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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/380/2025

ATA/396/2025 du 08.04.2025 ( DIV ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;POLICE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL);INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE;POLICE ET ORDRE PUBLIC;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PROPORTIONNALITÉ;LIBERTÉ PERSONNELLE
Normes : LPol.53; ROPol.17.al4; LPA.60.al1.letb; LPol.45; ROPol.16; ROPol.17.al1; ROPol.17.al2; Cst.10.al1; LPA.20.al1; Cst.29.al2; Cst.30; Cst.36
Résumé : Les éléments du dossier mis en regard avec les antécédents du recourant démontrent que le commissaire de police n'a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant l'interdiction de périmètre querellée. Cette dernière a été prononcée conformément à la procédure telle que définie dans le ROPol et sans violation du droit d'être entendu du recourant. Elle était proportionnée et ne constituait qu'une atteinte légère à sa liberté personnelle, à la fois au vu de sa durée et de la dimension du secteur prohibé. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/380/2025-DIV ATA/396/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 avril 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 2006 et de nationalité française, est au bénéfice d'un permis d'établissement. Il est domicilié chez sa mère, B______, rue C______ à Genève.

B. a. Le 2 février 2025 à 01h15, A______ s'est vu notifier une décision prise par le commissaire de police, sur la base de l'art. 53 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), déclarée exécutoire nonobstant recours, d'interdiction de pénétrer dans le secteur 1______ du canton de Genève, délimité par la rue D______, la rue E______ et le quai F______, pour une durée d'un mois. Il pouvait toutefois se rendre à son domicile.

L'intéressé avait été appréhendé par les services de police le jour même, alors qu'il entrait dans le square G______ avec deux autres individus. Il était défavorablement connu des services de police, ayant déjà été déclaré en contravention à plusieurs reprises dans ce périmètre, notamment dans les parkings et allées, alors que « [d]epuis plusieurs mois », de nombreuses incivilités étaient causées par un groupe de jeunes. Par son comportement, il avait ainsi troublé l'ordre public et « importuné sérieusement des tiers ».

C. a. Par acte déposé le 4 février 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la mesure précitée, en concluant principalement à son annulation et, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif.

La décision du commissaire de police violait l'art. 17 al. 4 du règlement sur l'organisation de la police du 21 décembre 2022 (ROPol - F 1 05.01) et son droit d'être entendu. Il n’avait pas vu de commissaire de police ni été entendu par l’officier de police. Ce dernier s’était contenté, comme il le lui avait préalablement annoncé, de lui remettre un plan mentionnant le périmètre interdit et la durée de la mesure d’éloignement.

En outre, il habitait dans le périmètre interdit. Quand bien même le plan remis indiquait qu'il pouvait rentrer chez lui, aucun élément figurant à la procédure ne permettait d’attester qu’une mesure d’éloignement était nécessaire. Tous ses centres d'intérêt, comme ses amis ou la maison de quartier qu'il fréquentait quotidiennement, se trouvaient d'ailleurs à l'intérieur du périmètre. Il avait été « victime d'un excès de zèle de la part d'un policier », alors qu'il ne nuisait pas à la sécurité publique et n'importunait personne lors de son interpellation le 2 février 2025. La mesure apparaissait ainsi disproportionnée, inopportune et contraire à la liberté personnelle.

b. Le commissaire de police a conclu au rejet de l'effet suspensif et du recours.

Il existait un intérêt public prépondérant à ce que l'effet suspensif ne soit pas restitué au regard des nombreuses activités illicites déployées depuis de nombreuses années « et encore tout récemment » par l'intéressé dans la zone concernée. Celui-ci représentant une menace pour l'ordre et la sécurité publics, la décision prise à son endroit était fondée.

En annexe à son écriture, le commissaire de police a fait parvenir à la chambre administrative le dossier de A______, dont il ressort que ce dernier « n'a[vait] de cesse, depuis des années, [de] commettre des infractions, parfois avec violence, à Genève et dans la zone prohibée ». Il avait fait l'objet de rapports de police pour avoir :

-          en juin 2019, frappé une autre personne, faits que l'intéressé avait reconnus ;

-          en novembre 2019, injurié une mineure et frappé au thorax et au visage, à l'aide d'une béquille, un autre mineur, faits qu'il avait reconnus ;

-          en février 2021, endommagé la barrière du parking de la Migros sis rue H______, faits qu'il avait reconnus ;

-          en février 2021, frappé un autre mineur à coups de poing et de pied, faits qu'il avait reconnus ;

-          en mai 2021, volé, au domicile d'une tierce personne qui l'avait invité, une enceinte JBL Go, faits qu'il avait reconnus ;

-          en octobre 2021, à l'issue d'un match de football opposant les équipes Atletico Genève et FC City, donné des coups de béquille à des joueurs et des supporters du FC City ;

-          en mars 2022, endommagé la vitre de la cellule n° 2______ de l'établissement la Clairière ;

-          entre septembre et octobre 2022, endommagé une voiture de marque Mercedes Benz stationnée dans un parking sis rue E______ et y avoir volé deux paires de lunettes de vue ;

-          entre novembre et décembre 2022, commis plus d'une centaine de vols par effraction dans des véhicules – certains de ceux-ci étant stationnés dans un parking souterrain sis aux I______ – en brisant les vitres latérales de ceux-ci pour un préjudice de plus de CHF 129'000.-, faits qu'il avait partiellement reconnus ;

-          en décembre 2022, volé la trottinette électrique d'une femme et insulté et menacé celle-ci, faits qu'il avait reconnus ;

-          en septembre 2023, en ville de Fribourg, acquis et consommé 3.73 g de haschisch et circulé au guidon d'une trottinette électrique volée ;

-          en février 2024 et en application d'un mandat disciplinaire émis le 27 février 2024 par le Tribunal des mineurs, été interpellé par la brigade des mineurs de la police fribourgeoise et acheminé à la Clairière ;

-          en août 2024, conduit un scooter sans être au bénéfice d'un permis de conduire, faits qu'il avait reconnus ;

-          en août 2024 et en compagnie d'une tierce personne, commis un vol avec violence au préjudice d'un mineur.

Par ailleurs, A______ avait été contrôlé à neuf reprises entre octobre 2024 et février 2025 dans le quartier des I______. Il avait fait l'objet d'un éloignement de ce secteur d'une durée de 24 heures le 13 décembre 2024, puis avait été déclaré en contravention pour infraction à la LStup le 12 janvier 2025 au square G______ et pour « cris et vocifération suite réquisition bruit de musique » le 31 janvier 2025 aux I______. Pour finir, il s'était vu délivrer un avertissement le 30 janvier 2025 en raison de son comportement dans la zone, où les portes d'accès aux immeubles et à leurs sous-sols étaient régulièrement fracturées, ce qui engendrait de nombreuses plaintes de la part des habitants.

Enfin, A______ reconnaissait être connu pour « des vols, bagarres, agressions en groupe et dommages à la propriété ». Il avait été placé en foyer pendant de nombreux mois et avait été détenu du 2 février 2022 au 7 octobre 2022 à la Clairière « pour une affaire de coups de couteau sur la plaine de Plainpalais ».

c. Le recourant n'a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Se pose la question de l'intérêt actuel au recours.

2.1 Ont qualité pour recourir les personnes touchées directement par une décision et qui ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA). Le recourant doit avoir un intérêt actuel à l'admission du recours (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

Il est renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/183/2022 du 22 février 2022 consid. 3a). L'obligation d'entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l'absence d'un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b ; ATA/183/2022 précité consid. 3a). Il faut en particulier un intérêt public – voire privé – justifiant que la question litigieuse soit tranchée, en raison de l'importance de celle-ci (ATF 135 I 79 consid. 1.1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b ; 127 I 164 consid. 1a).

2.2 En l'espèce, la décision d'interdiction de pénétrer dans un périmètre donné, prononcée pour une durée d'un mois, a été entièrement exécutée, de sorte que sur ce point, le recours a perdu tout objet.

Cependant, il n'est pas exclu que le recourant se trouve à nouveau dans une telle situation, puisqu'il habite à Genève et dit avoir des amis et fréquenter une maison de quartier dans le secteur des I______. En conséquence, il sera renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel au recours (ATA/418/2020 du 30 avril 2020 consid. 2b).

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la mesure d’éloignement d’un périmètre.

3.1 À teneur de l'art. 45 LPol, la police exerce ses tâches dans le respect des droits fondamentaux et des principes de légalité, de proportionnalité et d'intérêt public (al. 1). En cas de troubles ou pour écarter des dangers menaçant directement la sécurité et l'ordre publics, elle prend les mesures d'urgence indispensables (al. 2).

Ainsi, selon l'art. 53 al. 1 LPol, la police peut éloigner une personne d'un lieu ou d'un périmètre déterminé et lui en interdire l'accès, si, notamment, elle-même ou un rassemblement de personnes auquel elle participe menace l'ordre ou la sécurité publics (let. a) ou elle-même ou un rassemblement de personnes auquel elle participe importune sérieusement des tiers (let. b).

Le type et la durée de la mesure d'éloignement dépendent de la gravité et de l'intensité du trouble qui la justifie (art. 16 ROPol).

Les policiers sont habilités à prononcer une mesure d'éloignement pour une durée maximale de 24 heures. En pareil cas, le commissaire de police de permanence est immédiatement informé (art. 17 al. 1 ROPol). Les commissaires de police sont habilités à prononcer une mesure d'éloignement pour une durée excédant 24 heures. En pareil cas, la personne qui fait l'objet de la mesure d'éloignement peut être conduite dans des locaux de police pour que la décision écrite afférente lui soit notifiée (art. 17 al. 2 ROPol).

Conformément à l'art. 17 al. 4 ROPol, la décision écrite fait mention : de l'identité de la personne qui fait l'objet de la mesure (let. a) ; de la durée de la mesure prononcée (let. b) ; de la désignation exacte du lieu ou du périmètre dont l'accès est interdit (let. c) ; des motifs sommairement décrits qui justifient la décision (let. d) ; de la menace de la peine prévue à l'art. 292 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) en cas de non-respect de la mesure (let. e) ; de la possibilité de contester la mesure, dans les 30 jours, en déposant un recours à la chambre administrative (let. f) ; de l'indication que la mesure est immédiatement exécutoire, nonobstant recours (let. g).

3.2 Dans un arrêt du 27 août 2019 (ATA/1278/2019), le justiciable avait été interpellé cinq fois dans des lieux connus pour être liés au trafic de stupéfiants et dans le cadre d'opérations de police visant à lutter contre le trafic de stupéfiants, à chaque fois en possession de plusieurs téléphones portables et de sommes d'argent dont il ne pouvait établir la provenance, faute de bénéficier d'une source de revenus. La chambre de céans avait retenu que le commissaire de police était fondé à lui notifier une mesure d'interdiction de pénétrer pour trouble à l'ordre public. Par ailleurs, l'art. 53 LPol n'exigeait aucunement que la personne visée ait été ou soit condamnée pénalement pour s'appliquer.

3.3 Dans un arrêt du 30 avril 2020 (ATA/418/2020), la personne concernée n'avait jamais été appréhendée dans le secteur en question et les faits qui lui étaient reprochés n'avaient aucun rapport avec des dommages à la propriété à l'origine de la décision litigieuse. La chambre de céans avait considéré que l'interdiction de pénétrer dans une zone déterminée n'était pas justifiée.

3.4 Les travaux préparatoires législatifs portant sur le projet de loi 11'228 ayant modifié l'ancienne loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol) renvoient aux art. 22A et 22B de cette dernière, dans la mesure où le contenu en est repris aux art. 53 et 54 LPol (MGC 2012-2013 X A 11940).

Les travaux préparatoires législatifs concernant les art. 22A et 22B aLPol, en particulier le projet de loi 10'121(ci-après : PL 10'121) ayant pour objectif de « renforcer les libertés et restaurer la sécurité publique », soulignent que « l'État doit assurer à chacun le droit de se sentir en sécurité sur son territoire. Pour ce faire, il y a lieu d'éloigner ceux des importuns qui en empêchent l'exercice en prononçant à leur encontre des mesures d'éloignement. Parallèlement, lorsqu'il y a matière à amende, par exemple parce que le comportement qui donne lieu à la mesure d'éloignement mérite également une telle mesure, il faut faire en sorte que l'effet de celle-ci puisse se faire ressentir concrètement sur la personne à l'encontre de laquelle elle est prononcée » (MGC 2006-2007/XII A 11493 ; MGC 2006-2007/XII A 11494). Inspirés par d'autres législations cantonales en la matière, les auteurs du PL 10'121 ont limité la durée maximale de la mesure d'éloignement à trois mois, le Tribunal fédéral ayant considéré qu'une telle durée était compatible avec le droit constitutionnel, notamment l'intérêt public et la proportionnalité (MGC 2006‑2007/XII A 11496 ; ATF 132 I 49).

Appelé à examiner la constitutionnalité des art. 22A let. b et 22B al. 1 aLPol, le Tribunal fédéral a notamment retenu que ceux-ci, sous réserve des termes « ou empêche sans motif l'usage normal du domaine public », étaient conformes aux dispositions du droit supérieur invoquées. Dans ce contexte, il a en particulier rappelé qu'en tant que « droit constitutionnel garanti par l'art. 10 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté personnelle ne tend pas seulement à assurer le droit d'aller et venir, voire à protéger l'intégrité corporelle et psychique, mais elle garantit, de manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement de la personne humaine et que devrait posséder tout être humain, afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures étatiques. En particulier, la liberté des citoyens de circuler à leur gré dans le pays sans autorisation préalable et sans entraves autres que celles nécessitées impérativement par l'ordre public et la sécurité de tous est sans doute l'élément qui caractérise le mieux l'État de droit par rapport à l'État policier. La liberté personnelle se conçoit comme une garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l'absence d'un droit fondamental plus spécifique. À l'instar des autres droits individuels, elle ne saurait être complètement supprimée ou vidée de son contenu par les restrictions légales qui peuvent lui être apportées dans l'intérêt public » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_226/2009 du 16 décembre 2009 consid. 3.2).

3.5 La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/242/2024 du 27 février 2024 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a). La juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/242/2024 précité consid. 3.3).

De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/242/2024 précité consid. 3.3 ; ATA/897/2018 du 4 septembre 2018 consid. 7f).

3.6 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 et 30 Cst.) est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 IV 302 consid. 3.1 ; 135 I 187 consid. 2.2). Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 135 I 279 consid. 2.6.1). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).

3.7 Traditionnellement, le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 Cst. se compose des règles d'aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés, et de proportionnalité au sens étroit, qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

3.8 En l'espèce, le recourant fait valoir que la décision d'interdiction de pénétrer querellée, notifiée le 2 février 2025 pour une durée d'un mois, d'une part, violerait le ROPol et son droit d'être entendu et, d'autre part, serait disproportionnée et violerait sa liberté personnelle. Une mesure d'éloignement n'était pas nécessaire, d'autant moins qu'il ne nuisait pas à la sécurité publique ni n'importunait quiconque au moment de son interpellation.

3.9 Les éléments ressortant du dossier ne permettent toutefois pas de corroborer les allégations du recourant.

Entre le mois d'octobre 2024 et le mois de février 2025, celui-ci a été contrôlé à neuf reprises dans le quartier des I______, respectivement les 7 octobre, 28 novembre et 13 décembre 2024, les 10, 12, 30 à deux reprises et 31 janvier 2025, ainsi que le 2 février 2025. Alors qu'un éloignement avait déjà été prononcé à son encontre le 13 décembre 2024 pour une durée de 24 heures, sa contravention à la loi du 12 janvier 2025, comme celle du 31 janvier 2025, a été commise dans la zone prohibée. La seconde fois, un avertissement venait en outre de lui être adressé la veille concernant son comportement aux I______. Dans ces circonstances, son argument visant à justifier sa présence dans le secteur prohibé par le domicile de ses amis et l'adresse de la maison de quartier où il se rend quotidiennement pour rencontrer des éducateurs ne saurait convaincre. Outre que les raisons précitées n'expliquent notamment pas son entrée dans le square G______ à une heure nocturne comme celle de son appréhension le 2 février 2025, son intérêt personnel ne suffit en tous les cas pas à contrebalancer l'intérêt public supérieur au prononcé d'une interdiction de pénétrer dans la zone au regard des faits susrappelés.

3.9.1 S'agissant du premier grief de violation de l'art. 17 al. 4 ROPol et du droit d'être entendu, il convient de constater que la décision querellée contient les éléments formels prescrits par cette disposition. En effet, la décision écrite du 2 février 2025 fait mention de l'identité du recourant, de la durée d'un mois de la mesure prononcée, de la désignation exacte du périmètre interdit, des motifs sommairement décrits qui justifient la décision, de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP en cas de non‑respect de la mesure, de la possibilité de recours à la chambre administrative, ainsi que de l'indication que la mesure est immédiatement exécutoire nonobstant recours. Il n'apparaît ainsi nullement que la procédure telle que définie dans le ROPol n'aurait pas été respectée, ce qui n'est au surplus pas développé par le recourant.

De surcroît, ce dernier ne conteste pas s'être vu délivrer un avertissement avant que l'intimé ne prenne sa décision. Il avait en effet été préalablement avisé, par le policier rencontré le 30 janvier 2025, qu'une demande en vue d'une mesure d'éloignement serait soumise au commissaire de police en raison du comportement qu'il avait adopté de manière réitérée aux I______. Il avait ainsi été informé du fait qu'il s'exposait à une interdiction pour ce motif. Par ailleurs, il a attesté de sa prise de connaissance de la décision par sa signature à la fois de l'interdiction et du plan qui l'accompagnait, dont il a reçu copie par écrit. À cela s'ajoute que le recourant a eu l'occasion de faire valoir ses arguments en toute connaissance de cause dans la présente procédure, quand bien même il a renoncé à répliquer aux déterminations de l'intimé. La mesure d'éloignement à son encontre a donc été prononcée conformément à la procédure prévue et sans violation de son droit d'être entendu.

3.9.2 Dans son second grief, le recourant invoque le principe de proportionnalité. Il n'expose toutefois pas concrètement en quoi celui-ci aurait été violé. D'une part, l'enchaînement des événements tend à démontrer l'insuffisance de la précédente mesure d'éloignement prononcée le 13 décembre 2024 pour une durée de 24 heures, qui n'a pas dissuadé l'intéressé de contrevenir de nouveau à l'ordre public à deux reprises le mois suivant. Dans ces circonstances déjà, une mesure moins incisive que l'éloignement de la zone pour une durée d'un mois n'apparaît pas apte à atteindre le but de protection de l'ordre public visé. Au demeurant, l'intimé a limité la durée de la mesure à un mois, alors qu'il était habilité à prononcer l'interdiction pour une durée maximale de trois mois. La décision querellée ne prête ainsi pas le flanc à la critique à cet égard non plus. D'autre part, le périmètre interdit était délimité par la rue D______, la rue E______ et le quai F______, de sorte que le recourant pouvait se déplacer librement dans les autres secteurs de la ville et du canton de Genève et y rencontrer toutes les personnes de son choix. Il a également été tenu compte du fait qu'il résidait dans ce périmètre, puisque le plan annexé à l'interdiction l'autorisait expressément à se rendre à son domicile. Dès lors, la mesure prononcée était proportionnée et ne constituait qu'une atteinte légère à la liberté personnelle du recourant, à la fois au vu de sa durée et de la dimension du secteur prohibé.

3.10 Compte tenu des éléments précités mis en regard avec les antécédents du recourant, le commissaire de police n'a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant l'interdiction de périmètre querellée.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Le présent arrêt ainsi que l'expiration de la mesure rendent sans objet la demande de restitution de l'effet suspensif.

4.             Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 février 2025 par A______ contre la décision du commissaire de police du 2 février 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina BAZARBACHI, avocate du recourant, ainsi qu'au commissaire de police.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

 

 

 

 

 

la greffière :