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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/160/2024

ATA/713/2025 du 24.06.2025 sur JTAPI/1265/2024 ( LCI ) , REJETE

Normes : LCI.137
Résumé : Ordre de remise en état toujours pas exécuté, malgré relances et deux amendes successives. Troisième amende : CHF 19'000.-. Montant confirmé.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/160/2024-LCI ATA/713/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 (JTAPI/1265/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1949, est copropriétaire avec son frère, B______, de la parcelle n° 1'637, de la commune de C______ (ci‑après : la commune), sise en zone agricole et en majeure partie en zone d'assolement où elle exploite un verger.

b. Par décision du 11 juin 2003, le département du territoire (ci-après : le département) lui a délivré une autorisation de construire un hangar agricole ainsi que six serres-tunnels sur la parcelle n° 1'637, enregistrée sous le n° DD 1______/1.

c. Le 5 juin 2007, elle a annoncé l'ouverture du chantier relatif à cette autorisation.

d. Le 1er juin 2010, le département lui a octroyé à une autorisation de construire complémentaire portant sur le déplacement des serres-tunnels et du bassin de rétention ainsi que sur la modification du hangar agricole, enregistrée sous le n° DD 1______/2.

e. Les travaux objet de ces deux autorisations n'ont pas été achevés.

f. Par décision du 4 décembre 2014, entrée en force, le département a refusé d’octroyer une autorisation de construire complémentaire, demandée le 27 juin 2014 par A______ et enregistrée sous le n° DD 1______/3, visant l'ajout d'un local de stockage, d'un chauffage d'appoint, d'une station de pompage et d'un réseau de distribution d'eau et d'électricité, l'ouverture d'une fenêtre ainsi que le déplacement et l'agrandissement du bassin de rétention.

g. Par décision du 6 mars 2019, notifiée à nouveau le 17 avril 2019 à chacun des copropriétaires, le département a ordonné le rétablissement d'une situation conforme au droit, dans les 30 jours à compter de la notification, en procédant à la démolition du bâtiment inachevé, à la remise en état des lieux, à l'évacuation des déchets de chantier, ainsi qu'à la dépose de la roulotte stationnée sur la parcelle et des divers éléments alentours. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait être produit dans le même délai.

Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 22 février 2021 puis la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 24 août 2021 et en dernier lieu par le Tribunal fédéral le 21 février 2023.

h. Par courrier du 6 avril 2023, l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) a ordonné à A______ de lui transmettre avant le 28 avril 2023 la preuve de la démolition et de la remise en état ordonnées. Cette dernière n'a pas donné suite à cette demande.

i. Par décision du 26 mai 2023, l'OAC a infligé une amende de CHF 5'000.- à A______, l'ordre du 6 mars 2019 n'ayant toujours pas été respecté. Un nouveau délai au 28 juillet 2023 lui a été imparti pour fournir la preuve de la démolition et de la remise en état ordonnés. Elle ne s'est pas exécutée.

j. Par décision du 8 septembre 2023, l'OAC a infligé une amende de CHF 10'000.- à A______, l'ordre du 6 mars 2019 n'ayant toujours pas été respecté. Le montant de l'amende tenait compte de son attitude répétée à faire fi des ordres de l'autorité. Un nouveau délai au 10 novembre 2023 lui a été imparti pour fournir la preuve de la démolition et de la remise en état ordonnées, tout en lui rappelant qu'en cas de non-respect de l'ordre ou sans nouvelles dans le délai imparti, elle s'exposait à toutes nouvelles mesures ou sanctions. Elle ne s'est pas exécutée.

k. Les amendes précitées, non contestées, ont été payées par A______.

l. Par décision du 24 novembre 2023, A______ s'est vue infliger une amende de CHF 19'000.-. À la suite d’un passage sur place le 15 novembre 2023 et malgré les diverses injonctions du département, la réalisation de la mise en conformité du bâtiment visé n'avait toujours pas été réalisée. Cette manière d'agir ne pouvait être tolérée sous aucun prétexte et devait être sanctionnée. Le montant de l'amende tenait compte de l'attitude répétée de A______ à faire fi des ordres de l'autorité.

B. a. A______ a formé recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation, subsidiairement à la réduction du montant de l'amende à CHF 100.-. Préalablement, elle a conclu implicitement à l'audition des parties.

Son droit d'être entendue avait été violé. La décision querellée faisait état d'un passage sur place en date du 15 novembre 2023 lors duquel il aurait été constaté que la mise en conformité du bâtiment n'avait toujours pas été réalisée. Or, elle n'avait jamais été conviée à participer à cette visite, intervenue à son insu et dans des conditions concrètes restant à déterminer. Elle n'avait ainsi pas été mise en position de se déterminer sur les interventions de l'autorité intimée en termes de sanctions et mesures administratives et n'avait donc pas vu ses arguments légitimes pris en considération.

Le principe de la bonne foi avait été violé. Une approche globale du dossier permettait de constater que ses démarches visant à obtenir les fonds nécessaires à l'achèvement de son hangar étaient à bout touchant mais pour l'heure bloquées par l'autorité intimée qui tardait à lui délivrer l'autorisation de construire portant sur la transformation de son ancien corps de ferme en quatre appartements, sis sur ses parcelles nos 1'390, 1'391 et 1'845 de la commune, requête déposée le 23 juin 2020 et enregistrée sous le n° DD 2______/1. La vente de ces quatre appartements lui rapporterait une somme conséquente lui permettant d'achever les travaux du hangar rapidement. De même, la démolition d'un mur illégalement construit sur la parcelle voisine qu'elle avait sollicitée par courrier du 2 avril 2022 et l'indemnisation qui pouvait en découler, étaient subordonnées par le département à la démolition préalable du hangar. Cette situation était d'autant plus absurde que les coûts de démolition du hangar ayant donné lieu à l'amende litigeuse équivalaient presque à ceux nécessaires à son achèvement. En bloquant les procédures parallèles, l'autorité intimée l’empêchait de trouver les fonds nécessaires à l'achèvement du hangar litigieux et de déposer une demande de reconsidération en bonne et due forme. Le département lui avait annoncé que l'autorisation de construire objet de la DD 2______/1 lui serait délivrée en août 2023, ce qui n'avait pas été le cas, et que lors d'un entretien téléphonique avec C______, du département, durant l'été 2022, ce dernier lui avait rétorqué qu'elle avait un hangar à démolir avant qu'il ne s'occupe de son dossier.

L'amende infligée était disproportionnée tant dans son principe que dans sa quotité. Elle s'était acquittée des deux précédentes amendes, ce qui démontrait sa bonne foi. Aucune faute justifiant la fixation de l'amende querellée ne pouvait lui être reprochée. Sa seule « faute » avait été de courir après l'argent pour terminer le chantier rapidement. L'ordre de démolition était uniquement fondé sur le fait que les travaux n'avaient pas été achevés dans un délai raisonnable et non pas au motif qu'ils auraient été réalisés sans autorisation ou de toute autre manière contraire à la loi, ce qui conduisait d'emblée à relativiser sa faute. L'amende querellée faisait d'autant moins sens que les coûts de la démolition étaient équivalents à ceux nécessaires à l'achèvement du hangar. Elle avait vendu un appartement le 8 février 2023 contre la somme de EUR 250'000.-, ce qui lui avait permis de reprendre le chantier mais elle avait utilisé une grande partie de cette somme pour régler des factures en souffrance. Ses motivations étaient louables. Elle entendait œuvrer pour une production biologique et locale dont pourraient bénéficier les générations futures. En tout état, la somme de CHF 19'000.- était sans commune mesure avec la gravité de l'infraction invoquée et les circonstances particulières. La somme symbolique de CHF 100.- devait ainsi être retenue.

b. Le 18 mars 2024, le département a conclu au rejet du recours.

L'ordre de démolir avait été confirmé par trois instances judiciaires et était en force. On ne distinguait pas en quoi exiger sa mise en œuvre violait le principe de la bonne foi.

Tant le principe que le montant de l'amende respectaient le principe de la proportionnalité. Les précédentes amendes, d'un montant total de CHF 15'000.-, n'avaient pas suffi à amener A______ à se conformer aux injonctions du département. Le triplement de l'amende précédente n'était pas excessif. Cette proportion était respectée dans le cas d'espèce. Par ailleurs, la faute de A______ n'était pas de ne pas avoir achevé les travaux de construction dans un délai raisonnable – question exorbitante au litige – mais de ne pas avoir respecté les diverses injonctions en force.

c. Le 30 avril 2024, A______ a persisté dans ses conclusions. Cautionner l'avancement de procédures d'autorisations parallèles à la démolition préalable du hangar heurtait le sentiment de justice et les règles de la bonne foi. La jurisprudence citée par le département n'énonçait aucun principe général selon lequel le triplement d'une amende ne serait pas excessif. Le montant de l'amende était excessif. Elle avait expliqué les difficultés, notamment financières, auxquelles la démolition ordonnée l'exposait. Il en allait de même d'une amende d'une telle ampleur, étant rappelé son âge et son activité dans le domaine agricole.

d. Le 17 mai 2024, le département a persisté dans ses conclusions. L'affirmation de A______ selon laquelle il conditionnerait l'avancement de l'instruction d'une requête en autorisation de construire au rétablissement d'une situation conforme au droit n'était pas démontrée. Le principe de proportionnalité était respecté. L'amende demeurait en-deçà du double de celle précédente et les deux précédentes sanctions n'avaient eu aucun effet dissuasif.

e. Par jugement du 19 décembre 2024, le TAPI a écarté l’audition des parties et rejeté le recours.

A______ avait été informée le 8 décembre 2023 qu’elle s’exposait à des sanctions si elle n’obtempérait pas. Son absence lors de la visite sur place ne l’avait pas empêchée de se déterminer et elle n’avait pas contesté les constats opérés sur place. Son droit d’être entendue n’avait pas été violé.

Le fait que, par hypothèse, la requête en autorisation de construire objet de la DD 2______/1 fût octroyée à A______ ou qu'une éventuelle indemnité lui serait versée pour le mur construit illicitement sur une parcelle voisine, n'avait aucune influence sur le fait que cette dernière devait se conformer aux décisions judiciaires entrées en force et qu'elle pouvait être amendée si elle n'obtempérait pas. S'agissant des éventuelles rentrées d'argent futures qui permettraient à A______ de se conformer à l'ordre de démolition et de remise en état entré en force, il s'agissait uniquement de spéculations, par ailleurs exorbitantes au litige, lequel portait uniquement sur le principe et le montant de l'amende querellée. La situation financière de A______ serait prise en compte dans l'examen de la quotité de l'amende. Il ne ressortait pas du dossier de la cause que le département eût émis une promesse concrète à l'égard de A______, de sorte qu'une des conditions cumulatives pour retenir une violation du principe de la bonne foi n'était pas réalisée. Au contraire, il apparaissait peu probable que le département se fût engagé à octroyer une autorisation de construire à un requérant alors que son examen était en cours. Enfin, le fait qu'un représentant du département aurait affirmé à A______ qu'elle avait un hangar à démolir avant qu'il ne s'occupe de son dossier, n'était pas constitutif d'une promesse concrète. En tout état, si A______ estimait que le département, de manière illicite, ne statuait pas sur sa demande d'autorisation de construire objet de la DD2______/1, il lui appartenait d'utiliser les voies de droit relatives à cette requête et non pas au travers de la procédure pendante. Le département n’avait pas violé le principe de la bonne foi.

Le montant de l’amende, fixé à CHF 19'000.-, n'apparaissait pas disproportionné eu égard au montant maximum qui eût pu être prononcé, aux deux antécédents de A______ pour les mêmes faits et commis sur une très brève période et à son comportement inapproprié. En effet, elle faisait fi, intentionnellement, des injonctions tant judiciaires qu'administratives prises à son encontre. Contrairement à ce qu'elle prétendait, elle avait bel et bien commis une faute, que l'on pouvait qualifier d'importante. Elle alléguait, sans le démontrer, des difficultés financières l'empêchant de s'acquitter d'une amende d'une telle ampleur. Elle travaillait et percevait vraisemblablement un revenu à ce titre, elle possédait des biens immobiliers et elle avait vendu un appartement contre la somme de EUR 250'000.- le 8 février 2023. Même si elle avait utilisé une grande partie de ce montant pour s'acquitter de factures en souffrance comme elle le prétendait, cette somme était suffisamment importante pour qu'elle puisse s'acquitter de l'amende litigeuse.

C. a. Par acte remis à la poste le 3 février 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation de l’amende. Subsidiairement, le montant de l’amende devait être réduit à CHF 100.-. Plus subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

Elle pratiquait l’agriculture biologique et vivait de sa rente AVS de CHF 1'719.- ainsi que de la vente ponctuelle de sa production au cercle des agriculteurs. Sa production était fortement limitée par la vétusté de son outil de travail. Elle avait depuis de nombreuses années le projet de construire un hangar agricole polyvalent, de continuer son activité de production et de transformation de produits agricoles et à mettre celle-ci en valeur.

Le TAPI avait admis son recours contre le refus du département de lui accorder une autorisation complémentaire pour installer un système de drainage indispensable, une station de pompage dans l’étang pour arroser les cultures et un local abritant la station. La chambre administrative avait admis le recours du département, mais elle n’avait pas reçu l’arrêt, étant précisé que son avocat de l’époque était aussi celui de la commune, et elle n’avait pu recourir au Tribunal fédéral.

L’ordre de remise en état avait été confirmé par le TAPI, la chambre administrative puis le Tribunal fédéral, ce qui était particulièrement choquant dès lors qu’une partie importante du hangar était déjà construite. Le coût de démolition et de remise en état était évalué à CHF 300'000.-. Elle était toujours en discussion pour financer l’achèvement du hangar, notamment d’un accord transactionnel devant donner lieu au versement de CHF 350'000.- en lien avec la construction illicite d’un mur et la réalisation et le financement de quatre appartements dans l’ancien corps de ferme situé sur les parcelles nos 1'390, 1'391 et 1'845 de la commune, pour lesquelles une autorisation de construire avait été délivrée le 18 janvier 2024. Les appartements avaient d’ores et déjà suscité l’intérêt de plusieurs acquéreurs. La vente du plus petit appartement pourrait lui rapporter CHF 900'000.-, soit largement de quoi achever le hangar. Le projet était toutefois bloqué par un recours de ses voisins. C______ lui avait indiqué qu’elle devait démolir son hangar avant qu’il s’occupe de sa demande de démolition du mur construit sans droit sur la parcelle voisine. Elle avait vendu le 8 février 2023 son appartement à D______ pour EUR 250'000.-. Une grande partie de cette somme avait dû être utilisée pour payer des factures en souffrance, ce que pourrait démontrer l’audition des parties.

Le principe de la proportionnalité avait été violé. Le jugement retenait une faute importante, tenait compte du montant maximal de l’amende, de ses deux antécédents et de son comportement inapproprié. Or, elle s’était acquittée des deux précédentes amendes, de sorte que ses antécédents étaient à relativiser. Elle n’avait aucune volonté délictuelle. L’ordre de démolition n’était fondé que sur le fait que les travaux n’avaient pas été achevés dans un délai raisonnable. La seule faute pouvant lui être reprochée était d’avoir été à court d’argent pour terminer le chantier rapidement. L’amende faisait d’autant moins sens qu’elle visait à la punir pour ne pas s’être conformée à l’ordre de démolition alors que les coûts de celle-ci équivalaient à ceux de l’achèvement du hangar. Les motifs pour la préservation de son hangar, soit la perpétuation de son activité de transformation de produits agricoles biologiques et locaux, dont pourraient bénéficier les générations futures, étaient louables. Le TAPI n’avait nullement tenu compte de ces éléments en examinant sa faute.

Partant, le principe même d’une nouvelle amende ne se justifiait pas. Subsidiairement, son montant devrait impérativement être réduit. Son paiement l’exposerait en effet à des difficultés financières, compte tenu de son âge (75 ans) et de ses faibles revenus. Une amende symbolique de CHF 100.- devrait être prononcée.

b. Le 28 février 2025, le département a conclu au rejet du recours.

c. Le 4 avril 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Son hangar était certes inutilisable en l’état, mais c’était son usage futur qui était pertinent en l’espèce, de sorte que sa préservation répondait bien à un intérêt louable.

Elle avait prouvé par pièces le montant de sa rente AVS de CHF 1'719.- par mois.

Le montant de l’amende représentait presque une année de sa rente AVS, et ne pouvait dans ces circonstances être considéré comme proportionné.

d. Le 7 avril 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces qu’elles ont produit.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Sans y conclure formellement, la recourante propose la comparution personnelle des parties.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, la recourante propose l’audition des parties pour prouver la nature et la qualité de sa production maraîchère, ses revenus, le coût de la procédure en autorisation de construire pour ses finances, les motifs du retard dans la construction, les motifs pour lesquels elle n’a pas recouru contre l’arrêt de la chambre de céans du 21 juin 2016, les coût qu’engendreront pour elle la démolition du hangar, les vicissitudes de la procédure en autorisation de construire des appartements et les propos de C______.

La recourante s’est vue offrir l’occasion de faire valoir ses arguments et de produire toute pièce utile devant le département, le TAPI et la chambre de céans. Elle n’explique pas quels éléments utiles à la solution du litige qu’elle n’aurait pu alléguer et établir par écrit son audition serait susceptible d’apporter. À cela s’ajoute que certains des faits qu’elle propose d’établir par audition des parties ne sont pas contestés ou ne sont pas pertinents pour la solution du litige, ainsi qu’il sera vu plus loin. La chambre de céans dispose d’un dossier complet et la cause est en état d’être jugée.

Il ne sera pas ordonné de comparution personnelle des parties.

3.             Le litige a pour objet le bien-fondé de l’amende de CHF 19'000.- infligée à la recourante.

3.1 Selon l'art. 131 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI. Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

3.2 Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de ladite loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans (al. 5).

3.3 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

3.4 En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/435/2023 du 25 avril 2023 consid. 10d et l'arrêt cité).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP).

3.5 S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).

3.6 En l’espèce, le département a infligé à la recourante une amende de CHF 19'000.- parce qu’elle n’avait toujours pas, le 15 novembre 2023, exécuté l’ordre de mise en conformité du hangar, malgré ses diverses injonctions confirmées par décisions de justice. Il a tenu compte de son « attitude répétée à faire fi des ordres de l’autorité » dans la mesure où l’ordre n’avait toujours pas été exécuté.

Le TAPI a jugé le principe de l’amende fondé et le montant proportionné. La recourante alléguait sans toutefois les prouver des difficultés financières alors qu’elle travaillait et percevait un revenu et possédait par ailleurs des biens immobiliers et avait vendu le 8 février 2023 un appartement pour EUR 250'000.-.

Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. L’autorisation de construire le hangar a été délivrée le 11 juin 2003 et renouvelée et complétée le 1er juin 2010. Les travaux, débutés tardivement, n’ont jamais été achevés. La décision de remise en état du 6 mars 2019 prononcée en raison de l’inachèvement des travaux a été confirmée en dernier lieu par le Tribunal fédéral. Elle n’a jamais été exécutée et la recourante a été amendée à deux reprises déjà – CHF 5'000.- le 26 mai 2023, et CHF 10'000.- le 8 septembre 2023 – pour ne pas avoir obtempéré à cette injonction. La fixation de l’amende à CHF 19'000.- compte tenu de ces critères n’apparaît pas contraire au principe de la proportionnalité ni constitutif d’un excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité.

La recourante fait valoir les causes de son retard dans la construction de son hangar et son intérêt à maintenir en l’état la construction – qui lui serait utile à l’avenir et dont l’achèvement ne coûterait pas plus que la démolition. Or, la démolition de celle-ci a été ordonnée dans le cadre d’une procédure où elle a pu faire valoir ces arguments et l’injonction de démolir est aujourd’hui définitive.

L’intérêt au maintien de la construction – outre qu’il repose sur une pure conjecture, soit l’utilisation future après achèvement des travaux de construction – est ainsi exorbitant au présent litige, qui ne traite que de l’amende infligée à la recourante pour avoir refusé jusqu’ici de se soumettre à l’injonction alors même qu’elle avait épuisé toutes les voies de recours. Contrairement à ce que semble penser la recourante, la faute examinée ici n’est pas de n’avoir pu achever la construction à temps, mais de ne s’être pas conformée à l’injonction de la démolir.

Il sera encore observé que faire valoir aujourd’hui l’intérêt au maintien de la construction alors que la discussion est close sur ce point pourrait avérer l’obstination – reprochée par le département à la recourante – à se soustraire à l’ordre de démolition nonobstant les sanctions déjà infligées.

La recourante fait ensuite valoir qu’elle s’est acquittée des deux premières amendes. Le fait de s’être conformée à ces sanctions n’atténue cependant pas la faute consistant à avoir persévéré dans l’inobservation de l’injonction qui les a motivées, sauf à suggérer que la pérennité d’une situation contraire au droit pourrait s’acheter pour un prix allant par ailleurs décroissant.

La recourante fait enfin valoir qu’il n’aurait pas été tenu compte de sa situation économique pour la fixation du montant de l’amende. Le grief, pertinent s’agissant d’examiner la proportionnalité de la peine et de sa quotité, est toutefois infondé en l’espèce. Le TAPI a examiné l’argument et exposé que la recourante tirait des revenus de son activité maraîchère et avait de la fortune. Ce constat est conforme au dossier. La recourante s’est contentée de produire devant la chambre de céans une preuve de sa rente AVS, sans donner aucune indication ni documenter ses revenus professionnels ni la composition et la valeur de sa fortune mobilière et immobilière et, s’agissant des liquidités disponibles, sans indiquer quelles charges l’empêcheraient de consacrer une partie du produit de la vente de sa maison en France au paiement de l’amende. Elle n’indique pas, pour le surplus, pour quelles raisons son âge à lui seul serait, dans ces circonstances, pertinent pour la fixation du montant de l’amende.

C’est ainsi de manière conforme au droit et sans abus de son pouvoir d’appréciation que le département a fixé l’amende.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Blaise PAGAN, Francine PAYOT ZEN‑RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :