Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1047/2025 du 25.09.2025 ( PRISON ) , SANS OBJET
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/1206/2025-PRISON ATA/1047/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 25 septembre 2025 2ème section | 
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dans la cause
A______ recourant
 représenté par Me Cédric KURTH, avocat
contre
PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée
 
A. a. A______ a été détenu à la prison de Champ-Dollon du 27 septembre 2024 au 22 avril 2025 en exécution anticipée de peine.
b. En date du 6 février 2025. A______ a fait l'objet d'un placement en cellule forte d'une durée d'un jour pour avoir fumé dans une cellule d'attente, alors qu'il n'était pas autorisé à le faire. Cette sanction a été jugée disproportionnée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), car le recourant avait reconnu les faits et n'avait pas mis en danger l'intégrité physique des agents (ATA/940/2025 du 28 août 2025).
B. a. Selon le rapport d'incident du 5 mars 2025, deux détenus, dont A______ s'étaient battus entre le vestiaire cuisine et les toilettes des gardiens. Le même jour, à 12h40, le gardien principal adjoint était intervenu et avait placé A______ en cellule forte à 15h19. Lors de la fouille effectuée sur A______, deux sachets contenant 4 g de tranxilium, ainsi qu'un pot de verre de sauce piquante avaient été trouvés. Le pot en verre aurait été confié par les gardiens le matin, cependant, ledit pot ne devait pas quitter la cuisine de l'établissement.
b. À 16h50 A______ a été entendu par le gardien-chef. Il a admis avoir donné des coups à un autre codétenu. Il ne faisait toutefois que répliquer aux coups que celui-ci lui avait portés. Il ne contestait pas la possession d'objets dangereux.
c. Par décision du même jour notifiée à 18h30, la direction de la prison de Champ‑Dollon a prononcé à l'encontre d'A______ un placement en cellule forte pour une durée de deux jours pour violences physiques et troubles à l'ordre de l'établissement. La sanction a été exécutée du 5 mars 2025 à 12h55 jusqu'au 7 mars 2025 à 12h55.
C. a. Par acte déposé à la poste le 4 avril 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation, à l'octroi de l'assistance juridique et au prononcé d'une sanction disciplinaire moins sévère. Préalablement, les extraits des caméras de surveillance de l'établissement devaient être produits.
Il avait toujours d'un intérêt actuel à recourir, étant donné que cette situation pourrait se reproduire en tout temps dans des circonstances semblables.
La sanction était disproportionnée. L'autorité disposait d'un large pouvoir d'appréciation ainsi que de plusieurs mesures alternatives moins incisives, qu'elle aurait pu prononcer. Par automatisme, l'autorité avait appliqué la sanction la plus sévère, ce qui violait le principe de proportionnalité.
b. Le 6 mai 2025, l'autorité intimée a conclu au rejet du recours.
Le recourant avait été incarcéré à Champ-Dollon jusqu'au 22 avril 2025. Les caméras de vidéosurveillance indiquaient clairement qu’il avait donné un coup à son codétenu. Elle n'avait pas violé le droit d'être entendu du recourant, car celui‑ci avait pu se déterminer lors de son audition. La sanction était proportionnée, car il était tenu compte du fait que le recourant avait déjà été sanctionné en date du 6 février 2025 pour troubles à l'ordre de l'établissement. De plus, la durée de la sanction se trouvait éloignée de la durée maximale prévue par le RRIP.
Elle produisait les images de vidéosurveillance.
c. Le recourant n'a pas usé de son droit à la réplique dans le délai imparti.
d. Le 12 juin 2025, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.
e. Il ressort des images produites par l’intimée que, dans le vestiaire, une personne de grande taille vêtue de jaune (le recourant) referme son casier et entre dans une pièce adjacente après avoir échangé quelques mots avec une personne plus petite vêtue de noir. Cette personne la suit et reste un instant dans l’embrasure de la porte, puis l’empoigne et échange des coups avec le recourant, les deux protagonistes revenant dans le vestiaire pendant qu’ils se battent. On voit le recourant asséner des coups à l’autre détenu. Deux détenus essaient de les séparer, puis un gardien arrive. Un troisième détenu se joint aux deux premiers pour essayer de séparer les protagonistes. Le gardien revient et extrait le plus petit des protagonistes initiaux de ce qui est devenu une rixe. Un second gardien arrive et emmène un autre protagoniste. Des agents de détention interviennent ensuite en nombre. Sur les bodycams, on voit le recourant ramené en cellule et fouillé.
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA - E 5 10).
2. À teneur du dossier, le recourant n'est plus en détention pénale depuis le 22 avril 2025, ce qui pose la question de son intérêt actuel au recours.
2.1 Aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).
2.2 Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4).
2.3 Il est exceptionnellement renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1) ou lorsqu’une décision n’est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3).
2.4 La jurisprudence a admis que l’autorité de recours doit entrer en matière même s’il n’existe plus d’intérêt actuel et pratique au recours lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1028/2021 du 16 novembre 2022 consid. 1.2 ; ATA/460/2023 du 2 mai 2023 consid. 3.2).
2.5 En l’espèce, le recourant n'est plus en détention pénale depuis le 22 avril 2025. Il ne fait par ailleurs valoir aucun grief de violation de ses droits de rang conventionnel. En application de la jurisprudence constante de la chambre de céans, il n’y a dès lors aucune raison de passer outre l’exigence de l’intérêt actuel (ATA/1504/2024 du 30 décembre 2024 consid. 2.5 ; ATA/765/2023 du 13 juillet 2023 ; ATA/672/2023 du 21 juin 2023).
Vu ce qui précède, le recours a perdu son objet en cours de procédure, ce qu’il y a lieu de constater, et la cause devra être rayée du rôle.
3. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
dit que le recours interjeté le 4 avril 2024 par A______ contre la décision de sanction de la sanction de la prison de Champ-Dollon du 5 mars 2025 est devenu sans objet ;
raye la cause du rôle ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Cédric KURTH, avocat du recourant, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière : 
 
 A.-S. SUDAN PEREIRA 
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 | le président siégeant : 
 
 J.-M. VERNIORY | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
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 Genève, le 
 
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 | la greffière : 
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