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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/366/2025

ATA/639/2025 du 16.06.2025 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/366/2025-AIDSO ATA/639/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 juin 2025

 

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1963, est marié à B______, née le ______ 1975. Ils vivent avec leur fils, C______, né le ______ 2004.

Pour l’année scolaire 2024-2025, C______ était inscrit au Centre de formation professionnelle (ci-après : CFP) Arts.

Le 27 juin 2024, la Fondation D______ (ci-après : la fondation) a accepté la demande d’aide financière de C______ et lui a alloué la somme de CHF 15'000.-.

b. En août 2023, A______ a formé une demande d’aide sociale auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

c. Par décisions des 13 décembre 2023 et 29 janvier 2024, le SPC a rejeté la demande d’aide sociale, la fortune de l’intéressé étant supérieure aux normes légales en vigueur.

d. Par décision du 3 septembre 2024, le SPC a octroyé à A______ des prestations mensuelles de CHF 1'754.- à compter du 1er octobre 2024. Ce montant a été fixé à CHF 1'750.- à compter du 1er décembre 2024.

À teneur du plan de calcul, la fortune s’élevait à CHF 7'249.70.

B. a. Par décision du 26 novembre 2024, annulant et remplaçant la précédente, le SPC a informé l’intéressé qu’il n’avait plus droit à des prestations d’aide sociale à compter du 1er décembre 2024, sa fortune étant supérieure aux normes légales en vigueur.

À teneur du plan de calcul, la fortune du groupe familial s’élevait à CHF 19'056.95.

b. A______ a formé opposition à cette décision, faisant valoir que la fortune était constituée de la bourse d’études versée à son fils.

c. Le 15 janvier 2025, il a transmis ses relevés de compte bancaire ainsi que ceux de son fils, faisant état, au 30 novembre 2024, d’un solde de CHF 1'098.65 pour lui (compte E______) et de CHF 9'081.20 pour son fils (compte F______).

d. Par décision sur opposition du 22 janvier 2025, le SPC a maintenu sa décision. Renseignements pris auprès du service G______ (ci-après : G______), aucune bourse d’études n’avait été allouée à C______. C’était ainsi à juste titre que les avoirs bancaires de ce dernier avaient été inclus dans la fortune du groupe familial. Or, dans la mesure où la fortune était supérieure à CHF 10'000.- au 30 novembre 2024 (soit CHF 1'098.65 sur le compte bancaire du père et CHF 9'081.20 sur celui du fils), A______ ne pouvait pas prétendre à des prestations d’aide sociale pour le mois de décembre 2024.

C. a. Par acte du 23 janvier 2025, A______ a contesté cette décision devant le SPC. Il a joint une copie de l’obtention d’une bourse d’études pour son fils de la part de la fondation.

b. Cette écriture a été transmise à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) comme objet de sa compétence.

c. Par réponse du 18 mars 2025, le SPC a conclu au rejet du recours.

La période litigieuse portait exclusivement sur le mois de décembre 2024.
L’art. 23 al. 1 et 2 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2024, disposait que la fortune prise en compte était celle prévue à l’art. 6 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06). La fortune des membres du groupe familial était assimilée à celle de l’intéressé. C’était partant à bon droit que le SPC avait tenu compte des avoirs bancaires de C______ au 30 novembre 2024. Il importait peu que ces derniers comprennent une partie de la « bourse » de CHF 15'000.- qui lui avait été versée par la fondation le 17 juillet 2024.

d. Par réplique du 17 avril 2025, A______ s’est prévalu de
l’art. 4 al. 1 let. h LRDU, applicable par renvoi de l’art. 22 LIASI, selon lequel seules les prestations sociales non comprises dans la hiérarchie des prestations visée à l’art. 13 LRDU étaient prises en compte dans le revenu déterminant unifié socle. Or, les bourses d’études figuraient expressément parmi la liste des prestations sociales de l’art. 13 LRDU. Par conséquent, la bourse d’études de son fils ne devait pas être intégrée dans l’évaluation de la fortune puisqu’elle n’était, dans tous les cas, pas prise en compte dans le calcul du revenu déterminant.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

 

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a tenu compte de l’aide financière reçue par le fils du recourant pour l’année scolaire 2024-2025 dans le calcul de son droit aux prestations d’aide sociale.

3.             À titre liminaire, il convient de déterminer le droit applicable.

3.1 Le 1er janvier 2025 sont entrés en vigueur la loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP - J 4 04) et son règlement d’application (RASLP - J 4 04.01), abrogeant la LIASI et son règlement d’application du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01).

La LASLP s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes bénéficiant des prestations prévues par la LIASI (art. 81 al. 1 LASLP). Les art. 48 à 54 LASLP s’appliquent aux prestations d’aide financière versées en application de l’ancienne loi, dans la mesure où elles auraient donné lieu à restitution selon cette loi et si l’action en restitution n’est pas prescrite au moment de l’abrogation de ladite loi (art. 81 al. 2 LASLP).

3.2 En l’occurrence, le recourant a reçu une décision de refus de prestations. Il n’était ainsi pas au bénéfice de prestations prévues par la LIASI lors de l’entrée en vigueur de la LASLP. Il s’ensuit que c’est l’ancien droit, soit la LIASI dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2024, qui s’applique à sa situation.

4.             Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (ATF 135 I 119 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.1).

4.1 En droit genevois, la LIASI et le RIASI concrétisent l’art. 12 Cst. (ATA/589/2025 du 27 mai 2025 consid. 2.2 ; ATA/362/2025 du 1er avril 2025 consid. 4.2 et les références citées).

4.2 La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel
(art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle a également pour objectif plus général de garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). Les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu
(art. 9 al. 1 LIASI).

4.3 Selon l’art. 13 al. 1 LIASI, les prestations d’aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie. Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (al. 2). Les enfants à charges sont les enfants mineurs ainsi que les enfants majeurs jusqu’à l’âge de 25 ans révolus pour autant qu’ils soient en formation ou suivent des études régulières et qu’ils fassent ménage commun avec le demandeur (al. 3).

4.4 Conformément à l'art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État.

Selon l’art. 23 LIASI, sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 LRDU, sous réserve des exceptions figurant aux al.  3 et 4 ci-dessous. Est assimilée à la fortune de l’intéressé celle des membres du groupe familial (al. 2). Ne sont pas considérés comme fortune : les biens grevés d'un usufruit ; ni pour l'usufruitier, ni pour le nu-propriétaire (let. a) ; l'allocation destinée à la création d'une activité indépendante au sens de l'art. 42C al. 8 ainsi que les autres aides obtenues pour la création d'une telle activité (let. b ; al. 3). Le Conseil d’État fixe par règlement les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière (al. 5).

Selon l’art. 6 LRDU, le socle du revenu déterminant unifié comprend les éléments de fortune immobilière et mobilière suivants (art. 47 LIPP) : tous les immeubles situés dans et hors du canton (let. a) ; les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature, les mises de fonds, apports et commandites représentant une part d’intérêt dans une entreprise, une société ou une association (let. b) ; l’argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d’une somme d’argent (let. c) ; les créances hypothécaires et chirographaires (let. d) ; les éléments composant la fortune commerciale (let. e) ; les assurances-vie et vieillesse pour leur valeur de rachat (let. f) ; tout autre élément de fortune, à l’exclusion des meubles meublants et du capital versé à titre d’épargne à une institution de prévoyance (let. e).

À teneur de l’art. 27 al. 1 LIASI, pour la fixation des prestations sont déterminantes les ressources du mois en cours (let. a) et la fortune au 31 décembre de l’année précédant celle pour laquelle la prestation est demandée (let. b). En cas de modification notable de la fortune du bénéficiaire, la prestation est fixée conformément à la situation nouvelle (al. 2).

4.5 Selon l’art. 1 al. 1 RIASI, les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont les suivantes : CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a) ; CHF 8'000.- pour un couple (let. b) ; CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (al. 2).

4.6 En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant, son épouse et leur fils forment une unité économique au sens de l’art. 13 LIASI. C’est, partant, à bon droit que l’autorité intimée a pris en considération la fortune de chacun dans le calcul des prestations d’aide sociale (art. 23 al. 2 LIASI). Il n’est pas non plus contesté qu’au 30 novembre 2024, le solde du compte E______ du recourant s’élevait à CHF 1'098.65 et celui de son fils (compte F______) à CHF 9'081.40. Il s’ensuit qu’à cette date, leur fortune était supérieure à CHF 10'000.-.

Le recourant se prévaut de l’art. 4 al. 1 let. h LRDU, applicable par le renvoi de l’art. 22 al. 1 LIASI, qui exclut la prise en compte, dans le socle du revenu déterminant unifié, des prestations visées à l’art. 13 LRDU, dans lesquelles figurent les bourses d’études (let. b ch. 6). Il perd toutefois de vue que ces dispositions concernent les revenus pris en compte, et non la fortune, qui est réglementée à l’art. 23 LIASI. Or, l’aide financière octroyée à son fils par la fondation n’a pas été prise en compte dans les revenus du groupe familial. Son argumentation à cet égard tombe ainsi à faux.

Dans la mesure où l’aide financière a été versée sur le compte bancaire du fils, l’autorité intimée a correctement appliqué l’art. 6 let. c LRDU, applicable par le renvoi de l’art. 23 al. 1 LIASI, en intégrant le solde de son compte courant dans la fortune du groupe familial. Contrairement à ce que soutient le recourant, les dispositions applicables ne prévoient pas de dérogation à la prise en compte, au titre de fortune, des soldes de comptes courants lorsque l’argent vise à soutenir financièrement les étudiants. Les seuls biens qui ne sont pas considérés comme des éléments de fortune au sens de l’art. 23 LIASI sont les biens grevés d’un usufruit et l’allocation destinée à la création d’une activité indépendante (art. 23 al. 3 LIASI). Les aides financières, même accordées ponctuellement, constituent dès lors des éléments à prendre en compte dans la fortune du groupe familial.

Le recours doit partant être rejeté.

5.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 3 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, le recourant ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 1 LPA).

 

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 janvier 2025 par A______ contre la décision sur opposition du service des prestations complémentaires du 22 janvier 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. RAMADOO

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :