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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3881/2023

ATA/1067/2025 du 30.09.2025 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3881/2023-TAXE ATA/1067/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 septembre 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

 

SERVICE DE LA TAXE D’EXEMPTION ET DE L’OBLIGATION DE SERVIR

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimés



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1982, a été naturalisé le 3 novembre 2015.

b. Par décision de taxation de l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC‑GE), service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci‑après : STEO), du 1er septembre 2023, il a été assujetti à la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci‑après : TEO) pour l’année 2019. Le montant dû, calculé sur un revenu de CHF 152'200.-, a été fixé à CHF 4'566.-.

c. Il a formé réclamation contre cette décision le 19 septembre 2023.

Son assujettissement violait le principe de non-rétroactivité des lois.

Il violait également à plusieurs égards le principe de non-discrimination. Premièrement, les personnes incorporées et celles astreintes au service civil n'ayant, lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, pas terminé leurs jours de service, n'avaient, « de connaissance publique », pas été rappelée afin d'effectuer les jours manquants, au contraire des personnes n'ayant pas payé onze TEO. Deuxièmement, les personnes naturalisées après l'âge de 25 ans ne disposaient pas de réelle possibilité d'accomplir un service militaire ou civil personnel en lieu et place du paiement de la taxe, ce qui avait été considéré discriminatoire par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) dans ses arrêts GLOR (ACEDH GLOR c. Suisse du 30 avril 2009, req. n° 13444/04 [ci-après : ACEDH GLOR]) et RYSER (ACEDH RYSER c. Suisse du 12 janvier 2021, req. n° 23040/13 [ci-après : ACEDH RYSER]) ; il pouvait du reste difficilement être attendu des personnes âgées de plus de 30 ans qu'elles accomplissent avant 37 ans l'ensemble de leurs obligations militaires sous forme de prestation personnelle. Troisièmement, la taxe d'exemption, fixée à 3% du revenu, frappait plus durement les personnes âgées de plus de 30 ans dans la mesure où celles-ci réalisaient usuellement un revenu plus élevé que des personnes plus jeunes, notamment des étudiants.

d. Le 23 octobre 2023, le STEO a rejeté la réclamation.

La nouvelle loi fédérale sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661), entrée en vigueur le 1er janvier 2019, s'appliquait également selon la jurisprudence aux citoyens naturalisés. Comme sous l'empire de l'aLTEO, les personnes assujetties qui n'étaient ni incorporées dans une formation de l'armée ni astreintes au service civil devaient acquitter onze TEO, seule la répartition dans le temps (entre 19 et 37 ans contre 20 à 30 ans sous l'empire de l'aLTEO) différant. Âgé de 37 ans en 2019, A______ était soumis à la TEO pour cette année d'assujettissement.

B. a. Par acte adressé le 22 novembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre cette décision sur réclamation, concluant à son annulation.

L'application de la LTEO dans sa teneur entrée en vigueur le 1er janvier 2019 à sa situation violait le principe de la non-rétroactivité des lois.

En l'absence de possibilité réaliste d'accomplir ses obligations militaires sous forme de prestations personnelles, l'assujettissement à la TEO constituait une inégalité de traitement par rapport aux personnes ayant bénéficié de cette possibilité ainsi qu'une discrimination à l'encontre des citoyens naturalisés ou ayant résidé à l'étranger. Était de même constitutif d'une inégalité de traitement le fait que les personnes n'ayant pas intégralement accompli leurs jours de service militaire ou civil lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en aient été libérés, au contraire de ceux, comme lui, qui ne s'étaient pas encore acquittés de onze TEO.

b. Dans ses observations du 9 janvier 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Selon la jurisprudence, l'application au recourant de la LTEO dans sa teneur entrée en vigueur au 1er janvier 2019 pour l'année d'assujettissement 2019 ne constituait pas une application rétroactive de la loi. Naturalisé en 2015, il était soumis à l'obligation de servir, et donc à celle de payer la taxe en cas de non accomplissement personnel du service militaire ou civil, jusqu'à l'année de ses 37 ans. Le fait qu'il ait déjà dépassé l'âge du recrutement au moment de sa naturalisation n'y changeait rien, étant relevé qu'il aurait pu demander d'accomplir le service militaire mais ne l'avait pas fait. La nouvelle LTEO n'avait pas créé de nouvelles obligations mais avait uniquement réparti celles déjà existantes, soit le paiement de onze TEO, sur une période plus grande pour l'adapter aux possibilités plus flexibles d'accomplissement du service militaire.

c. Répliquant le 8 février 2024, A______ a relevé qu'il avait atteint l'âge limite de 37 ans en 2019 alors qu'il ne lui était plus possible de demander d'effectuer un service militaire, la pratique de l'armée étant alors plus restrictive. Contrairement à ce que soutenait l'AFC-GE, l'application de la LTEO dans sa nouvelle teneur avait bien pour effet de lui imposer de nouvelles obligations.

d. Par lettre du 9 février 2024, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

e. Dans ses observations du 23 avril 2024, l'administration fédérale des contributions (ci-après : l'AFC-CH) a conclu au rejet du recours.

