2019, P/2______/2018, audition de Madame H______, Madame I______, Madame J______ et Monsieur K______). Tous ces éléments parlent ainsi en défaveur d'une situation de subordination.

S'agissant ensuite de l'existence d'un droit au salaire en juin 2018, force est de constater que le recourant n'a pas été en mesure d'apporter la preuve qu'un salaire a effectivement été versé. Aucune fiche de salaire, ni virement bancaire ou décompte de paiement en faveur du recourant, n'ont été versés au dossier, étant précisé que, dans le cadre de la procédure pénale, les époux C______ et D______ ont nié avoir versé un salaire au recourant (cf. procès-verbal d'audition devant la Police judiciaire du 19 décembre 2019, P/2______/2018, audition de D______, p. 4). Or, en principe, l'absence de versement de salaire constitue un indice tendant à démontrer l'absence d'une relation de travail. L'instruction a certes permis d'établir que les époux C______ et D______ avaient pour habitude de verser l'ensemble des salaires des employés en espèces. Or, au vu de la gestion administrative et financière des époux C______ et D______, la question peut se poser de savoir si des pièces justificatives de paiement de salaire pouvaient raisonnablement être exigées du recourant, dans le cadre de son devoir de collaboration. Il n'en reste pas moins qu'il existe de nombreuses incohérences dans les déclarations du recourant quant au montant et au mode de versement du salaire. On peut d'ailleurs d'emblée s'étonner du salaire mensuel brut de CHF 3'576.35 convenu dans le contrat de travail. Outre que ce chiffre parait peu compatible avec un mode de paiement en espèces, cette rémunération ne correspond pas aux salaires pratiqués par les époux C______ et D______ pour les employés de l'exploitation agricole. Il ressort en effet du témoignage de Mme F______, employée de la fiduciaire, que ce salaire était "beaucoup plus élevé" que les salaires prévus dans les autres contrats de l'exploitation
(procès-verbal de comparution personnelle des parties du 25 mai 2021, p. 2). À cela s'ajoute qu'en plus de ce salaire, le recourant bénéficiait d'une réduction de loyer de CHF 1'200.-, comme cela ressort de la différence des contrats de bail. Or, une telle rémunération parait peu réaliste, en particulier dans le contexte d'une situation agricole difficile (cf. procès-verbal d'audition devant la Police judiciaire du 19 décembre 2019 et 9 janvier 2020, P/2______/2018, auditions de C______ et Mme F______), Mme F______ ayant du reste précisé en audience devant la chambre de céans que le salaire lui paraissait trop élevé, compte tenu de la situation financière des époux C______ et D______ (cf. procès-verbal de comparution personnelle des parties du 25 mai 2021, p. 2). La chambre de céans relève également qu'entendu en audience, le recourant a déclaré qu'un salaire d'environ CHF 3'500.- lui était versé chaque mois, précisant que ce chiffre comprenait une déduction de loyer (cf. procès-verbal de comparution personnelle des parties du 25 mai 2021, p. 2). Or, à suivre ce raisonnement, et dans la mesure où le loyer s'élevait, à teneur du contrat de bail du 1er avril 2017, à CHF 300.-, le salaire mensuel net, sans déduction de loyer, aurait dû alors s'élever à CHF 3'800.-, ce qui ne correspond pas au salaire convenu contractuellement. Quant au mode de versement du salaire, force est de constater que les déclarations du recourant ont varié. Questionné par la police judiciaire le 6 juin 2019, le recourant a expliqué qu'il donnait CHF 25'000.- sur chaque récolte aux époux C______ et D______ et qu'il gardait le solde des CHF 42'000.-, soit CHF 17'000.-, comme salaire (procès-verbal d'audition du 6 juin 2019 devant la police, produit par le recourant, p. 3 et 7). Or, entendu en audience devant la chambre de céans, le recourant a indiqué que le salaire d'environ CHF 3'500.- était versé chaque mois en mains propres dans une enveloppe (procès-verbal du 25 mai 2021 devant la chambre de céans, p. 3).

Il existe, enfin, de nombreuses contradictions s'agissant des circonstances entourant la conclusion du contrat de travail. D'après le recourant, le contrat a été signé en présence d'une employée de la fiduciaire du Mandement. Or, entendues en audience devant la chambre de céans, ni Mme G______, administratrice de ladite fiduciaire, ni Mme F______, employée de la fiduciaire à l'époque des faits, n'ont déclaré avoir été présentes lors de la signature du contrat. Devant la Police judiciaire, Mme F______ a, par ailleurs, indiqué avoir rédigé le contrat de travail – et le bail à loyer – à la demande expresse de C______ qui lui avait "clairement dit que c'était pour arranger la situation financière et administrative de A______ et ce à sa demande. Il s'agi[ssait] de contrats de complaisance" (cf. procès-verbal d'audition devant la Police judiciaire du 9 janvier 2020, P/2______/2018, audition de D______, p. 4). La témoin est certes partiellement revenue sur cette déclaration lors de son audition devant la chambre de céans, en déclarant qu'à l'époque elle ne se demandait pas s'il s'agissait d'un contrat fictif, car pour elle, le recourant était employé de l'exploitation (cf. procès-verbal d'enquêtes du 25 mai 2021, p. 3). Force est toutefois de constater que les premières déclarations de Mme F______, selon lesquelles le contrat de travail était un contrat de complaisance, sont corroborées par les éléments au dossier, soit en particulier l'absence de rapport de subordination et de droit au salaire.

Il suit des considérants qui précèdent que l'arrangement entre le recourant et les époux C______ et D______ est confus, compte tenu notamment des nombreuses contradictions entre les déclarations des intéressés. Tout porte à croire en définitive que les époux C______ et D______ et le recourant ont trouvé un accord visant à servir les intérêts de chacun. Or, cet arrangement paraît davantage se rapprocher d’une société simple que d’un véritable contrat de travail. Autant d'incohérences et de contradictions notamment quant à l’existence d’une relation de travail, d’une rémunération et d'un rapport de subordination ne permettent pas d'établir au degré de la vraisemblance prépondérante que le recourant était au bénéfice d'un contrat de travail soumis à rémunération lors de l'événement du 13 juin 2018.

4.3 Il résulte de ce qui précède qu'au moment de l'accident, le recourant n'exerçait pas une activité lucrative au service des époux C______ et D______ et qu’il n'était ainsi pas couvert par l’intimée. C’est partant à juste titre que l’intimée a refusé de prester à la suite de l’accident du 13 juin 2018, faute de couverture d’assurance. Cette conclusion scelle le sort du recours, sans qu’il y ait lieu d’examiner si, comme le prétend l’intimée, la couverture d’assurance était limitée aux seules activités agricoles conformément à l’art. 4.1.2 du contrat collectif conclu entre l’intimée et L______. Il n’est pas non plus nécessaire d’examiner si l’intimée pouvait refuser de prendre en charge le cas, au motif que le recourant bénéficiait d’une assurance obligatoire auprès de la CNA au sens de l’art. 66 let. f LAA. En effet, même dans cette hypothèse, la couverture d’assurance suppose l’existence d’un rapport de travail.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté et la décision du 4 juin 2019 confirmée.

L'intimée et l'appelée en cause n'ont pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2020).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclarer le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le