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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3543/2024

ATA/1123/2025 du 14.10.2025 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);SOUS-TRAITANT;OBLIGATION DE CONSTITUER UN DOSSIER;EXCLUSION(EN GENERAL)
Normes : RMP.32; RMP.35.al1; RMP.42
Résumé : Recours d’une entreprise contre l’exclusion d’un marché public au motif qu’elle n’avait pas indiqué l’identité du sous-traitant ni joint à son offre les documents requis concernant ce dernier. Ces obligations résultaient cependant des indications données dans le dossier d’appel d’offres et ses annexes, tout comme des art. 32 al. 1 et 35 al. 1 RMP, ainsi que de la jurisprudence y relative. Ce formalisme répondait aux principes de l’égalité de traitement et de l’intangibilité de l’offre. Il ne pouvait pas être qualifié d’excessif, dans la mesure où le manquement reproché à la recourante portait sur l’entier des éléments concernant le sous-traitant. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3543/2024-MARPU ATA/1123/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 octobre 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Julien PACOT, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______ et Cie SA (ci-après : A______), sise à Carouge, a pour but statutaire : « exploitation d’une entreprise de la construction et du bâtiment, en particulier dans les secteurs de la menuiserie et de la charpente ainsi que des métiers s’y rattachant ; acquisition de participations ou investissements dans des sociétés ou entreprises se rapportant au domaine de la construction ».

b. Le cycle d’orientation de B______ (ci-après : le CO), sis à C______, a fait l’objet de travaux de surélévation portant sur deux de ses bâtiments durant les vacances d’été 2025.

B. a. Le 3 septembre 2024, l’office cantonal des bâtiments (ci-après : OCBA), rattaché au département du territoire (ci-après : le département), a publié, en vue des travaux d’extension du CO, un appel d’offres portant sur la fourniture et la pose des fenêtres extérieures en bois-métal (ci-après : le marché public).

La procédure était ouverte et non soumise aux accords internationaux. Il n’était pas indiqué d’estimation du montant des travaux.

Le point 3.11 du dossier d’appel d’offres admettait la sous-traitance jusqu’à 30% du marché public. Le soumissionnaire devait indiquer sur l’annexe R15+ quels étaient les travaux ou prestations qui seraient sous-traités, ainsi que le nom et l’adresse des sous-traitants et fournisseurs auxquels il entendait recourir. Le sous‑traitant devait répondre aux mêmes exigences et conditions de participation à la procédure, et donc également respecter toutes les conditions de l’appel d’offres et, par la suite, du contrat. Les attestations demandées à l’annexe P2+ devaient être remises avec l’offre.

Dans l’annexe R15+, intitulée « Annonce des sous-traitants », le soumissionnaire devait indiquer la raison sociale du sous-traitant, son adresse, l’activité prévue et la part de sous-traitance sur le marché. Il y était précisé que les attestations demandées dans l’annexe P2+ devaient être fournies pour chaque sous-traitant.

L’annexe P2+, énumérant les attestations requises, indiquait que l’entreprise avait l’obligation de remettre celles-ci dans le même délai que le dépôt de l’offre.

Le point 3.6 de l’appel d’offres prévoyait qu’une fois la recevabilité de l’offre vérifiée, l’adjudicateur procéderait à une vérification plus approfondie et exclurait l’offre notamment si elle n’était pas accompagnée des attestations, preuves et documents de toutes les entreprises exécutantes demandées par l’adjudicateur.

b. Le 7 octobre 2024, A______ a déposé une offre pour le marché public d’un montant de CHF 340'832.45, toutes taxes comprises.

Elle a joint à sa soumission le document intitulé « À l’attention des soumissionnaires », qu’elle a signé, rappelant l’obligation pour les soumissionnaires de remettre toutes les attestations demandées dans le dossier d’appel d’offres, à savoir notamment l’annexe R15+. Ce document précisait aussi que : « Toutes ces attestations doivent également être remises pour les éventuels sous-traitants. Nous attirons expressément l’attention de tous les soumissionnaires sur l’obligation de produire ces attestations et sur les conséquences de leur absence, à savoir une exclusion. Conformément aux principes d’intangibilité des offres et d’égalité de traitement, les offres ne peuvent en aucun cas être complétées après l’échéance du délai de dépôt des offres. ».

A______ a également joint à l’offre l’annexe R15 du guide romand pour les marchés publics, intitulée « Annonce des sous-traitants ». Elle y a mentionné le recours à une sous-traitance pour une part de 10% du marché public. Sous la rubrique « raison sociale du sous-traitant », elle a inscrit « non connu à ce stade, sera transmis en cas d’adjudication ».

c. Par décision du 14 octobre 2024, le département a écarté l’offre de A______ au motif que les attestations de son sous-traitant étaient manquantes selon les annexes P2+ et R15+ du dossier d’appel d’offres.

C. a. Par acte posté le 25 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation ainsi qu’à celle de toute adjudication, et au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle a préalablement requis d’interdire au département de conclure avec tout tiers un contrat portant sur le marché public, subsidiairement de constater l’illicéité d’un tel contrat, ainsi que l’octroi de l’effet suspensif au recours.

Elle ignorait au stade de l’offre quel sous-traitant elle engagerait et il paraissait sensé que cette décision ne soit pas prise en amont d’une adjudication toujours très incertaine.

L’esprit des exigences consacrées à l’art. 35 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) était d’obliger le soumissionnaire à fournir un dossier le plus complet possible. Il devait signaler tous les éléments qui lui étaient connus au moment du dépôt de l’offre. Le but du règlement n’était par contre pas de le contraindre à donner des informations inexactes au sujet des sous-traitants. Parmi ceux-ci, plusieurs n’auraient aucune fonction dans la réalisation de l’ouvrage.

L’obligation de désigner les sous-traitants dans le dossier de soumission était débattue en doctrine. Selon un arrêt du Tribunal fédéral de 2002, le pouvoir adjudicateur devrait être en mesure d’évaluer le sous-traitant seulement lorsque la part du marché concernée revêtait une certaine importance. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, la part du marché concernée étant minime. L’art. 35 al. 8 et 9 RMP prévoyait en outre un système de régularisation propre.

Son manquement n’était pas particulièrement grave et elle aurait aisément pu apporter les justifications nécessaires lors d’une entrevue de clarification avec l’autorité. L’exigence de l’OCBA était donc prématurée et contraire à l’interdiction du formalisme excessif.

b. Par décision du 27 novembre 2024, la chambre administrative a refusé l’octroi de l’effet suspensif.

c. Le département a conclu au rejet du recours.

Aux termes du dossier d’appel d’offres, le soumissionnaire devait mentionner le nom du sous-traitant dans son offre et produire avec celle-ci toutes les attestations requises. La recourante avait manqué à cette obligation, ce qu’elle ne contestait pas. Selon son interprétation de la loi et de la jurisprudence, il suffisait toutefois que les sous-traitants soient annoncés avant le début des travaux. Son grief n’était pas recevable, dans la mesure où elle n’avait pas recouru contre l’appel d’offres, et il était de toute manière infondé. Il résultait en effet du RMP que les offres devaient être accompagnées des attestations requises pour les sous-traitants également. Le droit des marchés publics était formaliste. Les principes d’intangibilité des offres et d’égalité de traitement entre les soumissionnaires interdisaient à l’autorité de permettre à la recourante de compléter son offre, avant ou après l’adjudication.

d. Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions.

L’absence de production d’attestations pour les sous-traitants constituait le motif de la décision d’exclusion du marché public, de sorte que cette exigence devait pouvoir être contestée dans le cadre de la présente procédure. L’autorité n’avait par ailleurs pas pris position sur la jurisprudence et la doctrine citées dans le recours.

e. Le 13 février 2025, le département a informé la chambre administrative qu’une décision d’adjudication du marché public avait été rendue par l’OCBA.

f. Par écriture du 25 février 2025, la recourante a conclu au constat de l’illicéité du contrat conclu entre l’OCBA et l’adjudicataire, ainsi qu’à la condamnation du département à lui verser CHF 20'266.05 avec intérêts à 5% l’an dès le 25 février 2025 au titre de dommages-intérêts.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 – L - AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 RMP).

La recourante a conservé un intérêt actuel au recours nonobstant l’adjudication du marché public, car elle peut encore prétendre à une constatation d'illicéité de la décision pour agir en dommages-intérêts (art. 18 al. 2 AIMP ; art. 3 al. 3 L-AIMP ; ATF 137 II 313 consid. 1.2.2).

2.             La recourante conteste la conformité au droit de la décision de l’intimé de l’exclure du marché public.

2.1 Le RMP régit la passation des marchés publics en application de l’AIMP (art. 1 RMP).

Aux termes de l’art. 32 al. 1 RMP, ne sont prises en considération que les offres accompagnées, pour le soumissionnaire et ses sous-traitants, des documents suivants : (a) attestations justifiant que la couverture du personnel en matière d'assurances sociales est assurée conformément à la législation en vigueur au siège du soumissionnaire et que ce dernier est à jour avec le paiement de ses cotisations ; (b) attestation certifiant pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois : (1) soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève ; (2) soit qu’il a signé, auprès de l’office cantonal, un engagement à respecter les usages en vigueur à Genève qui lui sont applicables, notamment en ce qui concerne les salaires minimaux, la couverture du personnel en matière de retraite, y compris retraite anticipée, de perte de gain en cas de maladie, d’assurance-accidents et d’allocations familiales, ainsi que la contribution professionnelle ; (c) attestation de l’autorité fiscale compétente justifiant que le soumissionnaire s’est acquitté de ses obligations en matière d’impôt à la source retenu sur les salaires de son personnel ou qu'il n'a pas de personnel soumis à cet impôt ; (d) déclaration du soumissionnaire s’engageant à respecter le principe de l’égalité entre femmes et hommes.

Il ressort du texte de l'art. 32 al. 1 RMP (« offres accompagnées […] des documents suivants ») que les différentes attestations doivent être remises au moment du dépôt de l’offre au pouvoir adjudicateur (ATA/175/2025 du 18 février 2025 consid. 2.5 ; ATA/1090/2024 du 17 septembre 2024 consid. 3.3).

L’art. 35 RMP, relatif à la sous-traitance, prévoit que les soumissionnaires doivent indiquer, lors de la remise de leur offre, le type et la part des prestations qui sont appelées à être sous-traitées, ainsi que le nom et le domicile ou le siège de leurs sous-traitants (al. 1). Au surplus, pour les marchés de construction, l'adjudicataire doit annoncer à l’autorité adjudicatrice tout sous-traitant participant à l’exécution de la prestation, durant toute la durée d’exécution du contrat. L’annonce doit être faite avant le début prévu des travaux sous-traités ; elle doit indiquer, outre les éléments visés à l’al. 1, le lieu de la prestation et le début prévu des travaux sous-traités (al. 7). En cas de violation de l’obligation d’annonce, l’autorité adjudicatrice ordonne au sous-traitant de suspendre immédiatement ses travaux et le contraint à quitter le lieu de la prestation. À titre exceptionnel, sur requête de l’autorité adjudicatrice, le Conseil d’État peut renoncer à la mesure, notamment lorsque l’arrêt des travaux est de nature à compromettre un intérêt public prépondérant (al. 8). La suspension des travaux dure jusqu’à ce que l’adjudicataire ait fait l’annonce du sous-traitant prévu à l’al. 1 et que les organes de contrôle des conditions de travail aient pu établir que le sous-traitant respecte les prescriptions en la matière (al. 9).

L’art. 37 al. 1 RMP in initio prescrit que les offres soient rendues selon la forme requise.

Aux termes de l’art. 42 RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (al. 1 let. a). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend une décision d’exclusion motivée, notifiée par courrier à l’intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3).

2.2 L’art. 16 RMP interdit toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l'imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (al. 1). Le principe de l'égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (al. 2).

Les principes d’égalité de traitement et de transparence valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation. Ils imposent ainsi de n'apprécier les offres que sur la base du dossier remis, un soumissionnaire n'étant pas habilité à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents après l'échéance du délai, ce qui découle de l'art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l'entité adjudicatrice et les soumissionnaires (ATA/951/2025 du 2 septembre 2025 consid. 4.8 ; ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2).

Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises, notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/951/2025 précité consid. 4.8 ; ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 3.2).

En matière d'attestations à produire, l'autorité adjudicatrice peut attendre du soumissionnaire qu'il présente les documents requis, rédigés d'une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, si celui-ci remplit les conditions d'aptitude ou d'offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/1090/2024 du 17 septembre 2024 consid. 3.6 ; ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 6). Il a en particulier été jugé par la chambre de céans que la non-production des attestations requises concernant les sous-traitants dans les documents d’appel d’offres au moment du dépôt de l’offre entraîne l’exclusion du soumissionnaire (ATA/134/2025 du 4 février 2025 consid. 4.6 ; ATA/1273/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4).

2.3 Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 149 IV 9 consid. 7.2 ; 145 I 201 consid.  4.2.1). Il est conforme au but et à la nature de la procédure de marchés publics que la violation de certaines exigences de formes par un soumissionnaire puisse entraîner son exclusion du marché. En application du principe d'intangibilité des offres, qui impose d'apprécier celles-ci sur la seule base du dossier remis, une exclusion ne devrait intervenir que si le vice apparaît intrinsèquement grave ou si sa gravité découle du non-respect de conditions essentielles fixées dans l'avis d'appel d'offres ou dans la documentation y relative (arrêts du Tribunal fédéral 2C_667/2018 du 7 mai 2019 consid. 4.1 ; 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1 et 6.3 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4).

2.4 En l’espèce, le dossier d’appel d’offres exigeait du soumissionnaire qu’il indique les travaux ou prestations sous-traités ainsi que le nom et l’adresse des sous‑traitants, et qu’il fournisse les attestations requises dans l’annexe P2+ pour chacun d’eux. Cette obligation était rappelée dans l’annexe R15+ concernant l’identité des sous-traitants, ainsi que dans le document intitulé « À l’attention des soumissionnaires » signé par la recourante. Le dossier d’appel d’offres et le document précité précisaient que l’absence des documents requis entrainerait l’exclusion du soumissionnaire du marché public.

Ces obligations relatives à l’annonce des sous-traitants et la production des documents requis les concernant résultent également des art. 32 al. 1 et 35 al. 1 RMP, ainsi que de la jurisprudence y afférente. La recourante se prévaut vainement de la procédure d’annonce des sous-traitants pour les marchés de construction prévue aux art. 38 al. 7 à 9 RMP, applicable durant la phase – ultérieure – d’exécution du contrat. L’art. 35 al. 7 RMP in fine prévoit par ailleurs la transmission d’informations plus complètes que celles mentionnées à l’al. 1.

En n’indiquant pas l’identité de son sous-traitant et en ne joignant aucune des attestations requises relatives à ce dernier, la recourante a contrevenu aux conditions de l’appel d’offres, ce qu’elle ne conteste pas, ainsi qu’aux dispositions précitées.

La décision de l’intimé est conforme à la jurisprudence selon laquelle une offre à laquelle ne sont pas jointes les attestations requises concernant les sous-traitants conduit à l’exclusion du soumissionnaire sur la base de l’art. 42 al. 1 let. a RMP. Le formalisme de la décision querellée répond en outre aux principes de l’égalité de traitement et de l’intangibilité de l’offre, excluant en principe de permettre au soumissionnaire de compléter son offre après l’échéance du délai.

Ce formalisme ne peut pas être qualifié d’excessif, dans la mesure où le manquement reproché à la recourante porte sur l’entier des éléments concernant le sous-traitant, l’offre ne comportant aucune information ni attestation à son sujet. Contrairement à l’opinion de la recourante, son manquement revêt une certaine gravité puisqu’il concerne l’entier de la sous-traitance et que celle-ci porte sur une part du marché qui est certes modeste, mais qui ne peut pas être qualifiée de minime. Ce manquement aurait donc empêché l’intimé, s’il était entré en matière sur l’offre, d’examiner l’engagement du sous-traitant, amené à réaliser 10% des travaux du marché public, à respecter les normes visées à l’art. 32 al. 1 RMP, ainsi que son aptitude à réaliser les travaux concernés (cf. art. 33 et 35 al. 2 RMP). La gravité du manquement découle aussi du non-respect de conditions énoncées comme essentielles dans le cadre de l’appel d’offres, dont le dossier met en évidence en plusieurs endroits les obligations concernées ainsi que les conséquences de leur irrespect.

Dans l’arrêt 2P.146/2001 dont se prévaut la recourante, qui concerne l’annulation d’une adjudication, le Tribunal fédéral n’a pas tranché la question de savoir si une offre doit d’emblée être écartée au motif qu’elle ne désigne pas les sous-traitants (consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a néanmoins ultérieurement jugé qu’une application stricte de l’art. 42 al. 1 let. a RMP pouvait conduire à une solution sévère, mais qui ne viole pas l’interdiction du formalisme excessif. Cette garantie constitutionnelle n’oblige, en effet, pas le pouvoir adjudicateur à interpeller un soumissionnaire en présence d’une offre défaillante. Dans le cas tranché, les conditions du marché indiquaient clairement que les offres incomplètes seraient écartées de la procédure et les défaillances constatées avaient pour conséquence que le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas se prononcer sur une condition d’aptitude essentielle prévue dans la loi cantonale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

Au vu de ce qui précède, la décision de l’intimé d’exclure du marché public la recourante est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'300.-, tenant compte de la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 octobre 2024 par A______ contre la décision du département du territoire du 14 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien PACOT, avocat de la recourante, au département du territoire ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :