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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3167/2020

ATAS/860/2021 du 24.08.2021 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3167/2020 ATAS/860/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 août 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à SORAL

 

recourant

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 98, GENÈVE


Monsieur B______, domicilié à CONFIGNON

Monsieur C______, domicilié à SAILLENARD, France

intimée

 



appelés
en cause

 


EN FAIT

A. a. La société D______ SA (ci-après : D______ ou la société), inscrite au registre du commerce le 11 juillet 1984, avait pour but la création, la fabrication et le commerce de montres ainsi que tous autres produits d’horlogerie, de bijouterie et d’orfèvrerie. Son personnel était affilié à la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée). Entre le moment de sa création et celui de sa faillite le 7 avril 2017, sa volonté s’est exprimée notamment par Messieurs C______, administrateur et président du 7 février 1991 au 23 juin 2015, puis administrateur du 23 juin 2015 au 26 avril 2016, A______, administrateur et président du 23 juin 2015 au 3 mars 2017 et B______, administrateur et vice-président du 4 décembre 2012 au 3 mars 2017 puis administrateur à partir du 3 mars 2017. Pendant la durée des mandats évoqués, les trois administrateurs précités étaient au bénéfice d’une signature individuelle. À l’instar de quatre autres entreprises (E______ SA, F______ SA, G______ SA et H______ SA), la société était contrôlée par la société I______ Holding SA. Cette dernière, dont la faillite a été prononcée le 10 juillet 2017, a été administrée notamment par MM. B______ et A______, le premier dès le 15 décembre 2004 et le second du 24 avril 2013 au 14 mars 2017.

b. Par courrier du 3 juin 2015, la caisse a menacé la société de déposer une plainte pénale pour soustraction de cotisations – portant sur la période de novembre à décembre 2014, le bouclement d’acomptes 2014 et la période de janvier à mars 2015 – tout en lui laissant un bref délai pour fournir des propositions et faire des propositions pour amortir la créance de cotisations de la caisse.

c. Le 9 juin 2015, la caisse a accueilli dans ses locaux M. B______ ainsi que Monsieur J______, représentant de H______ SA. Ceux-ci ont exposé que la situation des sociétés du groupe avait été très difficile ces deux dernières années. Les bilans 2013 et 2014 étaient « dans le rouge ». Afin de résoudre en partie le problème, il y avait eu des départs non remplacés et des licenciements, de sorte que la masse salariale des sociétés avait connu des changements. Par ailleurs, M. B______ avait cherché des investisseurs. S’agissant des cotisations, la solution proposée consistait à solder la part pénale des cinq sociétés secondaires d’ici au 15 juillet 2015, la mise en place d’un arrangement de dix mois pour le solde et le paiement des cotisations courantes aux échéances légales, dès le mois de juin 2015, pour toutes les sociétés.

d. Par pli du 16 juin 2015 à la société, la caisse a confirmé les termes de l’entretien du 9 juin 2015 en ce sens qu’elle déclarait son accord de principe avec un sursis au paiement du montant dû à ce jour (CHF 64'682.60 sans les éventuels frais de poursuite et intérêts moratoires) à la condition que le montant pouvant faire l’objet d’une dénonciation pénale (CHF 26'532.40) soit payé d’ici le 15 juillet 2015 et le solde de la créance amorti en dix mensualités dès le 31 juillet 2015. Dans cet intervalle, les procédures civiles et pénales à l’encontre de la société seraient suspendues. La caisse a attiré en outre l’attention de la société sur le fait que les cotisations courantes devaient être payées aux échéances légales dès celle de juin 2015, en sus de l’amortissement des arriérés de cotisations évoqués.

e. Par décision de sursis au paiement du 7 août 2015, la caisse a accordé à la société un plan d’amortissement en vue du paiement échelonné de cotisations arriérées à hauteur de CHF 38'223.50 en dix mensualités dès le 31 août 2015. Ladite décision mentionnait, d’une part, que les décomptes de cotisations courants restaient dus et devaient être payés dans les délais fixés et, d’autre part, que le sursis était caduc si le débiteur ne respectait pas les clauses du plan d’amortissement, la dette entière devenant alors exigible.

f. Par pli du 22 septembre 2015, la caisse a informé la société que l’arrangement du 7 août 2015, qui n’était pas respecté, allait être annulé, de sorte qu’elle se verrait contrainte de procéder par la voie légale au recouvrement des montants en souffrance, à moins que la société s’acquitte d’ici au 2 octobre 2015 des cotisations courantes de juin à août 2015 (CHF 17'564.40). Dans ce cas, le plan de paiement du 7 août 2015 pourrait être maintenu.

g. Le 2 décembre 2015, la caisse a annulé ledit plan de paiement.

h. Par pli du 14 avril 2016, la fédération des entreprises romandes Genève (ci-après : FER Genève) a indiqué à la société qu’elle serait exclue de ses membres à défaut de régularisation de la situation.

i. Le 17 août 2016, la FER Genève a constaté que la situation n’avait guère évolué depuis le courrier du 14 avril 2016, précisant qu’elle devait tout de même maintenir la société parmi ses membres dès lors que cette dernière avait déposé une demande de sursis concordataire.

j. Par jugement du 7 avril 2017, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société.

k. Le 9 mai 2017, la caisse a provisoirement produit dans la faillite une créance totale de CHF 115'823.46.

l. Le 5 décembre 2017, l’état de collocation et l’inventaire dans la faillite de la société ont été publiés dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC).

B. a. Par décision du 11 février 2019, notifiée à M. A______, la caisse a informé ce dernier qu’il ressortait de l’état de collocation déposé le 5 décembre 2017 qu’en l’état, aucun dividende n’était prévu pour les créanciers colloqués en 2ème classe dont la caisse faisait partie. Un montant impayé de CHF 103'739.25 restait dû, correspondant aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC, d’assurance maternité et d’allocations familiales pour les périodes de février à décembre 2015, au décompte final 2015 et aux périodes de janvier à novembre 2016. Ce montant incluait également un solde d’intérêts sur le bouclement d’acomptes 2014 et le mois de janvier 2015, des intérêts moratoires, des frais administratifs et de poursuite ainsi que des taxes de sommation. Étant donné que M. A______ avait été administrateur et président de la société pendant les périodes en question, il était responsable du dommage de CHF 103'739.25. Enfin, il était précisé que dans la mesure où les différents responsables répondaient conjointement et solidairement du dommage, d’autres décisions en réparation du dommage avaient été adressées le même jour à M. B______ pour le même montant, respectivement à M. C______ pour la somme de CHF 69'142.85. Ni M. C______ ni M. B______ n’ont formé opposition aux décisions les concernant.

b. Par pli du 20 mars 2019, M. A______ s’est référé à la décision du 11 février 2019. Durant la période où il était l’employé de la société, le titre d’administrateur était « purement honorifique » et seul M. B______, actionnaire de la société, possédait l’ensemble des pouvoirs décisionnaires. C’était également la seule personne à avoir accès aux informations concernant l’état des dettes et la situation économique de la société. Pour sa part, c’était avec grande surprise qu’il découvrait l’état des impayés. Aussi s’interrogeait-il, d’une part, sur les raisons pour lesquelles la caisse avait laissé une pareille dette s’accumuler durant plus de trois ans et, d’autre part, sur l’opportunité de rendre les administrateurs attentifs à une telle situation avant qu’une société ne soit plus en état de faire face à ses dettes. Dans tous les cas, il se désolidarisait totalement de cette situation et invitait la caisse à faire valoir l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de M. B______.

c. Le 29 mars 2019, la caisse a invité M. A______ à lui indiquer si elle devait considérer son courrier du 20 mars 2019 comme une opposition à la décision du 11 février 2019 le concernant. Elle a rappelé par ailleurs lui avoir déjà adressé, le 11 décembre 2015, un courrier contenant une menace de dénonciation pénale pour soustraction de cotisations pour les périodes d’avril à octobre 2015.

d. Par pli du 9 avril 2019, M. A______ a fait savoir à la caisse que son courrier du 20 mars 2019 était bien constitutif d’une opposition à la décision du 11 février 2019 le concernant. Il a précisé que la société avait été fondée par M. C______ puis rachetée par M. B______. Malgré cette cession, M. C______ était resté en charge de la société, en tout cas jusqu’à ce qu’il manifeste son désir de prendre sa retraite. C’était à ce moment que M. B______ avait demandé à M. A______ de reprendre la direction opérationnelle de la société. Après une période de transition avec M. C______, il avait été décidé de procéder au déménagement de la société dans les « locaux de M. B______ », sis à Carouge. C’était dans ces locaux que les autres sociétés de M. B______ étaient actives. Parmi celles-ci, H______ SA était « la société de service transversale aux autres sociétés qui à ce titre assurait la facturation, les encaissements, la comptabilité, le tri et la distribution du courrier, la maintenance, la sécurité  ». Dès cet instant, M. A______ « n’avait plus eu aucune connaissance des éléments administratifs et de la situation comptable ou financière mis à part le chiffre d’affaires ». En effet, on ne retrouvait sa signature sur aucun bilan, déclaration de TVA ou autre document comptable. Sa mission était d’assurer le suivi des clients, la gestion de projets et de la fabrication ainsi que les aspects techniques de l’activité. Sa situation n’était pas un cas isolé ; sur l’ensemble des sociétés, il y avait jusqu’à quatorze administrateurs « à titre honorifique pour ne pas dire marionnette ». Comme unique actionnaire, Monsieur B______ était le seul avec M. J______, directeur financier, à être réellement conscient de la situation économique du groupe. M. A______ a précisé à cet égard que même s’il n’ignorait pas qu’il y avait des difficultés, il ne savait pas, jusqu’au courrier de la caisse du 11 décembre 2015, que les charges sociales n’étaient pas payées. En effet, tout devait être réglé dans les meilleurs délais. Il comprenait bien que la position d’administrateur comportait des devoirs et des responsabilités, mais dans le cadre du groupe I______, c’était l’ensemble d’un système dirigé par M. B______ « qui mettait l’individu sous pression » comme dans « une petite monarchie dans laquelle le roi gouverne [ses] sujets comme il l’entend ». Sur la base de ces explications, M. B______ a fait savoir à la caisse qu’il ne payerait pas une seconde fois ces années difficiles.

e. Le 13 juillet 2020, la caisse a produit dans la faillite une créance définitive de CHF 114'871.25, répartie à raison de CHF 103'639.26 et de CHF 12'232.- entre la deuxième, respectivement la troisième classes.

f. Le 5 août 2020, l’office des faillites a délivré à la caisse des actes de défaut de biens de CHF 103'639.26 et de CHF 12'232.-. Selon le tableau de distribution, le dividende se montait à 0 % pour l’une et l’autre créances.

g. La faillite a été clôturée le 20 août 2020.

h. Par décision du 11 septembre 2020, la caisse a confirmé la décision attaquée en tant qu’elle portait sur CHF 103'192.45. En d’autres termes, elle a revu le dommage de CHF 103'739.25 à la baisse en en déduisant la part de CHF 546.80 représentée par les cotisations d’assurance maternité. Pour le reste, elle a rejeté l’opposition en faisant valoir qu’elle avait tenté, sans succès, d’obtenir le remboursement de sa créance de cotisations auprès de la société – dont la faillite n’avait rien rapporté –, que le dommage réclamé à M. A______ portait sur les périodes pendant lesquelles il avait été administrateur et président de la société avec signature individuelle (du 23 juin 2015 jusqu’au 3 mars 2017), ainsi que des périodes préalables. Indépendamment de son caractère honorifique, la fonction d’administrateur impliquait des obligations dont faisaient partie la vérification du paiement en temps et en heure des cotisations sociales, de même que le respect intégral des arrangements octroyés par la caisse. Aussi cette dernière a-t-elle estimé qu’en manquant à ces obligations, M. A______ avait commis une négligence grave qui engageait sa responsabilité à hauteur du préjudice ainsi causé. Enfin, la caisse a précisé qu’elle n’avait pas été en mesure de récupérer un quelconque montant auprès de MM. C______ et B______ suite aux décisions en réparation du dommage du 11 février 2019 qu’elle leur avait notifiées.

C. a. Le 22 septembre 2020, M. A______ a interjeté recours contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), concluant à être « dégagé de toute responsabilité ».

b. Le 10 novembre 2020, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Par ordonnance du 8 décembre 2020, la chambre de céans a appelé en cause MM. C______ et B______, leur a communiqué les pièces essentielles de la procédure et imparti un délai au 4 janvier 2021 pour se déterminer.

d. Constatant que l’ordonnance d’appel en cause ainsi que les annexes adressées à M. B______ lui était revenues en retour, la chambre de céans les a réexpédiées le 17 décembre 2020 par pli recommandé à la nouvelle adresse de M. B______.

e. Par écriture du 21 décembre 2020, M. C______ a indiqué que sa position n’avait pas changé depuis l’entrevue que l’intimée lui avait accordée le 5 avril 2019 dans ses locaux. À cette occasion, il avait fait part de son intention de faire face à ses responsabilités et de les assumer. À ce courrier était joint, pour information, un pli du même jour, adressé à l’intimée, dans lequel M. C______ résumait la teneur de l’entretien du 5 avril 2019, tout en relevant qu’à cette occasion, l’intimée lui avait annoncé, d’une part, qu’elle était en cours de négociation avec M. B______ pour l’ensemble de son groupe (incluant D______) et, d’autre part, que dès qu’elle serait en possession de la détermination du recourant, elle prendrait à nouveau rendez-vous afin de trouver ensemble un arrangement.

f. Le 11 janvier 2021, la chambre de céans a transmis, pour information, une copie de l’envoi de M. C______ aux autres parties et invité le recourant à répliquer.

g. En l’absence de nouvelle écriture produite, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, le recours étant dirigé contre une décision rendue sur opposition fondée sur la LAVS.

b. Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. L’art. 52 al. 5 LAVS doit être compris en ce sens que les actions en réparation du dommage contre les personnes morales et leurs organes doivent être ouvertes au for du siège de la société, respectivement au for du siège qui était le sien avant la faillite, ceci indépendamment du domicile des organes recherchés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

Dès lors que la société avait son siège dans le canton de Genève avant sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

c. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA).

Son recours est donc recevable.

2.        L’objet du litige porte sur la responsabilité du recourant pour le dommage subi par l’intimée du fait du défaut de paiement des cotisations sociales par la société.

3.        L’art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et suivants du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101), prescrit que l’employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l’objet de décisions. L’obligation de l’employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi (ATF 118 V 193 consid. 2a et les références).

4.        L’art. 52 LAVS régissant la responsabilité de l’employeur a été modifié le 1er janvier 2020. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c’est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d’espèce, et la loi sera citée dans son ancienne version (art. 52 aLAVS).

En vertu de l’art. 52 aLAVS, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation (al. 1). Si l’employeur est une personne morale, les membres de l’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

5.        À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

Les délais prévus par l’art. 52 al. 3 aLAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2). Cela signifie qu’ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l’art. 52 al. 1 aLAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d’opposition ou la procédure de recours qui s’ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

Le dommage survient dès que l’on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2 ; 126 V 444 consid. 3a ; 121 III 384 consid. 3bb). Tel sera le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l’impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu au moment de l’avènement de la péremption ou le jour de la faillite ; ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de cinq ans de l’ancien art. 82 al. 1 in fine RAVS (ATF 129 V 195 consid. 2.2 ; 123 V 16 consid. 5c).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l’ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l’empire de l’art. 52 al. 3 aLAVS (arrêt du Tribunal fédéral H.18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l’attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d’exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l’obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

En cas de faillite, ce moment correspond en règle générale à celui du dépôt de l’état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d’actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3), la date de la publication de cette mesure dans la FOSC étant déterminante (arrêt du Tribunal fédéral H.142/03 du 19 août 2003 consid. 4.3 ; ATF 129 V 193 consid. 2.3).

S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit : tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse – CO, Code des obligations – RS 220). Cette notion d’acte judiciaire des parties doit être interprétée largement (ATF 106 II 35 consid. 4), tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l’inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d’une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l’instance (cf. ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

6.        En l’espèce, le dommage s’est produit le 7 avril 2017, soit au moment du prononcé de la faillite. Quant au moment auquel l’intimée est réputée avoir eu connaissance du dommage, il peut être situé au moment de la publication du dépôt de l’état de collocation dans la FOSC du 5 décembre 2017. En rendant sa décision en réparation du dommage le 11 février 2019, l’intimée a agi dans les limites des délais de prescription relatif et absolu de deux, respectivement cinq ans.

Par ailleurs, le délai absolu de prescription de cinq ans courant dès le 7 avril 2017 et le délai de prescription de deux ans courant dès le 5 décembre 2017 ont été interrompus tant par la décision en réparation du dommage du 11 février 2019, que par la décision sur opposition du 11 septembre 2020 puis le recours du 22 septembre 2020.

L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 aLAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée, s’il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.

7.        a. Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012, l’art. 52 al. 2 aLAVS codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l’employeur est une personne morale, la responsabilité peut s’étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d’une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 aLAVS ne permet ainsi pas de déclarer l’organe d’une personne morale directement débiteur des cotisations d’assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu’il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

b. La notion d’organe selon l’art. 52 aLAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l’art. 754 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/02 du 16 avril 2003 consid. 7.3 publié in REAS 2003 p. 251).

En matière de responsabilité des organes d’une société anonyme, l’art. 52 aLAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l’organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; ATF 117 II 432 consid. 2b ; ATF 117 II 570 consid. 3 ; ATF 107 II 349 consid. 5a ; Thomas NUSSAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d’un dommage selon l’art. 52 aLAVS, in RCC 1991, p. 403).

Au contraire des organes de fait, les organes formels répondent indépendamment de leur fonction ou de leur influence sur la marche des affaires de la société. Le fait qu’ils disposent d’un pouvoir de signature et les motifs de leur mandat sont également sans importance (cf. ATF 114 V 211 consid. 4). En présence d’un organe formel, il n’est pas nécessaire d’examiner s’il répond à la notion d’organe matériel (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.2).

c. En l’occurrence, le recourant a été inscrit au registre du commerce en qualité d’administrateur et président de la société du 23 juin 2015 au 3 mars 2017. Il revêtait donc la qualité d’organe formel, de sorte qu’il répond en principe – et de manière subsidiaire (ci-dessus : consid. 7a) – du dommage subi par l’intimée.

8.        Il sied d’examiner à présent si le recourant a violé intentionnellement ou par négligence grave les devoirs lui incombant et s’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre le manquement qui lui est imputable et le préjudice subi par l’intimée.

9.        La négligence grave mentionnée à l’art. 52 al. 1 aLAVS est admise très largement par la jurisprudence. Se rend coupable d’une négligence grave l’employeur qui ne respecte pas la diligence que l’on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d’un employeur de la même catégorie. Dans le cas d’une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention que la société doit accorder, en tant qu’employeur, au respect des prescriptions de droit public sur le paiement des cotisations d’assurances sociales. Les mêmes exigences s’imposent également lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4C_31/2006 du 4 mai 2006 consid. 4.6). La haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion est une attribution intransmissible et inaliénable du conseil d’administration conformément à l’art. 716a CO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2016 du 4 juillet 2017 consid. 5.2). Dans le cadre de l’exercice de cette haute surveillance, l’administrateur répond de la cura in custodiendo. C’est ainsi qu’il a non seulement le devoir d’assister aux séances du conseil d’administration, mais également l’obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires. Il est tenu de prendre les mesures appropriées lorsqu’il a connaissance ou aurait dû avoir connaissance d’irrégularités commises dans la gestion de la société. Ce devoir de surveillance incombe à tous les membres du conseil d’administration, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du conseil d’administration (ATF 114 V 219 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références).

Celui qui appartient au conseil d’administration d’une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l’acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1 in SJ 2005 I 272). Il en va de même lorsque, en raison de la répartition interne des fonctions administratives, il incombe en premier lieu à certains administrateurs de veiller au paiement des cotisations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_961/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2 et 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références, arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 40/05 du 29 novembre 2005 consid. 4). Les autres administrateurs n’en sont pas moins tenus de s’enquérir de la situation et de prendre les mesures nécessaires en cas de retard dans le paiement des cotisations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 262/03 du 14 octobre 2004 consid. 4.2).

La négligence grave est également donnée lorsque l’administrateur n’assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n’exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d’administration conformément à l’art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d’administrateur tout en sachant qu’elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l’angle de l’art. 52 aLAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s’exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 87/04 du 22 juin 2005 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/00 du 27 avril 2001 consid. 5d). L’administrateur qui, de facto, est exclu de la gestion doit s’efforcer de manière d’autant plus durable d’avoir accès aux livres de compte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2011 du 8 juillet 2011 consid. 4.2).

Commet également une faute grave l’organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1) ou celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu’il se trouvait, en raison de l’attitude de tiers, dans l’incapacité de prendre les mesures qui s’imposaient s’agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l’incapacité d’exercer son devoir de surveillance (cf. par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_351/2008 consid. 5.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 224/06 du 10 décembre 2007 consid. 6).

10.    a. La survenance d’un dommage ne suffit pas à conclure à une faute qualifiée au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS. Toutefois, la caisse de compensation qui subit un dommage du fait d’une violation des prescriptions peut partir du principe que l’employeur ou ses organes ont transgressé ces prescriptions de manière intentionnelle ou par négligence grave, lorsqu’il n’existe pas d’indication plaidant en faveur de la licéité de leur comportement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_228/2008 du 5 février 2009 consid. 4.2.1). Ainsi, il existe une présomption d’une faute qualifiée de l’employeur ou de ses organes, ce qui implique un devoir de collaborer accru de la personne recherchée sur ce point. L’employeur et ses organes doivent ainsi procéder aux offres de preuve nécessaires pour exclure une intention ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2010 du 10 décembre 2010 consid. 4.1).

b. Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l’obligation de le réparer, lorsqu’il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d’une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS, que l’on puisse admettre que l’employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). À cet égard, la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas ; il faut des éléments concrets et objectifs selon lesquels on peut admettre que la situation économique de la société se stabilisera dans un laps de temps déterminé et que celle-ci recouvrera sa capacité financière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/06 du 11 juin 2007 consid. 4.4). Ce qui est déterminant, ce n’est pas de savoir si l’employeur croyait réellement que l’entreprise pouvait être sauvée et que les cotisations seraient payées dans un proche avenir ; il s’agit bien plutôt d’examiner si une telle attitude était alors défendable, objectivement, aux yeux d’un tiers responsable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/07 du 10 décembre 2007 consid. 4.1).

Le fait de s’alarmer de la situation, de négocier avec les créanciers ou encore de tabler sur la promesse d’un actionnaire majoritaire ne sont pas des circonstances qui feraient apparaître comme légitime ou non fautive l’inobservation par un administrateur des prescriptions en matière d’AVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/00 du 19 octobre 2000 consid. 3b).

11.    En ce qui concerne la causalité adéquate, la jurisprudence admet en règle générale un tel lien entre l’inaction de l’organe et le non-paiement des cotisations.

Il n’y a pas de lien de causalité lorsque même un comportement conforme au droit n’aurait pas empêché la survenance du dommage (Felix FREY / Hans-Jakob MOSIMANN / Susanne BOLLINGER [éd.], AHVG-IVG, 2018, n. 20 ad art. 52 LAVS ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 77/03 du 18 janvier 2005 consid. 6.5).

Au plan temporel, un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement des cotisations qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d’administration et celui où il a quitté ses fonctions (ATF 134 V 401 consid. 5.1). Ce n’est ainsi pas la date de la radiation de ses pouvoirs au registre du commerce qui est déterminante, pour autant que la personne concernée n’ait plus été en mesure d’exercer une influence sur la marche des affaires après sa démission et qu’elle n’ait plus perçu de jetons de présence pour sa position d’administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d’actes qui n’ont déployé leurs effets qu’après le départ du conseil d’administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.3.2 et les références).

S’agissant des cotisations qui auraient dû être payées avant l’entrée en fonction de l’organe recherché, sa responsabilité est admise s’il existe un lien de causalité entre ses agissements et le dommage (cf. Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenen-versicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, p. 1329 n. 451). Ainsi, celui qui entre au conseil d’administration d’une société a le devoir de veiller tant au versement des cotisations courantes qu’à l’acquittement des cotisations arriérées, pour une période pendant laquelle il ne faisait pas encore partie du conseil d’administration, car il y a dans les deux cas un lien de cause à effet entre l’inaction de l’organe et le non-paiement des cotisations (RCC 1992 p. 262 consid. 7b).

12.    En l’espèce, la société ne s’est pas acquittée entièrement des cotisations dues pour la période de février 2015 à novembre 2016. Ce faisant, elle a violé les prescriptions découlant des art. 14 al. 1 LAVS en lien avec les art. 34ss RAVS, commettant ainsi un acte illicite au sens de l’art. 52 LAVS. Selon la jurisprudence, il s’ensuit que la commission d’une faute qualifiée (intention ou négligence grave) de l’employeur ou de ses organes est présumée (cf. ci-dessus : consid. 10a). Cette présomption s’applique également au demandeur puisqu’il assumait les mandats d’administrateur et de président de la société au moment où les cotisations précitées sont arrivées à échéance ou étaient déjà échues pour les plus anciennes d’entre elles.

13.    Pour renverser la présomption d’une faute qualifiée le concernant, le recourant soutient qu’il a exercé son mandat « à titre honorifique », voire de « marionnette » et que le système de gouvernance mis en place par M. B______ faisait que ce dernier était le seul, avec M. J______, à être réellement conscient de la situation économique de la société, au point que le recourant ne savait pas lui-même, jusqu’à réception du courrier de l’intimée du 11 décembre 2015, que les charges sociales n’étaient pas payées. Il précise dans son recours que si MM. B______ et C______ n’ont pas formé opposition aux décisions en réparation du dommage les concernant, pas plus qu’ils n’auraient cherché à l’accabler, ce n’était pas par « bonté de cœur ou distraction » mais parce qu’ils étaient (et se sentaient) responsables de la situation.

En argumentant de la sorte, le recourant oublie que la mesure de la diligence lui incombant personnellement ne se mesure pas à l’aune du regard porté par les autres membres du conseil d’administration – dont MM. C______ et B______ – sur leurs propres agissements, respectivement les actions ou omissions de leurs pairs, mais à la lumière de leur statut d’organe formel et ce, indépendamment de la répartition interne des tâches entre eux (cf. l’arrêt 9C_926/2009 précité, consid. 4.3.3). 

En endossant les fonctions d’administrateur et de président de la société à partir du 23 juin 2015, le recourant aurait dû non seulement se renseigner périodiquement sur la marche des affaires mais aussi surveiller le paiement des cotisations paritaires (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2015 du 19 janvier 2006 consid 5.3) et prendre les mesures appropriées pour que le paiement des cotisations sociales en souffrance soit effectué (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 5.2). On rappellera qu’est précisément constitutive d’une négligence grave la passivité d’un administrateur en la matière. En conséquence, s’il s’estimait tenu à l’écart, dans les faits, de la gestion opérationnelle, le recourant aurait dû s’efforcer d’autant plus d’avoir accès aux livres de compte (cf. l’arrêt 9C_289/2011 précité, consid. 4.2), ou même démissionner s’il se trouvait, en raison de l’attitude de M. B______ (ou d’autres personnes), dans l’incapacité d’exercer son devoir de surveillance ou de prendre les mesures qui s’imposaient en matière de paiement des cotisations (cf. ci-dessus : consid. 9).

14.    Compte tenu des développements qui précèdent, le comportement et les omissions du recourant sont bel et bien constitutifs d’une négligence grave. Celle-ci présente en outre un lien de causalité adéquate avec le dommage dans la mesure où il ne se serait pas produit si le recourant avait fait preuve de la diligence requise dans la surveillance du paiement des cotisations paritaires. Partant, le recourant doit être tenu pour responsable du dommage subi par l’intimée en raison du non-paiement des cotisations dues et exigibles à son entrée en fonction et échues au terme de son mandat. En l’espèce, le recourant ne remet pas en cause la somme réclamée à ce titre, qui s’élève à CHF 103'192.45, ce montant incluant les frais administratifs, de sommation, de poursuite et les intérêts moratoires, ce qui est conforme aux prescriptions en vigueur (cf. les directives sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [DP], ch, 8016 et 8017), sous réserve des précisions qui suivent.

15.    Dans un arrêt de principe du 31 janvier 2020, la chambre de céans a rappelé que la responsabilité des organes de l’AVS, au sens de l’art. 49 LAVS, est réglée à l’art. 78 LPGA, ainsi qu’aux art. 52, 70 et 71a LAVS, qui s’appliquent par analogie. Elle a ensuite constaté que la loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d’adoption (LAMat – RSG J 5 07) ne reprend pas la responsabilité prévue à l’art. 52 aLAVS et ne prévoit pas non plus l’application de cette loi par analogie. En renvoyant uniquement à la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG – RS 834.1), et plus précisément – mais certes non exclusivement – à des dispositions sans lien avec la responsabilité de l’employeur, la LAMat n’évoque ni la responsabilité de l’employeur, ni même les dispositions matérielles de la LAVS, de sorte qu’elle ne satisfait pas aux exigences découlant du principe de la légalité, notamment en matière de précision et de prévisibilité, et dont le respect doit être apprécié avec rigueur, dès lors que la condamnation à la réparation du dommage résultant du défaut de paiement des cotisations sociales constitue une mesure incisive (ATAS/79/2020 du 31 janvier 2020).

16.    Force est ainsi de constater que si la responsabilité du recourant doit être confirmée, il n’existe pas de base légale suffisante pour le rechercher pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat. Bien que l’intimée en ait tenu compte dans la décision querellée, la chambre de céans n’en constate pas moins que la réduction de CHF 546.80 accordée par rapport à la décision initiale correspond simplement aux montants dus au titre des cotisations d’assurance-maternité (cf. la décision du 11 février 2019). En raisonnant de la sorte, l’intimée omet d’exclure les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants.

17.    Eu égard à ce qui précède, le recours est très partiellement admis, la décision du 11 septembre 2020 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour nouveau calcul du dommage excluant les intérêts moratoires et frais administratifs afférents aux cotisations LAMat, et nouvelle décision sur ce point.

18.    Le recourant n’étant pas représenté, il n’y a pas lieu de lui octroyer des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

*****

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision sur opposition du 11 septembre 2020.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour nouveau calcul du dommage et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le