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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4106/2021

ATA/660/2025 du 16.06.2025 sur JTAPI/1422/2023 ( EXP ) , REJETE

Descripteurs : EXPROPRIATION;ROUTE;ATTEINTE À L'ENVIRONNEMENT;IMMISSION;LOI FÉDÉRALE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT;ORDONNANCE SUR LA PROTECTION CONTRE LE BRUIT;BRUIT;DROIT DE VOISINAGE;RESTRICTION À LA PROPRIÉTÉ(DROITS RÉELS);INDEMNITÉ D'EXPROPRIATION
Normes : Cst; LPA.19; LPA.20; LPA.22; Cst; Cst; LPA.61; Cst; Cst; LPE.7; LPE.11; LPE.12; LPE.13; LPE.15; LPE.16.al1; OPB.13.al2; LPE.17; OPB.14; LPE.16.al2; OPB.17; CC.684; CC.679; LEx.4.leta; LEx.5.al1; OPB.38.al1; OPB.38.al3; OPB.43.al1; LEx.16; Cst; LEx.19.leta; LEx.19.letc; LEx.20.al1
Résumé : Recours contre un jugement du TAPI rejetant la requête d'indemnisation d'un propriétaire pour expropriation des droits de voisinage. La jurisprudence considère en particulier comme excessives, et donc comme susceptibles d'entraîner le paiement d'une indemnité d'expropriation, les immissions qui proviennent du trafic routier lorsque, cumulativement, elles touchent le propriétaire d'une façon particulière (principe de spécialité), elles sont imprévisibles et se révèlent graves ; ce n'est que si ces trois conditions cumulatives sont remplies que l'immission est excessive. La question de la spécialisation et de l'imprévisibilité peut souffrir de rester indécise. Condition de gravité non réalisée au motif que la moins-value n'atteint pas 10% de la valeur vénale du bien fonds. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4106/2021-EXP ATA/660/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 juin 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Mes David HOFMANN et Jérôme LEVRAT, avocats

contre

DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES MOBILITÉS intimé
représenté par Me Tobias ZELLWEGER, avocat

_________





Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2023 (JTAPI/1422/2023)


EN FAIT

A. a. A______ a acquis en 2014 la parcelle n° 10'463, d’une superficie de 113 m2, sise sur la commune de B______ (ci-après : la commune), à l’adresse ______, route C______, sise en zone 4B protégée.

Une habitation (bâtiment n° 223) d'une surface de 93 m2 y est sise. Une seconde parcelle, n° 10'796 de 105 m², en dépendance pour moitié soit 52.5 m², offre un dégagement devant la façade principale sise en direction du sud.

Environ 10 m séparent les bâtiments sis de chaque côté de la route C______ (route cantonale [ci‑après : RC] 67b, portant préalablement la référence RC 67), laquelle longe la façade ouest du bâtiment d’A______.

L’habitation a été construite au début du XXe siècle, a fait l’objet d’une rénovation lourde en 2014. Elle est composée d’un sous-sol comprenant un réservoir à pellets et une cave. Le rez-de-chaussée est constitué d’un hall d’entrée, un grand salon et une salle à manger, une cuisine ainsi qu’une buanderie, des toilettes, une chaufferie et un espace de rangement pour les vélos. Au premier étage se trouvent deux chambres à coucher, un grand dressing, une salle de bains et un bureau. Trois chambres à coucher et deux salles de bains sont sises au deuxième étage. Un grand espace disponible en toiture avec jours zénithaux est situé dans les combles. La maison est en bon état d’entretien.

b. Les valeurs limites d'immission (ci-après : VLI) applicables à cette parcelle correspondent au degré de sensibilité II (ci-après : DS II) conformément à l'art. 43 al. 1 let. b de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41).

Selon l'annexe 3 de cette ordonnance, les VLI sont de 60 dB(A) le jour et de 50 dB(A) la nuit et les valeur d’alarme (VA) de 70 dB(A) le jour et de 65 dB(A) la nuit.

c. Le 18 janvier 2021, le service des routes de l'office cantonal du génie civil a rendu un « Rapport final » sur le projet d'assainissement du bruit routier RC 67b (route C______ – route de B______ – route D______ – route E______ ; ci-après : le rapport final 1), ayant pour objectif de « proposer des mesures d'assainissement permettant de se conformer à la législation ».

d. Le 12 février 2021, dans la mesure où les VLI étaient encore dépassées pour 27 habitations, le département des infrastructures, devenu depuis lors le département de la santé et des mobilités (ci-après : le département), a mis en consultation une demande de 27 allègements pour la commune de B______. Un délai de 30 jours était accordé pour formuler d'éventuelles observations.

La parcelle d'A______ était concernée par cette demande.

B. a. Le 15 mars 2021, A______ a transmis ses observations, concluant à ce qu'il soit procédé à de nouveaux relevés (avec les bruits de pointe) de trafic et de vitesse en différents endroits dans le village de B______, sur des périodes plus longues et plus représentatives de la réalité des nuisances (plusieurs semaines sur une période de douze mois), à ce que la route C______ et la route D______ soient déclassées du « réseau secondaire » vers le « réseau de quartier », à la fermeture nocturne de la douane de B______ I (route D______), de 20h00 à 8h00, à la fermeture définitive de la douane de B______ II (route C______), à ce que la vitesse au centre du village de B______, notamment sur la route de B______ (dès l'entrée dans le village), la route C______, la route D______, la route E______ (dès l'entrée dans le village) soit limitée à 20 km/h, à ce que des radars fixes soient installés dans le village afin de vérifier le respect des limitations de vitesse et à l'avancement concret des études concernant le contournement routier de B______ et la réalisation du contournement à l'horizon 2025.

Les conditions prévues par la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et l'OPB pour accorder des allègements n'étaient pas réunies.

b. Entre les 14 juin et 16 juillet 2021, A______ et le département ont échangé de la correspondance.

c. Le 20 août 2021, A______ a transmis à la Chancellerie d'État le projet de requête en vue d'une indemnisation pour expropriation des droits de voisinage en raison du bruit routier qu'il entendait déposer auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il demandait à la Chancellerie d'État de recueillir la position de l'État de Genève (ci-après : l’État), via le département compétent, afin de savoir s'il entendait entrer en matière, intégralement ou partiellement, sur ses prétentions.

d. Le 19 octobre 2021, le département a informé A______ qu’il modifierait son programme d'assainissement et que dans le cadre de la nouvelle étude, l'installation de radars et la réalisation de contrôles seraient demandés à la police ; un délai de deux ans serait nécessaire pour parvenir à l'assainissement et à la réduction du bruit à la route C______.

e. Le 17 novembre 2021, le Conseil d'État a refusé d'entrer en matière sur la demande d'indemnisation d'A______ au motif que la condition de l'imprévisibilité n'était pas remplie car ce dernier avait acquis la parcelle en 2014.

C. a. Le 26 novembre 2021, A______ a saisi le TAPI d'une requête de conciliation en vue d'une indemnité pour expropriation des droits de voisinage en raison du bruit, concluant à ce que l'État soit condamné à lui verser la somme de CHF 337'500.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 26 novembre 2021.

Selon le rapport final, les VLI étaient de 66 dB(A) la journée et de 53 dB(A) la nuit au droit de son bâtiment ; les VLI étaient ainsi dépassées de +6 dB(A) la journée et de +3 dB(A) la nuit.

La LPE prévoyait une obligation d'assainir, des allègements pouvant être toutefois accordés, et l'art. 17 al. 4 OPB prévoyait que cet assainissement devait être exécuté au plus tard le 31 mars 2018.

Le bruit étant une nuisance, l'État devait exproprier ses droits de voisinage et l'indemniser en sa qualité de propriétaire, les trois conditions cumulatives de la spécialité, de la gravité et de l'imprévisibilité étant réunies. S'agissant de cette dernière condition, le requérant était voisin d'une route qui, à l'expiration du délai précité, n'avait pas été assainie, et ce en violation du droit. Ayant acquis un bien immobilier avant l'échéance du délai d'assainissement, il s'attendait, et pouvait légitimement s'attendre, de bonne foi, à ce que la législation soit respectée, a fortiori lorsque le respect en incombait aux autorités. Or, tel n'était toujours pas le cas, de sorte que le département – au lieu d'assainir comme la loi le lui imposait – avait envisagé de demander et d'accorder des allègements pour s'exonérer, sans droit, de ses obligations en vertu de la législation applicable.

Contrairement à ce que l'État lui avait répondu, ce qui était déterminant était le fait que le non-assainissement de la route, en violation de la loi, ne fût pas prévisible au moment où A______ avait acquis l'immeuble. Il convenait donc de procéder à une interprétation cohérente de droit civil (qui protégeait les droits de voisinage), du droit de l'expropriation (qui prévoyait la condition de l'imprévisibilité) et du droit de la protection de l'environnement (qui visait à préserver les citoyens d'atteintes excessives et qui obligeait les autorités à assainir les installations trop bruyantes), de sorte que la condition de l'imprévisibilité – qui ne visait pas l'apparition de l'automobile bruyante, mais le non-respect des règles d'assainissement – devait en l'espèce être considérée comme remplie.

La condition de la spécialité était réalisée, dès lors que les VLI étaient dépassées, – ce qui n'était pas contesté par l'État –, de même que la condition de la gravité, dès lors que les nuisances sonores causées par le trafic routier se répercutaient de façon significative sur la valeur de sa maison. Il ressortait en effet de l'évaluation à laquelle il avait fait procéder par F______ Suisse SA (ci-après : F______), agence immobilière spécialisée, que la perte de valeur de sa propriété, en raison du bruit excessif, était d'au moins CHF 337'500.-, soit 15% de la valeur vénale (estimée à CHF 2'250'000.-).

b. Le 10 décembre 2021, le directeur de l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a informé A______ qu'après un entretien avec la commune, cette dernière irait de l'avant pour la mise en place d'une limitation à 30 km/h du village et, en date du 26 janvier 2022, il a indiqué que d'ici fin février, les panneaux 40 km/ après chaque intersection seraient posés dans le village.

c. Les parties ne sont pas parvenues à un accord lors de l'audience de conciliation.

d. L'État, soit pour lui le département, a conclu, préalablement, à l'audition de témoins et, principalement, au rejet de la demande en indemnisation.

e. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a conclu à la tenue d'un transport sur place, un matin en semaine, à 7h30 et s'est rapporté à justice quant à l'établissement d'une expertise judiciaire pour chiffrer la perte de valeur de sa propriété.

La lettre d'intention signée le 23 janvier 2018 entre les autorités suisses et françaises portant sur la réduction tangible du trafic pendulaire motorisé de transit au niveau des passages frontière de B______ II, G______, H______ II et I______ (ci-après : la lettre d'intention) n'avait aucun caractère contraignant. S'agissant du trafic, cette lettre ne visait pas la douane de B______ I et, s'agissant du contenu, elle ne visait pas le bruit. De plus, les mesures y figurant n'avaient pas eu d'effet concret. Il était également contesté que le trafic aurait diminué. L'État n'avait pas élaboré de « plan d'assainissement » mais avait au contraire renoncé à tout assainissement en prétendant s'octroyer des allègements. Le requérant avait proposé des mesures de réduction du trafic que l'État n'avait pas souhaité retenir.

En 2014, il pouvait s'attendre à ce que la situation sonore de sa propriété s'améliore conformément à la loi, au 31 mars 2018, son acquisition étant suffisamment éloignée du délai d'assainissement. D'ailleurs, sur la base du principe de la bonne foi, il pouvait partir de l'idée que les promesses des autorités politiques seraient tenues et respectées, de sorte qu'il espérait que la question du trafic transfrontalier serait réglée rapidement. Si la position de l'État de Genève était suivie, cela signifierait, a contrario, qu'une indemnisation pour expropriation du droit de voisinage pour le bruit routier ne serait plus jamais possible car il était désormais acquis que les véhicules automobiles étaient bruyants. Il n'y aurait plus besoin des autres conditions, et l'obligation d'assainir ainsi que le délai fixé au 31 mars 2018 n'auraient aucune valeur. Cet argument revenait à justifier le rejet d'une prétention justiciable par les manquements de l'État. Enfin, l'argumentation de l'autorité intimée par rapport à la prescription surprenait, l'intéressé ne pouvant pas faire valoir de prétentions avant l'expiration du délai d'assainissement le 31 mars 2018.

f. L'État a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

g. Le 25 août 2022, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquêtes.

g.a. J______, directeur de l'OCT, a expliqué que la vitesse dans le village de B______ était limitée à 40 km/h mais que l'État avait la volonté de la réduire à 30 km/h. L’expertise sommaire du mandataire de la commune ayant été reçue pendant l'été, l'OCT allait l'analyser d’ici fin septembre et, dans le même temps, publier l’enquête publique, soumise elle-même à des observations ; ensuite l’arrêté serait publié, lequel était susceptible de faire l'objet d'un recours. Les panneaux 40 km/h avaient été posés le 7 février 2022. Il n’y avait pas eu de monitoring. Il ignorait donc l’effet concret sur le bruit.

S’agissant de la lettre d’intention signée avec les autorités françaises, les mesures suivantes avaient été ou allaient être prises :

- mise en service de feux en septembre 2021 au niveau du P+R de L______ avec une diminution programmée de la circulation de - 20% le matin jusqu’à 8h30. L’objectif à la fin de l’année était de 50% en moins. L'OCT avait encore une programmation qui projetait une diminution supplémentaire de 10% au mois de mai 2022 ; l’étape suivante serait encore de 10% supplémentaires dès le 7 septembre 2022, ce qui conduisait à une diminution totale de 40%. Les derniers 10% étaient prévus d’ici au mois de novembre. L'OCT avait procédé à des comptages. Ceux-ci avaient montré une réduction de 30% du trafic entre septembre 2021 et mai 2022, le matin avant 8h30. La route C______ était directement concernée. Il était prévu d'installer quatre feux dans la même temporalité, notamment le feu installé sur la commune de K______ (France), qui était en lien direct avec la régulation du trafic ;

- mise en place, en septembre 2021 environ, de deux lignes de transports publics, soit les lignes 63 et 76, ainsi que le P+R de L______, qui était gratuit.

L'OCT devait se limiter à ce qui était prévu dans la lettre d’intention. Il ne pouvait par exemple pas prévoir d’autres mesures s’agissant des feux. A______ a précisé qu'il n'était pas concerné par cette mesure car le trafic devant sa maison passait par la douane de B______ I, où aucune mesure n’était prévue. Si ces mesures n’étaient pas suffisantes à la fin de l’année, un plan B serait mis en place, soit la fermeture des douanes. Au moment où la limitation de 40 km/h avait été mise en place, en février 2022, la police avait pu effectuer des contrôles. Il ignorait s’ils avaient été effectués, un autre département étant compétent. Il ignorait de même si des radars avaient été mis en place. Il demanderait à la police les chiffres concernant les excès de vitesse dans B______, ainsi que ceux du contrôle du bruit des véhicules s’il y en avait eu. Il avait recommandé à la commune de modifier le sens de la circulation dans le périmètre du village, afin de « redonner du gabarit au trottoir » et permettre de dévier le trafic ; l’exécutif, qui avait accueilli favorablement cette proposition, devait l’évoquer auprès du Conseil municipal. Il n'avait pas eu de retour à ce sujet.

S’agissant des propositions d'A______ du 15 mars 2021, la fermeture nocturne de la douane de B______ I, entre 20h et 8h du matin, pourrait être une option. La fermeture définitive de la douane de B______ II également. Il s’agirait d’une décision politique. S’agissant de la déclassification de la route C______ et de la route D______, du réseau secondaire à un réseau de quartier, un plan quinquennal relatif à la hiérarchie du réseau était en consultation auprès des communes. Les habitants de la commune n’étaient pas favorables à la mise en place d'aménagements tels que chicanes ou dos d’ânes dès lors qu’ils utilisaient des tracteurs ou des remorques. Une limitation à 20 km/h de la vitesse au centre du village de B______ impliquerait de prévoir des zones de rencontres, qui seraient aménagées notamment avec des bacs à fleurs, ce qui poserait problème pour certains véhicules utilisés par les habitants. L'OCT avait des outils législatifs, notamment la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée du 5 juin 2016 (LMCE - H 1 21), pour permettre la limitation de la vitesse à 30 km/h.

g.b. M______, directeur général de l'office cantonal du génie civil, a confirmé avoir évoqué la date de deux ans, depuis octobre 2021, pour déterminer si les mesures envisagées dans le nouveau plan de mesures d’assainissement du bruit routier spécifique au tronçon en question auraient pour conséquence de ramener le niveau sonore en-deçà des VLI. L'office comptait faire un point de situation en octobre 2023, avec les mesures prises auparavant. L’objectif était d’arriver en octobre 2023 avec un nouveau projet d’assainissement à présenter et à faire valider. Celui-ci pourrait également mener à des propositions d’allégements. Ce serait en cas d’allégements et de VA atteintes que les autorités pourraient mettre en demeure le propriétaire d’insonoriser sa maison, aux frais du propriétaire de la route. Ils avaient renoncé à rendre une décision d’allégement à la suite des remarques d'A______ et d’autres habitants et avaient préféré réviser le projet d’assainissement. Cette démarche entrait également dans le cadre de l’action du canton pour lutter contre le bruit. En effet, une stratégie de la vitesse globale dans le canton était en cours. Un arrêté de circulation global pour diminuer la vitesse sur l’ensemble du canton était prévu.

Le revêtement phonoabsorbant avait été posé sur la traversée du village de B______ en 2012. Son renouvellement était prévu en 2027, voire avant si les performances du revêtement devaient être réduites.

g.c. Selon la juriste du département, ce dernier n'avait jamais affirmé que la pose de radars serait révisée, mais uniquement que cette requête, provenant d'A______, avait été transmise à la police routière pour question de compétence.

g.d. A______ s'est engagé à demander à F______ un rapport plus détaillé, indiquant notamment les critères et la méthode de calcul permettant de parvenir à la conclusion que le bien subissait une moins-value de 15%, ainsi que les critères objectifs permettant d’expliquer comment arriver au prix du marché. La juriste du département a précisé préférer une expertise judiciaire.

h. Invité par le TAPI à se déterminer sur la suspension de la procédure jusqu'à octobre 2023, A______ s’y est opposé.

i. L'OCT a transmis les dates et résultats des comptages réalisés dans le village de B______, la fréquence d'utilisation des bus nos 63 et 76, ainsi que les statistiques des contrôles de vitesse effectués dans la commune entre les 7 février et 24 août 2022. Les dépassements de vitesse à la route C______ représentaient 2.30%.

j. A______ a indiqué que le document fourni concernant les comptages était lacunaire, que les chiffres paraissaient difficiles à comprendre et que l'instauration des lignes du bus nos 63 et 76 n'était pas un succès au vu du nombre réduit de passagers par bus ; s'agissant enfin des statistiques des contrôles de vitesse, il constatait qu'il n'y avait eu que huit contrôles durant une période de sept mois et qu'il ne fallait pas limiter le pourcentage aux seuls contrôles effectués à la route C______ mais retenir le total de 506 infractions sur 3'426 véhicules contrôlés, ce qui représentait 14.76%. Ceci démontrait que les mesures mises en place par l'État n'avaient et n'auraient aucun effet tangible d'ici octobre 2023.

k. Le 30 novembre 2022, A______ a expliqué que le co-auteur du rapport d'évaluation de F______ du 11 août 2021 n'avait pas souhaité développer son rapport considérant que celui-ci était complet. Il a transmis un nouveau rapport d'expertise, établi par N______, architecte EAUG/AGA/SIA.

Au vu de ces documents, la valeur intrinsèque de sa propriété, sans les nuisances routières, serait plus élevée de 10 à 15%, et la valeur de rendement théorique, sans nuisances, de 10 à 16%.

l. Le 26 janvier 2023, A______ a transmis un article de la Tribune de Genève du 18 janvier 2023 duquel il résultait que le trafic aux « petites douanes » n'avait pas baissé autant que prévu par la lettre d'intention et qui confirmait la difficulté de l'État à assainir la situation.

m. Le 10 février 2023, le département s'est déterminé sur les expertises transmises par A______ et a produit trois documents : un rapport d'expertise du 24 janvier 2023 établi par O______, experte immobilière membre CEI/SIV/SVIT Romandie, une « analyse critique » du rapport d'estimation F______ et de celui d'N______ du même jour réalisé par O______, et un rapport d'expertise du 31 janvier 2023 rendu par P______, experte immobilière CEI, et Q______, experte immobilière IEI (ci-après : le rapport R______).

N______, auteur du rapport d'expertise du 29 novembre 2022, était le beau-frère de l'intéressé. L'expertise réalisée par O______ concluait à une perte de valeur de 6.6% et le rapport R______ à une dévaluation de 5%. La condition de la gravité du dommage n'était donc pas réalisée. L'État persistait dans ses conclusions.

n. Le 17 mars 2023, A______ s'est déterminé sur ces rapports, confirmant que la condition de la gravité était réalisée.

o. Le 3 avril 2023, le département a répondu aux remarques formulées par A______ sur les rapports et a conclu à ce que l'expertise K______ produite par celui-ci soit écartée, dans la mesure où un motif de récusation de l'expert était réalisé.

p. Le 12 octobre 2023, le département a produit le nouveau projet d'assainissement du bruit routier concernant la route cantonale RC 67b (route C______, de B______, D______ et E______) établi par l'office cantonal du génie civil le 31 août 2023 (ci-après : rapport final 2).

Le 22 septembre 2023, la commission interdépartementale pour le suivi des projets d'assainissement du bruit des routes (ci-après : PRASSOB) avait rendu un préavis de synthèse recommandant à l'autorité d'exécution d'accepter le projet d'assainissement.

Douze bâtiments présentaient un dépassement des VLI. Les VA n'étaient pas atteintes. À l'état futur « + 20 ans », sans assainissement, 10 bâtiments présenteraient un dépassement des VLI (max +3 dB(A)) et les VA ne seraient pas atteintes. Les mesures retenues étaient : a) le renouvellement du revêtement phonoabsorbant et b) la limitation à 30 km/h à l'intérieur du village de B______. Ces mesures cumulées permettraient d'assainir tous les bâtiments en dépassement des VLI, notamment celui du requérant.

q. A______ a relevé que le rapport final 2, n'avait aucune utilité concrète pour la présente procédure qui portait sur l'expropriation de ses droits de voisinage pour le passé, le présent et une partie du futur au moins.

r. Le 9 novembre 2023, le département a notamment exposé que le renouvellement du revêtement phonoabsorbant était prévu entre 2025 et 2027 et que la limitation à 30 km/h serait mise en œuvre « dès que possible, selon l'évolution des recours relatifs à la stratégie cantonale des vitesses ». L'arrêté 2022-00278 EP 7074, concernant la modération de la vitesse maximale autorisée adopté le 10 octobre 2022 par le département des infrastructures, serait reconsidéré. Cet arrêté avait fait l'objet d'une nouvelle enquête publique et un nouvel arrêté serait publié, ce qui pourrait amener les recourants à conclure un accord avec l'autorité et retirer leur recours. Dès la réalisation des mesures d'assainissement prévues par le projet, les VLI seraient respectées.

s. Par jugement du 18 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Les mesures d'instruction requises étaient écartées.

Le point de départ du délai de prescription – de cinq ans – devait être fixé, dans le cas d'espèce, au 31 mars 2018, en application de l'art. 17 al. 4 OPB. A______ ayant agi pour la première fois en 2021, sa prétention n'était pas prescrite. Sa demande avait été déposée en temps utile.

Il n'était pas contesté que la condition du dommage spécial – lorsque les immisions étaient particulièrement intenses ou incompatibles avec l’utilisation du fonds touché, ou encore qu’il y avait pour celui-ci un cumul d’effets préjudiciables (lorsque les VLI fixées dans la LPE étaient dépassées) – était réalisée.

L'indemnisation était subsidiaire à l'assainissement. Ce n'était que dans le cas où un canton n'envisageait la prise d'aucune mesure d'assainissement, ou si de toute manière aucune mesure d'assainissement n'était susceptible de diminuer l'exposition au bruit routier qu'une demande d'indemnisation pourrait être formulée par un expropriétaire à l'échéance du délai fixé aux cantons par l'OPB, ce qui n'était pas le cas en l’espèce. Ainsi, le dépassement des valeurs limites depuis le 1er avril 2018 ne permettait pas à lui seul de conclure que la condition de l'imprévisibilité était remplie. L'État avait exposé à cet égard continuer à prendre des mesures d'assainissement qui avaient pour objectif de ramener les nuisances sonores en deçà des VLI (à savoir : diminution de la vitesse à 30 km/h, réduction du trafic pendulaire, pose de revêtement phonoabsorbant, à quoi s'ajoutait la volonté de la commune de modifier le sens de la circulation qui rendrait à terme unidirectionnelle la route C______ au droit du bâtiment du requérant).

Dans sa réponse de février 2022, il avait fait valoir qu'un délai de deux ans était toutefois nécessaire pour déterminer si les mesures envisagées dans le nouveau plan de mesures d'assainissement du bruit routier spécifique au tronçon en question auraient pour conséquence de ramener le niveau sonore en deçà des VLI. Dans l'intervalle, il n'était pas possible pour A______ de prétendre à une indemnisation, sauf à renverser le principe de la primauté de l'assainissement sur l'indemnisation.

Lors de l'audience devant le TAPI du 25 août 2022, les représentants de l'État avaient ajouté que tant et aussi longtemps que les effets de ces mesures de diminution du bruit routier ne seraient pas connus – soit d'ici à octobre 2023 –, il n'était pas possible pour l'intéressé de prétendre à une indemnisation. Finalement, en date du 12 octobre 2023, faisant suite à ses « engagements », l'État avait informé le TAPI qu'un nouveau projet d'assainissement du bruit routier concernant la RC 67b avait été établi duquel il résultait que les mesures finalement retenues étaient : a) le renouvellement du revêtement phonoabsorbant entre 2025 et 2027 et b) la limitation à 30 km/h à l'intérieur du village de B______ qui serait mise en œuvre « dès que possible, selon l'évolution des recours relatif à la stratégie cantonale des vitesses ». Ces mesures cumulées permettraient d'assainir tous les bâtiments en dépassement des VLI, notamment celui d'A______.

Chronologiquement, au moment où la procédure d'expropriation avait été initiée, les autorités avaient décidé dans un premier temps de bénéficier de mesures d'allègement. Si notamment en raison de la procédure initiée par l'intéressé, l'État avait décidé de remettre à jour le plan d'assainissement du bruit routier, il convenait de constater qu'aucune mesure concrète n'avait été mise en place au jour du jugement et la baisse du trafic prévue par l'autorité n'était toujours pas atteinte. La « Lettre d'intention » prévoyait un plan d'actions réparti en quatre phases temporelles, partant de début 2018 à fin 2019, complété par la mise en service du Léman Express, ainsi que par les possibles contournements de B______ et H______, dont les études d'opportunité et de faisabilité devaient être menées dès 2018. Or il n'était pas contestable que l'objectif de diminuer le trafic des frontaliers de 50% n'avait pas été atteint.

Au jour du prononcé du jugement, cela faisait plus de cinq ans et demi que le délai d'assainissement (mars 2018) avait été dépassé et la procédure avait été initiée il y avait plus de deux ans. Malgré les engagements de l'autorité, il n'y avait pas eu, en octobre 2023, d'effet tangible et concret malgré l'ultime prolongation du délai d'assainissement. Seules deux mesures avaient été prises dans le rapport final 2, qui n'allaient pas être réalisées dans un futur très proche, puisque le revêtement phonoabsorbant, datant déjà de 2012, ne serait renouvelé qu'en 2025-2027 et que la limitation à 30 km/h à l'intérieur du village de B______ était dépendante de l'évolution des recours et de la discussion politique relative à la stratégie cantonale des vitesses. À cet égard, un nouvel arrêté avait été adopté le 8 décembre 2023 qui avait reconsidéré l'arrêté 2022-00278 EP 7074 concernant la modération de la vitesse maximale autorisée adopté le 10 octobre 2022. Cet arrêté reconsidéré, publié dans la FAO le 11 décembre 2023, était sujet à recours. De surcroît, et surtout, il n'était pas établi par l'État que ces deux mesures suffiraient pour respecter les VLI, ce d'autant que le rapport final 1 indiquait pour sa part que ces deux mêmes mesures ne suffiraient pas. En effet, il était déjà prévu à cette époque de renouveler le revêtement phonoabsorbant en 2027 et ledit rapport indiquait qu'un « abaissement de vitesse n'aurait donc aucun effet sur les vitesses moyennes et sur les niveaux d'émission ». Le projet ne prévoyait pas non plus de faire respecter cette limitation de vitesse de 30 km/h par des contrôles radar. Les arguments de l'autorité intimée pour affirmer que ces deux mesures suffiraient à assainir tous les bâtiments en dépassement des VLI, à savoir une baisse de trafic entre 2019 et 2023, une diminution du trafic entre 9 et 20% à l'horizon 2043, le changement de modèle de calcul du bruit, de Stl86+ à son ROAD18, ne convainquaient pas.

Si, comme le relevait l'État, le simple fait que le délai pour assainir la route C______ était échu n'avait pas en soi pour conséquence d'ouvrir la voie à une indemnisation pour expropriation, il convenait de conclure que dans le cas particulier, dès lors que les VLI étaient toujours dépassées et qu'il n'était de loin pas démontré que les solutions prévues par l'État permettraient réellement d'éliminer les immissions sonores au point qu'elles respecteraient les VLI, la condition de la spécialité (recte : l'imprévisibilité) était remplie au sens de la jurisprudence, ouvrant de la sorte le droit à une expropriation des droits de voisinage.

A______ avait produit deux rapports d'expertise. Celle établie par N______, le beau-frère de l'intéressé, était écartée, leurs liens de parenté étant manifestement de nature à susciter des doutes quant à l'impartialité de ce dernier.

L'expertise de F______, soit une agence immobilière, ne contenait ni les critères ni la méthode de calcul qui avaient été utilisés pour parvenir à la conclusion que le bien d'A______ subirait, du fait des nuisances sonores, une moins-value équivalente à 10 à 15%. Malgré la demande du TAPI, cet expert avait refusé de préciser son rapport en indiquant les critères objectifs permettant de fixer la valeur vénale et comment il était arrivé au prix du marché. De plus, l'auteur avait procédé à une moyenne pondérée de la valeur intrinsèque et de la valeur en propriété par étage (ci-après : PPE), soit une méthode de calcul non pertinente compte tenu de la distribution de la maison d'un seul tenant.

Le rapport R______ retenait qu'il était peu réaliste de majorer de +10 à +15% la valeur vénale actuelle comme l'avaient fait les auteurs des évaluations produites par A______. En terme de valeur globale (terrain + bâtiment), ce niveau n'était à leur sens pas absorbable en regard de la centralité et des transactions observées (p. 2).

Pour sa part, l'autorité intimée avait produit deux rapports d'expertise, l'un réalisé par O______, qui avait conclu à une perte de valeur de 6.6%, et le rapport établi par R______, qui avait conclu à une dévaluation de 5%. Le premier avait pris en compte la valeur intrinsèque pour la détermination de la valeur vénale, composée de la valeur du terrain et de la valeur des constructions (y compris la vétusté, coûts des aménagements extérieurs et coûts secondaires de construction). La première valeur était une valeur en l'état, avec les VLI dépassées. La seconde valeur était une valeur fictive, « comme si » les VLI étaient respectées et la différence entre les deux valeurs représentait la moins-value provoquée par le bruit excessif. O______ avait conclu que même avec le respect des VLI, la situation restait moyenne au vu de la proximité de la route et que la maison ne serait pas à l'abri de toute nuisance. Le second rapport procédait également à une double évaluation, la première déterminant la valeur vénale de l'immeuble (soit la valeur intrinsèque reposant sur les prix observés sur le marché et sur les caractéristiques de la zone d'affectation) et en tenant compte des nuisances et la seconde déterminant une valeur théorique sous l'hypothèse de l'absence de nuisances, la valeur vénale retenue par l'expertise étant la valeur intrinsèque, déterminée en calculant la valeur du bâtiment et la valeur du terrain. Les valeurs vénales estimées, en prenant en considération le dépassement des VLI, par ces deux expertises étaient proches, la première retenant une valeur de CHF 2'270'000.-, la seconde de CHF 2'230'000.-. Avec les VLI respectées, les rapports aboutissaient à une valeur fictive de CHF 2'420'000.- en ce qui concernait la première, et de CHF 2'340'000.- pour la seconde.

A______ n'avait pas présenté d'éléments propres à remettre en cause les rapports de ces auteurs mandatés par l'État. Les arguments de l'intéressé pour s'y opposer, ayant trait en substance à la méthodologie du rapport de O______ et de celui d'R______, ne constituaient pas des objections sérieuses aux conclusions des rapports, qui ne souffraient par ailleurs d'aucun problème de partialité. Il n’y avait ainsi pas de raison de s'en écarter.

Or, les deux évaluations, caractérisées par des explications claires, détaillées et précises, estimaient l'éventuelle perte de valeur entre 6.6% et à 5%. La condition de la gravité du dommage telle que définie par la jurisprudence n'était ainsi pas réalisée.

Aucune indemnité n'était dès lors due à A______.

D. a. Par acte déposé le 1er février 2024 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre adminsitrative), A______ a interjeté recours contre le jugement précité, concluant préalablement à ce qu'une expertise judiciaire relative à la valeur de sa propriété avec et sans le bruit routier soit ordonnée. Principalement, le jugement attaqué devait être annulé et l'État de Genève devait être condamné à lui payer un montant de CHF 337'500.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 26 novembre 2021.

Les analyses contenues dans les rapports établis par N______ et F______ étaient factuellement correctes contrairement aux rapports rendus par O______ et R______.

Le TAPI n'aurait pas dû écarter le rapport émis par N______, son ex‑beau-frère, dans la mesure où les principes de la récusation n'étaient pas applicables aux expertises privées.

Les valeurs vénales retenues dans les rapports précités avec nuisances étaient assez proches. Les deux rapports qu’il avait produits étaient donc sérieux.

Dans le rapport de O______, la valeur de la construction était identique, avec et sans nuisances. Ce rapport ne tenait pas compte du fait qu'en l'absence d'un trafic frontalier intense le matin et le soir, il n'y aurait que du trafic local, concrètement l'un ou l'autre tracteur. La situation de la parcelle serait donc très différente du flot continu des voitures qui circulaient à la route C______.

Le TAPI n'était pas entré dans les détails du rapport R______ et n'avait pas examiné ses critiques.

Aucun des quatre rapports ne souffrait de partialité, chaque partie ayant mandaté ses propres analystes. Toute évaluation immobilière contenait un certain degré de subjectivité.

La crédibilité concrète des quatre rapports était confirmée par les valeurs proches de la propriété sans nuisances ; les écarts n'étaient pas excessifs et restaient raisonnables. De même, les calculs de la médiane et de la moyenne confirmaient que, dans les deux cas, la perte de la valeur de sa propriété était supérieure à 10%.

Il produisait un nouveau rapport, du 29 janvier 2024, établi par S______, architecte EAUG/SIA, lequel formulait également quelques critiques sur les rapports rendus par N______, O______ et R______. Il concluait à une différence de valeur de 10.84%, soit CHF 278'800.- (CHF 2'850'600.- [valeur VLI respectées] – CHF 2'571'800.- [valeur actuelle]). La situation était donc la suivante :

 

Auteur

Mandant

Date du rapport

Montant avec nuisances (CHF)

Sans nuisances excessives = VLI respectées (CHF)

Différence

F______

recourant

11.08.2021

2'262'333.-

+ 10/15% = entre 2'488'566.- et 2'601'683.-

10 à 15%

H. K______

recourant

29.11.2023

2'245'000.-

2'565'000.-

14.25%

R______

intimé

31.01.2023

2'230'000.-

2'340'000.-

4.93%

O______

intimé

24.01.2023

2'270'000.-

2'420'000.-

6.6%

F. S______

recourant

29.01.2024

2'571'800.-

2'850'600.-

10.84%

 

Sur la base de la jurisprudence, il n'y avait pas de limite générale pour la condition de gravité. Pour l'appréciation de cette condition, la chambre administrative devait prendre en considération les critiques sévères du TAPI envers de l'inaction de l'État, dans le contexte de l'imprévisibilité des nuisances. L'action insuffisante de l'État – et l'obligation d'indemniser qui en découlait – ne devait pas être récompensée par un raisonnement trop généreux pour l'État sur la condition de la gravité.

Vu la réalisation des deux autres conditions, l'obligation d'indemniser était remplie. Le montant de CHF 337'500.- (15% de CHF 2'250'000.-, selon l'évaluation F______) lui était dû.

b. Le département a conclu au rejet de la demande d'expertise judiciaire, à l'audition des auteurs des rapports d'expertise privée et des rapports d'expertise complémentaires commandés par ses soins, et au rejet du recours.

Le recourant ne pouvait pas fonder le montant de son dommage sur le rapport F______ compte tenu de ses lacunes méthodologiques.

Indépendamment de la motivation juridique précise, ce qui comptait était que le TAPI avait considéré que le rapport établi par N______ n'était pas suffisamment digne de foi, compte tenu des (anciens) rapports familiaux entre l'auteur dudit rapport et A______. Le débat se situait sur le plan de la valeur probante de ce moyen de preuve. Force était de constater que ce rapport n'avait pas convaincu le TAPI. Au demeurant, vu leurs liens, ce rapport ne pouvait avoir la même valeur probante que les autres rapports d'expertise privée produits par les parties. En toute hypothèse, ledit rapport n'était pas exempt de défauts.

Les éventuelles erreurs figurant dans le rapport de O______ – qui étaient largement contestées – n'avaient, de toute manière, pas d'impact significatif sur les valeurs de la propriété, que l'on se plaçait dans le scénario des VLI respectées ou dépassées.

Les contre-arguments apportés par le rapport complémentaire établi par O______ le 29 février 2024 réduisaient à néant les critiques figurant dans le rapport de S______. Les critiques formulées à l'encontre du rapport R______ étaient également infondées au vu des réponses apportées par R______ dans son rapport complémentaire du 21 mars 2024.

Il n'était pas question de savoir si les rapports d'expertise privée étaient proches les uns des autres mais de savoir si celui ou ceux qui avaient une valeur probante suffisante prouvaient que le dommage allégué serait suffisamment grave au sens de la jurisprudence. La production du rapport établi par S______ était de nature à renforcer les conclusions du jugement attaqué, soit que le dommage allégué n'était en tout cas pas grave.

Plusieurs critiques pouvaient être formulées à l'encontre de ce dernier rapport. L'estimation de la valeur de marché de la propriété de l'intéressé devait être faite dans l'hypothèse du respect des VLI et non pas « hors nuisances ». Les trois façades n'étaient pas impactées par les nuisances du trafic routier. Seule la « façade pignon » dépassait les VLI. La méthode utilisée pour déterminer la valeur à neuf de la propriété expertisée était critiquable. Enfin, la valeur du terrain était surestimée. Ce nouveau rapport était donc impropre à renverser la solution du TAPI. Le dommage ne pouvait pas être qualifié de grave.

La prétendue inaction de l'État n'était pas pertinente pour l'examen de la condition de la prétendue gravité du dommage. A______ mélangeait les conditions d'imprévisibilité et de gravité.

Subsidiairement, la condition de l'imprévisibilité n'était pas remplie. Le TAPI avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Il ne pouvait pas retenir que plus aucune mesure ne serait apte à remédier à la situation et ramener les immissions sonores au seuil des VLI. L'État avait pris différentes mesures (pose d'un revêtement phonoabsorbant et prochain renouvellement de celui-ci, feux de signalisation à la douane de B______ I et II, limitation de la vitesse à 40 km/h au sein du village de B______ avec certains tronçons à 30 km/h, mise en place de deux lignes de transports publics, prochaine mise à 30 km/h de la route C______, possibilité de décaler l'axe de la route C______ en supprimant des places de stationnement et les objectifs du plan climat cantonal visant la diminution du trafic individuel motorisé). De plus, la solution du TAPI réduirait à néant la condition de l'imprévisibilité dans nombre de cas.

A______ savait, lors de l'acquisition de sa propriété en 2014, que le VLI y étaient dépassées. Indépendamment des mesures étatiques pour lutter contre les nuisances sonores, sa situation n'avait rien d'imprévisible.

Le département a notamment produit des rapports d'expertise complémentaires établis par O______ et R______ les 29 février et 21 mars 2024, se déterminant notamment sur le rapport S______.

c. Dans sa réplique, A______ a demandé à ce qu'un transport sur place, un jour ouvrable à 7h30, route C______, soit organisé, et l'audition des différents auteurs des rapports d'expertise privée.

Dans un rapport complémentaire du 30 avril 2024, S______ avait mis à jour son expertise au regard de remarques du département et des pièces produites.

Les données issues du rapport F______ provenaient d'un spécialiste de la vente immobilière. La méthodologie ne correspondait peut-être pas à celle d'un architecte mais le résultat était parfaitement cohérent et digne d'être pris en considération.

Contrairement à ce que soutenait le département, les mesures prises par l'État demeuraient insuffisantes depuis 2018, date à laquelle les VLI auraient dû être respectées. Il existait certes des plans généraux (plan climat, lutte contre le bruit) mais pas de mesures concrètes à B______. Par exemple, sur les deux lignes de bus mises en avant, l'une d'entre elles avait déjà été supprimée. La réduction de vitesse ne s'était pas concrétisée. La fermeture des douanes de B______ I et II n'était même pas envisagée, alors qu'une telle mesure avait été mise en œuvre ailleurs.

Suivre la position du département reviendrait à retenir que la condition de l'imprévisibilité ne serait jamais remplie. De plus, son raisonnement signifierait qu'un propriétaire devrait partir de l'idée que l'État ne respecterait pas les normes fédérales en matière d'environnement et le délai de 2018. Le raisonnement du TAPI s'agissant de la réalisation de la condition de l'imprévisibilité était conforme au droit.

d. Une audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue le 14 novembre 2024.

da. Le département a confirmé que le 30 km /h n'était toujours pas en vigueur à la route C______ en raison d’un recours toujours pendant contre l'arrêté du 10 octobre 2022. Le second arrêté était aussi pendant devant le TAPI. La route C______ était en conséquence toujours limitée à 40 km/h. Le phonoabsorbant devait être posé entre mi-avril et mi-novembre 2025. Les lignes de bus 83, L (noctambus et jour – le recourant faisant remarquer qu’il s’agissait de la ligne historique qui avait toujours desservi la campagne) et TPG Flex étaient à disposition. La ligne 63 était devenue la 83 et la 76 avait été supprimée. La ligne 83 avait été prolongée jusqu'à Satigny et sa fréquentation avait augmenté.

La motion M 2792 avait été adoptée par le Grand Conseil et transmise au Conseil d'État le 31 octobre 2024. La lettre d'intention n'avait pas été renouvelée. Les représentants du département ignoraient pour quelles raisons la douane de B______ I n’avait pas été incluse dans ladite lettre. Les parties continuaient à se réunir dans l'optique de maintenir les mesures précédemment adoptées. B______ I faisait partie des discussions. Les fermetures de douanes, même nocturnes, n’étaient pas à l'ordre du jour. Les mesures de covoiturage (priorisation au passage de la douane B______ II) avaient été, à l'instar des mesures pour les feux, maintenues. Les mesures de covoiturage ne concernaient pas B______ I. Le projet de la commune de passer les routes communales en zone 30 devait pouvoir être déposé début 2025, le recourant rappelant que la route C______ était cantonale.

Il déposait notamment une représentation visuelle des niveaux sonores actuels (valeurs d’immission) par étage et par façade de la maison du recourant, de jour et de nuit, selon les rapports finaux 1 et 2. Sur les 24 mesures, quatre dépassaient les VLI selon le rapport final 1 (les quatre étages de la façade donnant sur la route C______, le jour). Selon le rapport final 2, seule une mesure restait problématique, soit le rez de la même façade, de jour. Si le revêtement phonoabsorbant et la limitation de vitesse à 30 km/h devaient pouvoir être faits rapidement, les décibels seraient alors moindres que ceux indiqués et les VLI seraient respectées.

Suivait la représentation des niveaux sonores futurs (situation dans 20 ans), avec mesures d’assainissement. Selon le rapport final 1, six dépassaient les VLI (les quatre étages de la façade donnant sur la route C______, le jour ainsi que le rez et premier étage la nuit). Selon le rapport final 2, les VLI étaient respectées.

Le rapport final 1 se fondait sur des comptages effectués en 2019. Le rapport final 2 était basé sur ceux de mars 2023 et appliquait la nouvelle méthode SonROAD18, laquelle reflétait l'état de la technique. Les différences principales entre les deux portaient notamment sur la prise en compte uniquement des véhicules légers et lourds dans la première étude et de dix catégories différentes dans la seconde (véhicules légers, camions, motos, etc). La charge de trafic était évaluée à 4'300 véhicules dans la première. Elle était de 3'870 dans celle de 2023 et se fondait sur des données par comptage sur place. La méthode de calcul était différente à savoir STL86+ pour le rapport 1 et SonROAD18 pour le rapport 2. Le premier modèle acoustique datait de plus de 30 ans.

Une différence consistait aussi dans les hypothèses de trafic à plus de 20 ans, évaluée à la hausse dans l'étude de 2021 (rapport final 1) et à la baisse dans l'étude 2023 (rapport final 2), laquelle se fondait sur les données de l'office cantonal des transports (OCT). La méthode 2023 permettait de prendre en compte de façon plus fine les immissions en basse vitesse. Elle distinguait aussi les bruits de roulement et les bruits de propulsion, ce qui permettait de mieux appréhender l'efficacité des mesures d'assainissement. SonROAD18 était recommandé par l'office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) depuis le 1er juillet 2023.

Depuis 2018, la diminution du trafic à B______ était de 31%.

Le recourant a relevé que les 31% ne correspondaient pas aux objectifs du plan climat cantonal qui étaient visés. Il fallait en déduire que si les objectifs du plan climat n’étaient pas atteints, les données du rapport final 2 devaient être remises en cause s'agissant des prévisions à 20 ans.

La réponse du département devant le TAPI avait fait mention du rapport final 1, car le 2 n’était pas terminé. Ce dernier avait été produit en première instance à l’appui des écritures de l’autorité intimée du 12 octobre 2023.

db. S______ a déclaré qu’il avait pris les valeurs du cadastre du bruit sur le système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) dès lors qu’elles avaient une « forme de foi publique ». Il ignorait le détail du protocole de mesures. Il n’avait pas tenu compte des rapports finaux 1 et 2 qu’il ne possédait au demeurant pas.

dc. O______ et S______ (ci-après : les experts) ont été auditionnés conjointement.

Ils s’accordaient pour dire que la méthode de classe de situation dans le cas d’espèce était la plus adaptée, qu’appliquer la norme SIA 116 et non la norme 416, qui donnait un cubage plus petit mais un prix plus élevé, était plus raisonnable. Ils divergeaient sur le cubage du bien immobilier, principalement en raison du calcul des combles, que chacun a détaillé. Ils ont constaté qu’ils avaient travaillé tous les deux sur les plans K______ mais qu’ils n'en avaient pas les mêmes versions (notamment quant à la hauteur des combles). Cette différence de cubage aurait au final une incidence dans le prix lors de la comparaison du prix du terrain, VLI respectées ou VLI dépassées, mais serait quasi sans aucune incidence sur le pourcentage final.

Ils s’accordaient sur le fait que les droits à bâtir étaient épuisés. S______ n'avait pas fait de distinction pour le prix au m2 entre la parcelle et la parcelle de dépendance de 55 m2, laquelle servait de place de parking ce qui était rare dans le lieu, alors que O______ avait valorisé à une moindre valeur la seconde, le statut de dépendance impliquant qu'aucune surface n’était attitrée au propriétaire.

Appliquant tous deux la méthode de la classe de situation, ils différaient sur les critères B (affectation du bien immobilier), C (situation d’habitation), D (accessibilité) et E (état du marché).

 

 

Rapport S______

Rapport O______

 

VLI respectées

VLI dépassées

VLI respectées

VLI dépassées

A. situation

5

5

5

5

B. Affectation

5

5

4

4

C. Situation d’habitation

4,5

1,5

4

1,5

D. Accessibilité

4

4

4,5

4,5

E. État du marché

8

5,5

8

7

Les experts ont expliqué leurs principales divergences, notamment le critère E de l’état du marché. Le contenu de leurs déclarations sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

Selon O______, le bien valait en l’état CHF 2'270'000.-. Si les VLI étaient respectées, il vaudrait CHF 2'420'000.-, soit une différence de 150'000.-.

Selon S______, le bien valait en l’état CHF 2'507'505.-. Si les VLI étaient respectées, il vaudrait CHF 2'779'335.-, soit une différence de 271'830.-. Ces montants lui semblaient corrects voire même un peu bas si on les ramenait au m2 qui serait alors inférieur à CHF 10'000.-. Selon lui, le bien se vendrait à ces prix.

O______ a relevé qu’il fallait être prudent avec les indicateurs au m2, les surfaces calculées n’étant souvent pas les mêmes.

e. Le recourant ayant sollicité la production des procès-verbaux des séances qui s’étaient tenues entre les autorités concernées par la lettre d’intention du 23 janvier 2018 depuis sa fin de validité, l’État a indiqué, notamment après les avoir consultées, ne pas pouvoir y donner suite. Il produisait la « feuille de route opérationnelle 2025 – 2029 « Petites douanes sud ouest » » adoptée par les mêmes autorités le 28 janvier 2025 ainsi que le communiqué de presse qui l’avait accompagnée.

f. Dans ses écritures après enquêtes, le recourant a persisté dans ses conclusions.

La condition de la spécialité, soit le dépassement des VLI, avait été admise par le TAPI et était toujours remplie. Il contestait le rapport final 2, fondé sur des projections qui reposaient, d’une part, sur une charge de trafic moindre que celle admise dans le rapport final 1 et, d’autre part, sur une hypothèse de baisse du trafic à l’horizon de 20 ans, contrairement au précédent modèle. Cette hypothèse de baisse de trafic reposait sur les objectifs du plan climat cantonal, fixés par l’État lui-même. Il n’apportait aucune preuve de la baisse de la charge du trafic à la base de ces hypothèses. Le trafic avait en réalité augmenté sous ses fenêtres à la suite de la mise en sens unique de la route de Chavannes. Les mesures de covoiturage, selon l’État lui-même, ne concernaient pas B______ I. En conséquence les VLI n’étaient respectées ni au début de la procédure ni actuellement.

La condition de l’imprévisibilité, soit la réduction du bruit par l’État, avait été admise par le TAPI et était toujours remplie. Il détaillait les raisons pour lesquelles il considérait que les quelques mesures prises par l’autorité intimée n’aboutissaient à aucun résultat concret.

La condition de gravité, soit la diminution de la valeur de la maison, était remplie. S______, en plus de ses fonctions d’architecte et de chargé de cours à l’institut d’études immobilières, avait également des activités de courtage et de vente immobilière ce qui n’était pas le cas de O______. Cette dernière était trop optimiste et relativisait l’impact du dépassement des VLI. À l’inverse, celui-là était plus prudent et avait expliqué de manière convaincante que le bruit routier influençait le marché de manière négative, impliquant une différence de valeur de la propriété du recourant supérieure à 10% entre les hypothèses des VLI respectées et dépassées.

g. L’État a persisté dans ses conclusions, contestant que les conditions de l’imprévisibilité et de la gravité soient remplies. Il ressortait du rapport final 2 que les VLI à l’adresse du recourant seraient respectées grâce aux mesures d’assainissement projetées. Il ne pouvait prétendre à aucune indemnisation, sa propriété n’étant affectée d’aucune nuisance sonore excessive et partant d’aucun dommage indemnisable. Il ne suffisait pas, dans le cas d’espèce, de se référer aux données figurant au cadastre du bruit du SITG comme l’avait fait notamment le TAPI, découlant des données du rapport final 1, reposant sur une méthode de calcul moins précise et désormais obsolète.

Il détaillait les mesures d’assainissement déjà réalisées et celles projetées.

Enfin, l’État détaillait les raisons pour lesquelles il remettait en doute la fiabilité et la valeur probante de l’expertise privée de S______.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

i. Le 16 mai 2025, le recourant a transmis la réponse du conseil d’État à la motion « pour un contournement de B______ qui réponde aux préoccupations des habitants du sud du canton » (M-2'792-B). Selon celui-ci, il n’existait « aucune solution simple pour soulager le village de B______ ». Le conseil d’État écartait l’option d’un contournement routier de la commune. Il confirmait que « l’objectif initial de réduction de moitié des flux pendulaires du matin n’avait pas pu être atteint ». Il ne proposait aucune mesure nouvelle et se contentait de confirmer la feuille de route du 28 janvier 2025. Il se satisfaisait ainsi des mesures actuelles, qui avaient pourtant démontré leur inefficacité, et n’abordait même pas la possibilité d’une fermeture des petites douanes, singulièrement celle de B______ I et/ou B______ II. Ce rapport confirmait la réalisation de la condition de l’imprévisibilité.

j. Le contenu des pièces et l’argumentation des parties sera repris pour le surplus, en tant que de besoin, dans la partie en droit.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les parties sollicitent différentes mesures d'instruction. Le recourant demande la tenue d'un transport sur place, l'audition en confrontation des auteurs des rapports d'expertises privées – sauf celui de F______ –, ainsi qu'une expertise judiciaire pour fixer la valeur de sa propriété avec et sans le bruit routier. Le département propose l'audition des auteurs des rapports d'R______ et de O______.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.1 En l'occurrence, un transport sur place apparaît peu pertinent pour établir les faits, dès lors qu’il ne pourrait constater la situation que ponctuellement, que l’établissement du bruit relève de mesures précises et que l’importance du flux de circulation à 7h30 n’est pas contestée (ATA/882/2024 du 23 juillet 2024 consid. 2.2). Il n'est dès lors pas utile d’y procéder pour se rendre compte de l' « ampleur du trafic de transit et du bruit que cela provoque » pour le recourant.

De plus, les parties ont versé à la procédure neuf rapports d’expertises, de cinq experts privés différents, en lien avec le bien concerné soit l’estimation F______ du 11 août 2021, le rapport d’expertise d’N______ du 29 novembre 2023, le rapport d’expertise de O______ du 24 janvier 2023, son analyse critique des autres rapports du 24 janvier 2023 ainsi que son rapport complémentaire du 29 février 2024, le rapport d’R______ du 31 janvier 2023 et son « compléments de la contre-expertise » du 21 mars 2024 ainsi que le rapport de S______ du 29 janvier 2024 et sa version remaniée du 30 avril 2024. Chaque expert privé a motivé sa position et certains se sont déterminés sur les documents de leurs confrères. Les deux plus favorables au recourant proposées respectivement par celui-ci (S______) et par l’intimée (O______) ont été entendus par la chambre de céans, en présence des parties, qui ont pu poser toutes questions utiles et ont été confrontés. Dans ces conditions, compte tenu des nombreuses pièces déjà versées au dossier, de la part subjective que comporte toute évaluation d’un bien immobilier et du fait qu’une expertise ne sera pas utile dans l’analyse de la troisième condition nécessaire et cumulative conformément aux considérants qui suivent, il ne sera pas donné suite à cette demande d’actes d’instruction, par ailleurs non formellement renouvelée dans les dernières écritures du recourant.

3.             L'objet du litige consiste à déterminer si c'est à bon droit que le TAPI a refusé au recourant une indemnité pour expropriation de ses droits de voisinage par rapport aux nuisances auxquelles sa propriété est exposée.

4.             Le recourant se plaint que l'expertise établie par N______ a été écartée par le TAPI, en application de l'art. 30 al. 1 Cst.

4.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a et les références citées).

La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2).

4.2 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les expertises privées n’ont pas la même valeur qu’une expertise demandée par un tribunal. Les résultats d’une expertise privée réalisée sur mandat d’une partie sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves, sont considérés comme de simples allégués des parties et n’ont pas la qualité de preuve. Étant donné qu’en règle générale, des expertises privées ne sont présentées que si elles sont favorables à leur mandant, il convient de les interpréter avec prudence. L’expert privé n’est pas objectif et indépendant comme l’est l’expert officiel. Il existe un rapport de mandat entre l’expert privé et la partie privée qui l’a chargé d’établir l’expertise et l’intéressé donne son avis sans en avoir été chargé par les organes judiciaires. Il faut donc supposer une certaine partialité chez l’expert privé qui a été choisi par la partie selon ses propres critères, qui est lié à cette dernière par un contrat de mandat et qui est payé par celle‑ci (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 = JdT 2016 IV 160 et les références citées ; ATA/731/2022 du 12 juillet 2022 consid. 5).

4.3 Selon l'art. 30 al. 1 Cst., toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial.

Les exigences fixées par cette disposition ont pour double objectif de concrétiser et de protéger le principe d'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs (art. 191c Cst.) et d'assurer une procédure et un jugement équitable devant les tribunaux. Elles s'adressent aux tribunaux (François BOHNET, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Constitution fédérale. Préambule - art. 80 Cst, 2021, p. 901 n. 25 ad art. 30 Cst.).

Tous les intervenants qui concourent à la récolte et à l’élaboration de l’état de fait, à la préparation ou la rédaction de la décision à intervenir ou disposent d’une influence sur l’issue de la contestation judiciaire et qui sont nantis d’une parcelle de puissance publique doivent respecter la garantie de l’art. 30 Cst. Cette disposition s’applique ainsi aux autorités et aux magistrats qui exercent une fonction juridictionnelle (François BOHNET, op. cit., p. 909 n. 56 ad art. 30 Cst.).

4.4 En l'espèce, le TAPI a retenu que les liens de parenté entre le recourant et son (ex-)beau-frère étaient de nature à susciter des doutes quant à l'impartialité de ce dernier, garantie par l'art. 30 al. 1 Cst. Le TAPI pourrait au terme de son appréciation, écarter l’expertise privée. En réalité, le recourant se plaint de l’appréciation arbitraire des preuves et non de la violation de l’art. 30 al. 1 Cst., qui lui garantit le droit à un juge, respectivement expert indépendant. Le TAPI ne pouvait donc pas écarter cette expertise en se fondant sur les principes découlant de cette disposition.

Cela relevé, la chambre de céans dispose néanmoins du même pouvoir d'examen en fait et en droit que le TAPI (art. 61 LPA), si bien qu'elle pourra prendre en considération ladite expertise et la discuter, avec les réserves qui s'imposent en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée.

5.             Le recourant soutient que la condition de la gravité du dommage serait réalisée. Le département considère que tel n'est pas le cas. Ce dernier considère également que la condition de l'imprévisibilité ne serait pas réalisée.

5.1 Selon l'art. 73 Cst., la Confédération et les cantons œuvrent à l'établissement d'un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l'être humain. À teneur de l'art. 74 Cst., la Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (al. 1). Elle veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (al. 2).

5.2 La protection contre les immissions est régie par loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) et ses ordonnances d'application.

5.3 La LPE a notamment pour but de protéger les hommes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (art 1 al. 1 LPE), à savoir les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations, qui sont dus à la construction ou à l'exploitation d'installations (art. 7 al. 1 LPE). Les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont dénommés émissions au sortir des installations, immissions au lieu de leur effet (art. 7 al. 2 LPE). Les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions) (art. 11 al. 1 LPE), notamment par l'application de valeurs limites d'émissions (art. 12 al. 1 let. a LPE) figurant dans des ordonnances ou, pour les cas que celles‑ci n'ont pas visé, dans des décisions directement fondées sur la loi (art. 12 al. 2 LPE). À titre préventif, les émissions doivent être limitées indépendamment de la pollution existante, dans la mesure où l'état de la technique et les conditions d'exploitation le permettent, et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 2 LPE). S'il est établi ou s'il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement, deviendront nuisibles ou incommodantes, les émissions seront limitées plus sévèrement (art. 11 al. 3 LPE).

Pour l'évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes, le Conseil fédéral fixe par ordonnance des VLI en tenant compte également des effets des immissions sur des groupes de personnes plus sensibles, tels que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes (art. 13 LPE).

Les valeurs limites d'immissions s'appliquant au bruit et aux vibrations sont fixées de manière que, selon l'état de la science et l'expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (art. 15 LPE).

Selon l’art. 16 al. 1 LPE, les installations qui ne satisfont pas aux prescriptions de la loi et aux dispositions d’autres lois fédérales qui s’appliquent à la protection de l’environnement seront assainies.

Conformément à l’art. 13 al. 2 OPB, l’obligation d’assainir des installations fixes – telles que des infrastructures destinées au trafic (art. 2 al. 1 OPB) – existe dans la mesure où cela est réalisable sur le plan de la technique et de l’exploitation et que cela est économiquement supportable (let. a) et de telle façon que les VLI ne soient plus dépassées (let. b).

Selon l'art. 17 LPE, les autorités accordent des allègements lorsque l’assainissement, au sens de l’art. 16 al. 2 LPE, ne répond pas, en l’espèce, au principe de la proportionnalité (al. 1). Néanmoins, les VLI s’appliquant aux pollutions atmosphériques ainsi que la valeur d’alarme des immissions causées par le bruit ne peuvent être dépassées (al. 2).

À teneur de l'art. 14 OPB, les allègements sont accordés dans la mesure où l’assainissement entraverait de manière excessive l’exploitation ou entraînerait des frais disproportionnés (al. 1 let. a) ou lorsque des intérêts prépondérants, notamment dans les domaines de la protection des sites, de la nature et du paysage, de la sécurité de la circulation et de l’exploitation ainsi que de la défense générale s’opposent à l’assainissement (al. 1 let. b). Les valeurs d’alarme ne doivent toutefois pas être dépassées par des installations privées, non concessionnaires (al. 2).

5.4 L'obligation d'assainir est concrétisée par la LPE (art. 16 al. 2 LPE), qui prévoit en particulier des délais pour l'assainissement (art. 17 OPB). L'assainissement et les mesures d'isolation acoustique doivent être exécutés au plus tard dans les quinze ans qui suivent l'entrée en vigueur de l'OPB, le 1er janvier 2000 ; les délais ont été prolongés jusqu'au 31 mars 2015 pour les routes nationales et au 31 mars 2018 pour les autres routes (art. 17 al. 3 et 4 OPB).

5.5 La révision de la loi fédérale sur l'expropriation du 19 juin 2020 (LEx - RS 711) est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 4085 ; FF 2018 4817). Conformément à l'al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020, les procédures d'expropriation ouvertes avant l'entrée en vigueur de cette révision sont terminées sous le régime de l'ancien droit, sous réserve de modifications du règlement des émoluments pour la période suivant l'entrée en vigueur de la révision. La présente procédure a été ouverte après le 1er janvier 2021, de sorte que la LEx dans sa version après l'entrée en vigueur de la modification du 19 juin 2020 est applicable en l'espèce.

5.6 En se fondant sur les art. 684 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210), les propriétaires peuvent agir par le biais de l'action de l'art. 679 CC lorsque l'usage d'un fonds voisin provoque des immissions excessives sur leur bien‑fonds. En revanche, lorsque les immissions proviennent d'un ouvrage d'intérêt public pour lequel le propriétaire ou le concessionnaire bénéficie du droit d'exproprier (art. 4 let. a LEx) et que ces immissions ne peuvent être évitées ou ne peuvent l'être qu'à des coûts disproportionnés, les droits de défense des voisins sont sacrifiés en faveur de l'intérêt public prépondérant de l'ouvrage : celui qui s'estime lésé peut faire valoir uniquement les droits que la LEx consacre comme objets d'expropriation, entre autre les droits qui résultent des dispositions sur la propriété foncière en matière de rapports de voisinage (art. 5 al. 1 LEx). Une telle expropriation n'est rien d'autre que la constitution forcée d'une servitude grevant le fonds voisin en faveur du fonds du propriétaire de l'ouvrage d'intérêt public ; son objet consiste dans l'obligation de tolérer les immissions.

5.7 La jurisprudence développée sur la base des art. 5 LEx et 684 CC considère en particulier comme excessives, et donc comme susceptibles d'entraîner le paiement d'une indemnité d'expropriation, les immissions qui proviennent du trafic routier, ferroviaire ou aérien lorsque, cumulativement, elles touchent le propriétaire d'une façon particulière (principe de spécialité), elles sont imprévisibles et se révèlent graves ; ce n'est que si ces trois conditions cumulatives sont remplies que l'immission est excessive (ATF 145 I 250 consid. 5.2 et les références citées).

6.             La condition de la spécialité est remplie lorsque les immissions atteignent une intensité qui excède ce qui peut être considéré comme usuel et tolérable.

6.1 Pour en juger, la jurisprudence se fonde sur les VLI édictées par le Conseil fédéral pour évaluer les atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 13 al. 1 et 15 LPE ; ATF 145 I 250 consid. 5.2 et les références citées). Dans le cas d'immissions bruyantes provenant du trafic routier, la condition de la spécialité est ainsi remplie lorsque les immissions dépassent les niveaux sonores admissibles tels qu'ils sont fixés dans les annexes 3 et 4 OPB (ATF 134 II 164 consid. 7 et les arrêts cités).

6.2 Les immissions de bruit sont déterminées au moyen de calculs ou de mesures (art. 38 al. 1 OPB). Les modèles de calcul visant à déterminer les immissions de bruit doivent respecter les exigences de l’annexe 2 OPB (art. 38 al. 3 OPB). Conformément au ch. 1 al. 2 de l’annexe 2 de l’OPB, l’OFEV recommande aux autorités d’exécution des méthodes de calcul appropriées et adaptées à l’état de la technique.

6.3 Selon les recommandations d’août 2023 « Aide à l’exécution SonROAD18 – Recommandations du modèle Modèle de calcul du bruit routier. Édition modifiée selon la révision partielle de 2024 », pour déterminer le bruit routier conformément à l’annexe 3 OPB, l’OFEV recommandait d’utiliser, depuis le 1er juillet 2023, le modèle d’émission SonROAD18 et, pour tous les domaines d’application en lien avec le bruit routier, le modèle de calcul de la propagation décrit dans la norme ISO 9613-2. Concernant les projets pour lesquels les calculs du bruit avaient débuté avant le 1er juillet 2023 et pour lesquels un recalcul serait disproportionné, il était possible de renoncer à un nouveau calcul avec SonROAD18/ISO9613-2. Les recommandations relatives aux modèles StL86+ et SonROAD, que l’on trouvait dans le Manuel du bruit routier, étaient remplacées par la recommandation d’août 2023.

Les calculs du bruit routier réalisés dans le cadre de l’exécution selon l’état de la technique, antérieur au modèle SonROAD18, restaient valables. Si toutefois un nouveau calcul d’immission était effectué au moyen du modèle SonROAD18, combiné à la norme ISO 9613-2, les résultats serviraient de base à la décision de l’autorité compétente. Cette règle valait notamment pour les décisions relatives au respect des niveaux d’immission fixés sur la base d’un modèle de calcul plus ancien. En matière de bruit routier, les situations suivantes pouvaient mener à une obligation de recalculer les immissions de bruit : atteinte (dans le temps) de l’horizon d’assainissement initial, assainissement complet de l’installation routière existante, extension ou élargissement d’une installation routière, déplacement de l’axe routier, modification du volume de trafic et/ou de la composition de celui-ci ayant une incidence sur le bruit, ou modification de la vitesse autorisée.

6.4 Conformément au ch. 2 de l'annexe 3 OPB relative aux valeurs limites d'exposition au bruit du trafic routier, les VLI s'élèvent à 60 Lr en dB(A) le jour et à 50 Lr en dB (A) la nuit lorsque, comme en l'espèce, la zone d'affectation considérée s'est vu attribuer un degré de sensibilité II au bruit (art. 43 al. 1 OPB).

6.5 En l'espèce, il ressort du rapport final 1 que les VLI étaient de 66 dB(A) la journée et de 53 dB(A) la nuit au droit du bâtiment du recourant ; les VLI étaient ainsi dépassées de +6 dB(A) la journée et de +3 dB(A) la nuit.

