Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/662/2025 du 16.06.2025 sur JTAPI/96/2025 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2707/2024-PE ATA/662/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 16 juin 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ et B______, agissant également pour
leurs filles C______ et D______ recourants
représentés par Me Arthur GUEORGUIEV, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 janvier 2025 (JTAPI/96/2025)
A. a. B______, né le ______ 1989, A______, née le ______ 1993, tous deux nés au Kosovo, et leurs filles C______, née le ______ 2014, et D______, née le ______ 2020, sont ressortissants du Kosovo.
b. Par ordonnance pénale du Ministère public (ci-après : MP) du 15 décembre 2014, B______ a été reconnu coupable d'entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Lors de son audition du 12 novembre 2014 par la police, il a déclaré être arrivé à Genève environ cinq ans auparavant, soit en 2009.
c. Le 9 mars 2015, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) a prononcé à son encontre une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après: IES) valable jusqu'au 8 mars 2019.
d. Le 10 juillet 2018, B______ a déposé une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de l'« opération Papyrus » pour lui et sa famille auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM). Il a notamment produit des fiches de salaires et certificats de travail établis par E______ de juin 2008 à fin décembre 2009 et F______ de janvier à mars 2012 et d'avril à novembre 2016, divers actes d'état civil, un extrait de compte individuel AVS mentionnant le versement de cotisations pour les années 2010, 2011, 2013 à 2015 et 2017, des attestations de l'Hospice général, des extraits des casiers judiciaires des membres de la famille, des attestations de l'office des poursuites, un formulaire M mentionnant une date d'arrivée en 2008, un formulaire OCIRT indiquant une activité auprès d’F______ et des attestations de scolarité de C______ pour les années scolaires 2018 et 2019.
e. L'OCPM a requis la production de documents complémentaires.
f. Le 11 novembre 2019, l'OCPM a dénoncé B______ au MP en raison de doutes sur l'authenticité des fiches de salaires produites pour les activités exercées auprès de E______ et F______. Les coefficients appliqués pour les cotisations AVS étaient faux et les déductions des charges sociales annoncées n'apparaissaient pas sur l'extrait de compte individuel AVS produit.
g. Le 28 novembre 2018, B______ a sollicité et obtenu un visa de retour à destination du Kosovo pour des raisons familiales. Le 21 novembre 2022 et le 26 juin 2023, il a sollicité l'octroi d'un visa de retour à destination du Kosovo afin de rendre visite à sa famille.
h. Le 10 juillet 2020, il a sollicité de l'OCPM une autorisation de travail provisoire auprès de G______, ce qui lui a été refusé par décision du 6 août 2020.
i. Par ordonnance pénale du 14 décembre 2020, le MP a condamné B______ pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation ainsi que pour violation des règles de la circulation routière pour avoir circulé avec un chargement mal arrimé.
j. Entendu par les services de police en date du 24 juin 2021 suite à la dénonciation de l'OCPM du 11 novembre 2020, B______ a notamment admis avoir produit de faux documents pour les années 2008 à 2009, a indiqué être arrivé en Suisse en juin 2018 et que deux de ses frères habitaient au Kosovo.
k. Par ordonnance pénale du 25 juin 2021, le MP l’a condamné pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, pour avoir induit en erreur les autorités chargées de l'application de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 et faux dans les titres.
l. Le 7 octobre 2021, l'OCPM a informé B______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai pour faire valoir ses observations.
m. Le 8 novembre 2021, B______ a informé l'OCPM qu'il avait contesté l'ordonnance pénale du 25 juin 2021 et a demandé la suspension de la procédure d'autorisation de séjour jusqu'à droit connu dans la procédure pénale.
n. Le mars 2024, l'OCPM a une nouvelle fois informé B______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai pour faire valoir ses observations, ce qu'il n'a pas fait.
o. Par décision du 17 juin 2024, l'OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour en faveur de la famille et a prononcé son renvoi de Suisse.
Le mari avait été condamné pour plusieurs infractions. Sa situation ne répondait donc pas aux critères de l'« opération Papyrus ». Il ne remplissait également pas les critères relatifs à un cas de rigueur. En ayant produit de faux documents dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, son comportement était incompatible avec une bonne intégration. En outre, il avait persisté à divulguer à l'autorité de fausses informations, notamment en indiquant avoir contesté l'ordonnance pénale du 25 juin 2021 alors qu'aucune requête en ce sens n'avait été formulée. Son attitude ne correspondait en aucun cas au comportement attendu d'une personne qui demandait une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
L’épouse n'avait jamais exercé d'activité lucrative et disposait d'un niveau de français A2. Ni lui ni elle ne pouvait se prévaloir d'une intégration socioprofessionnelle remarquable. Ils n'avaient pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'un retour au Kosovo ne pouvait plus être envisagé. Ils n'avaient pas non plus acquis de connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'ils ne pourraient pas les mettre en pratique dans leur pays d'origine.
D______ et C______ étaient nées à Genève et étaient âgées de 3 et 10 ans. Si C______ était scolarisée, elle n'était pas encore adolescente, de sorte que son intégration en Suisse n'était pas encore déterminante. Leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser de problèmes insurmontables.
Vu les divers visas de retour obtenus, la famille avait gardé des attaches dans son pays d'origine. Enfin, aucun élément du dossier ne démontrait l'existence d'obstacles à son retour au Kosovo.
B. a. Par acte du 21 août 2024, les époux A______ B______, agissant aussi pour leurs deux filles, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI). Ils ont conclu à l’octroi d'une autorisation de séjour, subsidiairement au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, ils ont conclu à leur audition et celle de C______.
Ils avaient déposé leur demande de régularisation le 6 août 2019. Il ne faisait aucun doute que leur intégration était avérée. La famille avait systématiquement pu subvenir à ses besoins sans émarger à l'aide sociale et aucun de ses membres ne figurait au casier judiciaire ou n'avait de dettes. Il existait un lien indissociable entre les condamnations pénales du mari et son statut d'étranger, de sorte que la condition d'absence de condamnation pénale devait être relativisée. Il avait fait preuve d'une excellente collaboration et avait reconnu les faits, ce qui démontrait une prise de conscience de ses agissements. Il avait évolué et regrettait son acte. S'il avait été accompagné d'un conseil lors de son audition par la police, il aurait fait usage de son droit de se taire. Malgré l'existence de condamnations pénales, il avait exercé une activité lucrative durant plusieurs années, lui permettant d'être indépendant financièrement. Il n'avait pas de dettes et avait résidé durant plus de dix ans en Suisse. Ses connaissances de la langue française attestaient de sa bonne intégration. Il lui avait été reproché d'avoir augmenté son taux d'activité sur ses certificats de travail. Si cela pouvait constituer un faux dans les titres, ce document conservait sa véracité quant à son activité lucrative.
Le centre d'intérêt de la famille était en Suisse. Pendant plus de dix ans, ils avaient travaillé à Genève et y avaient développé un cercle d'amis. Les filles, nées à Genève, y étaient scolarisées. Ne parlant que le français, elles s'étaient parfaitement intégrées à Genève. La décision litigieuse consacrait une violation du principe de proportionnalité.
b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Par jugement du 29 janvier 2025, le TAPI a rejeté le recours.
Les conditions de l’« opération Papyrus » et celles d’un cas de rigueur n’étaient pas remplies. Le renvoi de la famille ne se heurtait pas non plus à des circonstances le rendant inexigible, illicite ou impossible.
Les intéressés ont été avisés le 30 janvier 2025 du pli recommandé contenant le jugement. Non-retiré, le pli a été retourné au TAPI.
C. a. Par acte expédié le 10 mars 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice, B______ et A______, agissant également au nom de leurs filles C______ et D______, ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu, préalablement, à leur audition et celle de C______, et, principalement, à l’octroi d’une autorisation de séjour. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.
Le recourant était arrivé à Genève en 2008, son épouse en 2011. Il avait toujours travaillé. La famille n’avait pas de poursuites ni ne dépendait de l’aide sociale. Le recourant reconnaissait avoir antidaté des justificatifs produits à l’OCPM. La recourante s’occupait des enfants, suivait des cours de français et n’avait jamais été condamnée. La famille s’acquittait de ses primes d’assurance-maladie. Les filles parlaient couramment le français et mal l’albanais. Il n’y avait plus que les parents du recourant qui vivaient au Kosovo.
L’infraction commise par le recourant devait être relativisée, dès lors qu’elle avait été commise en lien avec sa situation irrégulière. Il reprenait les arguments déjà exposés à ce sujet au TAPI. Il n’avait pas indiqué un taux d’occupation véridique et indiqué une fausse adresse. Cela ne changeait rien au fait qu’il avait travaillé en Suisse pendant les périodes concernées.
La Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) avait été violée. Le principe de la proportionnalité s’opposait à refuser à la famille les autorisations convoitées. Aucun intérêt public ne justifiait le refus.
b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
Il a produit une ordonnance du MP vaudois du 6 janvier 2025, classant la procédure ouverte contre B______ pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation exercée entre le 10 juillet 2018 et le 8 septembre 2024. Le séjour de l’intéressé était toléré depuis le dépôt de la demande d’autorisation de séjour et s’il faisait une demande l’autorisant à exercer une activité lucrative durant la procédure, elle serait admise.
c. Dans le délai de réplique, les recourants ont souligné la parfaite intégration de leurs filles, qui parlaient en français avec eux, le fait que la recourante travaillait auprès du pressing F______ depuis 2011 et que le couple n’avait pas de dettes, hormis une de CHF 2'000.- que la recourante était en train de rembourser.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10). En effet, selon la fiction de notification du jugement à l’échéance du délai de garde (ATF 138 III 225 consid. 3.1), le 6 février 2025, le recours a été formé dans les 30 jours suivants.
2. Les recourants sollicitent leur audition et celle de leur fille.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2). Ce droit ne garantit pas, de façon générale, d’être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_67/2023 du 20 septembre 2023 consid. 3.1).
2.2 L'art. 12 CDE, qui garantit à l'enfant capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, ne lui confère pas le droit inconditionnel d'être entendu oralement et personnellement dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant. Il garantit seulement qu'il puisse faire valoir d'une manière appropriée son point de vue. Lorsque la procédure est essentiellement écrite, comme en droit des étrangers, il n'est pas indispensable que l'enfant soit entendu personnellement et oralement, à condition que son point de vue puisse s'exprimer de façon appropriée, soit par une déclaration écrite de l'enfant lui-même, soit par exemple dans une prise de position écrite de son représentant (ATF 136 II 78 consid. 4.8 ; 124 II 361 consid. 3c).
2.3 En l’espèce, les recourants n’exposent pas en quoi les auditions requises seraient nécessaires ou permettraient d’établir des faits pertinents pour la solution du litige. Ils ont eu l’occasion devant l’OCPM, le TAPI et devant la chambre de céans de faire valoir leurs arguments et produire toutes pièces qu’ils estimaient utiles. Par ailleurs, la chambre de céans estime dispose d’un dossier complet qui lui permet de trancher le litige.
Il ne sera donc pas procédé aux auditions requises.
3. Est litigieux le refus de l’OCPM d’accorder aux recourants une autorisation de séjour et ordonnant leur renvoi de Suisse.
3.1 La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.
3.2 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.
3.3 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci‑après : directives LEI], état au 1er janvier 2025, ch. 5.6.12).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).
La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).
3.4 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
3.5 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).
L'« opération Papyrus » n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA ; (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).
3.6 L'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, lorsque l'étranger établit l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266).
3.7 L’art. 3 CDE ne fonde pas une prétention directe à l’octroi ou au maintien d’une autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2021 du 2 février 2022 consid. 3.7).
3.8 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.
3.9 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).
3.10 En l’espèce, le recourant soutient séjourner en Suisse depuis 2008. Il a déclaré à la police, en 2014, qu’il était arrivé en Suisse en 2009. À l’OCPM, il a indiqué être arrivé en 2008. Par ailleurs, les pièces versées à la procédure ne permettent pas d’établir un séjour continu en Suisse depuis 2008. Ainsi, même en retenant les premières déclarations du recourant, faites alors que l’« opération Papyrus » n’avait pas commencé et donc, plus crédibles que ses déclarations ultérieures, il ne totalisait en septembre 2018, lorsqu’il a déposé sa demande d’autorisation de séjour, pas un séjour ininterrompu de dix ans.
Par ailleurs, le recourant a été condamné pour, notamment, faux dans les titres et comportement frauduleux à l'égard des autorités dans le cadre de sa demande de régularisation. Contrairement à ce qu’il soutient, ces condamnations ne sont pas liées à son statut de clandestin. En outre, le recourant n’a pas respecté l’interdiction d’entrée prononcée à son encontre. Il ne peut ainsi se targuer d’une intégration sociale réussie, n’ayant, à plusieurs titres, pas respecté l’ordre public suisse, élément au demeurant expressément requis par l’« opération Papyrus ».
Le recourant ne remplit pas les conditions permettant de retenir l’existence d’un cas de rigueur. La durée de son séjour en Suisse, même si l’on retenait un séjour continu depuis 2009, devrait être relativisée au regard du fait qu’il a été effectué dans l’illégalité. Comme déjà évoqué, il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable, quand bien même il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et n’a pas recouru à l’aide sociale. Il ne soutient pas avoir noué à Genève des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il ne fait pas non plus valoir qu’il s’investirait d’une quelconque manière dans la vie associative, sportive ou culturelle à Genève.
Il n’est pas contesté qu’il a œuvré à Genève en tant que peintre et plâtrier. Ces activités ne présentent toutefois pas un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Le recourant indique avoir quitté le Kosovo en 2009 alors qu’il était âgé de 19 ans. Il y a donc passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il connaît ainsi les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Il y est régulièrement retourné, y ayant conservé des liens affectifs, ses parents et deux de ses frères y vivant. Le recourant est encore jeune et en bonne santé. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio‑professionnelle ne paraît pas gravement compromise.
Il ne peut non plus être retenu que la recourante aurait fait preuve d’une intégration remarquable. En effet, elle n’est que faiblement intégrée professionnellement, soutenant n’avoir commencé à exercer aucune activité professionnelle qu’en 2020, dont elle ne précise ni le taux d’occupation ni si elle l’exerce toujours, soutenant au contraire dans son recours qu’elle s’occupe des enfants du couple. Elle démontre avoir, uniquement à l’oral, les connaissances linguistiques au niveau A2, soit le niveau débutant, alors qu’elle affirme séjourner en Suisse depuis 2011, soit depuis plus de quatorze ans. Elle ne fait pas non plus valoir s’être investie dans la vie associative ou culturelle à Genève. Son intégration socio‑professionnelle est donc faible.
Arrivée selon ses allégations en Suisse en 2011, alors âgée de 18 ans, elle a passé toute son enfance et son adolescence au Kosovo. Elle est également retournée au Kosovo à plusieurs reprises. Désormais âgée de 32 ans et en bonne santé, elle ne devrait rencontrer, après une nécessaire phase de réadaptation, aucun problème à se réintégrer dans son pays d’origine.
C______, âgée de 11 ans, est au tout début de l’adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. Elle s’est certainement constitué un cercle d’amis à Genève où elle est née et scolarisée depuis l’âge de 4 ans. Elle devra ainsi fournir un effort d’intégration lors de son renvoi. Cependant, aucun élément ne permet de considérer que cet effort serait insurmontable. Il est rappelé qu’elle retournera dans son pays d’origine en compagnie de ses parents et de sa petite sœur et y retrouvera une partie de la famille de ses parents. Dans ces circonstances, sa réintégration ne paraît pas gravement compromise.
Il en va de même de celle de D______, désormais âgée de près de 5 ans. Au vu de son jeune âge, elle reste encore fortement attachée, par le biais de ses parents, à son pays d’origine. Son intégration en Suisse n’est, compte tenu de son âge, pas encore tellement profonde que son intégration au Kosovo puisse être considérée comme insurmontable.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que les recourants ne remplissaient pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, les recourants ne remplissent pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Ils ne sauraient donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.
Enfin, aucun élément ne rend vraisemblable que le renvoi des recourants au Kosovo serait illicite, inexigible ou impossible. Les recourants ne l’allèguent d’ailleurs pas.
Infondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2025 par B______ et A______, agissant aussi pour leurs filles C______ et D______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 janvier 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de B______ et A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Arthur GUEORGUIEV, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. RAMADOO
|
| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le |
| la greffière : |
Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.