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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1099/2021

ATAS/657/2021 du 23.06.2021 ( LAMAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.09.2021, rendu le 30.12.2021, REJETE, 9C_445/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1099/2021 ATAS/657/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 juin 2021

8ème Chambre

En la cause

 

Monsieur A______

Madame B______

Tous deux domiciliés à Onex, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître LORENTZ Sébastien

 

 

recourants

contre

 

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE, sis Route de Frontenex 62, Genève

 

 

intimé


EN FAIT

1.        Madame B______, née le ______1969, et Monsieur A______, né le ______ 1965, (ci-après : les assurés) sont domiciliés à Genève depuis 1991 respectivement 1965, selon les données de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) ; tous deux ont obtenu la nationalité suisse en 2003.

2.        L’assuré travaille en tant que membre du personnel administratif à la Mission permanente C______ auprès de l’Office des Nations Unies à Genève depuis août 2013 et est titulaire d’une carte de légitimation de type R.

3.        L'assuré était affilié auprès de HELSANA Assurances SA (ci-après: HELSANA) jusqu'au 31 décembre 2013, puis à CSS Assurance maladie SA (ci-après: CSS) jusqu'au 30 novembre 2014.

4.        Le 20 décembre 2019, dans le cadre de l’attribution d’un subside d'assurance-maladie, le Service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) a eu un contact téléphonique avec l’assurée. Selon la note au journal de son système informatique y relative, l'assurée l’a informé qu’elle était couverte par l’assurance de la Mission C______, de sorte qu'elle n'avait pas besoin du subside.

5.        Par courrier du 10 janvier 2020 adressé à l’assuré, le SAM lui a fait savoir que l’assurance de la Mission des Etats-Unis était une institution étrangère ne figurant pas parmi les assureurs-maladie admis à pratiquer l’assurance-maladie sociale en Suisse. De surcroît, étant de nationalité suisse, il n’entrait pas dans les catégories pouvant bénéficier d’une dispense d’affiliation à l’assurance-maladie obligatoire des soins. Dès lors, le SAM l’invitait à conclure un contrat avec un assureur suisse. À défaut, il serait procédé à son affiliation d’office.

6.        Le 26 février 2020, l’assuré a demandé des explications en alléguant que le SAM avait été informé, lors de son engagement par la Mission des Etats-Unis, en août 2013, de la résiliation de son contrat d’assurance obligatoire de soins auprès d'HELSANA et de la conclusion d’un nouveau contrat avec une « assurance internationale ». À l’époque, cette annonce n’avait fait l’objet d’aucun commentaire par le SAM. Par ailleurs, devoir contracter une nouvelle assurance complémentaire serait désormais compliqué pour son épouse et lui, vu leurs âges et leurs pathologies.

7.        Par décision du 2 mars 2020, le SAM a refusé à l'assuré toute dispense de l’obligation de s’affilier et lui a imparti un délai au 2 avril 2020 pour s’affilier à un assureur admis à pratiquer l’assurance obligatoire.

8.        Par courrier du 30 mars 2020, l’assuré a contesté cette décision en se plaignant de n’avoir pas obtenu de réponse aux interrogations formulées dans son courrier du 26 février 2020.

9.        Par décision du 8 juin 2020, le SAM a affilié d’office l’assurée à ASSURA Basis SA (ci-après: ASSURA), avec effet au 1er juin 2020.

10.    Le 16 juin 2020, le SAM a répondu au courrier du 30 mars 2020 de l'assuré en indiquant ne pas avoir eu connaissance d’une affiliation de l’assuré auprès d’un assureur-maladie suisse. Pour le surplus, il l'a invité à contacter ses services par téléphone pour obtenir une réponse à ses questions et lui a accordé un délai de 30 jours pour produire le certificat d’un assureur-maladie.

11.    Par courrier du 17 juin 2020, les assurés ont contesté l’affiliation prononcée le 8 juin 2020 en reprochant au SAM de l’avoir prononcée en dépit de la contestation du 30 mars 2020 et en affirmant avoir en leur possession « le courrier autorisant l’affiliation à une assurance privée, courrier qui vous avait d’ailleurs été adressé ». À l’appui de leur position, ils ont produit un courrier adressé le 29 janvier 2013 à HELSANA, demandant la résiliation de leurs polices d’assurances obligatoires et complémentaires pour le 31 décembre 2013 sans donner des motifs.

12.    Le 26 juin 2020, l'assuré a transmis au SAM les copies des certificats d’assurance émis par D______ (ci-après : D______), dont le siège est en Belgique et qui attestent d’une couverture des assurés depuis le 1er janvier 2019.

13.    Par décisions du 3 juillet 2020, le SAM a également affilié d’office l’assuré à ASSURA, à compter du 1er juillet 2020.

14.    Par courriel du 13 juillet 2013, l'assuré a contesté le bien-fondé de cette affiliation, en mettant en exergue qu'il lui serait pratiquement impossible, ainsi qu'à son épouse d'obtenir maintenant une assurance complémentaire sans restriction. Si le SAM n'avait pas accepté son affiliation à une assurance qui ne pratiquait pas l'assurance obligatoire de soins, ils auraient pu obtenir une assurance complémentaire sans problème à l'époque.

15.    Le 25 août 2020, les assurés, par le biais d’un conseil, ont adressé au SAM un courrier intitulé « constatation de nullité des procédures d’affiliation d’office » demandant la constatation de la nullité des décisions prises et la nomination de « une ou plusieurs personnes compétentes afin d’instruire cette procédure conformément à la procédure administrative ». En substance, ces derniers allèguent que le courrier du 10 janvier 2020 aurait dû être considéré comme une décision, leur courrier du 26 février 2020 comme une opposition et la décision du 2 mars 2020 comme une décision sur opposition. Les voies de droit mentionnées étaient donc erronées et la motivation des décisions du SAM insuffisante. Ils ont reproché au SAM d’avoir procédé à leur affiliation d’office avant que ne soit réglée la question de la dispense de leur obligation de s’affilier.

16.    Le 15 septembre 2020, le SAM a accusé réception de ce courrier et informé le mandataire des assurés qu’une réponse lui parviendrait « dans les meilleurs délais ».

17.    Saisi d'un recours pour déni de justice formel, ainsi que d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles le 5 octobre 2020 par les assurés, par l'intermédiaire de leur conseil, la chambre de céans a rejeté la requête par arrêt incident du 24 novembre 2020 (ATAS/1143/2020) et le recours pour déni de justice formel par arrêt du 10 décembre 2020 (ATAS/1193/2020).

18.    Le 9 octobre 2020, le SAM a demandé à ASSURA de suspendre la procédure de recouvrement à l'encontre de l'assuré dans l'attente de sa prochaine décision sur opposition.

19.    Par courriel du 19 octobre 2020, la CSS a informé le SAM que les assurés avaient résilié leur contrat d'assurance "pour cause de renonciation à l'assujettissement à la LAMal".

20.    Par courrier du 26 octobre 2020 adressé aux assurés, ASSURA a rejeté leur demande de suspension de la facturation.

21.    Le 12 janvier 2021, les assurés ont transmis au SAM une lettre type de résiliation de l'assurance-maladie, sans mentionner le nom de celle-ci, dans laquelle il est indiqué: "Etant titulaire d'une carte de légitimation émise par le DFAE (dont vous trouverez une copie en annexe), je ne suis pas tenu à l'obligation de m'assurer (OAMal art. 6 al. 1 & 2) [en gras dans le texte]. Une dispense de l'obligation de m'assurer en Suisse vous parviendra ultérieurement."

Ils lui ont également envoyé les conditions générales d'assurances de la D______, dont il ressort notamment que les traitements en rapport avec une tentative de suicide ou toute blessure ou maladie que l'assuré s'est infligées lui-même ne sont couverts que dans les limites d'un plafond à vie de CHF 150'000.-.

Ils ont également produit la carte de légitimation de type R, sur laquelle est mentionné au verso que "Le titulaire de cette carte ne jouit pas de l'immunité de juridiction".

22.    Par décisions du 22 février 2021, le SAM a rejeté les oppositions des assurés. Étant titulaire d'une carte de légitimation de type R, l'assuré et sa famille n'étaient pas au bénéfice de privilèges et d'immunités et étaient par conséquent soumis à l'obligation de s'assurer en Suisse. Cela ressortait du Manuel d'application du régime des privilèges et immunités et des autres facilités, accessible sur le site internet du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après: DFAE). Le SAM ne lui avait par ailleurs jamais accordé une dispense et les assurés n'ont pas non plus été en mesure de produire un document l'attestant. Ils ne remplissaient pas non plus les conditions pour bénéficier d'une exception à l'obligation de s'assurer en Suisse, dès lors qu'ils ne venaient pas de l'étranger, l'assuré étant domicilié sans interruption en Suisse depuis 1965 et son épouse depuis 1991. De surcroît, son assurance D______ ne correspondait pas à la couverture de l'assurance obligatoire des soins, dans la mesure où cette assurance prévoyait un plafond à vie de CHF 150'000.- par patient pour les traitements en rapport avec une tentative de suicide, une blessure ou une maladie que l'assuré s'est infligée lui-même.

23.    Le 25 mars 2021, les assurés ont formé recours contre ces décisions, par l'intermédiaire de leur conseil, en concluant à leur annulation, ainsi qu'à la constatation qu'ils n'étaient pas soumis à une affiliation d'office, subsidiairement au renvoi de la cause pour instruction complémentaire, sous suite de dépens. À titre préalable, ils ont notamment requis d'ordonner à ASSURA de suspendre toute procédure de facturation et de recouvrement, leur audition et l'appel en cause d'HELSANA, de CSS et d'ASSURA. Ils ont allégué qu'ils bénéficiaient d'une exonération d'affiliation à l'assurance obligatoire des soins depuis fin 2013 et qu'HELSANA avait accepté la résiliation de leurs contrats pour fin 2014 pour ce motif. En cas de doute, cette assurance aurait dû prendre contact avec le SAM ou refuser la résiliation au motif que lui et sa famille devaient être assurés auprès d'une assurance obligatoire des soins. HELSANA avait agi en tant qu'entité étatique, si bien que ses renseignements et décisions devaient être considérés comme dignes de confiance. Il n'appartenait pas aux recourants d'effectuer un contrôle des décisions prises par un des plus grands assureurs-maladie suisses. Au demeurant, la D______ les couvrait depuis fin 2013 et jusqu'à ce jour en Suisse pour le risque de maladie et était reconnue par l'ensemble des prestataires en Suisse et en Europe. Enfin, les recourants ont reproché à l'intimé des problèmes d'organisation pour le contrôle de l'affiliation, en relevant en particulier qu'avant le 10 janvier 2020, ils n'avaient jamais été interpellés par l'intimé quant à l'obligation de s'assurer auprès d'une assurance obligatoire des soins.

24.    Ces recours ont été enregistrés dans un premier temps séparément, puis joints par ordonnance du 8 juin 2021.

25.    Dans sa réponse du 22 avril 2021, l'intimé a conclu au rejet des recours au motif que le recourant et sa famille ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier d'une exonération de l'affiliation à l'assurance obligatoire de soins. En effet, étant naturalisé suisse et travaillant en tant que membre du personnel administratif à la Mission permanente C______ auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, le recourant n'était pas bénéficiaire de privilèges et d'immunités et ainsi soumis à l'assurance-maladie obligatoire. Ces informations étaient disponibles sur internet. Le recourant n'avait par ailleurs pas apporté la preuve d'être exonéré de l'obligation de s'assurer à une assurance obligatoire et ceci pour cause, le SAM n'ayant jamais délivré une telle dispense. Ni HELSANA ni la CSS n'avaient au demeurant fait une quelconque promesse quant à une exonération de l'obligation de s'assurer. L'acceptation de la résiliation des contrats d'assurance ne pouvait en particulier pas être interprétée comme une telle promesse. Quant à l'organisation du SAM, celui-ci avait enregistré dans sa base de données que les recourants étaient assurés auprès d'EASY SANA, raison pour laquelle il n'avait pas procédé à une vérification du dossier avant l'appel téléphonique de la recourante en date du 20 décembre 2019. En ce qui concerne la suspension de la procédure de recouvrement, l'intimé l'avait déjà demandée à ASSURA par courrier du 9 octobre 2020.

26.    Dans leur réplique du 14 mai 2021, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Ils ont relevé qu'HELSANA avait accepté la résiliation de l'assurance-maladie sans demander des justificatifs et qu'à aucun moment le SAM ne s'était manifesté auprès d'eux. Ledit service avait en outre mal appliqué la loi et s'était uniquement fondé sur les directives du DFAE qui étaient susceptibles de changer d'un jour à l'autre pour des motifs politiques. Ils ont par ailleurs assuré avoir été de bonne foi, tout en précisant que la D______ fournissait des prestations supérieures à l'assurance obligatoire des soins et à un tarif nettement plus intéressant.

27.    Dans sa duplique du 7 juin 2021, l'intimé a maintenu ses conclusions. Selon la loi, l'affiliation auprès de l'ancien assureur-maladie ne prenait fin que lorsque le nouvel assureur lui a communiqué qu'il assurait l'intéressé sans interruption de la protection d'assurance. Ce système ne permettait pas au SAM d'avoir connaissance de tous les changements de caisses. Pour le surplus, il a repris sa précédente argumentation.

28.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.      Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.      Interjetés dans les délai et forme prescrits par la loi, les recours sont recevables (art. 60 LPGA).

3.      Est litigieuse en l'occurrence la question de savoir si les recourants bénéficient d'une exonération de l'obligation de s'assurer auprès de l'assurance obligatoire de soins.

4.      La requête des recourants d'ordonner à ASSURA de suspendre toute procédure de facturation et de recouvrement est sans objet. En effet, selon l'art. 54 LPGA, la décision n'est pas exécutoire tant qu'elle peut être attaquée par un moyen de droit (al. 1 LPGA). Par ailleurs, l'intimé n'a pas retiré l'effet suspensif dans la décision attaquée en application de l'alinéa 2 de cette disposition. Enfin, l'intimé a demandé à ASSURA de sursoir à la procédure de recouvrement par courrier du 9 octobre 2020.

5.      a. L’art. 3 al. 1 LAMal pose le principe de l’obligation d’assurance pour toute personne domiciliée en Suisse (ATF 126 V 268 consid. 3b et les références, cf. aussi 129 V 161 consid. 2.1). L’art. 1 al. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal; RS 832. 102) précise que les personnes domiciliées en Suisse au sens des art. 23 à 26 du code civil suisse sont tenues de s’assurer, tout comme les ressortissants étrangers qui disposent d’une autorisation de séjour au sens des art. 32 et 33 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr), valable au moins trois mois (art. 1 al. 2 let. a OAMal).

L’affiliation auprès de l’ancien assureur ne prend fin que lorsque le nouvel assureur lui a communiqué qu’il assure l’intéressé sans interruption de la protection d’assurance (art. 7 al. 5 LAMal). 

b. Selon l’art. 3 al. 2 LAMal, le Conseil fédéral peut excepter de l’assurance obligatoire certaines catégories de personnes, notamment les personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités visées à l’art. 2 al. 2 de la loi du 22 juin 2007 sur l’Etat hôte (LEH - RS 192.12). Faisant usage de cette compétence, il a édicté l’art. 6 de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal; RS 832. 102), selon lequel les personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités visées à l’art. 2 al. 2 let. a et c LEH, à l’exception des domestiques privés, ne sont pas tenues de s’assurer. Elles peuvent demander à être soumises à l’assurance suisse (art. 6 al. 1 OAMal).

Au regard du but de solidarité fixé par le législateur, les exceptions à l'obligation de s'assurer doivent être interprétées de manière stricte (ATF 129 V 78 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 25/05 du 29 mars 2006 consid. 8.3).

6.      Selon l'art. 37 al. 2 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques conclue à Vienne le 18 avril 1961 (convention de Vienne - 0.191.01), les membres du personnel administratif et technique de la mission, ainsi que les membres de leurs familles qui font partie de leurs ménages respectifs, bénéficient, pourvu qu’ils ne soient pas ressortissants de l’État accréditaire ou n’y aient pas leur résidence permanente, des privilèges et immunités.

Selon l’art. 2 al. 1 LEH, la Confédération peut accorder des privilèges, des immunités et des facilités à divers bénéficiaires institutionnels. En font notamment partie les missions diplomatiques (cf. FF 2006 p. 7603 ss).

À teneur de l’art. 2 al. 2 LEH, la Confédération peut accorder des privilèges, des immunités et des facilités aux personnes appelées, à titre permanent ou non, en qualité officielle auprès de l’un des bénéficiaires institutionnels mentionnés à l’al. 1 (let. a) ainsi que les personnes autorisées à accompagner les personnes bénéficiaires (let. c).

L'art. 9 de l'ordonnance relative à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’Etat hôte du 7 décembre 2007 (OLEH – 192.121) a la teneur suivante:

"1 Les privilèges, les immunités et les facilités octroyés aux personnes bénéficiaires sont accordés en faveur du bénéficiaire institutionnel concerné et non pas à titre individuel. Ils n’ont pas pour but d’avantager des individus, mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions du bénéficiaire institutionnel.

2 Les privilèges, les immunités et les facilités dépendent de l’exercice effectif d’une fonction officielle constaté par le DFAE, s’agissant des personnes mentionnées à l’art. 2, al. 2, let. a et b, LEH. Ils dépendent de l’autorisation d’accompagner le titulaire principal accordée par le DFAE, s’agissant des personnes mentionnées à l’art. 2, al. 2, let. c, LEH".

Les personnes bénéficiaires de privilèges, immunités et facilités sont énumérées à l'art. 11 al. 1 OLEH. Les membres du personnel administratif et technique d'une mission diplomatique en font partie, selon l'alinéa 3 lettre b de cette disposition.

7.      Aux termes de l’art. 6 LAMal, les cantons veillent au respect de l’obligation de s’assurer (al. 1). L’autorité désignée par le canton affilie d’office toute personne tenue de s’assurer qui n’a pas donné suite à cette obligation en temps utile (al. 2).

L'art. 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) prescrit que le SAM contrôle l'affiliation des assujettis (al. 1). Les autorités administratives et judiciaires ainsi que les assureurs et autres organes d'assurances sociales lui fournissent gratuitement, dans des cas particuliers et sur demande écrite et motivée, les données et pièces nécessaires à l'exécution de la LAMal et de la LaLAMal (al. 2). Le SAM statue sur les exceptions à l'obligation d'assurance (art. 5 LaLAMal). Les personnes dont la demande d'affiliation n'a pas été déposée dans les délais sont affiliées d'office (art. 6 al. 1 LaLAMal). Les assureurs communiquent au SAM toute affiliation ou démission d'un assuré dans un délai de 30 jours (art. 3 du règlement d'exécution de la LaLAMal du 15 décembre 1997, RaLAMal – J 3 05.01).

8.      En l'espèce, les recourants sont domiciliés en Suisse et de nationalité suisse. Le recourant est engagé comme membre du personnel administratif à la Mission permanente C______ auprès de l’Office des Nations Unies à Genève depuis août 2013 et est titulaire d’une carte de légitimation de type R. De ce fait, il ne peut bénéficier d'une immunité en application de l'art. 37 al. 1 convention de Vienne. En effet, cette disposition exclut expressément d'un tel privilège les membres du personnel administratif et technique de la mission, ainsi que les membres de leurs familles qui sont ressortissants de l’État accréditaire ou qui y ont leur résidence permanente. Cela résulte également de l'art. 2 al. 2 LEH, selon lequel, l'immunité ne peut être accordée qu'aux fonctionnaires qui remplissent la condition de qualité officielle, et de l'art. 6 al. 2 OLEH qui exige "l’exercice effectif d’une fonction officielle constaté par le DFAE" pour l'octroi de ces avantages. Le recourant ne revêtant pas une qualité officielle dans ses fonctions, une dispense de s'assurer auprès de l'assurance obligatoire de soins doit lui être refusée aussi pour ce motif.

9.      a. L'art. 2 al. 8 OAMal prescrit que sont exceptées de l'obligation de s'assurer en Suisse, sur requête, les personnes dont l’adhésion à l’assurance suisse engendrerait une nette dégradation de la protection d’assurance ou de la couverture des frais et qui, en raison de leur âge et/ou de leur état de santé, ne pourraient pas conclure une assurance complémentaire ayant la même étendue ou ne pourraient le faire qu’à des conditions difficilement acceptables. La requête doit être accompagnée d’une attestation écrite de l’organisme étranger compétent donnant tous les renseignements nécessaires. L’intéressé ne peut revenir sur l’exception ou la renonciation à une exception sans raisons particulières.

Dans sa lettre d'information aux assureurs-maladie du 13 décembre 2017, l'Office fédéral de la santé publique (ci-après: OFSP; https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/ versicherungen/krankenversicherung/krankenversicherung-versicherer-aufsicht/kreis-und-informationsschreiben/archiv.html) expose au sujet de cette disposition que les cantons peuvent, sur requête, excepter de l'obligation de s'assurer les personnes venant de l'étranger et qui sont déjà bien couvertes par une assurance privée étrangère, à certaines conditions.

b. Il est vrai que l'art. 2 al. 8 OAMal ne mentionne pas que cette disposition ne s'applique qu'aux personnes qui viennent de l'étranger. Cela résulte cependant de la systématique de cette ordonnance qui vise à régler à l'art. 2 les situations de personnes qui s'installent en Suisse et doivent de ce fait changer d'assureur, sauf en ce qui concerne les agents de la Confédération soumis à l'assurance militaire (art. 2 al. 1 let. a OAMal). En effet, ce n'est que dans ces hypothèses que les personnes bénéficient d'une assurance à l'étranger, dès lors que toutes les personnes domiciliées en Suisse sont en principe assujetties à l'assurance obligatoire de soins, sauf exceptions énumérées par la loi, non réalisées en l'espèce. À l'évidence, la loi ne vise pas à régler le cas où un assuré n'a pas été affilié à l'assurance suisse par erreur par les autorités compétentes, comme en l'espèce.

Les recourants étant domiciliés en Suisse sans interruption, ils ne peuvent bénéficier de cette exception de l'obligation de s'affilier à l'assurance obligatoire de soins.

10.  Les recourants se prévalent de leur bonne foi pour être exonérés de l'obligation de s'assurer en Suisse, en se fondant sur l'absence de réaction du SAM durant des années suite à leur affiliation à une assurance étrangère et sur le fait que leur assurance-maladie suisse a accepté la résiliation de leurs contrats.

a. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : a) l'autorité ait donné un renseignement sans aucune réserve; b) le renseignement se réfère à une situation concrète touchant l'administré personnellement; c) l'autorité ait agi dans les limites de ses compétences ou l'administré eût des raisons suffisantes de la tenir pour compétente; d) l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu; e) l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice; f) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée; g) l'intérêt au respect du droit objectif n'est pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 p. 103). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d'une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

b. En l'occurrence, il sied d'examiner si le comportement du SAM a pu éveiller chez les recourants l'attente légitime qu'ils bénéficient d'une immunité, du fait que le recourant est membre du personnel administratif d'une mission diplomatique. Ils se prévalent à cet égard de ce que le SAM savait qu'ils n'étaient plus assurés auprès d'une assurance suisse et que ledit service n'a pas exigé immédiatement leur affiliation à une telle assurance après la résiliation du contrat fin 2014. Leur assurance a en outre accepté la résiliation de leurs contrats.

Certes, selon les dispositions légales précitées, l'assurance-maladie en cause n'aurait jamais dû accepter la résiliation des contrats, d'une part, et le SAM aurait dû en être informé, d'autre part. Cependant, cette assurance a apparemment pris ses obligations légales à la légère, si bien que le SAM n'a pas eu connaissance de l'absence d'assurance. En tout état de cause, on ignore comment les recourants ont obtenu la résiliation de leurs contrats sans produire une dispense du SAM, n'ayant pas versé à la procédure la lettre de résiliation. En ce qu'ils allèguent que l'intimé a été informé de la résiliation des contrats auprès de CSS et de leur affiliation à une assurance étrangère, ce fait n'est pas établi. Ils ne se prévalent en particulier pas de ce qu'ils en auraient fait part à l'intimé ni n'ont produit le courrier autorisant leur affiliation à une assurance privée étrangère et qui serait dans leur possession, comme ils l'ont allégué.

À défaut d'avoir informé l'intimé de la résiliation des contrats d'assurance auprès de CSS, les recourants ne pouvaient conclure du silence du SAM que celui-ci était au courant de la situation et qu'il l'a acceptée, même si cette résiliation aurait dû être communiquée audit service par l'assurance-maladie suisse. En effet, les erreurs de communications sont fréquentes. L'acceptation de la résiliation des contrats par CSS ne peut pas non plus être considérée comme une assurance, dès lors qu'on ignore comment cette résiliation a été obtenue. En vertu de l'art. 5 LaLAMal, les recourants auraient dû par ailleurs requérir du SAM une exception à l'obligation d'assurance. L'exonération n'est en effet accordée que sur requête et doit faire l'objet d'une décision. De surcroît, dans le libellé de la lettre type de résiliation du contrat d'assurance que le recourant a transmis, il est mentionné "Une dispense de l'obligation de m'assurer en Suisse vous parviendra ultérieurement". Cela montre que les recourants savaient parfaitement qu'ils devaient obtenir une exonération de l'obligation de s'assurer en Suisse pour pouvoir résilier les contrats auprès de l'assureur suisse. Enfin, le fait qu'il soit mentionné sur la carte de légitimation que le recourant ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction, aurait dû l'alerter. Il aurait alors dû se renseigner auprès de l'intimé ou consulter le Manuel d'application du régime des privilèges et immunités et des autres facilités, accessible sur le site internet du DFAE, qui explique dans les détails les droits et obligations des employés d'une mission diplomatique, tels qu'ils ressortent des dispositions légales précitées. Cela étant, la bonne foi des recourants ne peut être admise.

Il n'appert pas non plus qu'ils ont pris des dispositions auxquelles ils ne peuvent renoncer sans subir de préjudice. À cet égard, ils allèguent ne plus pouvoir conclure une assurance complémentaire, dès lors qu'aucune assurance ne les accepterait au vu de leur âge.

En premier lieu, il n'est pas établi qu'ils auraient conclu une assurance complémentaire. En particulier, ils ne font pas valoir avoir résilié une telle assurance avant d'avoir adhéré à l'assurance internationale. Cela paraît de surcroît invraisemblable, dès lors qu'ils font valoir qu'ils ne seraient pas en mesure de payer les primes d'une assurance-maladie obligatoire suisse. Il doit en être conclu qu'ils n'auraient de toute façon pas eu les moyens de s'offrir une assurance complémentaire. À cela s'ajoute que le SAM n'a prononcé une affiliation d'office que pour le futur, de sorte que les recourants et également leurs deux enfants, tant qu'ils étaient mineurs, ont bénéficié de primes d'assurance plus avantageuses pendant plusieurs années et ont ainsi réalisé des économies substantielles. Par conséquent, même si la bonne foi des assurés devait être admise, la condition du préjudice subi n'est pas remplie.

11.  En ce que les recourants reprochent à l'intimé sa mauvaise organisation, leurs griefs sont sans portée juridique.

12.  Dès lors que les recourants ne peuvent bénéficier d'une exception à l'obligation de s'assurer en Suisse et que la D______ n'est pas autorisée à pratiquer l'assurance obligatoire des soins, c'est à raison que l'intimé les a affiliés d'office.

13.  Au vu de ce qui précède, il ne s'avère pas nécessaire de procéder à des actes d'instruction supplémentaires. Il n'y a aucune nécessité non plus d'appeler en cause HELSANA et CSS, dans la mesure où elles ne sont pas touchées par l'affiliation d'office, la résiliation des contrats n'étant pas mise en cause. Quant à ASSURA, elle ne fait qu'exécuter les décisions du SAM. Aussi, les requêtes dans ce sens seront rejetées.

14.  Partant, les recours seront rejetés.

15.  La procédure est gratuite.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le