L’intimé a toutefois produit, devant le TAPI, le rapport final 2. Selon celui-ci, les VLI étaient respectées pendant la nuit et n’étaient dépassées que de +2 dB(A) la journée au rez-de-chaussée de la façade qui longe la route C______. Ainsi, sur 22 mesures des niveaux sonores, réparties sur les trois façades du bâtiment, à différents étages, toutes étaient respectées, à l’exception d’une seule, qui ne dépassait les VLI que de 2dB(A).

L’intimé a expliqué que ces différences étaient dues à plusieurs facteurs, singulièrement la modification de la méthode de calcul, à savoir que STL86+, utilisé en 2021 pour le rapport final 1, avait été remplacée par SonROAD18 en 2023 pour le rapport final 2. Le premier modèle acoustique datait de plus de 30 ans et ne prenait en compte que les véhicules légers et lourds. SonROAD18 pouvait appréhender dix catégories différentes de véhicules (véhicules légers, camions, motos notamment), prendre en compte de façon plus fine les imissions en basse vitesse et distinguer les bruits de roulement de ceux de propulsion, ce qui permettait de mieux prendre en compte l’efficacité des mesures d’assainissement. La charge de trafic était évaluée en fonction de comptages qui avaient eu lieu sur place. Une différence résidait dans le fait que le nombre de véhicules en 2023 (3’870 véhicules) était moindre que celui en 2021 (4’300 véhicules).

Si certes le recourant indique ne pas avoir le sentiment que la charge de trafic ait diminué, les chiffres précités relèvent de comptages sur place. L’OCT a par ailleurs indiqué que le trafic à B______ avait diminué de 31% depuis 2018. Les chiffres sur lesquels il se fonde ressortent du rapport 2023, notamment de son annexe 1.

De surcroît, le rapport 2 est conforme aux recommandations de l’OFEV d’août 2023, qui doivent être utilisées, depuis le 1er juillet 2023, pour tous les domaines d’application en lien avec le bruit routier. Selon ledit office, si un nouveau calcul d’immission était effectué au moyen du modèle SonROAD18, combiné à la norme ISO 9613-2, les résultats serviraient de base à la décision de l’autorité compétente. Cette règle valait notamment pour les décisions relatives au respect des niveaux d’immission fixés sur la base d’un modèle de calcul plus ancien. Or, une atteinte, dans le temps, de l’horizon d’assainissement initial ou une modification du volume de trafic et/ou de la composition de celui-ci ayant une incidence sur le bruit nécessitaient un nouveau calcul. Il convient en conséquence de retenir les résultats du rapport final 2, obtenus en vertu de méthodes de calcul appropriées et adaptées à l’état de la technique, conformément à ce qu’exigent les art. 38 al. 1 et 3 OPB ainsi que le ch. 1 al. 2 de l’annexe 2 de l’OPB.

Force est dès lors de constater qu’au vu des résultats du rapport final 2, la situation s’avère moins grave que ce que les chiffres du rapport de 2021 indiquaient, dès lors que les VLI ne sont dépassées qu’à un seul endroit, soit sur la façade en droit du bâtiment, uniquement au rez-de-chaussée et de jour et que cet unique dépassement se limite à 2 dB(A).

Contrairement à ce que soutient l’autorité intimée, il ne peut être retenu une absence de dépassement au motif que la mise en œuvre des mesures d’assainissement seront prochainement réalisées, à savoir la pose du nouveau revêtement phono-absorbant et la diminution de la vitesse autorisée. Si certes la première mesure était annoncée pour 2025-2027, les calculs impliquent aussi la réalisation de la seconde, soit la mise en vigueur de la limitation à 30 km/h sur la route concernée. En l’état, on ignore à quelle date ces deux mesures pourront être effectives, la seconde faisant notamment l’objet d’un recours pendant devant la chambre de céans.

Si le TAPI a considéré que la première condition, de la spécialisation, était remplie, en s’appuyant, à tort, sur le rapport final 1, la question se pose de savoir si elle le reste au vu de cette unique mesure dépassant de 2 dB (A) les VLI. Cette question souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

7.             La seconde condition porte sur l'imprévisibilité des immissions.

Le TAPI a considéré qu’elle était remplie, ce que le recourant soutient mais que l’autorité intimée conteste.

Les trois conditions pour considérer une immission comme excessive et donc sujette à indemnisation, étant nécessaires et cumulatives, cette question souffrira elle aussi de rester indécise dès lors qu’en tous les cas la troisième condition, de la gravité, n’est pas remplie conformément aux considérants qui suivent.

8.             Le recourant soutient que la condition de la gravité serait remplie.

8.1 Selon l'art. 16 LEx, et conformément à l'art. 26 al. 2 Cst., l'expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière.

L'art. 19 LEx prévoit que doivent être pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous préjudices subis par l'exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l'indemnité comprend notamment la pleine valeur vénale du droit exproprié (let. a) et le montant de tous autres préjudices subis par l'exproprié, en tant qu'ils peuvent être prévus, dans le cours normal des choses, comme une conséquence de l'expropriation (let. c).

Est déterminante la valeur vénale (art. 19 let. a LEx) du jour où le titre d’expropriation devient exécutoire.

L'estimation de la valeur vénale doit tenir compte dans une juste mesure de la possibilité de mieux utiliser l'immeuble (art. 20 al. 1 LEx).

8.2 Selon la doctrine, la condition de la gravité se rapporte au dommage provoqué par les immissions et non à l'étendue de celles-ci. Ce critère trouve sa justification dans le principe de la proportionnalité : une indemnisation ne peut être accordée pour n'importe quelle atteinte provoquée par des ouvrages d'intérêt public. Jusqu'à un certain point, c'est-à-dire, selon les termes du Tribunal fédéral, « tant que le tort causé est bénin », la tolérance des immissions s'impose. Pour admettre la gravité, il est nécessaire de tenir compte de tous les éléments du cas d'espèce, en particulier de la situation, du genre et de l'environnement de l'immeuble. Il n'est pas possible de poser des règles générales pour la fixation du degré de gravité. Cependant, la jurisprudence retient que la gravité est admise lorsque le dommage se traduit par une baisse significative de la valeur vénale du bien-fonds. Tel est encore le cas, selon le Tribunal fédéral, lorsque la moins-value atteint 10% de la valeur vénale du bien‑fonds. Les critères applicables à l'expropriation matérielle à la suite de mesures communales de planification ne peuvent être transposés à l'expropriation des droits de voisinage. En particulier, il n'est pas nécessaire que la moins-value atteigne un tiers de la valeur vénale (Raphaël EGGS, Les « autres préjudices » de l'expropriation, 2013, p. 234-235).

8.3 La valeur vénale d'un bien est la valeur qui lui est attribuée dans des circonstances normales, à une époque déterminée et à l'occasion d'un échange d'ordre économique (arrêts du Tribunal fédéral 1C_483/2022 et 1C_486/2022 du 9 novembre 2023 consid. 4.1 ; 1C_141/2013 du 5 septembre 2013 consid. 5). La pleine valeur vénale du droit exproprié correspond au prix de vente qui pourrait être obtenu en cas d'aliénation sur le marché, dans des conditions ordinaires (ATF 122 II 246 consid. 4a ; 106 Ib 223 c. 3a). Il s'agit de la valeur objective de l'objet, soit celle qui correspond au prix d'aliénation, abstraction faite des prix spéculatifs ou de bradage. Pour ce qui concerne les éléments de nature juridique à retenir dans l'évaluation, ceux-ci relèvent des réglementations de droit public qui définissent les utilisations légales possibles du bien exproprié. La possibilité d'une utilisation meilleure du bien exproprié que celle qui en est faite par l'exproprié doit également être retenue quant à la détermination de sa valeur vénale, conformément à l'art. 20 al. 1 LEx, lorsqu'elle paraît non seulement plausible, mais hautement vraisemblable dans un proche avenir ; des possibilités purement théoriques ou de vagues projets de meilleure utilisation ne suffisent pas (ATF 134 II 49 consid. 13.3 ; 129 II 470 consid. 6 ; 114 Ib 321 consid. 3 ; 113 Ib 39 consid. 4b ; 112 Ib 531 consid. 3).

Pour déterminer la valeur vénale, plusieurs méthodes sont possibles, telles que la méthode comparative (ou statistique) qui fixe la valeur des immeubles sur la base des prix effectivement payés pour des fonds semblables ; la méthode fondée sur la valeur de rendement qui détermine le capital correspondant au revenu actuel de l'objet exproprié ; la méthode régressive (ou rétrospective ou déductive) qui détermine la valeur d'un terrain en fonction du rendement qui pourra être obtenu après que des bâtiments auront été édifiés ou encore la méthode fondée sur la situation de l'immeuble (méthode hédoniste). La méthode statistique permet d'établir le plus sûrement le prix que serait prêt à payer un nombre indéterminé d'acheteurs intéressés sur le marché libre pour le bien-fonds en question (ATF 122 I 168 consid. 3a), mais elle ne donne un résultat correct que pour autant que l'on dispose d'un nombre suffisant d'objets présentant des caractéristiques analogues (ATF 122 I 168 consid. 3a). À défaut, les autres méthodes seront utilisées. Le résultat de l'application d'une méthode peut être aussi vérifié par une autre méthode. Dans certains cas particuliers, il n'est pas rare d'en combiner plusieurs pour arriver au résultat final (ATF 134 II 49 consid. 15.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_483/2022 et 1C_486/2022 précité consid. 4.1).

8.4 En l'espèce, quatre rapports d’expertises privées figuraient au dossier du TAPI soit : les rapports F______ et K______, produits par le recourant, et les rapports O______ et R______, produits par l’office cantonal du génie civil. Les deux premiers parviennent à la conclusion que la condition de la gravité est remplie, contrairement à ceux produits par l’autorité intimée.

Devant la chambre administrative, le recourant a produit une cinquième expertise privée, soit le rapport S______ de janvier 2024.

La récapitulation donne le tableau suivant :

Auteur

Date du rapport

Montant = VLI dépassées (en CHF) Valeur vénale

Montant = VLI respectées (en CHF)

Différence

Dépréciation

 

Proposés par le recourant

 

F______

11.08.2021

2'262'333.-

+ 10/15% =

entre 2'488'566.- et 2'601'683.-

10 à 15%

Entre 226'223.- et 339'350.-

H. K______

29.11.2023

2'245'000.-

2'565'000.-

14.25%

320'000.-

F. S______

+ version 2

29.01.2024

30.04.2024

2'571'800.-

2'507'505.-

2'850'600.-

2'779’335.-

10.84%

10.84%

278'800.-

271'830.-

 

Proposés par l’autorité intimée

R______

+ « contre-expertise »

31.01.2023

21.03.2024

2'230'000.-

2'340'000.-

4.93%

110'000.-

O______

+ critique

+ rapport complémentaire

24.01.2023

24.0.2023

29.02.2024

2'270'000.-

2'420'000.-

6.6%

150'000.-

8.4.1 Il n’est pas contesté par les parties que la détermination de la valeur d’un bien immobilier comprend une part de subjectivité. Le recours à la détermination de la médiane et de la moyenne des valeurs telles que proposées par le recourant n’emporte toutefois pas conviction, le nombre d’expertises produites permettant d’influer sur ces deux résultats.

8.4.2 Le rapport S______, produit devant la chambre de céans, critique les quatre expertises précédentes versées en première instance, y compris celles sollicitées par le recourant. L’expert privé estime ainsi que l’estimation F______ « ne constitue en aucun cas un rapport documenté mais un avis de valeur portant sur la valeur vénale de l’objet. La valeur est issue d’un calcul pondéré qui n’était déjà plus admis par les normes, ce d’autant plus que l’on ne calcule pas de valeur de rendement sur une maison d’un seul logement ». De même, il relève que le rapport d’expertise K______ « comporte la même méthodologie puisqu’un calcul de valeur de rendement est fait ».

O______, mandatée par l’autorité intimée, émet des critiques similaires à l’égard des deux précités. Elle relève que le rapport F______ est établi à travers la pondération de deux méthodes distinctes de calcul : la valeur par les coûts et la valeur comparative CHF/m2 habitable. Elle précise notamment que cette manière de faire n’est pas reconnue par les « Swiss Valuation Standards » et par le manuel suisse de l’estimateur. Le rapport K______ utilise la méthode par les coûts (ou valeur intrinsèque) et la méthode de la valeur de rendement. O______ relève notamment que l’achat d’un bien immobilier a pour objectif pour la majorité des personnes d’être habité et non d’en faire un rendement. Une valeur de rendement apparaît ainsi comme peu pertinente même si le propriétaire décidait par la suite de louer le bien en question. O______ émet plusieurs autres critiques sur les deux expertises, détaillées dans son rapport du 24 janvier 2023.

R______ n’a pas mentionné la méthode utilisée. Elle a indiqué avoir établi la valeur vénale ou valeur de marché, à savoir la valeur intrinsèque de l’immeuble dont l’évaluation reposait sur les prix observés sur le marché et sur les caractéristiques de la zone d’affectation. Elle a précisé avoir calculé la valeur du bien « sous l’hypothèse d’absence de bruit routier afin de chiffrer la dépréciation y relative. Seul le prix du terrain était adapté, les autres paramètres restaient inchangés. » Son expertise évoque des « statistiques marché sans bruit ». Selon R______, il était peu réaliste de majorer de plus 10 à 15% la valeur vénale actuelle, très convergente entre les experts. En termes de valeur globale (terrain + bâtiment), ce niveau n’était pas absorbable en regard de la centralité et des transactions observées. Deux paramètres permettaient d’appuyer le résultat : en l’absence d’espaces extérieurs type terrasse ou jardin de cure, l’impact du trafic routier était relativisé. Par ailleurs, les nuisances étant majoritairement dues au trafic des pendulaires, en toute logique n’étaient pas continues dans la journée et s’atténuaient le week-end.

Les experts S______ et O______ utilisent la même méthode d’évaluation, soit celle des classes de situation. Ils convergent pour dire que dès lors que le solde des droits à bâtir est complètement épuisé, cette méthode peut être utilisée. Ils se sont par ailleurs rejoints sur un certain nombre de points tant dans leurs rapports, dans leurs rapports complémentaires du 30 avril 2024 pour le premier et du 29 février 2024 pour la seconde, que lors de l’audience au cours de laquelle ils ont été entendus conjointement. Dans ces conditions les rapports de ces deux experts serviront de base à l’analyse de la condition de gravité par la chambre de céans, dès lors que les méthodes utilisées par les experts F______ et K______ font l’objet de critiques, y compris par un expert mandaté par le recourant, et que le rapport d’R______ évoque une situation en l’absence de bruit, non pertinente, puisque seule une estimation avec des VLI respectées doit être prise en considération.

La méthode des classes de situation consiste à donner une note à chacun des cinq critères suivants : la situation, l’affectation, la situation d’habitation, l’accessibilité et la situation du marché. Les notes attribuées par les experts se fondent sur le tableau « clé de répartition des classes de situation » qui détaille, pour chacun des cinq critères évalués, à quoi correspondent les notes. Chacun des experts a établi un tableau avec les VLI dépassées et les VLI respectées, détaillé sous D.dc en p. 19.

La principale divergence entre les deux experts porte sur la note qu’il convient d’accorder au bien immobilier actuellement (VLI dépassées) pour le critère « état du marché ». S______ attribue la note de 5.5 alors que O______ met 7.

À teneur du tableau « clé de répartition des classes de situation » la note de 1 correspond à « aucune demande », 2 et 3 à « demande faible ; offre importante » ; les notes 4 et 5 à « situation du marché équilibrée » ; les notes 6 et 7 « forte demande ; offre réduite » alors que les notes 8 à 10 évoquent une « très forte demande ».

S______ a précisé avoir mis 5.5 au motif qu’il réalisait la vente d'objets immobiliers. Selon lui, les clients étaient très exigeants et beaucoup renonceraient à acquérir le bien litigieux à cause du bruit et du trafic. Les gens qui arriveraient à Genève seraient très surpris de l'écart entre une vision villageoise, bucolique, sans trafic, paisible et tranquille et la situation réelle.

O______ avait mis la note de 7. La demande était forte pour un bien villageois. Cela justifiait que l'écart ne soit que d'un point avec une situation où les VLI étaient respectées. Au jour de l’audition devant la chambre administrative, il n'y avait qu'une seule maison à vendre à B______. Il existait beaucoup d'acheteurs et peu d'offres, ce qui correspondait à la définition de la forte demande. L'expertise avait été effectuée deux ans auparavant et la situation n'avait pas changé.

S______ a déclaré être d’accord avec l’existence d’une forte demande sur le marché global à Genève, « mais pas dans le micro-marché à B______ ». Selon lui, la baisse du taux hypothécaire devait favoriser les prix sur le marché, sauf que, selon le rapport du 18 octobre 2024, sur l'ensemble du marché genevois de l'OCSTAT, les transactions avaient baissé de 700 à 500 en une année.

O______ a indiqué ne pas partager l’opinion selon laquelle il n'y avait pas de transactions à faire à B______ car il y avait très peu de biens à vendre. Il y avait une forte demande de biens pour la campagne. Il s'agissait ici d'un bien en plein cœur du village, intéressant en termes de surfaces, de pièces et de volumes. Il n'était pas en plein cœur de Genève où les prix étaient très élevés. La clientèle était prête à aller un peu plus loin pour ne pas subir les prix du centre. La demande était forte.

Avec une note de 5,5, S______ considère en conséquence que la situation « VLI dépassées » se situe encore dans une « situation du marché équilibrée » mais pas encore dans une « forte demande ; offre réduite ». Avec une appréciation de 7, O______ retient pour sa part qu’il y a une « forte demande ; offre réduite ».

L’hypothèse des « VLI respectées » aurait par ailleurs un fort impact pour S______, puisque sa note serait alors de 8, soit « très forte demande ». Cette notation de 8 est partagée par O______. Au vu toutefois de leur notation de la situation actuelle, la différence entre les situations VLI dépassées et respectées se monte à 2.5 points chez S______ et 1 chez O______, pour qui l’incidence des mesures d’assainissement serait en conséquence moindre.

Il convient toutefois de s’éloigner de l’appréciation faite par S______ pour plusieurs motifs.

Il a indiqué en audience s’être fondé sur les valeurs du cadastre du bruit du SITG, avoir écarté les valeurs Trafitec qui ressortaient du rapport final 1 tout en indiquant ultérieurement ne pas avoir tenu compte des rapports finaux 1 et 2 qu’il ne possédait pas. Il a indiqué avoir été régulièrement sur place, qu’il n’y avait « pas que la question du bruit », et qu’il ne faisait pas de différence entre émissions et immissions. Or, plusieurs pages de son rapport font mention de différentes mesures et manquent soit de précision soit de source fiable. Ainsi, il a mentionné en page 6 de son rapport que les valeurs d’émissions STL 86+ mesurées étaient de 71 dB (A) pour la journée et 56dB (A) la nuit alors qu’il a reconnu en audience qu’il s’agissait de valeur d’immissions et que l’on ignore à quoi correspondent les chiffres précités. De même certaines affirmations telles que « le niveau du bruit double, cela correspond un accroissement de 3 dB de plus, si le bruit diminue de moitié, son niveau baisse de 3dB » ne mentionnent pas leurs sources, voire peuvent être contredites par des mesures scientifiques à l’instar de son affirmation selon laquelle les mesures varient peu en fonction des étages. Enfin, les VLI mentionnées dans les différents plans à l’appui de ses conclusions ne sont pas conformes au rapport final 1, étant rappelé qu’au moment de la rédaction de l’expertise privée le contenu du rapport final 2 n’était pas connu.

De même, l’autorité intimée peut être suivie lorsqu’elle relève que les lacunes précitées cadrent mal avec l’insistance en audience de S______ sur la problématique du respect des VLI pour guider son appréciation du cas, en particulier sous l’angle du critère « E », soit l’état du marché. Il a en effet affirmé en audience que les clients étaient très exigeants et renonceraient à acheter en raison du bruit du trafic. Il a illustré son propos en indiquant qu’il avait donné 8 dans l’hypothèse où les VLI seraient conformes à l’OPB au motif qu’il pourrait indiquer au client que la situation était bruyante mais que les normes étaient respectées. Or, dans chacun des deux exemples concrets évoqués par l’intéressé en audience, S______ a indiqué ignorer si les VLI étaient respectées et a évoqué « le ressenti des clients par rapport au bruit, ce qui expliquait sa notation ».

Dans ces conditions, la note de 5.5, particulièrement basse en comparaison de celle de 7 de l’experte O______, ne peut être suivie. D’une part, une telle différence entre les situations VLI dépassées et respectées ne se justifie pas en l’absence de toute argumentation strictement fondée sur les données objectives et scientifiques. D’autre part, les deux experts accordent une note de 8 pour le critère E en cas de respect des VLI. Or, tous deux se sont fondés sur le rapport final 1, de 2021. Dès lors que, comme vu ci-dessus, conformément aux recommandations de l’OFEV, en application de l’OPB, il doit être tenu compte du rapport final 2 établi selon la méthode Son Road18 en lieu et place de STL86+, et que par voie de conséquence il doit être reconnu qu’une seule mesure sur 22, soit celle de la façade au droit de la route, au rez-de-chaussée, de jour, ne respecte pas les VLI, les évaluations des experts auraient pu, voire dû, être supérieures aux notes mises, singulièrement pour les appréciations VLI dépassées.

La prise en compte du rapport final 2 ne peut avoir comme incidence que de rapprocher la valeur « VLI dépassées » du bâtiment de la valeur avec des « VLI respectées ». En effet, le rapport précité ne retient qu’une seule VLI dépassée, de jour en l’état actuel et plus aucune avec les mesures prévues. Or, le rapport final 1 comprenait quatre VLI dépassées sur 24 à la date du rapport, toutes de jour et six VLI, notamment deux de nuit, qui restaient excédentaires même avec des mesures d’assainissement. Toutes les mesures retenues dans le rapport final 2, établi selon la nouvelle méthode recommandée par l’OFEV, étant plus basses que celles résultant de l’ancienne méthode de calcul, la différence sur la valeur du bien immobilier entre l’état de situation avec et sans mesure d’assainissement est forcément moindre que les chiffres énoncés par les experts, fondés sur le rapport final 1.

Dans ces conditions, outre qu’aucune des expertises privées précitées n’a pu tenir compte des chiffres récents, le différentiel de l’experte O______ était déjà inférieur à 10% et celui de S______ n’était que très légèrement supérieur. Compte tenu des développements qui précèdent, il ne peut être retenu que la différence serait supérieure à 10% et remplirait, par voie de conséquence, la condition, nécessaire et cumulative, de la gravité des nuisances en vue de l’obtention d’une indemnisation.

Mal fondé, le recours sera en conséquence rejeté.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes David HOFMANN et Jérôme LEVRAT, avocats du recourant, à Me Tobias ZELLWEGER, avocat de l’intimé, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Joanna JODRY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. RAMADOO

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :