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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3128/2020

ATAS/1143/2020 du 24.11.2020 ( LAMAL )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3128/2020 ATAS/1143/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident

du 24 novembre 2020

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______ et Madame B______, tous deux domiciliés à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sébastien LORENTZ

recourants

 

contre

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE, sis route de Frontenex 62, 1207 Genève

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE - DCS ; sis case postale 3964, GENÈVE

intimés

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame B______ et Monsieur A______ (ci-après : les assurés) sont, selon les données de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), domiciliés à Genève depuis 1991, respectivement depuis 1965 ; tous deux ont obtenu la nationalité suisse en 2003.

2.        L'assuré travaille en tant que membre du personnel administratif à la Mission permanente des États-Unis auprès de l'Office des Nations Unies à Genève depuis août 2013 et est titulaire d'une carte de légitimation de type R.

3.        En décembre 2019, dans le cadre de l'attribution d'un subside, le Service de l'assurance-maladie (ci-après : SAM) a eu un contact téléphonique avec l'assurée, qui l'a informé qu'elle était couverte par l'assurance de la Mission des États-Unis. Le SAM a alors effectué un contrôle auprès des assureurs autorisés à pratiquer en Suisse l'assurance obligatoire des soins afin de vérifier si les assurés étaient affiliés à l'un d'eux, ce qui s'est révélé négatif.

4.        Par courrier du 10 janvier 2020 adressé à l'assuré, le SAM a fait savoir à ce dernier que l'assurance de la Mission des Etats-Unis était une institution étrangère ne figurant pas parmi les assureurs-maladie admis à pratiquer l'assurance-maladie sociale en Suisse.

De surcroît, l'assuré, de nationalité suisse, n'entrait pas dans les catégories pouvant bénéficier d'une dispense d'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire des soins.

Dès lors, le SAM l'invitait à conclure un contrat avec un assureur suisse. Un délai pour ce faire lui était accordé au 10 février 2020, étant précisé qu'à défaut, il serait procédé à son affiliation d'office et que des frais pourraient être réclamés si ladite affiliation devait par la suite être annulée.

Etait jointe une liste des assureurs agréés par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour pratiquer dans le canton de Genève en 2020.

5.        Le 26 février 2020, l'assuré a demandé des explications en alléguant avoir informé le SAM, lors de son engagement par la Mission des Etats-Unis, en août 2013, de la résiliation de son contrat d'assurance obligatoire des soins avec HELSANA et de la conclusion d'un nouveau contrat avec une « assurance internationale ». Il a fait remarquer d'une part, qu'à l'époque, cette annonce n'avait fait l'objet d'aucun commentaire par le SAM, d'autre part, que devoir contracter une nouvelle assurance complémentaire, vu leurs âges et leurs pathologies, serait désormais compliqué pour son épouse et lui.

6.        Par décision du 2 mars 2020, mentionnant les voies de droit et adressée formellement au seul assuré, le SAM a refusé toute dispense de l'obligation de s'affilier en reprenant les explications contenues dans son courrier du 10 janvier 2020.

Un délai au 2 avril 2020 a été imparti à l'assuré pour s'affilier à un assureur admis à pratiquer l'assurance obligatoire, soulignant qu'à défaut, cette affiliation aurait lieu d'office.

7.        Par courrier du 30 mars 2020, l'assuré a contesté cette décision en se plaignant de n'avoir pas obtenu de réponse aux interrogations formulées dans son courrier du 26 février 2020.

8.        Par décision du 8 juin 2020, le SAM a affilié d'office l'assurée à ASSURA, caisse maladie et accident, avec effet au 1er juin 2020 ; cette décision mentionnait les voies de droit.

9.        Le 16 juin 2020, le SAM a répondu au courrier du 30 mars 2020 en indiquant ne pas avoir connaissance d'une affiliation de l'intéressé auprès d'un assureur-maladie suisse.

Pour le surplus, il a invité l'intéressé à contacter ses services par téléphone pour obtenir une réponse à ses questions.

Il lui a accordé un délai de 30 jours pour produire le certificat d'un assureur-maladie, précisant qu'à défaut, il conclurait à l'absence de couverture et procéderait à son affiliation d'office.

10.    Par courrier du 17 juin 2020, les assurés ont contesté l'affiliation prononcée le 8 juin 2020 en reprochant au SAM de l'avoir émise en dépit de la contestation du 30 mars 2020 et en affirmant avoir en leur possession « le courrier [les] autorisant l'affiliation à une assurance privée, courrier qui vous avait d'ailleurs été adressé » (sic).

À l'appui de leur position, ils ont produit un courrier adressé le 29 janvier 2013 à HELSANA, demandant la résiliation de leurs polices d'assurances obligatoires et complémentaires pour le 31 décembre 2013.

11.    Le 26 juin 2020, ont été transmis au SAM les copies des certificats d'assurance intéressés émis par C______(ci-après : C______) et attestant d'une couverture depuis le 1er janvier 2019.

12.    Par décision du 3 juillet 2020, le SAM a affilié d'office l'assuré à ASSURA, caisse maladie et accident, à compter du 1er juillet 2020. Cette décision mentionnait les voies de droit.

13.    Le 25 août 2020, les assurés, par le biais d'un conseil, ont adressé au SAM un courrier intitulé « constatation de nullité des procédures d'affiliation d'office » demandant que soit constatée sans délai la nullité de l'ensemble des décisions prises et que soit nommées « une ou plusieurs personnes compétentes afin d'instruire cette procédure conformément à la procédure administrative ».

14.    En substance, de l'argumentation passablement confuse développée par les intéressés, il ressort que ces derniers allèguent que le courrier du 10 janvier 2020 aurait dû être considéré comme une décision, leur courrier du 26 février 2020, par voie de conséquence, comme une opposition, la décision du 2 mars 2020 comme une décision sur opposition, que les voies de droit mentionnées seraient donc erronées et que la motivation des décisions du SAM serait insuffisante. Ils reprochent au SAM d'avoir procédé à leur affiliation d'office avant que ne soit réglée la question de la dispense de leur obligation de s'affilier.

15.    Le 15 septembre 2020, le SAM a accusé réception de ce courrier et informé le mandataire des assurés qu'une réponse lui parviendrait « dans les meilleurs délais ».

16.    Le 5 octobre 2020, les assurés ont saisi la Cour de céans d'un « recours pour déni de justice formel » dirigé contre le SAM, d'une part, mais aussi contre l'État de Genève, soit pour lui le Département de la cohésion sociale (ci-après : DCS), d'autre part.

Sur mesures superprovisionnelles, les recourants demandent :

-          que soit constatée la nullité des décisions prises par le SAM,

-          cela fait, d'interdire à l'assureur-maladie ASSURA « de procéder à toutes opérations en lien avec ce dossier, en particulier le recouvrement de créances, l'envoi de factures, etc. »,

-          « condamner le SAM, respectivement l'État de Genève à une pleine et entière indemnisation correspondant aux honoraires » de leur conseil,

-          condamner le SAM, respectivement l'État de Genève à tous les frais et dépens de la procédure.

À titre de mesure provisionnelles, les recourants prennent strictement les mêmes conclusions, puis une fois encore les mêmes à titre principal, en introduisant cette fois une variation : la possibilité pour la Cour de céans « si mieux n'aime » de renvoyer le dossier au SAM « avec des instructions précises et des délais précis à respecter » (sic).

Au surplus, les recourants demandent l'appel en cause de l'assureur-maladie ASSURA.

En substance, il ressort de leurs écritures que les recourants reprochent au SAM - et au DCS - de n'avoir pas statué sur leur demande de constatation de la nullité des décisions dont ils ont fait l'objet.

Ils estiment, ainsi qu'ils s'en sont plaint dans un courrier adressé le 25 août 2020 adressé au Conseiller d'État en charge du DCS, être les victimes d'une « très grave violation des règles essentielles de l'état de droit » (sic). Ils reprochent plus particulièrement au SAM de n'avoir jamais donné suite aux oppositions formées contre les décisions émises, de les avoir purement et simplement ignorées, « violant ainsi de manière crasse et manifeste l'essence de l'état de droit ». Le SAM aurait violé la protection contre l'arbitraire et celle de la bonne foi, ainsi que la garantie générale de procédure.

En substance, les recourants estiment avoir été mis au bénéfice, fin 2013, d'une exonération de l'affiliation à l'assurance obligatoire. Ils ajoutent être au bénéfice d'une couverture d'assurance maladie en Suisse reconnue par l'ensemble des prestataires auprès de l'assurance C______.

Enfin, ils considèrent que l'urgence de la situation nécessite la prise de mesures superprovisionnelles, car des poursuites à leur encontre pourraient avoir des conséquences sur leurs emplois, voire même conduire à leur perte.

17.    Par courriers du 9 octobre 2020, le SAM a informé ASSURA que des procédures étaient en cours concernant les affiliations des intéressés et demandé à l'assureur de suspendre lesprocédures de recouvrement dans l'attente de prochaines décisions sur opposition.

18.    Par écriture complémentaire du 12 octobre 2020, les recourants ont complété la motivation de leur demande de mesures superprovisionnelles.

19.    Invité à se déterminer, le SAM, dans sa réponse du 19 octobre 2020 portant sur les conclusions en mesures superprovisionnelles et provisionnelles, s'en est rapporté à justice quant à leur recevabilité et quant à celle visant à interdire à ASSURA toute opération en lien avec le dossier et a conclu au rejet de celles tendant à constater la nullité de ses décisions et à obtenir une participation aux frais et dépens.

L'intimé ne s'oppose pas à la suspension de la procédure de recouvrement à l'encontre des recourants et rappelle avoir adressé à ASSURA un courrier en ce sens le 9 octobre 2020.

Le SAM souligne que ses décisions des 2 mars, 8 juin et 3 juillet 2020 mentionnent les voies de droit, qu'elles ont été établies en bonne et due forme et qu'elles n'ont pas à être déclarées nulles.

Il rappelle que des mesures provisionnelles ne sauraient en principe anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès sur le fond. Or, c'est précisément ce à quoi prétendent les recourants quand ils concluent à titre superprovisionnel/provisionnel à la nullité de ses décisions.

Quant au fond du litige, l'intimé soutient que les recourants ne peuvent être dispensés d'une affiliation à l'assurance obligatoire des soins. Le recourant, en tant que titulaire d'une carte de légitimation de type R, y reste en effet soumis. Or, C______ n'est pas un assureur admis à pratiquer l'assurance-maladie.

Enfin, le SAM fait remarquer que jamais les recourants n'ont produit de document à l'appui de la prétendue exonération d'obligation de s'assurer dont ils auraient bénéficié en 2013. Ils se contentent de produire le courrier de résiliation qu'ils ont adressé à HELSANA à l'époque, qui ne saurait être assimilé à une dispense. Le SAM nie avoir jamais accordé de dispense aux intéressés.

20.    Par courrier du 12 octobre 2020, le SAM a demandé la production de diverses pièces aux assurés afin de procéder à une analyse complète de leur dossier :

-          la dispense qu'ils invoquent ;

-          une attestation de C______ certifiant d'une couverture équivalente à celle de l'assurance obligatoire des soins pour les traitements en Suisse ;

-          les conditions générales de C______ ;

-          un document attestant de la date depuis laquelle ils sont affiliés à C______ ;

-          une copie des éventuelles cartes de légitimation délivrées par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) aux intéressés ;

-          une attestation de la Mission permanente des États-Unis à Genève mentionnant la période durant laquelle l'assuré a travaillé auprès d'elle et à quel titre.

21.    Par courrier électronique du 12 octobre 2020, HELSANA a informé le SAM que les intéressés avaient résilié leurs contrats pour s'affilier à l'assureur CSS à compter du 1er janvier 2014, ce que CSS a confirmé, en précisant qu'ils le sont restés jusqu'au 30 novembre 2014.

22.    Par courrier du 16 octobre 2020, le Conseiller d'État en charge du DCS s'est exprimé à son tour

Il fait remarquer que la question litigieuse porte sur l'obligation ou non des recourants de s'affilier à l'assurance obligatoire des soins, objet qui ne relève pas de sa compétence. Dans la mesure où il n'a pas vocation à intervenir sur des dossiers individuels dans ce domaine, il conclut à l'irrecevabilité du recours en tant qu'il est dirigé contre son Département.

23.    Le 2 novembre 2020, le SAM s'est déterminé sur le fond du litige.

Après avoir rappelé qu'il a pour mission de veiller au respect de l'obligation d'être affilié à une assurance-maladie admise à pratiquer dans le canton et qu'il est compétent pour rendre des décisions d'affiliation d'office, l'intimé fait remarquer qu'il a d'abord adressé aux recourants un courrier, en janvier 2020, puis une décision, en mars 2020, les invitant à s'affilier avant de rendre des décisions d'affiliation d'office en dates des 8 juin et 3 juillet 2020.

Il relève que les décisions du 2 mars, du 8 juin et 3 juillet 2020 mentionnent les voies de droit et qu'elles ont par conséquent été établies en bonne et due forme. Les conclusions visant à ce que soit constatée la nullité desdites décisions doivent donc être rejetées. Il en va de même des conclusions tendant à leur annulation.

L'intimé explique avoir considéré le courrier du 25 août 2020 comme une opposition et avoir transmis le dossier à son secteur juridique pour traitement. Celui-ci est en cours.

Il estime qu'aucun déni de justice formel ne saurait lui être reproché dès lors qu'il a pris des décisions de refus de dispense et d'affiliation d'office à l'encontre des recourants et qu'il est actuellement en train d'examiner leur opposition, raison pour laquelle il a sollicité la production de diverses pièces par courrier du 19 octobre 2020.

Il fait remarquer que le courrier du 30 mars 2020 lui est parvenu en pleine crise sanitaire, ce qui a engendré des ralentissements dans le traitement du dossier.

Pour le reste, il répète que la prétendue exonération de l'obligation de s'assurer qui aurait été émise en 2013 n'a pas été produite et indique ne pas avoir connaissance d'une telle exonération.

En définitive, il indique que des explications écrites et orales ont d'ores et déjà été données aux recourants par le gestionnaire en charge de leur dossier et qu'il sera répondu à leurs arguments dans le cadre de la décision sur opposition qui sera rendue. Dès lors, les demandeurs ne sauraient invoquer une violation du droit d'être entendus à ce stade de la procédure, encore moins un déni de justice formel.

24.    Par écriture du 10 novembre 2020, le conseil des demandeurs a sollicité de pouvoir bénéficier d'un seul et même délai au 30 novembre 2020 pour répondre, d'une part, en matière provisionnelle, d'autre part, sur le fond.

Il maintient sa demande de mesures superprovisionnelles, alléguant qu'ASSURA refuse de suspendre la procédure de recouvrement des primes.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours, interjeté sur la base de l'art. 56 al. 2 LPGA - qui prévoit qu'un recours peut également être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition - est prima facie recevable en tant qu'il est dirigé contre le SAM.

En revanche, il est manifestement irrecevable en tant qu'il vise le DCS, lequel n'est pas compétent pour statuer en matière de dispense de l'obligation de s'affilier, cette compétence incombant au SAM exclusivement (art. 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 [LaLAMal - J 3 05]).

4.        A ce stade, ne sera examinée que la seule question du bien-fondé des mesures superprovisionnelles/provisionnelles réclamées par les recourants.

5.        a. Conformément à l'art. 55 al. 1 LPGA qui prévoit que les points de procédure qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale sur la procédure du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), il convient de se référer aux articles 55 et 56 de cette dernière.

L'art. 55 PA a trait à l'effet suspensif, l'art. 56 PA aux autres mesures provisionnelles. Cette dernière disposition prévoit qu'après le dépôt du recours, l'autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut prendre d'autres mesures provisionnelles, d'office ou sur requête d'une partie, pour maintenir intact un état de fait existant ou sauvegarder des intérêts menacés.

Compte tenu de l'étroite connexité liant l'effet suspensif aux autres mesures provisionnelles au sens de l'art. 56 PA, les principes applicables au retrait de l'effet suspensif s'appliquent par analogie à ces mesures.

L'art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA; RS GE - E 5 10) prévoit des règles similaires.

b. Selon la jurisprudence, l'autorité de recours saisie d'une requête en restitution de l'effet suspensif doit procéder à une pesée des intérêts en présence. Dès lors, l'autorité qui se prononce sur l'ordonnance d'autres mesures (provisionnelles) d'après l'art. 56 PA doit également examiner si les motifs en faveur de l'exécution immédiate de la décision ont plus de poids que ceux qui peuvent être invoqués pour soutenir une solution contraire (RCC 1991 p. 520). Pour ce faire, le juge se fonde sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires.

D'après la jurisprudence relative à l'art. 55 al. 1 PA - à laquelle l'entrée en vigueur de la LPGA et de l'OPGA n'a rien changé (arrêt P. du 24 février 2004, I 46/04, consid, 1, in HAVE 2004 p. 127), la possibilité de retirer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. A cet égard, le seul fait que la décision de fond poursuive un but d'intérêt public ne suffit pas à justifier son exécution immédiate.

En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent être prises en considération. Il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute. Par ailleurs, l'autorité ne saurait retirer l'effet suspensif au recours lorsqu'elle n'a pas de raisons convaincantes pour le faire (ATF 124 V 88 consid. 6a, 117 V 191 consid. 2b et les références).

En d'autres termes, les conditions à remplir pour l'octroi de mesures provisionnelles sont au nombre de trois :

a. L'existence de motifs objectivement fondés justifiant l'intervention. Il faut voir ici l'importance de l'intérêt vraisemblablement compromis par le maintien pur et simple de la situation, la gravité possible des effets de l'absence d'intervention provisoire, l'urgence qu'il y a à agir. À noter que la pratique n'exige pas une atteinte irréversible.

b. Le pronostic relatif à l'issue de la cause doit être favorable. Le recours ne doit pas apparaître de prime abord comme dépourvu de chance de succès.

c. La mesure provisionnelle ne doit pas préjuger de la décision finale en créant par son propre effet une situation irréversible qui rende vaine l'issue du recours.

c. De jurisprudence constante, les mesures provisionnelles ont pour objet de régler transitoirement la situation en cause jusqu'à ce que soit prise la décision finale (ATA/326/2011 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; P. MOOR, op. cit., numéro 2.2.6.8 p. 267). Elles sont modifiables pendant le cours de la procédure et les demandes s'y rapportant peuvent être déposées en tout temps.

Outre les domaines du droit expressément énumérés à l'art. 1 al. 3 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA), l'art. 6 PA concernant les mesures provisionnelles est applicable. Selon cette disposition légale, après le dépôt du recours, l'autorité saisie peut prendre des mesures provisionnelles, d'office ou sur requête d'une partie, pour maintenir provisoirement intact un état de fait ou de droit. La compétence d'ordonner les mesures provisionnelles suppose dès lors le dépôt d'un recours ou d'une demande sur le fond (ATAS/582/2005).

De telles mesures sont légitimes si elles s'avèrent nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde des intérêts compromis. Toutefois, elles ne sauraient en principe anticiper sur le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, ni non plus aboutir à rendre d'emblée illusoire le procès au fond (ATA/326/2011 du 19 mai 2011; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 et les références citées).

6.        Seules des mesures provisionnelles sont expressément prévues par la PA et la LPA. Les mesures « préprovisionnelles » ou « superprovisionnelles » n'y figurent pas.

Le Tribunal fédéral et une partie de la doctrine admettent cependant leur existence en droit administratif lorsque l'urgence est telle que les parties ne peuvent être entendues à temps sans mettre en péril l'intérêt public ou privé en cause (art. 21 LPA en relation avec l'art. 43 let. d LPA ; P. MOOR, Droit administratif, volume 2, 3ème édition, Berne 2011, p. 306, N.2.2.6.8 et jurisprudences citées ; I. HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen im Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 254 ss).

7.        En l'espèce, la demande de mesures superprovisionnelles est sans objet, les intimés s'étant d'ores et déjà exprimés. Seule reste donc pendante la question d'éventuelles mesures provisionnelles.

Il convient de rappeler que le litige au fond ne porte pas sur la dispense ou non de l'obligation de s'affilier à l'assurance obligatoire des soins pour les recourants, pas plus que sur les affiliations d'office, mais uniquement sur le bien-fondé du recours en déni de justice formé à l'encontre du SAM. La question de la prétendue nullité des décisions rendues par le SAM ne saurait dès lors être abordée par la Cour à ce stade, dès lors qu'elle n'est saisie, comme déjà souligné, que d'un recours pour déni de justice à l'encontre de l'intimé.

Il en va de même de la question d'une éventuelle interdiction faite à l'assureur-maladie de poursuivre les procédures de recouvrement. Là encore, cette question ne dépend pas du sort qui sera réservé au litige principal - déni de justice ou non : même en admettant qu'un déni de justice formel soit finalement reconnu, la question du bien-fondé des affiliations auxquelles il a été procédé ne sera toujours pas réglée.

Force est de constater qu'en l'état, les conditions énoncées supra permettant la mise en place de mesures provisionnelles ne sont pas remplies.

Annuler les décisions d'affiliation reviendrait à préjuger non seulement de la décision finale, mais pire encore, d'une décision faisant l'objet d'une autre procédure que celle dont est saisie la Cour de céans.

L'urgence à agir n'est pas non plus démontrée, les recourants se contentant d'évoquer un risque pour leurs emplois sans en apporter la démonstration.

Quant au pronostic quant à l'issue de la procédure en déni de justice, il apparaît d'emblée dépourvu de chances de succès, comme cela ressort de ce qui suit.

8.        L'art. 29 al. 1 Cst. - qui a succédé à l'art. 4 al. 1 aCst. depuis le 1er janvier 2000 - dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Il consacre ainsi le principe de la célérité et prohibe le retard injustifié à statuer.

En droit fédéral des assurances sociales plus particulièrement, le principe de célérité figurait à l'art. 85 al. 2 let. a LAVS (en corrélation avec l'art. 69 LAI), dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). Il est désormais consacré par l'art. 61 let. a LPGA et exige des cantons que la procédure soit simple et rapide, ce qui constitue l'expression d'un principe général du droit des assurances sociales (ATF 110 V 61 consid. 4b; Ueli KIESER, Das einfache und rasche Verfahren, insbesondere im Sozialversicherungsrecht, in : RSAS 1992 p. 272 ainsi que la note no 28, et p. 278 sv.; RÜEDI, Allgemeine Rechtsgrundsätze des Sozialversicherungsprozesses, in: Recht, Staat und Politik am Ende des zweiten Jahrtausends, Festschrift zum 60. Geburtstag von Bundesrat Arnold Koller, Berne 1993, p. 460ss et les arrêts cités).

L'autorité viole le principe de célérité lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 119 Ib 311 consid. 5 p. 323; 117 Ia 193 consid. 1b in fine et c p. 197; 107 Ib 160 consid. 3b p. 165; Jörg Paul MÜLLER, Grundrechte in der Schweiz, Berne 1999, p. 505 s.; Georg MÜLLER, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 93 ad art. 4 aCst.; HAEFLIGER/SCHÜRMANN, Die Europäische Menschenrechts-konvention und die Schweiz, Berne 1999, p. 200 ss).

Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 al. 1 aCst. - mais qui conserve toute sa valeur sous l'angle de l'art. 29 al. 1 Cst. - le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause. Il convient de se fonder à ce propos sur des éléments objectifs. Entre autres critères, sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2 ; ATF 124 I 142 consid. 2c, 119 Ib 325 consid. 5b et les références citées), mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. II « Les actes administratifs et leur contrôle », 2ème éd., Berne 2002, p. 292 et la note n°699 ; ATF C 53/01 du 30 avril 2001).

La durée du délai raisonnable n'est pas influencée par des circonstances étrangères au problème à résoudre.

Si on ne saurait reprocher à une autorité quelques temps morts, inévitables dans une procédure (ATF 124 I 142 consid. 2c, 119 Ib 325 consid. 5b et les références citées), une organisation déficiente ou une surcharge structurelle ne peuvent cependant justifier la lenteur excessive d'une procédure car il appartient à l'Etat de donner aux autorités judiciaires les moyens organisationnels et financiers suffisants pour garantir aux citoyens une administration de la justice conforme au droit constitutionnel (ATF 126 V 249 consid. 4a; voir à propos de l'art. 29 al.1 Cst. et de la garantie correspondante déduite auparavant de l'art. 4 al. 1 aCst.: ATF 125 V 191 consid. 2a, 375 consid. 2b/aa, 119 Ib 325 consid. 5b; ATF 122 IV 103 consid. I/4 p. 111; ATF 119 III 1 consid. 3 p. 3; Jörg Paul MÜLLER, op. cit., p. 506 s.; HAEFLIGER/SCHÜRMANN, op. cit., p. 204 s.; AUER/MALINVERNI/ HOTTELIER, op. cit., nos 1244 ss); peu importe le motif qui est à l'origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c'est le fait que l'autorité n'ait pas agi ou qu'elle ait agi avec retard (ATF C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2 ; ATF du 23 avril 2003 en la cause I 819/02 consid. 2.1 ; ATF 124 V 133, 117 Ia 117 consid. 3a, 197 consid. 1c, 108 V 20 consid. 4c).

Enfin, la sanction du dépassement du délai raisonnable consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, la constatation d'un comportement en soi illicite étant en effet une forme de réparation (H 134/02 Arrêt du 30 janvier 2003 consid. 1.5; ATF 122 IV 111 consid. I/4).

9.        En l'espèce, les recourants ont d'abord été informés que le SAM considérait qu'ils devaient s'affilier à un assureur reconnu par courrier du 10 janvier 2020.

Contestée le 26 février 2020, cette prise de position a été confirmée par décision formelle le 2 mars 2020, soit moins de deux mois plus tard.

Opposition a été formée le 30 mars 2020, soit il y a de cela huit mois. Si l'on peut déplorer que la demande de documents contenue dans le courrier du 12 octobre 2020 ne soit pas intervenue plus tôt, un délai de huit mois ne saurait encore être qualifié prima facie de déni de justice formel.

Il en va de même du délai de trois mois qui s'est écoulé depuis la demande « en constatation de nullité des procédures d'affiliation d'office » adressée le 25 août 2020 par les assurés au SAM, que l'on peut interpréter comme une opposition contre la décision du 3 juillet 2020 et comme une demande en reconsidération de celle du 8 juin - déjà formellement contestée au demeurant le 17 juin 2020.

On le voit, les chances de succès du recours en déni de justice ne sont pas suffisamment évidentes pour considérer comme remplie la troisième condition permettant de prononcer des mesures provisionnelles, lesquelles sont donc rejetées dans la mesures où elles sont recevables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l'art. 21 al. 2 LPA

À la forme :

1.        Déclare le recours pour déni de justice irrecevable en tant qu'il est dirigé contre le Département d'action sociale.

2.        Le déclare recevable en tant qu'il vise le Service de l'assurance-maladie.

Sur mesures superprovisionnelles

3.        Constate que la demande de mesures superprovisionnelles est sans objet.

4.        Rejette la demande de mesures provisionnelles en tant qu'elle est recevable.

5.        Réserve la suite de la procédure.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le