Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/13/2025 du 07.01.2025 ( AIDSO ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3465/2024-AIDSO ATA/13/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 7 janvier 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Christine RAPTIS, avocate
contre
HOSPICE GÉNÉRAL intimé
A. a. A______, née le ______ 1988, est la mère de B______, né le ______ 2016. Ils sont arrivés d’Ukraine en Suisse le 12 juin 2022 et ont obtenu le permis S. Ils ont été suivis par l’unité « aide aux migrants - accueil Ukraine » de l’Hospice général (ci-après : l’hospice).
b. Depuis le 1er juillet 2022, son loyer mensuel de CHF 1'300.- est entièrement pris en charge par l’hospice.
c. Du 7 au 11 novembre 2022, A______ a suivi un premier module d’évaluation d’orientation au centre de l’unité de formation de base (ci-après : UFB) pour déterminer son niveau de français. À la fin de ce module, l’intéressée a été inscrite par l’UFB auprès de l’université ouvrière genevoise (ci-après : UOG) pour un cours intensif de français du 9 janvier au 17 mars 2023.
d. Le 12 janvier 2023, l’hospice a reçu l’information de la responsable de formation de l’UOG qu’elle ne s’était pas présentée au cours de français.
e. Le 18 mai 2023, A______ a demandé à l’hospice de prendre en charge la facture de redevance audiovisuelle (SERAFE) de CHF 335.-. Elle ne pouvait honorer cette facture, au vu du montant du forfait d’entretien qu’elle percevait pour elle et son fils (CHF 789.-).
f. Par décision du 5 juin 2023, remise en mains propres le 7 juin 2023, l’hospice a informé l’intéressée que le catalogue des aides complémentaires prévu par les directives cantonales ne prévoyait pas d’aide complémentaire permettant la prise en charge de la redevance audiovisuelle. Celle-ci était soumise à la loi fédérale sur la radio et la télévision du 24 mars 2006 (LRTV - RS 784.40), laquelle prévoyait que chaque ménage était soumis à cette redevance et qu’il n’y avait pas d’exonération pour les personnes au bénéfice de l’aide sociale, y compris pour les personnes relevant du domaine de l’asile.
g. Par courrier du 11 août 2023, l’UFB a une nouvelle fois proposé des cours de français à A______. L’intéressée s’est inscrite le 16 août 2023 et a suivi un cours de français à raison de deux fois par semaine du 11 septembre 2023 au 16 février 2024.
h. Le 10 janvier 2024, A______ a été reçue par son assistante sociale et lui a demandé de prendre en charge le montant de CHF 249.- pour des cours de français intensif dispensés par la fondation pour la formation des adultes à Genève (ci-après : IFAGE). L’assistante sociale lui avait alors répondu qu’elle ne pouvait prendre en charge ces frais.
i. Le 11 janvier 2024, l’UFB a invité A______ à se présenter à la Croix-Rouge pour renouveler son inscription aux cours de français.
j. Par courriel du 11 janvier 2024 adressé à son assistante sociale, A______ a expliqué qu’elle avait trouvé un cours intensif de français à l’IFAGE correspondant à son niveau de français, pour un coût total de CHF 999.-. Elle s’était alors rendue à l’hospice et avait eu un entretien avec un collaborateur qui lui avait indiqué que le prix du cours était excessif et que de ce fait, l’hospice ne pouvait pas s’engager à couvrir les frais. Il lui avait cependant fait savoir qu’elle pouvait obtenir de l’État de Genève un chèque de formation et que l’hospice pourrait intervenir pour le solde restant dû en cas d’obtention du chèque. Sur la base de cette promesse, elle avait entrepris les démarches pour obtenir un chèque et une somme de CHF 750.- lui avait été octroyée le 11 décembre 2023 pour un cours de français intensif débutant le 11 mars 2024 à l’IFAGE. Lors de l’entretien du 10 janvier 2024, son assistante sociale lui avait indiqué ne pas être d’accord de prendre en charge le complément de financement de CHF 249.-. Elle estimait néanmoins avoir reçu une promesse de la part de l’hospice pour la prise en charge de ses frais de cours, si bien que la position de l’hospice contrevenait au principe de la bonne foi.
k. Par courriel du 12 janvier 2024, l’assistante sociale a confirmé à A______ qu’elle ne prendrait pas en charge la facture de l’IFAGE. Le financement par l’hospice de cours à l’IFAGE ne pouvait être envisagé que dans le cadre d’un suivi au service d’insertion professionnelle.
l. Par courrier du 3 février 2024, A______ a mis en demeure l’hospice de prendre en charge les frais de formation à l’IFAGE et la facture de la redevance SERAFE.
B. a. Par décision du 6 février 2024, l’hospice a refusé à A______ la prise en charge des frais de formation à l’IFAGE et de la facture de la redevance SERAFE.
b. A______ a formé opposition à cette décision.
c. Par décision du 3 avril 2024, son assistante sociale a confirmé le contenu de la décision du 6 février 2024.
Le recours formé contre cette décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a été partiellement admis et la décision de l’hospice du 3 avril 2024 annulée, au motif qu’elle avait été prise par une autorité incompétente. L’opposition a été transmise au directeur de l’hospice pour raison de compétence.
d. Par décision du 11 septembre 2024, le directeur de l’hospice a rejeté l’opposition et confirmé la décision de l’hospice du 6 février 2024.
Le catalogue des aides complémentaires prévu par les directives cantonales ne prévoyait pas d’aide complémentaire permettant la prise en charge de la redevance audiovisuelle. Il n’existait dès lors pas de base légale prévoyant que son paiement soit pris en charge par l’hospice.
Le paiement de cours de français à l’extérieur des structures de l’hospice n’était pas non plus prévu par les directives cantonales. Elle n’avait donc aucun droit à une prise en charge de ces cours. Comme cela lui avait déjà été expliqué, une éventuelle prise en charge des frais de cours en dehors des structures de l’hospice peut être envisagée lorsque le bénéficiaire est suivi par un conseiller en insertion professionnelle, ce qui n’était pas son cas. Le motif de non prise en charge des frais n’était pas lié au fait qu’elle ne s’était pas inscrite aux cours de français qui lui avaient été proposés en janvier 2023. Enfin, s’il était vrai que certains bénéficiaires avaient pu bénéficier de cours à l’IFAGE, c’était dans un contexte d’urgence où l’UFB s’était vu contrainte d’orienter certaines personnes à l’IFAGE pour faire face à une demande massive de cours de la part de personnes ayant un permis S. Depuis l’été 2023, la vague avait été absorbée et les orientations à l’IFAGE se faisaient à la suite d’un suivi par un conseiller en insertion professionnelle dans le cadre de l’établissement d’un projet professionnel.
Quant à l’argument de la bonne foi, la recourante ne donnait aucune indication sur le nom de l’employé qui lui aurait fait une telle promesse ou sur la date à laquelle celle-ci aurait été faite. S’ajoutait à cela que l’intéressée n’avait pris aucune disposition qu’elle ne pouvait modifier sans préjudice. Elle avait en effet tout loisir d’annuler ses cours et expliquer la situation à l’IFAGE.
C. a. Par acte du 14 octobre 2024, A______ a recouru devant la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que l’hospice soit condamnée à lui verser un montant de CHF 199.- au titre de cours de français et CHF 670.- pour le paiement de la redevance pour les périodes du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 et du 1er avril 2024 au 31 mars 2025.
L’autorité intimée avait violé son droit d’être entendue en ne cherchant pas à identifier l’employé qui lui avait indiqué que les cours à l’IFAGE seraient pris en charge par l’hospice.
L’autorité était tenue par la promesse qui lui avait été faite, si bien que la décision contrevenait au principe de la protection de la bonne foi. Elle était également contraire à l’égalité de traitement dès lors qu’en raison de son statut de réfugiée de guerre, elle ne bénéficiait pas du même minimum vital que les autres statuts.
Enfin, la décision entreprise violait son droit à la dignité humaine, son minimum vital étant entamé par le paiement de la redevance.
b. Par réponse du 15 novembre 2024, l’hospice a conclu au rejet du recours.
La conclusion visant à la prise en charge de la facture SERAFE pour la période du 1er avril 2024 au 31 mars 2025 devait être déclarée irrecevable, puisqu’elle ne faisait pas l’objet de la décision sur opposition.
Sur le fond, il a repris la motivation de sa décision, précisant que le montant d’aide sociale perçu par la recourante était supérieur à l’aide d’urgence tel que défini par l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).
c. Par réplique du 16 décembre 2024, la recourante a relevé qu’elle touchait un entretien de base réduit en raison de la nature provisoire de sa protection. Or, lui imposer le paiement d’une redevance audiovisuelle, normalement incluse dans l’entretien de base, diminuait injustement le montant ordinaire qu’elle percevait. Une telle restriction aurait dû reposer sur une loi au sens formel, et non sur une directive d’application découlant d’un règlement d’exécution.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur compétence.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Il convient en premier lieu de déterminer l’objet du litige.
2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible
(ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, elle ou il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).
Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATF 144 II 359 consid. 4.3 et les références citées ; ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).
2.2 La conclusion de la recourante tendant à la prise en charge de la facture SERAFE pour la période du 1er avril 2024 au 31 mars 2025 – qui n’a pas été examinée par l’autorité intimée dans la décision entreprise –- est exorbitante au présent litige. Celui-ci concerne en effet uniquement la question de la prise en charge de la facture SERAFE pour la période du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 et les frais de cours de français à l’IFAGE.
3. Invoquant une violation de son droit d’être entendue, la recourante se plaint de ce que l’autorité intimée n’a procédé à aucune instruction pour identifier l’employé qui lui avait assuré que les cours de langue seraient pris en charge par l’hospice.
3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents du dossier avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3).
La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Le principe d’instruction d’office est toutefois contrebalancé par le devoir des parties de collaborer à leur établissement dans les procédures qu’elles introduisent elles‑mêmes (art. 22 LPA), en particulier d’étayer leurs propres thèses et d’indiquer à l’autorité les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATA/327/2024 du 5 mars 2024 consid. 4.7 et les références citées).
3.2 En l’espèce, la seule allégation de la recourante selon laquelle elle aurait obtenu l’assurance que les cours de français intensifs dispensés par l’IFAGE seraient pris en charge par l’hospice n’obligeait pas l’autorité intimée à instruire ce point. L’intimé était en effet en droit d’attendre de la part de la recourante, en vertu de son devoir de collaborer, qu’elle donne au moins l’identité de la personne qui l’avait reçue à l’hospice et la date de son entretien. Par ailleurs, et comme il sera exposé ci-après, ces mesures d’instruction n’étaient pas nécessaires à la solution du litige, les conditions de la bonne foi n’étant en tout état pas réunies. Dans ces conditions, les reproches de la recourante tirés de la violation du principe inquisitoire et de la violation de son droit d'être entendue apparaissent mal fondés.
4. La recourante reproche à l’autorité précédente d’avoir refusé de prendre en charge les frais relatifs à la redevance audiovisuelle et aux cours de français intensif dispensés par l’IFAGE.
4.1 Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.
La jurisprudence considère que la mise en œuvre de l'art. 12 Cst. incombe aux cantons. Ceux-ci sont libres de fixer la nature et les modalités des prestations à fournir au titre de l'aide d'urgence (ATF 135 I 119 consid. 5.3 ; 131 I 166 consid. 8.5). Le droit fondamental à des conditions minimales d'existence selon l'art. 12 Cst. ne garantit pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. L'art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 135 I 119 consid. 5.3 ; 121 I 367 consid. 2c). L'aide d'urgence, par définition, a en principe un caractère transitoire. L'art. 12 Cst. ne vise qu'une aide minimale - à savoir un filet de protection temporaire pour les personnes qui ne trouvent aucune protection dans le cadre des institutions sociales existantes - pour mener une existence conforme à la dignité humaine (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, n. 4 ad art. 12 Cst.).
L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) reprend ce principe en prévoyant que toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle.
4.2 La loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) règle la protection provisoire accordée en Suisse à ceux qui en ont besoin (personnes à protéger) ainsi que leur retour dans leur pays d’origine ou de provenance ou dans un État tiers (art. 1 let. b LAsi). La Suisse peut accorder la protection provisoire à des personnes à protéger aussi longtemps qu’elles sont exposées à un danger général grave, notamment pendant une guerre ou une guerre civile ou lors de situations de violence généralisée (art. 4 LAsi). Selon l’art. 81 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998
(LAsi - RS 142.31), les personnes qui séjournent en Suisse en vertu de la LAsi et qui ne peuvent subvenir à leur entretien par leurs propres moyens reçoivent l’aide sociale nécessaire, à moins qu’un tiers ne soit tenu d’y pourvoir en vertu d’une obligation légale ou contractuelle, ou l’aide d’urgence, à condition qu’elles en fassent la demande.
Selon l’art. 82 al. 1 LAsi, l’octroi de l’aide sociale et de l’aide d’urgence est régi par le droit cantonal (al. 1). L’aide sociale accordée aux requérants et aux personnes à protéger qui ne bénéficient pas d’une autorisation de séjour doit être fournie, dans la mesure du possible, sous la forme de prestations en nature. Elle est inférieure à celle accordée aux personnes résidant en Suisse (al. 3).
4.3 En droit genevois, l’hospice est l'organisme compétent en matière d'assistance des requérants d'asile ainsi que des réfugiés au bénéfice d'un permis d'établissement (art. 3 al. 1 de la loi d'application genevoise de la loi fédérale sur l'asile du 18 décembre 1987 - LaLAsi - RSG F 2 15). Les prestations d’assistance sont allouées aux réfugiés selon les principes appliqués aux Confédérés; s’agissant des requérants d’asile, elles sont adaptées à leur situation particulière (art. 8 al. 4 LaLAsi).
La loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) s’appliquent à titre supplétif. La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle vise aussi à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d'existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).
La LIASI prévoit trois barèmes d'aide financière différents, soit l'aide financière ordinaire (art. 11 al. 1 et 21 ss LIASI ; chapitre I RIASI), l'aide financière exceptionnelle (art. 11 al. 4 LIASI ; chapitre II RIASI) et l'aide d'urgence (art. 44 LIASI ; chapitre VI RIASI).
Selon l’art. 44 LIASI, les prestations d'aide d'urgence sont, en principe et en tenant compte des situations personnelles notamment de la durée du séjour et du comportement, fournies en nature. Elles comprennent : le logement dans un lieu d'hébergement collectif (let. a) ; la nourriture (let. b) ; la mise à disposition de vêtements et d'articles d'hygiène de base (let. c) ; les soins de santé indispensables (let. d) ; l'octroi, en cas de besoin établi, d'autres prestations de première nécessité (let. e). Le règlement d'exécution précise la nature et l'étendue des prestations d'aide d'urgence (al. 2).
4.4 Les directives cantonales en matière de prestations d'aide sociale et financière aux requérants d'asile et statuts assimilés du 1er janvier 2011, émises par le département de la solidarité et de l'emploi de la République et canton de Genève, devenu depuis lors le département de la cohésion sociale (ci-après : les directives), règlent, notamment, le droit aux prestations les personnes sans autorisation de séjour au bénéfice d'une protection provisoire, autorisées à résider sur le territoire genevois en vertu de la loi fédérale sur l’asile, dans les limites de validité de leur permis S (chapitre 3). L’application des normes, y compris celles déterminant les prestations d’aide sociale, relève de la responsabilité de l’hospice (chapitre 6). Les prestations en espèces ou en nature destinées à la couverture des besoins de base sont les suivantes : frais d’entretien, frais de transport, frais de crèche et de garde d’enfants, frais des Services Industriels, hébergement, frais de santé. Les conditions d’octroi et les limites des prestations pour la couverture des besoins de base sont définies aux chapitres 7, 8, 9, 12 et 13 des directives (chapitre 6.2). Le forfait mensuel pour l’entretien couvre notamment l’alimentation, l’habillement et l’argent de poche du bénéficiaire et, le cas échéant, du groupe familial selon les conditions et limites définies au chapitre 9.1 des directives (chapitre 6.2.1). Le forfait mensuel pour l’entretien est réglementé au chapitre 9.1 des directives. Le forfait pour l’entretien est défini par le canton et varie en fonction du nombre de personnes constituant l’unité économique de référence. Selon le barème, pour deux personnes, le montant ordinaire s’élève à CHF 789.- et le montant minium à CHF 525.-. Le montant ordinaire peut être diminué (retenues, sanctions, pénalités), mais ne doit pas être inférieur au montant minimum. Le montant maximum des contributions aux frais d’hébergement en logement hors hospice s’élève à CHF 1'000.- pour deux personnes (chapitre 9.5.2).
Le chapitre 11.1.1 est consacré aux coûts de formation. Il prévoit que les coûts de formation des cours organisés par l’hospice sont en principe assumés dans le cadre du budget de fonctionnement de l’hospice. Pour le bénéficiaire titulaire d’un permis N, les coûts relatifs aux cours de français suivis à l’extérieur des structures de l’hospice peuvent être pris en charge, à condition qu’il ait terminé la Formation de base et pour un montant maximal de CHF 150.- par personne. Le bénéficiaire indépendant financièrement peut bénéficier des cours de français et de la Formation de base de l’hospice dans la limite des places disponibles.
4.5 L'art. 8 al. 1 Cst. pose le principe général de l'égalité de traitement. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 et les références).
4.6 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le justiciable, à certaines conditions, dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Un renseignement ou une décision erronés de celle-ci peuvent l'obliger à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 149 V 203 consid. 5.1 ; 146 I 105 consid. 5.1.1 ; 143 V 95 consid. 3.6.2).
5.
5.1 En l’occurrence, s’agissant d’abord des frais de redevance audiovisuelle, il y a lieu de préciser ce qui suit. Par décision du 5 juin 2023, l’autorité intimée a refusé de prendre en charge ces frais au motif que le catalogue des aides complémentaires prévu par les directives cantonales ne prévoyait pas leur prise en charge par l’hospice. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une opposition, si bien qu’elle est entrée en force de chose décidée. Or, une telle décision ne saurait être remise en cause ultérieurement au motif qu’elle était erronée. À défaut, l’autorité de chose décidée attachée à une décision entrée en force serait vidée de son sens. Le recours apparait ainsi irrecevable sur ce point, dans la mesure où l'autorité de chose décidée de la décision du 5 juin 2023 empêchait toute nouvelle décision portant sur le même objet.
À titre superfétatoire, on relèvera que le recours était quoi qu’il en soit mal fondé sur ce point. Ainsi que l’a relevé l’autorité intimée, la prise en charge de ces frais n’est pas prévue dans le catalogue des aides complémentaires. Il n’existe dès lors pas de fondement légal cantonal pour la prise en charge de ces frais par l’hospice. La recourante se prévaut certes des art. 12 Cst. et 39 Cst-GE, mais ne démontre pas en quoi le refus de prise en charge de ces frais porterait atteinte à son droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse. C’est le lieu de rappeler que le droit fondamental à des conditions minimales d'existence selon l'art. 12 Cst. ne garantit pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. Or, l’aide sociale accordée aux personnes à protéger qui ne bénéficient pas d’une autorisation de séjour est fournie, dans la mesure du possible, sous la forme de prestations en nature. Il ressort ainsi du dossier qu’en plus du forfait mensuel pour son entretien de CHF 789.-, l’hospice a notamment accepté de prendre en charge ses frais d’hébergement –à un montant supérieur au montant maximum prévu par le chapitre 9.5.2 des directives –, la facture des SIG et les frais de transports. S’ajoute à cela que, même en retranchant le montant de la redevance du forfait mensuel pour son entretien, celui-ci resterait supérieur au montant minimum pour deux personnes de CHF 525.- prévu au chapitre 9.1.1 des directives. Enfin, en tant que la recourante se prévaut du droit à l’égalité de traitement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la mise en œuvre de l'art. 12 Cst. peut être différenciée selon le statut de la personne assistée (ATF 139 I 272 consid. 3.3 ; 135 I 119 consid. 5 ; 131 I 166 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_871/2015 du 2 novembre 2016 consid. 5). Il n'est ni discriminatoire ni contraire au principe de l'égalité de traitement de traiter différemment, en matière d'aide sociale, la personne admise à titre provisoire (sans qualité de réfugié) et les autres catégories de personnes. Par ailleurs, dans la mesure où l’obligation de payer la redevance audiovisuelle s’applique à tous les ménages, on ne voit pas en quoi la recourante aurait eu un traitement différent de celui d’autres titulaire d’un permis S se trouvant dans la même situation.
5.2 Quant aux cours de français suivis à l’extérieur des structures de l’hospice, leur prise en charge par l’hospice n’est pas non plus prévue par les directives pour les titulaires d’un permis S. Devant la chambre de céans, l’intimé a expliqué qu’il avait pour pratique de prendre en charge de tels frais lorsque le bénéficiaire était suivi par un conseiller en insertion professionnelle dans le cadre de l’établissement d’un projet professionnel. Or, tel n’est pas le cas de la recourante, ce qui n’est pas contesté. L’intimé a du reste expliqué, sans avoir été contredit sur ce point, qu’il avait proposé à la recourante de rencontrer un conseiller en insertion, mais que l’intéressée avait décliné son offre. C’est le lieu de rappeler que la recourante n’a pas non plus donné suite à l’invitation de l’intimé de renouveler son inscription aux cours de français proposés par l’hospice.
Invoquant le principe de la bonne foi, la recourante se prévaut de la confiance légitime qu’elle avait mise dans les informations reçues par un employé de l’hospice. Elle explique s’être présentée dans les locaux de l’autorité intimée pour obtenir des renseignements au sujet de ses cours de français. Un collaborateur de l’autorité lui aurait alors indiqué que des cours étaient dispensés à l’IFAGE pour les réfugiés en provenance de l’Ukraine. Il lui aurait également été précisé que l’émission de chèques de formation était nécessaire pour qu’elle puisse recevoir le complément de la part de l’hospice. Dans la mesure où elle avait obtenu les chèques de formation, l’hospice devait honorer son engagement.
Or, comme l’a relevé l’autorité intimée, la recourante n’a apporté aucune précision quant à l’identité de la personne qui lui aurait donné une assurance en ce sens et la date à laquelle elle s’était présentée à l’hospice. Il résulte par ailleurs des explications de la recourante que l’employé en question l’avait informée que « l’hospice pourrait intervenir pour le solde restant en cas d’obtention du CAF » (cf. annexe 1 à la pièce 3 recourante). Il n’apparait dès lors pas que l’intéressée puisse déduire de ce renseignement une assurance que l’hospice prendrait en charge ces frais. En outre, on ne voit pas quelles dispositions la recourante aurait pu prendre à la suite de cette communication auxquelles elle ne saurait renoncer sans dommage. Comme l’a relevé l’intimé, la recourante a su, à tout le moins dès le 10 janvier 2024 que le solde de la facture de ses cours à l’IFAGE ne serait pas pris en charge par l’hospice. Elle avait donc tout loisir d’annuler sa participation aux cours, lesquels devaient débuter le 11 mars 2024. Le grief tiré du principe de la bonne foi est donc manifestement infondé.
En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.
6. Vu la nature du litige, il n’y a pas lieu à la perception d’un émolument (art. 87 al. 1 cum 11 RFPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2024 par A______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 11 septembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Christine RAPTIS, avocate de la recourante ainsi qu'à l'Hospice général.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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