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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/681/2023

ATA/140/2025 du 04.02.2025 sur JTAPI/62/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/681/2023-PE ATA/140/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 février 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Agrippino RENDA, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2024 (JTAPI/62/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1971, est originaire du Kosovo.

b. Selon ses dires, elle est arrivée à Genève en 2004.

B. a. Le 18 octobre 2018, elle a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour, indiquant vivre à Genève depuis quatorze ans et travailler pour la blanchisserie B______Sàrl.

À l'appui de sa demande, elle a fourni notamment une liste d'abonnements des Transports publics genevois (ci-après : TPG), un contrat de travail conclu avec B______Sàrl, des fiches de salaire et des attestations de travail établies par de C______ Sàrl et D______ Sàrl.

b. À la demande de l’OCPM, A______ a encore remis, le 21 octobre 2019, un extrait AVS récent.

c. Le 27 novembre 2020, l'OCPM a adressé au Ministère public une dénonciation concernant la demande de régularisation déposée par la précitée, ayant des doutes sur l'authenticité des documents produits à l'appui de celle-ci.

d. Par ordonnance pénale du 17 février 2022, le Ministère public a condamné A______ pour entrée et séjour illégal, activité lucrative sans autorisation et pour tentative de comportement frauduleux envers les autorités, le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne s'étant pas produit. Dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour, l'intéressée avait en effet donné de fausses informations à l'OCPM, en particulier en produisant de fausses attestations de travail établies par les sociétés C______ Sàrl et D______ SàRL, afin d'induire en erreur l'OCPM, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation pour elle-même.

e. Par courrier du 22 avril 2022, l'OCPM a fait part à l'intéressée de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi.

f. Par courriers et courriels des 23 mai 2022, 25 juillet 2022, 28 juillet 2022, 31 août 2022, 19 septembre 2022, A______ a sollicité la prolongation du délai pour faire valoir son droit d'être entendue, principalement au motif qu'elle n'arrivait pas à accéder au dossier numérique transmis par l'OCPM, sans toutefois transmettre de déterminations.

g. Par décision du 27 janvier 2023, l’OCPM a refusé d'accéder à la requête du 18 octobre 2018 et, par conséquent, de soumettre le dossier d’A______ au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) avec un préavis positif, et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 27 mars 2023 pour quitter la Suisse.

Bien qu'elle eût finalement eu accès au dossier numérique, selon la notification de lecture du 20 octobre 2022, A______ n'avait pas fait valoir son droit d'être entendue.

A______ n'avait pas été en mesure de justifier son séjour en Suisse pour les années 2009 à 2011, puis 2013 et 2014. La condamnation pénale dont elle faisait l'objet portait notamment sur son comportement frauduleux envers les autorités, ce qui démontrait un comportement qui n’était pas irréprochable. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait ni aux critères de l'« opération Papyrus », ni à ceux relatifs à un cas d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

De plus, A______ n'avait pas été en mesure de justifier du niveau de français requis et n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine – où elle avait vécu la majeure partie de sa vie – aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Enfin, le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI.

C. a. Par acte du 27 février 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation.

Il était fait grief à l'OCPM d'avoir grossièrement violé les art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 9 et 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), les art. 29, 30 et 58a LEI, ainsi que l'art. 31 OASA.

Elle avait rappelé à l'OCPM être arrivée en Suisse en 2004, malheureusement sans être entendue. Elle entendait faire la démonstration de la durée de son séjour en Suisse depuis cette date et du bien-fondé de sa requête de régularisation du 18 octobre 2018. Elle produirait à cet égard toutes les pièces utiles en cours de procédure. Elle alléguait par ailleurs être parfaitement intégrée en Suisse ; un retour dans son pays d'origine aurait immanquablement des conséquences graves sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Il s'est référé à sa décision, rappelant en particulier le défaut de preuve quant à un séjour continu de l’intéressée d'une durée suffisante en Suisse et à une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence, du fait qu’elle disposait de possibilités de réintégration dans son pays d'origine, de même que sa condamnation pénale du 17 févier 2022 qui jouait en sa défaveur.

c. Le 25 mai 2023, A______ a sollicité un délai complémentaire pour déposer sa réplique et a transmis une attestation de connaissance de la langue française, niveau A2, datée du 20 novembre 2018, ainsi qu'une attestation établie par le Dr E______ du 20 mars 2023 attestant qu’elle était « en traitement depuis 2004 ». Dans sa réplique, elle s'est limitée à demander l'audition du Dr E______.

d. Par jugement du 25 janvier 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Si A______ avait établi son niveau de français en produisant une attestation de niveau A2 datée du 20 novembre 2018, elle n'avait pas démontré un séjour ininterrompu en Suisse depuis 2004. À cet égard, elle avait uniquement fourni une attestation établie par son médecin, le Dr E______, qui établissait simplement qu'elle avait été traitée par un médecin à Genève, ainsi qu'une liste TPG qui – au contraire – démontrait que jusqu'en mai 2018, elle n'avait bénéficié d'un abonnement mensuel que pour les mois de janvier et février 2016, ainsi que pour le mois de mai 2018. Les documents fournis en lien avec son travail ne permettaient pas de prouver à eux seuls sa présence continue en Suisse depuis 2004, en l’absence d’autres justificatifs couvrant cette période, tels que des factures de téléphonie, des attestations d’assurance, un contrat de bail à loyer, des polices d'assurance ou l'affiliation à l'assurance-maladie en Suisse ou des factures d’électricité. Les critères de l'« opération Papyrus » n’étaient pas non plus remplis quant à l'exigence de l'absence de condamnation pénale, vu sa condamnation par ordonnance pénale du 17 février 2022, notamment de tentative d'infraction au sens de l'art. 118 al. 1 LEI.

Sous l’angle du cas d’extrême gravité, elle avait vécu dans son pays d'origine toute son enfance et son adolescence, ainsi que le début de sa vie d'adulte. Si elle travaillait dans un pressing, elle ne faisait pas état d'une réussite professionnelle remarquable. De même elle n'avait fourni aucun autre élément indiquant un engagement particulier dans le tissu culturel ou associatif genevois. Elle ne pouvait pas non plus se prévaloir d’un comportement irréprochable, compte tenu de sa condamnation pénale, étant rappelé qu’elle avait produit de fausses attestations de travail dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Si elle était demeurée muette sur sa situation familiale, il ressortait du dossier qu'elle conservait de la famille au Kosovo au vu des demandes de visa de retour et des annonces de sortie qui y figuraient. La réintégration dans son pays d’origine ne paraissait ainsi pas gravement compromise.

Enfin, on ne voyait pas en quoi l'OCPM aurait violé l'art. 8 CEDH ou les art. 9 et 29 Cst., A______ se contentant de faire valoir une violation de ces dispositions sans toutefois motiver ses griefs ni en tirer de conclusions juridiques.

D. a. Par acte déposé le 6 mars 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour. Préalablement, outre un délai pour compléter le recours, elle demandait son audition ainsi que celle du Dr E______.

Le TAPI avait violé son droit d’être entendue en ne procédant pas à l’audition du médecin précité, car il s’agissait du seul moyen à sa disposition pour démontrer un séjour ininterrompu à Genève depuis 2004 dès lors qu’elle ne possédait aucun document à même d’apporter une telle preuve.

Elle résidait en effet bien à Genève sans discontinuer depuis 2004, si bien qu’elle remplissait parfaitement les exigences de l’« opération Papyrus ». Elle n’avait pas de dettes, n’émargeait pas à l’aide sociale et s’était efforcée d’apprendre le français. Elle s’était créée de fortes attaches avec ses collègues ainsi qu’avec d’autres personnes. Son intégration à la vie socioculturelle suisse était à ce point irréversible qu’un retour forcé au Kosovo constituerait pour elle un véritable déracinement. La condamnation pénale dont elle avait fait l’objet était la conséquence directe et inéluctable du flou administratif dans lequel elle se trouvait à l’époque ; elle réfutait la production de fausses attestations et aurait dû faire opposition à l’ordonnance pénale, qui ne pouvait suffire à mettre en échec sa régularisation, notamment car elle avait été prononcée après le dépôt de sa demande.

b. Le 16 avril 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les arguments soulevés par la recourante n’étaient pas de nature à modifier sa position, si bien qu’il renvoyait au jugement attaqué ainsi qu’à ses écritures de première instance.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai prolongé au 31 juillet 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 30 mai 2024, l’OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d’observations à formuler.

e. Le 31 juillet 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et en particulier dans sa demande d’audition du Dr E______.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante sollicite sa comparution personnelle ainsi que l’audition du Dr E______, et invoque une violation de son droit d'être entendu du fait que le TAPI ne l’a pas ordonnée en première instance.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, la recourante a apporté des pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. Elle ne précise pas en quoi son audition serait susceptible d’apporter des éléments supplémentaires par rapport à ses écritures et aux pièces qu’elle a produites. Quant à l’audition du Dr E______, elle soutient qu’il s’agirait là du seul moyen à sa disposition pour démontrer un séjour ininterrompu à Genève depuis 2004 dès lors qu’elle ne possédait aucun document à même d’apporter une telle preuve. Or, même si le médecin précité confirmait l’avoir comme patiente depuis 2004, il ne l’aurait vue en principe que quelques fois par année tout au plus, ce qui ne permettrait pas de rapporter la preuve d’un séjour ininterrompu. En outre, comme cela sera exposé ci-après, même si la preuve d’une présence ininterrompue en Suisse depuis 2004 était apportée, cela ne modifierait pas la solution du présent litige.

Il ne sera dès lors pas procédé aux actes d’instruction sollicités, et le grief de violation du droit d'être entendu par le TAPI sera écarté pour les mêmes motifs.

3.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d'autorisation de séjour de la recourante.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2018, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393
consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.4 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; ne pas avoir de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/334 du 5 mars 2024 consid. 3.6).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/1056/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.4 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

3.6 En l'espèce, la recourante a déclaré être arrivé en Suisse en 2004. C'est toutefois à juste titre que le TAPI a retenu qu’une grande partie de son séjour en Suisse n'était pas étayée, et que la recourante faisait l'objet d'une condamnation pénale entrée en force, ce qui conduit à retenir que les conditions de l'« opération Papyrus » n'étaient pas remplies. Comme déjà examiné, même si le Dr E______ confirmait avoir eu la recourante comme patiente depuis 2004, cela ne prouverait pas encore un séjour continu en Suisse depuis cette date. Quant à la condamnation pénale, si elle a été prononcée après le dépôt de la demande, il y a lieu de la prendre en compte dès lors qu’elle concerne directement ladite demande et que les faits à son origine lui préexistent nécessairement ; quoi qu’il en soit, il ne s’agit nullement d’une conséquence directe et inéluctable de son statut de droit des étrangers, comme elle le prétend.

La recourante ne peut se prévaloir d'une intégration socioprofessionnelle remarquable. S’il est vrai qu’elle a travaillé et subvenu à ses besoins pendant l’intégralité de ses séjours en Suisse et qu’elle maîtrise la langue française au niveau requis, son activité dans le nettoyage vestimentaire ne répond pas à la définition d’une intégration extraordinaire, conformément à la jurisprudence mentionnée plus haut. La recourante n’a de plus fait état d’aucun engagement dans la vie sociale, culturelle ou sportive à Genève. Elle prétend avoir tissé à Genève des liens d’une grande intensité, mais n’en fournit aucun commencement de preuve.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, la recourante est née au Kosovo, dont elle parle la langue. Elle y a vécu au moins son enfance et son adolescence, puisque même à suivre sa version des faits, elle se serait installée en Suisse à l’âge de 33 ans. Elle a du reste maintenu des liens avec son pays d'origine, dès lors qu’elle a demandé des visas de retour pour raisons familiales. En toute hypothèse, les années que la recourante a passées en Suisse ne l'ont pas rendue étrangère à sa culture d’origine ni à sa langue maternelle. La recourante est en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, elle pourra faire valoir les connaissances linguistiques et professionnelles acquises en Suisse.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles la recourante devra faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour elle plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays. La recourante ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par la recourante, et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

4.             Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée
(art. 83 al. 1 LEI).

En l'espèce, il n'existe pas, hormis les difficultés inhérentes à tout retour dans le pays d'origine après plusieurs années d'absence, de circonstances rendant l’exécution du renvoi de la recourante au Kosovo impossible, illicite ou inexigible.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d'A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Agrippino RENDA, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.