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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1250/2023

ATA/460/2023 du 02.05.2023 sur JTAPI/414/2023 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);LÉGALITÉ;DÉTENTION(INCARCÉRATION)
Normes : LEI.81; CEDH.3
Résumé : Arrêt rendu dans le prolongement des ATA/450/2023 et ATA/451/2023 du 28 avril 2023. Mesures de contrainte. Demande de mise en liberté immédiate en raison de conditions de détention à l’établissement Favra violant les art. 81 LEI, 3 CEDH et le concordat sur l'exécution de la détention administrative à l'égard des étrangers du 4juillet 1996. Les enquêtes ont révélé que l’établissement était globalement propre et que l’hygiène des détenus et l’accès aux soins médicaux étaient garantis. Certaines conditions posaient néanmoins problème, soit la cellule forte, l’accès au World Wide Web et à l’application Skype, l’accès à l’air libre, et, de manière générale, le manque d’information aux détenus. Prises individuellement, ces carences ne rendent pas les conditions de détention illicites. Toutefois, en fonction de la durée du séjour, elles peuvent apparaitre problématiques. En l’occurrence, le recourant n’était détenu à Favra que depuis un mois et son retour en Allemagne était imminent, de sorte que les conditions de sa détention administrative ne sauraient être considérées comme illicites. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1250/2023-MC ATA/460/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Magali BUSER, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 avril 2023 (JTAPI/414/2023)


EN FAIT

A. a. A______, soi-disant né le ______ 2000, et prétendument originaire d'Algérie (alias A______, né le ______ 2005), a été interpellé le 26 août 2022 au quai B______, 1201 Genève, en raison de la commission de plusieurs brigandages. Il a été mis à disposition du Tribunal des mineurs.

b. Le 24 septembre 2022, l'expertise d'âge ayant révélé qu'il était majeur, le Ministère public a ordonné son maintien en arrestation provisoire à la prison de Champ-Dollon.

c. La consultation de la base de données centrale de l’Union européenne où sont collectées les empreintes digitales des personnes relevant de la législation sur l’asile « EURODAC » a permis de révéler que A______ avait déposé une demande d'asile en Allemagne le 2 janvier 2022.

d. Le 17 février 2023, l’intéressé a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin, en application de la réglementation du même nom.

Le 16 mars 2023, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a soumis une requête aux fins de l’admission de A______ aux autorités allemandes, conformément à l’art. 18 al. 1 let. b du Règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III).

Le 23 mars 2023, les autorités allemandes ont accepté l'admission de A______ sur leur territoire.

Le même jour, le SEM a rendu à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi au sens de l'art. 64a al. 1 de loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

B. a. Par jugement du 24 mars 2023, le Tribunal de police de Genève a déclaré l'intéressé coupable notamment de vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 4 mois, sous déduction de 4 mois de détention avant jugement, l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 jours-amende, sous déduction de 30 jours-amende, correspondant à 30 jours de détention avant jugement, et lui a alloué une indemnité de CHF 8'700.- pour la détention subie en trop. Simultanément il a prononcé son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a bis CP) et a ordonné sa libération immédiate.

Le même jour, l'intéressé a été remis en mains des services de police.

b. Les démarches en vue de son refoulement en Allemagne, selon les modalités de transfert requises par l'État allemand, ont immédiatement été entreprises et une place sur un vol du 20 avril 2023 lui a été réservée.

c. Le 24 mars 2023 toujours, à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de A______ pour une durée de six semaines sur la base de l’art. 76a al. 1, 2 let. h et 3 LEI.

C. a. Par courriel du 12 avril 2023, l’OCPM a transmis au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), pour raison de compétence, une pétition signée par A______, aux termes de laquelle, ses cosignataires indiquaient : « Tous les prisonniers [soient] libéré[s] sans conditions sinon il y aura des dégâts, des suicides ».

Interpelé par le TAPI, le conseil de A______ a indiqué, par courriel du 13 avril 2023, que par la pétition précitée, ce dernier entendait demander sa mise en liberté.

b. Par courrier du même jour, reçu le lendemain au greffe du TAPI, le conseil de A______ a sollicité que celui-ci examine la légalité et l'adéquation de sa mise en détention administrative et lève cette dernière.

Son client ne s'opposait pas à son refoulement vers l'Allemagne. Il était toutefois fatigué et estimait avoir subi suffisamment de restrictions à sa liberté après avoir passé presque sept mois en détention. Il avait par ailleurs été choqué par l’incident dramatique survenu le 8 avril 2023 au sein de l'Établissement de Favra, à savoir le suicide d'un détenu. Après cet évènement, un autre détenu aurait tenté de se suicider en s'étranglant avec le câble électrique de la télévision, scène à laquelle il avait assisté. Il était intervenu pour retenir le câble afin de sauver ce détenu.