L'application de la LTEO dans sa nouvelle teneur au recourant ne constituait pas un cas de rétroactivité, comme l'avait confirmé à de nombreuses reprises le Tribunal fédéral. Par ailleurs, et selon la jurisprudence, une personne ne pouvait se plaindre de discrimination au sens des ACEDH GLOR et RYSER que s'il avait effectué, d'un point de vue individuel, toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d'un recrutement ultérieur tel que prévu par l'art. 12 de l’ordonnance sur les obligations militaires du 22 novembre 2017 (OMi - RS 512.21), ce qui, vérification faite auprès du commandement du recrutement, n'était pas le cas du recourant.

f. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger par courrier du 31 mai 2024.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ; art. 31 al. 1 LTEO ; art. 34 al. 1 et 37 al. 1 de l’ordonnance sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 30 août 1995 - OTEO - RS 661.1 ; art. 2 de la loi d’application des dispositions fédérales sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 14 janvier 1961 - LaTE - G 1 05).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision prononçant l'assujettissement du recourant à la TEO pour 2019.

2.1 L’art. 59 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prévoit que tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement (al. 1). Tout homme de nationalité suisse qui n’accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s’acquitte d’une taxe. Celle-ci est perçue par la Confédération et fixée et levée par les cantons (al. 2). Cette taxe est régie par le droit fédéral, en particulier par la LTEO et l’OTEO. De jurisprudence constante, cette taxe qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l’obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_94/2023 du 29 janvier 2024 consid. 5.1 ; 9C_648/2022 du 9 janvier 2024, destiné à la publication, consid. 3.1).

2.2 Selon l’art. 1 LTEO, les citoyens suisses qui n’accomplissent pas ou n’accomplissent qu’en partie leur obligation de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire. Cette taxe est fixée chaque année en application de l’art. 25 al. 1 LTEO.

Aux termes de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l’étranger et qui, au cours d’une année civile (année d’assujettissement), ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l’armée ni astreints au service civil.

L’art. 3 aLTEO, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 (RO 2010 6032), prévoyait que l’assujettissement à la taxe commençait au début de l’année en cours de laquelle la personne astreinte atteignait l’âge de 20 ans (al. 1). Il se terminait pour les personnes qui n’étaient pas incorporées dans une formation de l’armée et qui n’étaient pas astreintes au service civil, à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignaient l’âge de 30 ans (al. 2 let. a).

L’art. 3 LTEO, dans sa version entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2019, prévoit que l’assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l’année au cours de laquelle l’homme astreint atteint l’âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 37 ans (al. 1). Pour les assujettis visés à l’art. 2 al. 1 let. a qui n’effectuent pas de service de protection civile, l’assujettissement à la taxe commence l’année qui suit le recrutement. Il dure onze ans (al. 2).

3.             Dans un premier grief de fond, le recourant se plaint d'une violation du principe de la non-rétroactivité des lois. Naturalisé en 2015 dans sa 33e année, ses droits acquis, soit la fin de ses obligations militaires quelles qu'elles soient, devaient être protégés.

3.1 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l’interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n’est possible qu’à des conditions strictes, soit en présence d’une base légale suffisamment claire, d’un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées).

Il n’y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend règlementer un état de chose qui, bien qu’ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les arrêts cités).

En ce qui concerne les normes juridiques qui font dépendre la survenance de la conséquence juridique de plusieurs éléments de fait (état de fait dit composite), le Tribunal fédéral a jugé qu’il est déterminant de savoir sous l’empire de quelle norme l’ensemble des faits s’est produit de manière prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.2 et les arrêts cités).

À l’occasion de la modification de la LTEO du 16 mars 2018, le Parlement n’a adopté aucune disposition transitoire spécifique relative à l’art. 3 LTEO (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.2). Partant, en l’absence d’une disposition transitoire explicite ou qui pourrait se déduire d’une interprétation du texte légal, il convient de se référer aux principes généraux relatifs du droit intertemporel qui viennent d’être rappelés (ATF 148 V 70 consid. 5.3).

3.2 Dans l’ATF 150 I 144 du 9 janvier 2024, le Tribunal fédéral a rappelé qu'en matière de prélèvement de la LTEO, la taxe d'exemption de servir ne présentait pas les caractéristiques d'un état de fait durable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 5.2). En effet, les éléments de base déterminants servant de fondement à la taxe d'exemption de servir étaient : l'incorporation (ou non) dans une formation de l'armée, la soumission (ou non) à l'obligation de servir dans le civil et l'accomplissement (ou non) du service militaire ou civil pendant l'année d'exemption (art. 2 al. 1 LTEO), puis, selon l'art. 3 al. 1 LTEO, l'âge de la personne astreinte à la taxe pendant l'année d'assujettissement et enfin la date du début de l'assujettissement à la taxe selon les art. 3 al. 2, 3, 4 et 5 LTEO. À l'exception du début de l'obligation de remplacement consistant en le paiement d'une taxe, les autres éléments s'apparentaient à des faits et des situations qui se produisaient ou existaient durant l'année d'assujettissement et qui étaient limités dans le temps par celle-ci. La circonstance que les faits pertinents existaient encore à la fin de l'année d'assujettissement n’était pas déterminante, pas plus que les faits qui ne se produisaient qu'après la fin de celle‑ci. Le Tribunal fédéral a ensuite considéré que le fait de soumettre un citoyen naturalisé suisse en 2017 à l'obligation de payer la TEO en 2019, en vertu de la nouvelle loi, ne constituait pas une application rétroactive de celle-ci. En effet, l'assujetti en question avait été soumis à la TEO pour l'année d'assujettissement 2019, sur la base des éléments de fait survenus cette année-là et en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier 2019 (ATF 150 I 144 précité, consid. 7).

Dans un arrêt rendu le 25 janvier 2024, le Tribunal fédéral a abouti à la même conclusion dans un cas très similaire à celui du recourant puisqu'il concernait une personne naturalisée en 2017 à l'âge de 33 ans, et donc âgé de 35 ans au cours de l'année d'assujettissement litigieuse, soit 2019 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_707/2022 du 29 janvier 2024 consid. 5.1).

3.3 Il en va en l’occurrence de même pour le recourant. En effet, l'application de la nouvelle LTEO dès l'année 2019 et son assujettissement à la TEO qui en découle pour cette année-là ne constituent pas une application rétroactive de la loi. À l'instar de ce qui a été jugé dans les affaires ATF 150 I 144 et 9C_707/2022 précitées, les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO pour l'année 2019 se sont produits ou existaient cette année-là, soit sous l'empire de la nouvelle loi : le recourant, alors âgé de 37 ans, n'était ni incorporé dans une formation de l'armée, ni soumis à l'obligation de servir dans le civil, ni n'accomplissait du service militaire ou civil (art. 2 al. 1 let. a et 3 LTEO). Le fait que, sous l'ancien droit, il ne pouvait être assujetti lors sa naturalisation en 2015 parce qu'il avait déjà atteint l'âge de 30 ans, et qu'il a été soumis à nouveau, en vertu du nouveau droit, à l'obligation de payer la taxe d'exemption de servir ne constitue pas une application rétroactive de la loi (Louise BONADIO, Taxe militaire: les effets et les doutes autour de la loi sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir, in Novità fiscali 7/2021 375, p. 377). L'élévation de la limite d'âge de 30 ans à l'âge de 37 ans se rapporte à l'âge actuel de la personne concernée dans l'année considérée, de sorte qu'il n'y a pas de rétroactivité à cet égard. C’est ainsi en vain que le recourant se prévaut d'un prétendu droit acquis en relation avec son non assujettissement à la taxe au moment de sa naturalisation. Le grief tiré de la non-rétroactivité des lois doit partant être rejeté.

4.             Dans un deuxième grief, le recourant se plaint d'une violation du principe de l'égalité de traitement, respectivement, sous l'angle des art. 8 Cst. et 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), d'une discrimination quant à l'origine, l'âge ou le sexe. Contrairement aux personnes ayant pu accomplir un service militaire ou civil personnel, il n'avait en effet, compte tenu de son âge lors de sa naturalisation, jamais eu cette possibilité.

4.1 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

4.2 Selon l’art. 9 de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire du 3 février 1995 (LAAM - RS 510.10), les conscrits participent au recrutement. Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions pour les cas manifestes d’inaptitude au service (al. 1). Les conscrits passent le recrutement au plus tôt au début de leur 19année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans (al. 2). Le Conseil fédéral peut prévoir un recrutement ultérieur si les services d’instruction obligatoires (art. 42) peuvent encore être accomplis dans les limites d’âge visées à l’art 13. Le recrutement ultérieur est soumis au consentement des personnes concernées (al. 3 ; art. 49 al. 3 LAAM).

Selon l’art. 13 al. 1 let. a LAAM, l’obligation de servir dans l’armée s’éteint pour les militaires de la troupe et les sous-officiers à la fin de la douzième année après l’achèvement de l’école de recrues. L’école de recrues commence au plus tôt trois mois et au plus tard douze mois après le recrutement. Le commandement de l’Instruction peut exceptionnellement prolonger ce délai si les besoins de l’armée l’exigent (art. 56 al. 1 OMi).

L’art. 9 al. 3 LAAM est concrétisé par l’art. 12 OMi, selon lequel les conscrits sont convoqués au recrutement au plus tard dans l’année où ils atteignent l’âge de 24 ans (al. 1). À leur demande, le commandement de l’Instruction peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suisses qui n’ont pas été convoqués au recrutement jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 24 ans ou qui n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l’art. 9 al. 3 de la LAAM soient remplies et que le besoin de l’armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu’une seule fois (al. 2).

4.3 Dans l’ATF 150 I 144 précité, le Tribunal fédéral a examiné la question de savoir si un citoyen suisse, naturalisé en 2017 à l’âge de 29 ans et n’ayant pas effectué de recrutement ultérieur, était encore soumis aux art. 2, 3 et 8 LTEO, en particulier à l’art. 2 al. 1 let. a LTEO. Il a retenu que tel était le cas en l’occurrence, puisque le texte clair de cette disposition ne distinguait pas les situations qui avaient conduit à l’absence d’incorporation dans une formation de l’armée ou d’astreinte au service civil pendant plus de six mois (ATF 150 I 144 consid. 8.1). Le motif pour lequel la TEO devait être payée n’était ainsi pas déterminant (consid. 8.1). Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 9C_707/2022 du 25 janvier 2024 précité, lequel concerne, comme déjà relevé, un cas très similaire à celui du recourant.

4.4 L’art. 8 par. 1 CEDH garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, c'est-à-dire le droit de toute personne de disposer librement de sa personne et de son mode de vie, le droit d'établir des rapports avec d'autres êtres humains et avec le monde extérieur en général ou le droit d'entretenir librement ses relations familiales et de mener une vie de famille. Le droit au respect de la vie privée protège notamment l'intégrité physique et morale, l'identité, le respect de la sphère intime et secrète (en particulier le domicile), l'honneur et la réputation d'une personne, ainsi que ses relations avec les autres. Le droit au respect de la vie familiale protège la personne contre les atteintes que pourrait lui porter l'État et qui auraient pour but ou pour effet de séparer la famille ou, au contraire, de la contraindre à vivre ensemble, ou encore d'intervenir d'une manière ou d'une autre dans la relation familiale, notamment dans les rapports entre les parents et leurs enfants. En d'autres mots, le droit au respect de la vie privée et familiale garantit à l'individu un espace de liberté dans lequel il peut se développer et se réaliser (ATF 139 I 257 consid. 5.2.1 ; 139 I 155 consid. 4.1 ; 133 I 58 consid. 6.1).

En vertu de l'art. 14 CEDH, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. D'après la jurisprudence constante de la CourEDH, l'art. 14 CEDH complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu'elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s'appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l'empire de l'une au moins desdites clauses (ACEDH GLOR , par. 45 ; ATF 139 I 257 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2012 du 23 novembre 2012 consid. 2.3 ; 9C_521/2008 du 5 octobre 2009 consid. 4.2).

En relation avec les art. 8 et 14 CEDH, la CourEDH a, dans l'ACEDH GLOR, notamment jugé que, à la lumière du but et des effets de la taxe litigieuse, la différence opérée par les autorités suisses entre les personnes inaptes au service exemptées de ladite taxe et celles qui étaient néanmoins obligées de la verser, était discriminatoire et violait l'art. 14 CEDH avec l'art. 8 CEDH (ACEDH GLOR, par. 97 s.; aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.1 et les références). Aux yeux de la CourEDH, le fait que le contribuable avait toujours affirmé être disposé à accomplir son service militaire, mais qu'il avait été déclaré inapte audit service par les autorités militaires compétentes, était en l'occurrence essentiel (ACEDH GLOR, par. 94; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2016 précité consid. 6.1 et les références). Selon la CourEDH, la discrimination résidait en particulier dans le fait que, contrairement à d'autres personnes qui souffraient d'un handicap plus grave, l'intéressé n'avait pas été exempté de la taxe litigieuse – son handicap n'étant pas assez important – et que, alors qu'il avait clairement exprimé sa volonté de servir, aucune possibilité alternative de service ne lui avait été proposée. À ce sujet, la CourEDH a notamment souligné « l'absence, dans la législation suisse, de formes de service adaptées aux personnes se trouvant dans la situation du requérant » (ACEDH GLOR, par. 96 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2016 précité consid. 6.1 et les références citées).

Dans sa jurisprudence postérieure aux ACEDH GLOR et RYSER, le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises qu'il n'était pas possible pour un intéressé de se prévaloir d’une violation des art. 8 et 14 CEDH, en lien avec l'ACEDH GLOR, dans l'hypothèse où celui-ci ne s'était pas montré actif pour effectuer un service militaire ou un service civil (ATF150 I 144 précité, consid. 8.2.2 et arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_707/2022 précité consid. 5.2).

4.5 Il n’est pas contesté en l'occurrence que le recourant, naturalisé suisse en 2015 à l'âge de 33 ans, n’a jamais fait de demande de recrutement ultérieur selon l’art. 12 al. 2 OMi. Il se trouve ainsi dans la même situation que celle à l’origine de l’ATF 150 I 144 et de l’arrêt 9C_707/2022 précités. Il convient donc d’appliquer cette jurisprudence et de retenir que le citoyen, naturalisé suisse après l’âge jusqu’auquel un recrutement « ordinaire » est possible et n’ayant pas effectué de demande de recrutement ultérieur, doit être considéré de la même manière que n'importe quel autre « homme astreint au service domicilié en Suisse, qui n’était pas, pendant plus de six mois, ni incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil » au sens de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO. Seul est déterminant à cet égard le fait que le citoyen n’ait pas été incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil durant la période litigieuse, le motif de l’absence d’incorporation n’ayant en revanche aucune incidence sur l’assujettissement à la taxe. N’est pas non plus pertinent le fait qu’il n’avait jamais été « contacté » par les autorités militaires. Les dispositions précitées prévoient en effet clairement qu’il appartient au citoyen, du point de vue individuel, d’effectuer toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d’effectuer un tel recrutement ultérieur. Le recourant ne peut donc se prévaloir d'une prétendue absence d'alternative au paiement de la taxe pour se plaindre d'une inégalité de traitement.

Il ne peut non plus se prévaloir d’une discrimination des personnes naturalisées après l’âge jusqu’auquel un recrutement « ordinaire » est possible. Il n’est en effet pas contesté que le recourant n’a jamais effectué les démarches qui lui auraient permis, le cas échéant, d’accomplir un service militaire ou un service civil personnel. Partant, et conformément à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, rappelée à plusieurs reprises à la suite de l’ACEDH GLOR, le recourant n'a pas effectué, du point de vue individuel, toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d'effectuer un recrutement ultérieur, de sorte qu'il ne peut pas se plaindre d'une discrimination fondée sur les art. 8 et 14 CEDH en relation avec l'ACEDH GLOR. Le fait que la possibilité d’effectuer un service miliaire suite à une demande fondée sur l’art. 12 OMi est liée aux besoins de l’armée ne change rien au fait qu’une telle possibilité a été prévue par le législateur et que le recourant n’a pas essayé de la mettre en œuvre.

5.             Il n'est pour le surplus nullement établi que des personnes astreintes au service et n'ayant pas accompli l'ensemble de leurs obligations militaires au 31 décembre 2018, que ce soit sous la forme d'un service militaire ou civil personnel ou celle du paiement d'une taxe, en aient été libérées à l'occasion de l'entrée en vigueur de la nouvelle LTEO au 1er janvier 2019. Il n'y a donc pas lieu d'examiner si une telle situation serait susceptible de constituer une inégalité de traitement en défaveur du recourant.

La décision de taxation 2019 est en conséquence conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA et 31 al. 2 et 2bis LTEO).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 23 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ un émolument de CHF 200.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Michèle PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :