Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1245/2025 du 04.11.2025 ( EXPLOI ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1011/2025-EXPLOI ATA/1245/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 4 novembre 2025 1ère section |
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dans la cause
A______
et
B______ SA recourantes
représentées par Me Barnabas DENES, avocat
contre
DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée
A. a. B______ SA (ci-après : la société) a pour but la gestion de cafés et de restaurants, l’import-export de divers produits manufacturés, la promotion de la culture irakienne et des prestations de services divers comme le covoiturage.
A______ en est administratrice avec signature individuelle.
b. A______ est au bénéfice d’une autorisation de la direction du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) de vendre des boissons fermentées distillées à l’emporter dans leurs emballages d’origine fermés et cachetés, à l’exclusion de tout débit sur le comptoir, dans un tabac épicerie de l’établissement C______ situé rue D______ n° ______ (ci-après : le commerce) pour le compte de la société.
B. a. Par décisions du 22 novembre 2024 adressées à la société et à A______, la PCTN a suspendu l’autorisation de la vente de boissons alcooliques à l’emporter au sein du commerce pour une durée de 15 jours.
Quatre rapports avaient été établis par le secteur inspectorat de la PCTN et les services de police, soit les 13 juin et 14 décembre 2022, 19 juillet et 20 octobre 2023. Selon le dernier, une boisson distillée avait été vendue à deux mineurs le 17 octobre 2023 à 17h25.
Une mesure d’exécution fixant les dates exactes de la suspension de l’autorisation serait adressée à A______ une fois la décision définitive et exécutoire. « Les boissons fermentées distillées devr[ai]nt être retirées de la vente au sein du commerce durant l’exécution de la mesure ».
b. Par mesure d’exécution du 24 janvier 2025, la PCTN a constaté que la décision du 22 novembre 2024 était définitive et exécutoire et a fixé la suspension « de l’autorisation du 9 juin 2022 de vente de boissons alcooliques à l’emporter » du 10 au 24 février 2025 inclus.
A______ était « sommée de retirer de la vente toutes les boissons fermentées distillées, dans l’établissement ».
c. Par courriel du 18 février 2025, la police municipale a indiqué à la PCTN avoir procédé au contrôle du commerce et avoir « constaté que l’un des frigos était masqué par un papier et qu’il n’était pas mis sous clé ». La police relevait également que « le reste des boissons alcooliques n’était pas retiré des étagères ni frigo mais simplement caché et verrouillé comme lors de l’interdiction entre 21h00 et 07h00 ».
Une photographie était jointe. Elle montre un frigo, contenant des boissons fermentées distillées. La porte, recouverte d’un papier, est ouverte. Une clé se trouve dans la serrure du frigo.
d. Par décision du 21 février 2025, la PCTN a intimé à A______ l’ordre de fermer immédiatement le commerce jusqu’au terme de la suspension de l’autorisation, à savoir jusqu’au 24 février 2025 inclus. Le prononcé d’une amende pénale par le service des contraventions était réservé. La décision était exécutoire nonobstant recours.
Un recours ne pourrait porter que sur le non-respect de l’ordre de retrait du 24 janvier 2025 et non sur le bien-fondé de la décision de suspension du 22 novembre 2024.
La décision a été notifiée le jour même par un inspecteur de la PCTN en main propre à l’étude de l’avocat en charge de la défense des intérêts de la société et A______.
e. Le 22 février 2025, juste après minuit, la police municipale s’est rendue dans le commerce et a constaté qu’il n’était pas fermé.
Contactée par téléphone, A______ a indiqué être à l’étranger, n’avoir pas eu connaissance de la décision de fermeture, ni a fortiori avoir pu prévenir ses employés dans ce sens.
Elle a alors demandé au responsable sur place de fermer l’établissement jusqu’au 24 février 2025 inclus.
C. a. Par acte du 24 mars 2025, la société et A______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de fermeture immédiate de commerce du 21 février 2025.
Elles ont conclu à son annulation et au constat du caractère illicite de la fermeture immédiate prononcée par décision du 21 février 2025. Préalablement, elles ont sollicité leur audition et celle de témoins.
Leur droit d’être entendues avait été violé. Elles n’avaient pas été informées du contrôle effectué par la police le 18 février 2025 et n’avaient pas pu présenter leurs observations au sujet des constats de la police.
Les art. 7 et 18 de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT – I 2 25) ainsi que 15 du règlement d'exécution de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l'emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 3 février 2021 (RTGVEAT – I 2 25.01) avaient été violés, à l’instar du principe de la bonne foi, de la liberté économique et du principe de proportionnalité.
b. La PCTN s’en est rapportée à justice sur la recevabilité du recours, singulièrement en raison de la question de l’intérêt actuel, et a conclu au rejet du recours.
Les faits du 18 février 2025 n’étaient pas une infraction à la législation mais le non‑respect d’une de ses injonctions. La fermeture de l’établissement ne serait ainsi pas prise en compte comme antécédent.
Le droit d’être entendu avait été respecté, pour autant qu’il existe, s’agissant d’une mesure d’exécution. En tout état, une violation de ce dernier aurait été réparée devant la chambre de céans.
La décision était conforme au droit, tant à la LTGVEAT qu’à son règlement, et aux principes de la bonne foi, la liberté économique et de la proportionnalité. Il n’était pas reproché aux recourantes de ne pas avoir physiquement retiré les boissons alcooliques mais qu’elles n’aient pas été mises sous clé et soustraites de la vue du public, ainsi que prescrit par l’art. 12 al. 1 LTVGEAT entre 21h et 7h. L’art. 18 LTGVEAT mentionnait que les boissons devaient être retirées de la vente ce qui impliquait que les clients ne devaient pas y avoir physiquement accès. En l’espèce, un des frigidaires n’était pas fermé à clé. Les clients y avaient en conséquence accès.
c. Dans leur réplique, les recourantes ont contesté l’absence d’un intérêt digne de protection à recourir. La légalité de la décision, laquelle n’était pas une mesure d’exécution de la décision du 22 novembre 2024 mais une nouvelle décision, devait être contrôlée judiciairement.
L’interdiction de vente avait été scrupuleusement respectée. L’autorité intimée ne démontrait pas, alors que le fardeau de la preuve lui incombait, que des boissons alcoolisées auraient été proposées à la vente ou vendues. Le frigo avait été approuvé par l’autorité intimée elle-même, sans quoi l’autorisation de vente de boissons alcooliques n’aurait pas été délivrée. Elles produisaient notamment trois images de vidéosurveillance du commerce le 18 février 2025, où étaient visibles les frigidaires et les rayons masqués et scotchés, et même, sur la dernière, le policier procédant au contrôle discutant avec le vendeur sur place. Elles proposaient un transport sur place et l’audition du vendeur, E______.
Le commerçant qui n’offrait pas à la vente et ne vendait pas des boissons alcoolisées durant une période de suspension de l’autorisation respectait l’injonction de « retirer de la vente » lesdites boissons. Qu’il ait été physiquement possible pour la police de se servir de la clé, logiquement présente au commerce, et d’ouvrir un frigidaire lors d’un contrôle, n’y changeait rien. Les recourantes étaient même allées plus loin que ce qu’exigeaient la loi et la décision en cachant, scotchant et verrouillant les frigidaires.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
1.1 Il a été interjeté par la société, propriétaire du commerce et son administratrice, titulaire de l’autorisation de vendre des boissons fermentées.
Le recours interjeté par la société, propriétaire du commerce, n’est pas recevable, la décision étant adressée à la titulaire de l’autorisation, strictement personnelle et intransmissible, laquelle ne peut être qu’une personne physique conformément à l’art. 7 al. 4 LTGVEAT.
Le recours de la société est en conséquence irrecevable.
1.2 L’autorité intimée conteste l’existence que la recourante, titulaire de l’autorisation, ait un intérêt actuel au recours.
1.2.1 Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid 1.3 Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 1367). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Il peut toutefois être renoncé à l'exigence d'un tel intérêt, dans la mesure où cette condition ferait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2).
1.2.2 En l’espèce, il convient d'admettre que la recourante dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la décision, quand bien même la fermeture est terminée, dès lors que la situation litigieuse pourrait encore se présenter. Il existe par ailleurs un intérêt public à examiner la question juridique posée.
En conséquence, le recours de la titulaire de l’autorisation est recevable.
2. Le litige porte sur la décision du 21 février 2025 ordonnant à la titulaire de l’autorisation de vente à l’emporter de boissons alcooliques, la fermeture immédiate du commerce jusqu’au 24 février 2025.
3. La recourante sollicite l’audition des parties, d’un témoin et un transport sur place, aux fins d’établir qu’aucune boisson alcoolisée n’avait été vendue durant la période d’interdiction et pour expliquer sa compréhension des termes « retirer de la vente ».
3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre.
Le droit de faire administrer des preuves n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves déjà administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).
Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).
3.2 En l’espèce, la recourante a pu faire valoir son droit d’être entendue à diverses reprises dans le cadre de ses échanges avec la PCTN et notamment d’expliquer sa compréhension des termes « retirer de la vente ». Établir qu’aucune boisson alcoolisée n’aurait été vendue durant la période d’interdiction n’est pas pertinent conformément aux considérants qui suivent. Au vu de la question juridique soulevée par la présente cause, la chambre de céans considère être en possession d’un dossier complet. Il ne sera dès lors pas donné suite à la demande de comparution des parties.
De même, l’audition du vendeur présent lors du passage de la police, tout comme un transport sur place, ne sont pas utiles à la solution du litige qui porte sur les notions de « retrait immédiat de la vente » de l’art. 18 al. 2 LTGVEAT et « mise sous clé soustraite à la vue du public » de l’art. 12 al. 2 LTGVEAT.
4. La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue.
4.1 Les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires (art. 41 LPA).
L’autorité n’est pas tenue d’entendre les parties avant de prendre, notamment une mesure d’exécution (art. 43 let. b LPA) ou d’autres décisions lorsqu’il y a péril en la demeure (let. d).
4.2 La LTGVEAT a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT).
La vente à l’emporter de boissons alcooliques est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par la PCTN, sous réserve de l’al. 7, non pertinent en l’espèce (art. 7 al. 1 let. a LTGVEAT).
En cas de violation des prescriptions de la LTGVEAT ou de ses dispositions d’exécution, le service peut prononcer, sans préjudice de l’amende prévue à l’art. 19, la suspension de l’autorisation pour une durée de 7 jours à 6 mois (art. 18 al. 3 let. a LTGVEAT) ou le retrait de l’autorisation (art. 18 al. 3 let. b LTGVEAT).
La PCTN intime l’ordre de retirer immédiatement de la vente la marchandise dépourvue de l’autorisation exigée par l’art. 7 al. 1 à 6 LTGVEAT (art. 18 al. 1 LTGVEAT). À défaut d’exécution de l’injonction, le service procède à la fermeture du commerce (art. 18 al. 2 LTGVEAT).
Lorsque le service intime l'ordre visé à l'art. 18 al. 1 LTGVEAT, sa décision est immédiatement exécutoire. Si l'ordre est intimé oralement, le service le confirme par écrit au plus tard dans les 3 jours (art. 15 al. 1 RTGVEAT). Le service procède de même en cas de violation de l'obligation d'annonce au sens de l'art. 15 de la loi (al. 2). Si, dans l'intervalle de 3 jours dès réception de l'injonction écrite, l'exploitant ne s'est pas exécuté, le service procède à la fermeture du commerce jusqu'à rétablissement du droit (al. 3).
4.3 En l’espèce, une décision de suspension de l’autorisation de vente, au sens de l’art. 13 al. 3 LTGVEAT, a été prononcée le 22 novembre 2024 et n’a pas fait l’objet d’un recours.
Il n’est pas contesté que, par mesure d’exécution du 24 janvier 2025, la PCTN a constaté que la décision du 22 novembre 2024 était définitive et exécutoire et a fixé les dates de la suspension de « l’autorisation du 9 juin 2022 de vente de boissons alcooliques à emporter » du 10 au 24 février 2025 inclus. La mesure d’exécution précisait qu’à défaut d’exécution de l’injonction, le service procèderait à la fermeture du commerce conformément à l’art. 18 al. 2 LTGVEAT.
L’ordre de fermer le commerce est intervenu à la suite d’un contrôle, le 18 février 2025, par le service de la police municipale lequel a constaté que la mesure de suspension de l’autorisation de vente précitée n’était pas respectée.
Ni la LTGVEAT ni son règlement d’application ne règlent expressément la présente situation. La PCTN a indiqué avoir appliqué l’art. 18 al. 2 LTGVEAT par analogie. Ladite disposition traite en effet de l’ordre de retrait, sans qu’une décision ni un « courrier de droit d’être entendu » n’ait été adressé au préalable à l’administré.
Les parties divergent sur cette question. L’autorité intimée considère, dans le cas d’espèce, que l’intéressée n’avait pas de droit être entendue en application de l’art. 43 let. d LPA, à savoir qu’il y avait péril en la demeure, la suspension de l’autorisation prenant fin le 24 février 2025, subsidiairement de l’art. 43 let. b LPA applicable aux mesures d’exécution. La recourante conteste cette approche considérant que rien n’empêchait l’autorité intimée de l’interpeller, quitte à lui fixer un très bref délai afin qu’elle puisse se prononcer avant la fermeture immédiate de l’intégralité du commerce. Ceci était d’autant plus vrai, qu’elle n’avait prononcé la décision que le 21 février 2025 soit trois jours plus tard. Rien ne justifiait qu’il en aille différemment que pendant la pandémie de covid-19. Elle cite ainsi un cas (ATA/34/2022 du 18 janvier 2022) où bien que la PCTN ait envisagé la fermeture immédiate d’un commerce en raison de faits qualifiés de « graves troubles à la santé publique, dès lors qu’ils favorisaitent activement la circulation du Covid – 19 », l’administration avait interpellé l’administré concerné pour lui permettre d’exercer rapidement son droit d’être entendu au préalable. Ladite autorité avait en tous les cas violé le délai de trois jours imposés par l’art. 15 al. 3 RTGVEAT.
La jurisprudence précitée n’est toutefois d’aucune utilité à la recourante. D’une part, il s’agissait d’appliquer la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22). D’autre part, le droit d’être entendu accordé au commerçant faisait suite au constat d’infraction, antérieur à la décision de fermeture. Appliqué au présent dossier, il n’est pas contesté que la recourante a pu se prononcer avant la décision de suspension de l’autorisation du 22 novembre 2024. La fermeture n’est que la conséquence de ladite suspension
En application de l’art. 18 al. 2 LTGVEAT, le service était ainsi habilité, à défaut d’exécution de l’injonction, de procéder à la fermeture du commerce, s’agissant d’une mesure d’exécution.
Le délai de trois jours de l’art. 15 al. 1 RTGVEAT ne s’applique en conséquence pas. Il aurait en tous les cas été respecté. En effet, l’ordre de retirer de la vente les boissons alcooliques a été prononcé le 22 novembre 2024, voire le 24 janvier 2025 date de la mesure d’exécution. La décision litigieuse du 21 février 2025 n’est dès lors pas intervenue dans le délai précité de trois jours.
En tous les cas et même à considérer que la recourante aurait eu le droit d’être entendue, ou qu’il aurait à tout le moins été nécessaire que la police indique quelle était la position du vendeur au moment de son passage dans les locaux, la violation de celui-ci aurait été réparée. En effet, le renvoi de la présente procédure à l’autorité intimée constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, la recourante ayant eu l’occasion, devant la chambre de céans, de faire valoir ses arguments. Même dans cette hypothèse, la violation du droit d’être entendu a été réparée dans le cadre de la présente procédure de recours.
5. La recourante considère que l’art. 18 al. 2 LTGVEAT n’était pas applicable puisqu’elle avait respecté l’injonction de retirer de la vente la marchandise dépourvue d’autorisation. Elle n’avait pas vendu de boissons alcooliques et n’en avait pas proposé à la vente. Elle avait même caché et scotché les frigidaires et les étagères contenant les boissons, les frigidaires étant même fermés à clé. C’était à tort que l’autorité intimée lui reprochait de n’avoir pas mis toutes les boissons sous clé. La loi n’exigeait que le retrait de la vente, situation assimilable à l’interdiction de vente entre 21 h à 7 h au sens de l’art. 12 LTGVEAT.
Même à supposer que l’obligation qui leur était imposée allait au-delà de la seule interdiction de vente, elle n’en avait pas été informée correctement par la PCTN.
5.1 Selon l’art. 12 al. 1 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de boissons alcooliques à l’emporter sont interdites de 21 h à 7 h, indépendamment des dispositions de la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM - I 1 05) et de LRDBHD. Durant l’interdiction visée à l’al. 1, les boissons alcooliques sont mises sous clé et soustraites à la vue du public. Ces mesures ne s’appliquent pas aux entreprises autorisées au sens de la LRDBHD (12 al. 2 LTGVEAT).
Les points de vente de boissons alcooliques doivent être équipés d'un dispositif permettant de satisfaire à l'obligation visée à l'art. 12 al. 2 1re phr. LTGVEAT. La vente de boissons alcooliques avant la mise en place dudit dispositif est strictement interdite (art. 11 RTGVEAT).
5.2 En l’espèce, la PCTN a précisé qu’elle tolérait, lors de l’application de l’art. 18 al. 1 LTGVEAT, que les boissons alcooliques ne soient pas physiquement retirées mais uniquement mises sous clé et soustraites à la vue du public, ainsi que le prescrit l’art. 12 al. 1 LTGVEAT entre 21 h et 07h00. La PCTN considérait que les boissons alcooliques étaient, ce faisant, retirées de la vente. Il n’était toutefois pas suffisant de soustraire les boissons alcooliques à la vue du public, sans les mettre sous clé, ni de simplement s’abstenir de les vendre, dès lors que l’art. 18 al. LTGVEAT stipulait que les boissons devaient être « retirées » de la vente, ce qui signifiait que les clients ne devaient pas y avoir physiquement accès.
Or, il ressort de la photo prise par la police que la porte du frigo était obscurcie par un papier. Toutefois, la clé se trouvait sur le frigo et permettait ainsi à la clientèle d’avoir accès à la marchandise. Que le frigo ait été verrouillé est indifférent dès lors que le moyen d’ouvrir la porte était accessible au public. La recourante a produit, à titre d’exemple, des photographies prises, après 21 heures, dans une entreprise concurrente, précisant que le dispositif était identique, à l’exception du scotch que la recourante mettait en plus. Il ressort toutefois des photos que la serrure, clairement visible, ne comporte pas la clé à l’intérieur de la serrure, à disposition de la clientèle, contrairement à la photo prise au moment du contrôle de police chez la recourante.
Dans ces conditions, les boissons alcooliques n’étaient pas « retirées de la vente » au sens de la LTGVEAT. Qu’aucune boisson n’ait été vendue durant la période de suspension est sans pertinence, le seul fait qu’elles aient été accessibles au public, en violation de l’art. 18 al. 1 LTGVEAT, étant déterminant. La fermeture du commerce, en application de l’art. 18 al. 2 LTGVEAT, était en conséquence fondée.
6. La recourante se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité.
6.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101)., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/439/2024 du 27 mars 2024 consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4 ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).
6.2 En l’espèce, la fermeture était une mesure apte à assurer l’intérêt public au respect des décisions de justice et à la santé publique, la décision de suspension de l’autorisation étant liée à la vente de boissons alcooliques à des mineurs. La fermeture était nécessaire pour ce faire, aucun moyen moins incisif n’apparaissant suffisant pour obtenir de la titulaire de l’autorisation le strict respect de la décision d’interdiction de vente de boissons alcooliques pendant la période concernée. Elle est proportionnée au sens étroit, les intérêts publics précités primant l’intérêt privé de la recourante à pouvoir continuer son activité commerciale pendant la période litigieuse de trois jours.
Dans ces circonstances, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.
7. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourantes (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare irrecevable le recours interjeté le 24 mars 2025 par B______ SA contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 21 février 2025 ;
déclare recevable le recours interjeté le 24 mars 2025 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 21 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______ et B______ SA ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Barnabas DENES, avocat des recourantes, ainsi qu’à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière :
C. MARINHEIRO
|
| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le |
| la greffière : |