Ces évènements l’avaient traumatisé et profondément choqué et constituaient une raison de plus à sa demande de libération. Afin de garantir son renvoi vers l'Allemagne, il avait signé une déclaration, dans laquelle il assurait accepter de quitter le territoire suisse, et s'engageait à prendre le vol du 20 avril 2023 ou, si ce vol était annulé, à quitter le territoire suisse pour se rendre en Allemagne par ses propres moyens. Il existait par ailleurs une mesure moins incisive que la détention pour s'assurer qu’il quitte la Suisse le 20 avril 2023, une assignation à résidence étant possible, par exemple à l'abri de la protection civile de Richemont, à Le Passage ou à l’Armée du Salut. Les conditions légales pour sa mise en détention n’étaient plus réalisées. Il requérait donc sa libération immédiate et concluait également à ce qu'il soit constaté que sa détention était illégale et inadéquate.

c. Entendu devant le TAPI, A______ a confirmé la teneur de ses demandes des 10 et 13 avril 2023. Il estimait avoir subi suffisamment de privations de liberté et avait par ailleurs été choqué par les événements du 8 avril 2023. C'était lui qui avait sauvé la personne d'origine marocaine, qui avait fait une tentative de suicide. Il avait toujours cette scène devant les yeux. Il était malade et ne dormait plus. Il avait fait une demande afin de pouvoir consulter un psychologue. À ce jour, il n'avait pas reçu de réponse. Il était toujours d'accord de retourner en Allemagne et prendrait place à bord du vol réservé pour lui le 20 avril prochain. Il n'avait toujours pas pu récupérer son argent. À part cela, tout était « en ordre ». Le 8 avril 2023, un médecin était venu à Favra suite aux événements survenus ce jour-là. Il avait discuté avec tous les contraints. Il n'avait pas eu d'entretien privé avec lui. Il était alors entré dans la chambre de la personne d'origine marocaine et l'avait surpris debout sur une chaise avec le câble de la télévision enroulé autour du cou. Il avait le visage très rouge et il était sur le point de faire tomber la chaise. Il était intervenu au dernier moment. Les gardiens pourraient en témoigner. S'il devait être libéré, il irait à l'hôtel ou à l'Armée du salut. Comme cela, il pourrait dormir. À Favra, il restait éveillé la nuit et il dormait durant la journée. Il avait les moyens de se payer une chambre d'hôtel avec l'argent qu'il avait gagné à Favra.

Le conseil de A______ a indiqué que les démarches étaient en cours en vue de récupérer son argent. Elle a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, sa détention administrative étant inadéquate et disproportionnée. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'une mesure moins incisive soit prononcée en lieu et place de la détention administrative.

d. Par jugement du 17 avril 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de détention administrative pris par le commissaire de police le 24 mars 2023 et rejeté la demande de mise en liberté.

La difficulté à supporter l'enfermement, inhérente à l'exécution d'une mesure de privation de liberté telle que la détention administrative, ne justifiait pas, en soi, qu'il y soit mis fin. Quant aux évènements survenus le 8 avril 2023 au sein de l’établissement de Favra, qui étaient à déplorer, si l’on pouvait comprendre que l’intéressé ait été choqué et traumatisé par ces derniers, il devait également être relevé qu’il pouvait bénéficier d’un soutien médical au sein de son lieu de détention administrative. En particulier, des somnifères pouvaient lui être prescrits pour ses problèmes de sommeil. Enfin, il ne fallait pas perdre de vue que l'objectif de sa mise en détention administrative était de permettre l'exécution de son expulsion. En aucun cas, la décision litigieuse de le placer en détention, dans ces conditions, ne contrevenait par elle-même au droit à la vie garanti par l’art. 2 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et à l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants garantie par l’art. 3 CEDH.

Dans ces conditions et dans les présentes circonstances, soit en particulier l’imminence de son renvoi et la nécessité pour les autorités suisses de s’assurer de son départ, l’intéressé ne pouvait se prévaloir de la pénibilité de sa détention administrative, notamment sur le plan psychique, pour s’opposer à celle-ci et solliciter sa mise en liberté.

e. Le vol prévu à destination de l’Allemagne le 20 avril 2023 a été annulé.

D. a. Le 21 avril 2023, le TAPI a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), pour raison de compétence, une pétition signée par A______ ainsi que par huit autres détenus, sollicitant une « mise en liberté générale de Favra ». Ils avaient souffert de l’enfermement et du décès de leur confrère tunisien. Ils n’arrivaient plus à dormir, ni manger.

Cette pétition a été enregistrée comme un recours par la chambre administrative.

b. Ayant été informée que A______ serait transféré le 25 avril 2023 de l’établissement Favra à l’établissement Frambois, la chambre de céans a interpelé l’intéressé, le 24 avril 2023, sur la suite à donner à son recours.

c. Le 24 avril 2023, A______ a indiqué à la chambre de céans qu’il retirait son recours au vu de ce transfert effectivement intervenu le 25 avril 2023.

d. Parallèlement, le 21 avril 2023, A______ a formé une demande de libération immédiate auprès du TAPI, l’invitant à constater que sa détention était illégale et inadéquate et qu’elle violait l’art. 3 CEDH.

Les modalités de d’exécution de sa détention administrative violaient les art. 81 LEI, 3 CEDH ainsi que le concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12). L’établissement n’avait pas été adapté aux exigences des tribunaux. Il ne pensait plus qu’à mettre un terme à ses jours. Il ne croyait plus qu’un vol serait exécuté un jour. Les conditions de détention actuelles mettaient sa santé en danger. Il n’avait pas d’accès à internet. Même l’accès à Skype ne lui avait pas été accordé, malgré ses multiples demandes. Il n’avait pas été pris en charge de manière adéquate suite au suicide et à la tentative de suicide de codétenus. Il était constamment confronté aux souvenirs en lien avec les événements du 8 avril 2023, ce qui ne faisait qu’aggraver sa détresse psychologique.

Cette demande a été transmise à la chambre administrative, le 24 avril 2023, pour raison de compétence.

e. La chambre administrative a convoqué les parties à un transport sur place.

f. Le 25 avril 2023, l'OCPM a relevé que dès lors que le transfert de A______ était déjà organisé pour le 25 avril 2023, le transport sur place n’était pas nécessaire.

g. Le 25 avril 2023, la chambre administrative a procédé à un transport sur place dans trois causes dont elle était saisie. Étaient notamment présents six juges de la chambre administrative, les avocats des trois détenus, A______, un représentant de l'OCPM, un représentant du commissaire de police, la directrice ad interim de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD), la directrice adjointe de Favra et le gardien-chef de l'établissement.

Les participants ont pu visiter l'intégralité de l'établissement de détention, tant l'intérieur que l'extérieur. Des clichés photographiques ont été pris.

Entre autres choses, il a été constaté qu'une seule pièce tenait lieu de parloir avec les avocats, les familles et les visiteurs et de lieu d'accès à Skype et au World Wide Web. L'accès à ce dernier était très récent.

L’existence d’un cachot de même que d’une cellule à aménagements réduits (cellule 11) ont été constatés.

Le bloc médical a été présenté et visité et le protocole spécifique lié aux cas de risques auto-agressifs a été exposé.

Les parties ont été averties par le juge menant le transport sur place que le procès‑verbal ne pourrait probablement pas être finalisé avant le délai de dix jours pour le prononcé de l'arrêt au fond.

h. Le 25 avril 2023, dans l’après-midi, A______ a été transféré à l’établissement Frambois.

i. Invité à faire parvenir ses observations après le transport sur place, A______ a persisté dans ses conclusions le 25 avril 2023.

Le transport sur place avait permis de constater que les lieux n’étaient pas appropriés pour la détention administrative et les conditions de détention ne respectaient pas les exigences légales. Les cellules n’étaient pas de première fraîcheur et de nombreux tags étaient encore présents sur les murs, en particulier dans sa cellule où tout le plafond en était couvert. Une famille de fourmis s’y était d’ailleurs installée. Le rideau de douche avait été changé à la dernière minute. Les installations étaient vétustes, notamment dans la salle de sport. La salle de loisirs ressemblait plus à une cave aménagée. Les canapés, vieux et sales, ne pouvaient accueillir que quatre personnes au maximum. On pouvait apercevoir de la moisissure sur le vieux baby-foot et les raquettes de ping-pong étaient abimées. Les livres de la bibliothèque étaient tous en français, hormis un ou deux en allemand. La « promenade » extérieure ressemblait à une « cage à poules ». La petite prairie servant de « terrain de foot » n’avait jamais été utilisée depuis qu’il se trouvait à Favra. La question de l’utilisation d’internet se posait, au vu de l’emplacement de l’ordinateur dans le parloir. Malgré le fait qu’il en avait fait la demande, il n’avait jamais pu accéder à l’ordinateur en question. De manière générale, un manque d’information aux détenus se faisait sentir, que ce soit au niveau de l’accès internet et à Skype, à un médecin, au « terrain de foot » ou la possibilité de solliciter un menu végétarien.

j. Le 26 avril 2023, le commissaire de police a conclu à la radiation de la cause du rôle. La demande de mise en liberté formulée le 21 avril 2023 avait été retirée, de sorte que la cause était devenue sans objet. Subsidiairement, le recours devait être rejeté et le jugement du TAPI confirmé.

k. Le 27 avril 2023, la représentant de A______ a confirmé que l’intéressé était monté à bord de son vol à destination de l’Allemagne.

Sa demande n’était toutefois pas pour autant sans objet, dès lors qu’il s’agissait d’apprécier ses conditions de détention. Le retrait de son recours concernait la pétition qui avait été signée le 21 avril 2023. Il avait en revanche maintenu sa demande de mise en liberté formée le 21 avril 2023 par-devant le TAPI et transmise à la chambre de céans pour raison de compétence.

Les conditions de détention étaient illégales et contraires à la dignité humaine. En sus des reproches déjà formulés dans ses précédentes écritures, il a relevé que le « cachot » n’était pas régi par le règlement de l'établissement de détention administrative de Favra du 1er novembre 2017 (RFavra - F 2 12.09). S’agissant de son droit à l’information, il n’avait reçu ni fascicule d’information, ni liste des œuvres d’entraide et des permanences juridiques, contrairement à l’art. 9 RFavra. Il n’avait, en particulier, pas été informé de son droit d’accéder à internet, ni de demander un avocat, et n’avait reçu aucune information au sujet de l’annulation de son vol prévu le 20 avril 2023. Quant aux soins médicaux, l’art. 20 al. 8 RFavra aurait dû être appliqué pour tous les détenus de Favra après les évènements du 8 avril 2023. Il souffrait de stress, comme en témoignaient les plaques visibles sur son bras. À la suite du suicide de son co-détenu, il n’avait pu voir un psychiatre que le 21 avril 2023, soit 13 jours après l’incident, ce qui était choquant. Il n’avait jamais eu droit à une promenade au sens du règlement.

l. Le 28 avril 2023, le commissaire de police a persisté dans ses conclusions.

m. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours, adressé en temps utile au TAPI, a été à juste titre transmis par ce dernier à la chambre de céans pour raison de compétence, en application de
l'art. 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA ‑ E 5 10] ; cf. art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 [LOJ ‑ E 2 05] et 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 24 avril 2023 (cf. infra consid. 3) et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             L'intimé soutient que le recours a perdu son objet à double titre : d’une part, le recourant l’a retiré par courrier du 24 avril 2023 ; d’autre part, l’intéressé a fait l’objet d’un renvoi à destination de l’Allemagne le 27 avril 2023.

3.1 Il convient, en premier lieu, d’examiner si, comme le soutient l’intimé, le recourant a retiré son recours.

3.1.1 Selon la jurisprudence, le retrait d'un moyen de droit doit intervenir de manière claire, expresse et inconditionnelle (ATF 141 IV 269 consid. 2.1 ; 119 V 36 consid. 1b et références citées). 

3.1.2 En l’occurrence, la chambre de céans a été saisie le 21 avril 2023 d’une pétition, signée par le recourant et datée du « 24 avril 2023 » (sic). Cette pétition a été enregistrée par la chambre administrative comme un recours, ce dont les parties ont été dûment informées. Par pli du 24 avril 2023, la chambre administrative a interpellé le recourant sur la suite à donner à son recours, compte tenu du transfert prévu le lendemain à l’établissement Frambois. À ce moment-là, et contrairement à ce que soutient l’intimé, le seul recours pendant devant la chambre de céans était la pétition, reçue le 21 avril 2023, et considérée comme recours. Le recourant a répondu, le 24 avril 2023, qu’il retirait son « recours du 21 avril 2023 ». Ayant, entre-temps, été saisie d’une nouvelle demande de mise en liberté datée du 21 avril 2023, transmise par le TAPI pour raison de compétence le 24 avril 2023, la chambre de céans a enregistré un nouveau recours et imparti un nouveau délai de réponse à l’intimé.

Compte tenu de ces éléments, en particulier de la chronologie des différents actes de procédure, il convient de retenir que le retrait du recours portait uniquement sur la pétition reçue le 21 avril 2023. La chambre de céans reste ainsi compétente pour traiter la demande de mise en liberté formée par-devant le TAPI le 21 avril 2023, transmise pour raison de compétence à la chambre de céans le 24 avril 2023 et enregistrée comme recours contre le jugement du TAPI du 17 avril 2023.

3.2 Reste à examiner si le renvoi du recourant en Allemagne le 27 avril 2023 a rendu son recours sans objet.

3.2.1 Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016).

La jurisprudence a toutefois admis que l'autorité de recours doit entrer en matière même s'il n'existe plus d'intérêt actuel et pratique au recours lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1028/2021 du 16 novembre 2022 consid. 1.2 ; ATA/128/2019 du 7 février 2019 consid. 2).

3.2.2 En l’occurrence, le recourant ne se trouve plus en détention administrative depuis le 27 avril 2023, son renvoi ayant été exécuté à cette date. Conformément à la jurisprudence précitée, et quand bien même le recourant n'aurait plus d'intérêt actuel et pratique au recours, il y a lieu d'entrer en matière, dès lors qu'il invoque de manière défendable une violation de l'art. 3 CEDH.

4.             Dans la mesure où le recourant a conclu à sa mise en liberté immédiate, il convient d'examiner en premier lieu si les conditions générales de la mise en détention administrative étaient données.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

Selon l'art. 28 par. 2 du Règlement (UE) n° 604/2013 (ou Règlement Dublin III du 26 juin 2013 ; ci-après : le Règlement), les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément audit règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. À teneur du § 3 du même article, le placement en rétention est d'une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu'à l'exécution du transfert au titre du Règlement. La durée maximale de la détention en vue du renvoi dans le cadre de la procédure Dublin s’élève à six semaines au plus à compter de la date à laquelle a été ordonnée la détention (SEM, Directives et commentaire, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2021, ch. 9.9.3).

À teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies : des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi (let. a) ; la détention est proportionnée (let. b) ; d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du Règlement : let. c).

Le fait que l’étranger ait été condamné pour crime figure parmi les éléments concrets faisant craindre qu’il entend se soustraire à l’exécution du renvoi (art. 76a al. 2 let. h LEI).

4.2 Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

À teneur de l’art. 76a al. 3 let. c LEI, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l’étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de six semaines pour assurer l’exécution du renvoi entre la notification de la décision de renvoi ou d’expulsion ou après l’expiration de l’effet suspensif d’une éventuelle voie de droit saisie contre une décision de renvoi ou d’expulsion rendue en première instance et le transfert de l’étranger dans l’État Dublin responsable.

4.3 En l’espèce, une décision d’expulsion pénale a été rendue le 24 mars 2023 pour une durée de cinq ans, le recourant ayant été condamné pour vol, soit un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Les conditions d’une détention administrative fondée sur l'art. 76a al. 2 let. h ch. 1 LEI étaient donc réunies.

S’agissant de la proportionnalité de la mesure, et ainsi que l’a retenu le TAPI, l’assurance du départ du recourant répondait à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative aurait été vaine pour assurer sa présence au moment où il devait être renvoyé. Il ne disposait en effet d’aucun lieu de résidence fixe en Suisse et il avait démontré, par son comportement, qu’il était peu enclin à respecter l’ordre juridique suisse. Quant à la durée de la détention, elle respectait le cadre fixé par l’art. 76a al. 3 LEI et était adéquate pour assurer son renvoi, qui a d’ailleurs été effectué le 27 avril 2023.

La détention respectait ainsi le principe de proportionnalité, ce que le recourant ne conteste pas.

5.             Le recourant soutient que ses conditions de détention violaient les art. 81 LEI, 3 CEDH ainsi que le CEDA.

5.1 Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Suisse a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (RS 0.105), édictée sous l'égide des Nations Unies. Au plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. À teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise prévoit aussi que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst- GE).

Selon le Tribunal fédéral, les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n'offrent pas une protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale (ATF 145 I 318 consid. 2.1 ; 143 I 241 consid. 3.4).

5.2 La Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH) a admis à de nombreuses reprises que les conditions de détention d'un individu pouvaient représenter un traitement dégradant voire inhumain, y compris en matière de détention administrative (voir p. ex. ACEDH M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011, req. 30696/09, § 230-234 ainsi que § 222 pour la jurisprudence antérieure de la CourEDH). La CourEDH a toujours souligné que, pour relever de l’art. 3 CEDH, la souffrance et l’humiliation infligées doivent en tout cas aller au‑delà de celles que comporte inévitablement la privation de liberté. L’État doit s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (ACEDH Kudła c. Pologne, Grande Chambre, Recueil 2000‑XI , req. 30210/96, § 92-94 ; ACEDH Popov c. Russie du 13 juillet 2006, req. 26853/04, § 208). L'accès à l'air libre, notamment sous forme de promenade, doit être pris en compte (ACEDH Zuyev c. Russie du 19 février 2013, req. 16262/05, § 58).

Lorsqu’on évalue les conditions de détention, il y a lieu de tenir compte de leurs effets cumulatifs ainsi que des allégations spécifiques du requérant (ACEDH Dougoz c. Grèce, Recueil 2001‑II, req. 40907/98, § 46). La durée de détention d’une personne dans des conditions particulières doit elle aussi être prise en considération (ACEDH Géorgie c. Russie du 21 janvier 2021, Grande Chambre, req. 38263/08, § 240 ; Alver c. Estonie du 8 novembre 2005, req. 64812/01, § 50).

5.3 Pour le domaine spécifique de la détention, la Suisse a ratifié, le 7 octobre 1988, la Convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (RS 0.106). L'art. 1 de cette Convention institue un Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT); ce comité est habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants (art. 2) ; après chaque visite, il établit un rapport sur les faits constatés à l'occasion de celle-ci et transmet son rapport qui contient les recommandations qu'il juge nécessaires (art. 10 ch. 1).

5.4 Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, en application de l'art. 15 (b) du Statut du Conseil de l'Europe (RS 0.192.030), a adopté le 11 janvier 2006 la Recommandation Rec(2006)2 sur les Règles pénitentiaires européennes (ci-après : RPE), lesquelles s'inscrivent dans la lignée des précédentes recommandations établies dès 1989. Elles ont été révisées et modifiées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 1er juillet 2020. Ces règles prennent notamment en compte le travail mené par le CPT ainsi que les normes qu'il a développées dans ses rapports généraux, et visent à garantir des conditions de détention qui ne portent pas atteinte à la dignité humaine. L'art. 1 RPE pose que les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme. Les art. 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire: ainsi, les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage et l'aération (art. 18.1) ; les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales, et pour permettre l'entrée d'air frais, sauf s'il existe un système de climatisation approprié (art. 18.2.a) ; la lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (art. 18.2.b) ; les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (art. 19.1) ; les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (art. 19.3) ; les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (art. 19.4) ; chaque détenu doit disposer d'un lit séparé et d'une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (art. 21) ; la nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (art. 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l'eau potable (art. 22.5). Tout détenu doit avoir l'opportunité, si le temps le permet, d'effectuer au moins une heure par jour d'exercice en plein air (art. 27.1).

Ces règles ont été encore précisées dans un Commentaire établi par le CPT. S'agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l'espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule (individuelle); ces conditions d'hébergement doivent cependant être modulées en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte; en tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. A titre d'exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2). S'agissant de la literie, le CPT précise que celle-ci comprend tout l'équipement standard d'un lit (sommier, matelas et couverture).

Les RPE – et a fortiori leur commentaire – ont le caractère de simples directives à l'intention des Etats membres du Conseil de l'Europe ; cependant, en tant que reflet des traditions juridiques communes à ces États, le Tribunal fédéral en tient compte de longue date dans la concrétisation de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux garantis par la Cst. et par la CEDH (ATF 123 I 112 consid. 4d/cc et la jurisprudence citée ; en dernier lieu: ATF 140 I 125 consid. 3.2 ; 139 IV 41 consid. 3.2). On parle à leur propos de « code de la détention pénitentiaire » (PIQUEREZ/MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd. 2011, n. 1265) ou de « soft law », néanmoins relativement contraignante pour les autorités. Contrairement au droit fédéral ou cantonal pertinent, ce corpus de normes juridiques a le mérite de donner des précisions concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface souhaitables dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci.

5.5 Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

À teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers: par les art. 16, al. 3, et 17 de la directive 2008/115/CE240; b. pour les cas liés à un transfert Dublin: par l’art. 28, al. 4, du règlement (UE) no 604/2013241 (…) (al. 4).

5.6 La Suisse a instauré une commission nationale de prévention de la torture (ci‑après : CNPT ; art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur la Commission de prévention de la torture du 20 mars 2009 – LCPT – RS 150.1). Parmi d'autres missions, la CNPT examine régulièrement la situation des personnes qui sont privées de liberté et inspecte régulièrement les lieux où ces personnes se trouvent ou pourraient se trouver, et formule des recommandations à l’intention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2 let. a et b LCPT).

La CNPT s’acquitte de ses tâches en toute indépendance (art. 4 al. 1 LCPT). Elle a accès à tous les lieux de privation de liberté ainsi qu’à leurs installations et équipements, et peut visiter ces lieux sans préavis (art. 8 al. 2 LCPT). Les autorités compétentes examinent les propositions que la commission leur a adressées et émettent un avis sur leur réalisation (art. 9 al. 2 LCPT).

Les trois dernières visites de Favra documentées sur le site de la CNPT (https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/berichte-der-kontroll besuche/nach-kanton.html > GE) ont eu lieu les 13 février 2017, 28 octobre 2019 et 17 décembre 2020.

Dans ses lettres au Conseil d'État consécutives aux deux dernières visites, la CNPT a constaté que l'infrastructure existante de Favra et le régime de détention n'étaient pas adaptés à la détention administrative ; la CNPT a enjoint aux autorités genevoises de ne plus utiliser l’établissement de Favra pour la détention administrative et à transférer les détenus administratifs dans un établissement destiné à cet effet (ibid.). Dans sa réponse à la CNPT consécutive à la visite de 2019, le conseiller d'État a indiqué qu'en cas de vote favorable du parlement sur le projet de nouvelle prison des Dardelles, la Brenaz pourrait être convertie en établissement de détention administrative et Favra serait abandonné ; toutefois, dans la réponse consécutive à la visite de 2020, il est seulement question – dès lors que le Grand Conseil genevois avait entretemps refusé le projet des Dardelles –, outre les problématiques liées à la pandémie de Covid-19, de l'office cantonal de la détention a initié dans le courant de l'année 2020 des démarches en vue de la réalisation de travaux destinés à remédier à la situation en matière d'accès aux espaces extérieurs – une demande d’autorisation de construire serait déposée au printemps 2021 et les travaux devraient être achevés durant la première partie de l'année 2022 au plus tard (ibid.).

5.7 La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Selon l'art. 12a LaLEtr, les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du CEDA.

5.8 Le détenu a droit au respect et à la protection de sa dignité, de son intégrité physique et psychique et de ses convictions religieuses (art. 14 al. 1 CEDA) et l’exercice de ses droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté, par les exigences de la vie collective dans l’établissement ou par le fonctionnement normal de l’établissement (al. 2).

Conformément à l’art. 18 CEDA, dès que possible et au plus tard le quatrième jour qui suit son entrée dans l’établissement, le détenu passe une visite médicale (al. 1). L’établissement organise un service médical qui pourvoit aux soins ambulatoires et aux soins d’urgence (al. 2).

Des occupations et activités, promenade, correspondance et visites sont possibles, selon les modalités définies aux art. 19 ss CEDA.

5.9 Selon l’art. 1 RFavra, l'établissement de détention administrative de Favra est affecté exclusivement à l'exécution de la rétention et de la détention administrative des étrangers, telle que prévue par les art. 73 et 75 à 78 de la LEI (al. 1). L'établissement est reconnu par la Conférence romande des chefs de département compétents en matière de police des étrangers au sens de l'art. 30 al. 1 let. b CEDA (al. 2). Le régime de la détention est réglé aux art. 4 ss RFavra, l’art. 7 reprenant les principes fixés à l’art. 14 CEDA. L’assistance médicale, les activités et la communication au sein de l’établissement sont réglés aux art. 20 ss RFavra.

Selon l’art. 20 RFavra, dès que possible, mais au plus tard le quatrième jour qui suit son entrée dans l'établissement, la personne détenue passe une visite médicale (al. 1), l'établissement organise un service médical qui pourvoit aux soins ambulatoires et aux soins d'urgence (al. 2), le service médical consiste en une unité médicale mobile, laquelle se compose d'un médecin et de personnel infirmier (al. 3), en principe, la personne détenue est prise en charge par l’équipe médicale, rattachée aux Hôpitaux universitaires de Genève. La personne détenue a le droit de contacter son médecin personnel, à savoir celui qui s’occupait d'elle avant sa mise en détention, pour autant qu’elle puisse invoquer des circonstances exceptionnelles et qu’elle puisse apporter la preuve qu’elle a les moyens de le rémunérer (al. 4). Le directeur de l’établissement, ou son suppléant en son absence, peut inviter le service médical à soumettre une personne détenue à un contrôle médical, dans l'intérêt de celle-ci, des autres personnes détenues et du personnel de l'établissement (al. 5). Les personnes détenues qui sont malades ou blessées doivent à bref délai s’annoncer au service médical afin de recevoir le traitement approprié (al. 6). Les médicaments ne peuvent être conservés en cellule, mais sont préparés par le personnel médical (al. 7). Le directeur de l’établissement, son suppléant, ainsi que tout membre du personnel pénitentiaire, peut inviter le service médical à soumettre une personne détenue à l'examen d'un psychiatre ou d'un psychologue (al. 8). En cas d’urgence, le médecin est appelé et, en cas de nécessité, la personne détenue est transférée dans un établissement hospitalier, en principe à l'unité cellulaire hospitalière des Hôpitaux universitaires de Genève ou, si sa pathologie l'exige, à l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire de Curabilis. Toutefois, la personne détenue doit être séparée des détenus en détention provisoire ou condamnés (al. 9).

Des promenades et exercices physiques, visites ainsi qu’une assistance spirituelle et sociale sont notamment possibles (art. 33 ss RFavra). Les art. 44 et suivants RFavra traitent des fouilles, procédures disciplinaires et voie de recours.

5.10 La légalité de la détention administrative au sein de l’établissement de Favra a été régulièrement confirmée par la chambre administrative, la dernière fois le 16 mars 2023 (ATA/268/2023 concernant un détenu qui avait alors déjà entamé sa grève de la faim et indiquait vivre très mal sa détention).

Cela étant, Favra s’est vu impartir par la chambre de céans un délai au 16 janvier 2023 pour installer une connexion internet (ATA/1218/2022 du 6 décembre 2022), étant rappelé qu’un tel accès pouvait être limité (ATA/83/2023 du 26 janvier 2023 consid. 9.4). Cet arrêt faisait suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral, destiné à publication, dans lequel ce dernier avait analysé les conditions de détention administrative d’une personne étrangère détenue dans l’établissement de Moutier et considéré qu’il était important que les personnes en détention administrative puissent conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, et par voie de conséquence qu’elles devraient avoir accès à internet. Un refus généralisé à un accès internet dans le cadre de la détention administrative, contraire aux recommandations internationales, ne se justifiait pas et constituait une restriction de la liberté d’opinion et d’information qui n’était pas imposée par le but de la détention et n’était pas proportionnée. En l’occurrence, l’absence d’accès à internet violait la liberté d’opinion et d’information du recourant et allait au-delà de ce qui paraissait nécessaire pour le but de détention des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers. La restriction n’était justifiée ni par les exigences du fonctionnement de l’établissement ni pour des raisons de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_765/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.2 et 5.4 et les références citées).

Dans l'ATA/1218/2022, la chambre de céans a retenu qu’à Favra, les détenus pouvaient notamment circuler librement, avaient un accès 24h/24h à un appareil téléphonique, pouvaient accéder à une salle de sport, bénéficier d’une promenade extérieure de 7h30 à 19h et recevoir des visites « librement et sans surveillance » à raison de deux heures par semaine, leur permettant une vie sociale beaucoup plus étendue que celle des personnes en détention dans l’établissement de Moutier, qui subissaient un enfermement en cellule dix-huit heures par jour (consid. 8f).

5.11 Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 consid. 8a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2022 précité consid. 6.1 ; 2C_662/2022 du 8 septembre 2022 consid. 3.3 et les références citées ; ATA/1218/2022 précité consid. 8e).

5.12 En l'espèce, le TAPI a retenu que les problèmes dont se plaignait le recourant ne pouvaient conduire à sa mise en liberté. Tout d’abord, la difficulté à supporter l’enfermement, inhérente à l’exécution d’une mesure de privation de liberté telle que la détention administrative, ne justifiait pas, en soi, qu’il y soit mis fin. Quant aux évènements survenus le 8 avril 2023 au sein de l’établissement de Favra, qu’on ne pouvait que déplorer, si l’on pouvait comprendre que l’intéressé ait été choqué et traumatisé par ces derniers, il devait également être relevé que le recourant pouvait bénéficier d’un soutien médical au sein de son lieu de détention administrative. En particulier, des somnifères pouvaient lui être prescrits pour ses problèmes de sommeil. Enfin, il ne fallait pas perdre de vue que l’objectif de sa mise en détention administrative était de permettre l’exécution de son expulsion. En aucun cas, la décision litigieuse de le placer en détention, dans ces conditions, ne contrevenait par elle-même au droit à la vie garanti par l’art. 2 § 1 et 3 CEDH. Dans ces conditions et dans les présentes circonstances, soit en particulier l’imminence de son renvoi et la nécessité des autorités suisses de s’assurer de son départ, l’intéressée ne pouvait se prévaloir de la pénibilité de sa détention administrative, notamment sur le plan psychique, pour s’opposer à celle-ci et solliciter sa mise en liberté.

Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.

Quand bien même la CNPT enjoint depuis 2019 aux autorités genevoises de ne plus utiliser Favra comme établissement de détention administrative, la chambre de céans a admis encore récemment la légalité de la détention administrative au sein de cet établissement.

S'agissant des conditions de détention proprement dites, à l'évidence Favra ne peut être comparé à certains lieux de détention décrits dans certains arrêts de la CourEDH. Les constats effectués lors du transport sur place montrent que l'établissement est globalement propre, l'hygiène des détenus y est garantie, ainsi que les soins médicaux même en l'absence d'une équipe médicale à demeure. Certaines conditions posent néanmoins problème. La cellule forte apparaît trop exiguë, pas assez lumineuse et le détenu n'y a pas accès à l'eau courante ; cela étant, ce problème n'est pas directement pertinent en l'espèce, le recourant ne se plaignant pas d'y avoir été enfermé. Le second problème concerne l'installation seulement très récente – voire postérieure au jugement attaqué – d'un accès au World Wide Web, alors que la chambre de céans avait fixé un délai au 16 janvier 2023 pour ce faire, sur la base de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cet accès, de même que celui à l'application Skype, se fait dans la même pièce que les parloirs avec les avocats et les familles ainsi que les fouilles corporelles, ce qui diminue considérablement les possibilités pour les détenus d'y avoir accès. En outre, pour l'accès au World Wide Web et à Skype, mais aussi au programme d'activités occupationnelles, les détenus sont visiblement mal informés malgré la pose d'affichettes, ce qui accentue le problème. Enfin, l'accès à l'air libre pourrait être amélioré. L'aménagement décrit par le Conseil d'État dans sa dernière prise de position auprès de la CNPT ne semble pas avoir avancé, un an après la date prévue. La promenade de 165 m2 est certes accessible une grande partie de la journée, mais elle est grillagée de toutes parts. Quant à la petite prairie à l'air libre décrite devant le TAPI comme terrain de football, la chambre de céans prend acte de ce que la direction de l'établissement s'engage à la mettre à disposition des détenus sur simple demande ; il semble toutefois que tel n’ait pas été le cas jusqu’à présent.

Les carences décrites ci-avant sont certes à déplorer. La chambre de céans considère toutefois que, prises individuellement, elles ne rendent pas les conditions de détention illicites – sauf peut-être le défaut d'accès au Web, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, mais l'OCD vient d'y remédier (cf. ATA/450/023 et ATA/451/023 du 28 avril 2023).

Il est vrai qu’en fonction de la durée du séjour d'un détenu, de telles carences, prises dans leur ensemble, peuvent s'avérer problématiques. En effet, des conditions qui peuvent être acceptables pendant quelques jours ne le sont plus forcément lorsqu'un détenu passe une année dans l'établissement. À cet égard, force est de constater que si Favra était il y a quelques années avant tout utilisé pour des détentions administratives de courte durée, lesdits séjours y sont désormais parfois beaucoup plus longs.

Or, dans le cas présent, au moment où il a été transféré à Frambois le 25 avril 2023, le recourant était détenu à Favra depuis le 24 mars 2023, soit environ un mois. On ne saurait ainsi qualifier son séjour à Favra comme ayant été de longue durée. Il convient certes de prendre en compte le fait que le décès d’un co-détenu l’a fortement ébranlé. Or, comme relevé ci-avant, l’établissement de Favra bénéficie d’un service médical approprié. Les personnes détenues peuvent, en particulier, s’annoncer au service médical afin de recevoir le traitement approprié ainsi qu’au directeur de l’établissement ou son suppléant, étant précisé que le personnel médical s’y rend chaque semaine. Le recourant se plaint certes du retard dans sa prise en charge suite au décès de son co-détenu. Il ne démontre toutefois pas avoir formé une demande de suivi auprès du service médical, ni que celle-ci n’aurait pas été traitée dans les délais. C’est le lieu de rappeler que, conformément au RFavra, l’intéressé avait tout loisir de s’annoncer, en parallèle, au directeur de l’établissement, ce qu’il ne prétend pas non plus avoir fait. Ainsi, au vu des circonstances particulières du cas d’espèce, notamment l’imminence de son départ et la nécessité pour les autorités suisses de s’assurer de son départ, les conditions de sa détention administrative ne sauraient être considérées comme illicites.

Il s'ensuit que le jugement attaqué est conforme au droit. Le recours sera dès lors rejeté.

6.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali BUSER, avocate du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance ainis qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, Président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

Sibilla HÜSLER ENZ

 

 

le présidente siégeant :

 

 

Claudio MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :