Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/11/2025 du 07.01.2025 ( ENERG ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3402/2023-ENERG ATA/11/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 7 janvier 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE intimés
A. a. Selon le registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), A______ était domiciliée au chemin B______ 1 au C______ à partir du 1er janvier 2015, avec son défunt époux, D______, décédé le 9 février 2018.
L’immeuble sis à cette adresse (parcelle n° 63 de la commune du C______) appartenait à la société E______ (ci‑après : la société). Y était édifiée une maison de maître, appelée « F______ », comportant treize pièces réparties sur trois niveaux, avec un seul logement.
b. Dans le cadre de poursuites en réalisation de gage immobilier dirigées à l’encontre de feu D______ et de la société, l’office des poursuites (ci‑après : OP) a instauré une gérance légale sur l’immeuble et mandaté la régie G______ (ci-après : la régie) à cet effet dès le 25 juin 2018.
Selon le courrier y relatif adressé par l'OP à la régie, les lieux étaient habités par A______, laquelle devait s'acquitter d’un loyer mensuel de CHF 6'000.-. Les bureaux de la société, situés dans le même bâtiment, étaient libres de tout occupant et la régie devait attendre les instructions de l’OP avant toute éventuelle relocation.
c. Par courrier du 28 juillet 2021, la régie a résilié le contrat de bail d’A______ avec effet au 31 août 2021 pour défaut de paiement du loyer.
d. Le 9 août 2022, A______ a fait l’objet d’une évacuation forcée de son logement exécutée par un huissier à la suite d’une occupation illicite. Selon courrier de l'huissier du 10 août 2022, le bâtiment n'était occupé au moment de l'évacuation que par A______ et une tierce personne, vraisemblablement sa fille.
B. a. Par courriel du 7 octobre 2022, A______ a informé les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) de son expulsion. La régie avait dû les prévenir et demander la modification du contrat en conséquence. Ainsi, dès le 9 août 2022, les factures ne devaient plus lui être envoyées. Les factures antérieures, soit depuis le mois de juin 2018, devaient être établies en proportion de la superficie de son logement, l’immeuble ne comportant qu’un seul compteur.
b. Selon les factures intermédiaires des 19 octobre et 8 décembre 2022 adressées à A______, la consommation d’électricité, de gaz et d’eau pour l’immeuble s’élevait à, respectivement, CHF 2'184.20 pour la période du 18 août au 18 octobre 2022 et à CHF 1'764.70 pour la période du 19 octobre au 7 décembre 2022.
c. Par courriel du 15 décembre 2022, A______ a rappelé aux SIG le contenu de son précédent courriel du 7 octobre 2022.
d. Selon la facture de consommation du 23 janvier 2023 adressée à A______, mentionnant la résiliation, la consommation relevée d’électricité, de gaz et d’eau pour l’immeuble s’élevait à CHF 4'148.55 pour la période du 22 septembre 2021 au 22 décembre 2022, sous déduction des factures intermédiaires des 15 juin, 18 août, 19 octobre et 8 décembre 2022 pour l’électricité, l’eau et le gaz, ainsi que des 19 octobre, 14 décembre 2021, 17 février et 2 mai 2022 pour le gaz.
e. Par courriel du 2 février 2023, les SIG ont accusé réception du courriel d’A______ du 7 octobre 2022. Ils n’avaient trouvé aucune trace de sa demande de résiliation, car ils ne possédaient pas de relevés à cette date-là. Les demandes de modification de contrat devaient leur parvenir dix jours ouvrables avant la date effective, afin de leur permettre d’entreprendre les démarches en vue de résilier son compte, lequel avait été clôturé le 22 décembre 2022, date à laquelle ils avaient fait les relevés des compteurs. Afin de tenir compte de la situation, ils prenaient à leur charge la consommation au prorata du nombre de jours pour la période du 7 octobre, date de son courriel annonçant la résiliation, au 22 décembre 2022, date de la résiliation effective de son compte, soit le montant de
CHF 2'700.-. Le solde du compte s’élevait alors à CHF 7'655.10 correspondant aux factures des 18 août (CHF 2'257.65), 19 octobre (CHF 2'184.20), 8 décembre 2022 (CHF 1'764.70) et 23 janvier 2023 (CHF 4'148.55).
f. Par courrier recommandé du 23 février 2023, A______ a contesté les factures précitées, en particulier celles qui lui avaient été adressées après le 9 août 2022. Compte tenu de son évacuation immédiate de son logement le 9 août 2022, seule la régie mandatée en 2018 pouvait accéder aux compteurs ou faire modifier le contrat dès cette date. Il appartenait à la gérance légale de payer les redevances courantes, notamment les frais d’électricité, de gaz et d’eau, en plus du fait qu’elle aurait dû installer un compteur séparé pour son logement en 2018.
g. Dans leur réponse du 17 avril 2023, les SIG ont confirmé à A______ qu’il n’était pas possible de résilier son compte au 9 août 2022, faute de posséder les relevés de compteurs à cette date-là. Elle aurait dû annoncer son déménagement dix jours ouvrables avant la date effective, afin de permettre d’entreprendre les démarches de résiliation. À ce jour et après avoir exceptionnellement supprimé les frais de rappel, le solde du compte était de CHF 7'655.10, correspondant aux factures ouvertes des 19 octobre, 8 décembre 2022 et 23 janvier 2023. Si elle estimait que tout ou partie de ces factures ne la concernait pas, il lui appartenait de convenir d’un arrangement avec le successeur. Ils n’avaient pas qualité pour intervenir.
h. Par courrier recommandé du 5 mai 2023, A______ a demandé aux SIG d’annuler les factures émises à son encontre à compter du 9 août 2022. Dans la mesure où son évacuation avait été ordonnée le 9 août 2022 sans avoir connaissance des démarches entreprises à cet effet, elle n’avait pas été en mesure de la prévoir. Il revenait à la régie de s’occuper de toutes les formalités relatives à son évacuation, y compris d’en informer les SIG pour le relevé des compteurs le jour de son évacuation. Dès cette date, la régie avait pris la responsabilité pleine et entière de la gestion de ces locaux, étant la seule à pouvoir accéder aux compteurs de ceux-ci ou faire modifier le contrat. Les factures pour les consommations devaient donc être adressées directement à la régie qui devait payer les redevances courantes.
i. Par décision du 18 septembre 2023, les SIG ont rejeté la réclamation.
Au vu de l’historique des échanges, l’élément pertinent pour l’annonce de la résiliation du rapport d’usage était bien le 7 octobre 2022 et non le 9 août 2022, car ils n’avaient rien reçu de sa part avant le 7 octobre 2022. L’annonce de résiliation devait être effectuée par la personne titulaire du rapport d’usage et non un tiers. Les factures des 19 octobre, 8 décembre 2022 et 23 janvier 2023 étaient maintenues. Ils avaient pris en charge la consommation des fluides concernant son rapport d’usage correspondant à la période du 7 octobre au 2 [recte : 22] décembre 2022, soit un montant de CHF 2'700.- (pour une période de 76 jours). À cette fin, ils avaient calculé le prorata du montant total de la consommation (sans les déductions intermédiaires) indiqué dans la facture de consommation du 23 janvier 2023 (457 jours) correspondant à 76 jours : électricité : CHF 465.62, gaz : CHF 12'647.46, eau potable : CHF 2'634.02, soit un total de CHF 15'747.10 pour 457 jours et de CHF 2'618.77 pour 76 jours. Compte tenu des factures dues et de leur prise en charge, un montant de CHF 4'955.10 (CHF 7'655.10 - CHF 2'700.-) restait à sa charge, avec une nouvelle échéance au 31 octobre 2023.
C. a. Par acte du 19 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation, au constat de la résiliation du rapport d’usage de gaz, eau et électricité au plus tard le 9 août 2022, qu’elle n’était pas débitrice des SIG d’un montant de CHF 7'655.10 et que les montants dus pour la consommation de gaz, eau et électricité à partir du 9 août 2022 ne devaient pas lui être facturés. Subsidiairement, elle concluait au constat de la résiliation du rapport d’usage de gaz, eau et électricité au 25 juin 2018 ou au plus tard le 31 août 2021, ainsi qu’à ce qu’il soit ordonné aux SIG de lui rembourser tous les montants facturés et perçus de sa part à partir du 25 juin 2018.
Lors de l’instauration de la gérance légale au mois de juin 2018, elle n’occupait qu’un appartement dans l’immeuble, lequel ne disposait toutefois que d’un seul compteur SIG. Une seule facture SIG regroupait l’ensemble des consommations y relatives, au lieu d’avoir des compteurs séparés pour le logement et les autres espaces. Dès le mois de juin 2018, la gérance légale était chargée de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’immeuble en bon état de rendement, y compris effectuer le paiement des redevances courantes, telles que le gaz, l’eau, l’électricité, etc. L’OP avait d’ailleurs accepté de prendre en charge ces frais dans la mesure où ceux-ci relevaient de la catégorie des redevances courantes visant à préserver l’immeuble. Les SIG devaient lui rembourser les paiements qu’elle avait effectués en 2021 jusqu’à son évacuation le 9 août 2022. Dès lors qu’elle n’occupait qu’un seul appartement et non pas tout l’immeuble, seule la consommation concernant son logement pouvait lui être réclamée jusqu’à la résiliation du contrat de bail au 31 août 2021. Lors d’une occupation illicite, comme c’était le cas depuis le mois de septembre 2021, l’art. 2 al. 5 du règlement pour l’utilisation du réseau et la fourniture de l’énergie électrique du 27 août 1992, dans sa version au 1er janvier 2022 (ci-après : RE) prévoyait que le propriétaire était responsable envers les SIG du paiement de la rémunération de l’utilisation du réseau et de l’énergie consommée.
Sa situation étant exceptionnelle, elle n’avait pas été en mesure d’informer dix jours avant les SIG de son évacuation immédiate. De bonne foi, elle pensait qu’en tant que codébitrice de la poursuite en réalisation de gage, elle bénéficiait d’un droit de préférence selon l’art. 19 de l’ordonnance du Tribunal fédéral sur la réalisation forcée des immeubles du 24 avril 1920 (ORFI - RS 281.42). Depuis le 9 août 2022, les locaux étaient restés inoccupés et seule la régie avait accès aux compteurs. À partir de cette date, les factures relatives aux consommations devaient donc être adressées directement à la régie.
Elle n’avait reçu aucun décompte comptable confirmant le montant de CHF 4'955.10 au lieu de CHF 7'655.10, indiqué dans la décision du 18 septembre 2023. Le montant réclamé de CHF 7'655.10 pour les trois factures pour la période du 18 août au 22 décembre 2022 était donc maintenu par les SIG. Seule la facture de résiliation concernait soudainement la période du 22 septembre 2021 au 22 décembre 2022, alors que les compteurs avaient été relevés au mois d’avril 2022.
Étaient notamment joints les documents suivants :
- un courrier du 26 juin 2020 adressé à l’OP, dans lequel elle invoquait avoir réglé la totalité des charges incombant au propriétaire de l’immeuble de 2018 à 2020, alors que celui-ci ne comportait pas de compteur séparé pour sa consommation personnelle. Les loyers échus devaient être compensés avec le montant des factures SIG qu’elle avait réglé. Par réponse du 3 septembre 2020, l'OP, tout en réservant les conditions matérielles de la compensation, avait admis la possibilité pour A______ de l'invoquer, ce qui l'avait conduit à considérer les créances de loyer comme litigieuses ;
- un courrier de l’OP du 8 juillet 2020 à l’administrateur de la société indiquant qu’en tant que redevances courantes au sens de l’art. 94 al. 1 ORFI, les factures d’assurance bâtiment et d’électricité devaient être payées au moyen des loyers encaissés. Pour les prochaines échéances, lesdites factures devaient être transmises à la régie pour paiement ;
- une annonce de vente aux enchères de l’OP le 24 mars 2020 de l’immeuble de la société, avec la succession de feu D______ pour codébitrice, comprenant notamment A______.
b. Les SIG ont conclu au rejet du recours.
Les faits allégués par la recourante n’étaient pas pertinents dans la mesure où ils concernaient la relation de celle-ci avec le propriétaire.
La recourante était restée titulaire du rapport d’usage jusqu’au 7 octobre 2022. Tant qu’un rapport d’usage était établi, les rapports juridiques pouvant exister entre le propriétaire du logement et l’occupant de celui-ci n’interféraient pas sur la qualité d’usager. L’art. 2 al. 5 RE s’appliquait uniquement dans la situation où aucun rapport d’usage n’était établi, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, puisque la recourante était titulaire du rapport d’usage du 21 septembre 2021 au 7 octobre 2022.
c. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
d. Par décision du 23 mai 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a mis A______ au bénéfice de l’assistance juridique.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 36A de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 - LSIG - L 2 35 ; art. 50 al. 2 du règlement pour la fourniture de l'eau du 9 septembre 2014, dans sa version au 1er août 2020 [ci-après : RO] ; art. 52 al. 2 du règlement pour l'utilisation du réseau et la fourniture du gaz naturel du 27 septembre 2012, dans sa version au 1er juin 2020 [ci-après : RGaz] et art. 57 al. 2 RE).
2. 2.1 Le litige porte sur la question de savoir si les intimés pouvaient réclamer à la recourante le paiement des frais de consommation d’électricité, de gaz et d’eau pour l’immeuble après le 9 août 2022, soit jusqu’au 7 octobre 2022, et la détermination du montant de ceux-ci.
2.2 En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
3. D’une part, la recourante conteste la date retenue pour la fin du rapport d’usage, invoquant celle du 9 août 2022, correspondant à son évacuation immédiate de son logement. D’autre part, elle remet en question le montant facturé au titre de consommation d’eau, d’électricité et de gaz, celui-ci devant être réglé par la régie en charge de la gérance légale et lui être refacturé en proportion de la superficie du logement qu’elle occupait.
3.1 Les SIG, établissement de droit public genevois fondé sur l'art. 168 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-Ge - A 2 00), ont notamment pour but de fournir dans le canton de Genève l'eau, le gaz, l'électricité, de l'énergie thermique, ainsi que de traiter des déchets (art. 1 al. 1 LSIG).
3.2 Le conseil d'administration des SIG adopte les prescriptions autonomes, y compris les tarifs, dans la limite du but défini à l'art. 1 LSIG, notamment dans le domaine de l'utilisation du réseau, les droits de raccordement et la fourniture de l'électricité, du gaz naturel et de l'eau potable (art. 16 let. a ch. 1 LSIG).
3.3 Sur cette base ont été adoptés les RO, RGaz et RE qui prévoient que les SIG facturent par le biais de bordereaux, à intervalles périodiques qu'ils déterminent, le coût de l'eau fournie selon la consommation relevée aux instruments de mesure (art. 46 al. 1 et 2 RO), les montants correspondant aux quantités de gaz fourni (art. 48 al. 3 RGaz), le prix de l’énergie fournie et/ou de l’utilisation du réseau (art. 46bis et 52 al. 1 RE) ainsi que les taxes et redevances tarifaires.
3.3.1 Selon l’art. 2 RO, RGaz et RE, a qualité d’usager, le titulaire du rapport d’usage expressément désigné comme tel par une décision arrêtée par les SIG (al. 1). À défaut, peut également être considéré comme usager celui qui utilise de fait l’eau, le gaz et l’énergie électrique fournis par les SIG (al. 2). La qualité d’usager est indépendante des rapports juridiques pouvant exister entre le propriétaire et l’occupant des locaux ; elle ne préjuge en aucune manière des droits de ce dernier (al. 3). Les SIG n’encourent aucune responsabilité s’il apparaît que l’eau, le gaz et l’énergie électrique fournis par eux l’a été à un occupant illicite (al. 4). Le propriétaire de l'immeuble est responsable vis-à-vis des SIG du paiement de l’eau, du gaz, de l’utilisation du réseau et de l’énergie électrique consommés par ledit immeuble, ainsi que de toutes autres redevances et taxes, pour des locaux inoccupés et des installations inutilisées (al. 5).
Le prix du gaz et de l’énergie fournis et/ou de l’utilisation du réseau ainsi que les taxes et redevances tarifaires sont facturés à intervalles périodiques déterminés par les Services industriels, soit directement à l’usager, soit, pour lui, au fournisseur tiers qui agit au nom et pour le compte de l’usager. Dans tous les cas, l’usager reste seul titulaire du rapport d’usage à l’égard des Services industriels quant à l’utilisation du réseau et seul débiteur des montants dus à cet effet (art. 48 al. 5 RGaz et 52 al. 1 RE).
L'usager qui désire obtenir une modification des conditions de fourniture ou de classification tarifaire doit en faire la demande aux SIG, afin de leur permettre l'établissement d'une nouvelle décision (art. 40 al. 1 RO, 42 al. 1 RGaz et 44 al. 1 RE). En cas de modification des informations transmises lors de la requête pour l’utilisation du réseau (art. 39 al. 2 RE), l’usager fera parvenir un nouveau formulaire ad hoc aux SIG, afin qu’une nouvelle décision puisse être prise (art. 44 al. 1bis RE). Au‑delà de deux requêtes de modification au sens des al. 1 et 1bis par année, les SIG facturent les frais administratifs conformément au tarif adopté par les SIG (art. 44 al. 1ter RE).
L'usager qui désire renoncer à la fourniture de l'eau, de gaz, d’énergie électrique et/ou à l’utilisation du réseau de distribution doit en aviser les SIG (art. 40 al. 2 RO, 42 al. 2 RGaz et 44 al. 2 RE). Les avis des al. 1 et 2 doivent être parvenus aux SIG au moins trois (art. 40 al. 3 RO et 44 al. 3 RE) ou dix (art. 42 al. 3 RGaz) jours ouvrables à l'avance. L'usager doit prendre toute mesure utile afin de permettre aux agents des SIG d'établir la fourniture ou de relever les index des compteurs à la date convenue (art. 40 al. 4 RO, 42 al. 4 RGaz et 44 al. 4 RE). L'usager qui entend renoncer à la fourniture de l'eau, de gaz et d’énergie électrique est débiteur envers les SIG du prix de toute l'eau consommée, ainsi que de toutes autres redevances et taxes, jusqu'à l'échéance du délai prévu à l'al. 3. Si l'usager n'a pas pris les mesures énoncées à l'al. 4, il reste débiteur de la fourniture jusqu'au moment où les SIG auront pu effectivement relever les index (art. 40 al. 5 RO, 42 al. 5 et 6 RGaz et 44 al. 5 et 6 RE).
3.3.2 L'eau, le gaz et l’énergie électrique fournis à l'usager sont mesurés par des compteurs et autres instruments de mesure mis à disposition par les SIG qui en restent propriétaires. En principe, pour chaque branchement, il est installé un compteur mesurant la totalité de l'eau passant par le branchement (art. 41 al. 1 et 2 RO, 43 et 44 al. 1 RGaz, 45 et 46 al. 1 RE).
La consommation de l'eau fournie aux instruments de mesure, ainsi que les valeurs indiquées par les appareils de mesure et de tarification sont relevées à intervalles périodiques par les SIG. L’usager doit donner toutes facilités à l’agent chargé de cette opération. Le coût de l'eau fournie et les taxes et redevances sont facturés à intervalles périodiques déterminés par les SIG qui adressent un bordereau à l'usager (art. 46 al. 1 et 2 RO et 46bis RE).
Lorsque, par suite d'un défaut technique ou d'une erreur de raccordement, la quantité d'eau, de gaz et d’énergie électrique enregistrée aux instruments de mesure n'est pas exacte, il sera alors procédé à une évaluation de la consommation. Cette estimation sera établie en prenant comme base la consommation habituelle d'une période similaire pour autant que les conditions d'utilisation des installations de l'usager soient restées sensiblement les mêmes (art. 44 RO, 46 RGaz et 48 RE).
Les valeurs indiquées par les appareils de mesure et de tarification sont relevées à intervalles périodiques par les SIG. L’usager doit donner toutes facilités aux SIG pour le relevé des index (art. 44 RGaz et 46bis RE).
3.3.3 Dans un arrêt ATA/1240/2018 du 20 novembre 2018, la chambre de céans a notamment rappelé qu’il appartenait à l’usager de contacter les SIG, faute de quoi celui-ci demeurait responsable à leur égard (consid. 8b).
3.4.1 Dans le cadre de la poursuite en réalisation d’un gage immobilier, l’art. 155 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) prévoit que les art. 102 al. 3 et 103 LP doivent être appliqués par analogie au gage dont la réalisation a été requise. Selon ces dispositions, il appartient à l'OP de pourvoir à la gérance et à l'exploitation de l'immeuble, et en particulier d'en récolter les fruits, notamment les fruits civils (cf. également art. 101 al. 1 ORFI).
3.4.2 Sont soumis aux dispositions de l’ORFI les immeubles au sens de l’art. 655 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), lorsqu’ils sont situés en Suisse (art. 1 al. 1 ORFI).
En matière de poursuite en réalisation de gage immobilier, l'art. 101 al. 1 ORFI renvoie, pour les modalités de la gérance légale devant être instituée dès la date de la réquisition de vente, à celles prévues pour la saisie en matière de poursuite par voie de saisie. L'art. 16 al. 3 ORFI permet ainsi à l'OP, sous sa responsabilité, de confier à un tiers la gérance et la culture de l'immeuble faisant l'objet de la poursuite.
La gérance et la culture de l’immeuble saisi comprennent toutes les mesures nécessaires pour entretenir l’immeuble en bon état de rendement ainsi que pour la perception des fruits et autres produits, soit notamment la commande et le paiement de petites réparations, les ensemencements et plantations, la conclusion et le renouvellement des assurances usuelles, la résiliation des baux, l’expulsion des locataires, la conclusion de nouveaux baux, la récolte et la vente des fruits, la rentrée des loyers et fermages au besoin par voie de poursuites, l’exercice du droit de rétention du bailleur, le paiement des redevances courantes (pour le gaz, l’eau, l’électricité, etc.). Par contre les intérêts hypothécaires qui viennent à échéance pendant la durée de la gérance ou qui étaient déjà échus auparavant ne peuvent pas être payés (art. 17 ORFI ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.139/2004 du 26 janvier 2005 consid. 2.2.2).
Tous ces actes d'administration peuvent donner lieu à une plainte aux autorités de surveillance et la responsabilité en découlant est régie non par le droit privé, mais par le droit de la poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 7B.36/2003 du 29 avril 2003 consid. 1.1 et les références citées).
3.5 En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d'office et, dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent pas. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'art. 8 CC est applicable par analogie. Pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; ATA/1240/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6 ; ATA/1058/2017 du 4 juillet 2017 consid. 5 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 528 n. 1563).
3.6 En l’occurrence, il s’agit, tout d’abord, de déterminer si les intimés pouvaient valablement considérer la recourante comme usager, soit comme la destinataire – et par voie de conséquence la débitrice – des factures de consommation d’eau, de gaz et d’électricité, ainsi que d’utilisation du réseau, relatives à l’immeuble. Puis, en cas de réponse positive à cette première question, il convient de définir jusqu’à quelle date ces rapports d’usage les liant ont duré et quel est le montant dû pour la période concernée au titre de la consommation précitée.
3.6.1 Il ressort en l'espèce du dossier, en particulier du courrier adressé le 25 juin 2018 par l'OP à la régie (instauration de la gérance légale), de l'avis de vente immobilière du 24 janvier 2020 et du courrier adressé le 10 août 2022 à l'OP par Me H______ (évacuation), que la maison de maître édifiée sur l'immeuble ne comprenait qu'un seul logement et que celui-ci était occupé par la seule recourante tant lors de l'instauration de la gérance légale en 2018 que lors de son évacuation le 9 août 2022. Les quelques bureaux du rez-de-chaussée, utilisés à une époque par la société, étaient vides au moment de l'instauration de la gérance légale et la recourante ne prétend pas qu'ils auraient été occupés par des tiers par la suite. Il faut donc retenir que, pendant toute cette période, elle a été la seule occupante de l'immeuble et, partant, la seule utilisatrice effective des prestations fournies par les SIG. Elle avait donc qualité d'usager au sens de l'art. 2 al. 2 RO, RGaz et RE et revêtait par voie de conséquence la qualité de débitrice auprès des SIG.
Cette qualité d'usagère a du reste été implicitement admise par la recourante puisque, à tout le moins de 2018 à 2021, celle-ci s'est régulièrement acquittée des factures que lui ont adressées les SIG. Elle n'a au demeurant pas informé ces derniers de l'instauration de la gérance légale, pas plus que de ses discussions avec l'OP sur la prise en charge finale des redevances courantes.
Le fait que l'immeuble, dans le cadre de la poursuite en réalisation de gage engagée, ait fait l'objet depuis 2018 d'une gérance légale ne modifie en rien cette situation. D'abord locataire puis, depuis la résiliation de son bail pour non-paiement du loyer, occupante illicite de l'immeuble, la recourante est demeurée utilisatrice de fait des prestations fournies par les intimés. Dans la mesure où elle estimait que le montant des redevances courantes relatives à l'immeuble devait être économiquement supporté par la société (propriétaire de l'immeuble), par les débiteurs poursuivis (la société et l'hoirie de feu l'époux de la recourante) ou encore par les créanciers poursuivants, il lui appartenait soit de transmettre à la régie, à qui l'OP avait confié la gérance légale de l'immeuble, les factures relatives à ces redevances, soit d'en obtenir le remboursement, au besoin par la voie d'une plainte à l'autorité de surveillance (art. 17 LP), soit encore, comme elle l'a fait le 26 juin 2020, en invoquant la compensation avec ses propres dettes en paiement de loyers ou d'indemnités pour occupation illicite. Comme le prévoit l'art. 2 al. 3 RO, RGaz et RE, sa qualité d'usager, et donc de débitrice à l'égard des SIG, n'était pas touchée par les rapports juridiques qu'elle entretenait, par le truchement de la gérance légale, avec la société propriétaire de l'immeuble.
L'art. 2 al. 5 RO, RGaz et RE invoqué par la recourante concerne une situation différente de celle du cas d'espèce, soit celle dans laquelle les locaux sont inoccupés ou les installations inutilisées : en l'occurrence, les locaux étaient occupés par la recourante, laquelle utilisait les installations.
Elle a donc bien revêtu la qualité d'usager des prestations qui lui ont été facturées.
3.6.2 La recourante ne conteste pas, pour le surplus, avoir omis d'informer avant le 7 octobre 2022 les intimés des changements successifs intervenus dans sa situation en relation avec l'immeuble, qu'il s'agisse des poursuites engagées, de la gérance légale, de la résiliation de son bail ou encore de son évacuation, intervenue le 9 août 2022. Conformément aux disposition topiques (art. 40 al. 2 et 5 RO, 42 al. 2 et 5 et 6 RGaz et 44 al. 2, 5 et 6 RE) ainsi qu'à la jurisprudence citée, elle est en conséquence demeurée débitrice des redevances et taxes jusqu'à l'accomplissement du devoir d'avis qui lui incombait selon les al. 1 à 3 de ces mêmes dispositions.
L'allégation de la recourante selon laquelle elle aurait cru de bonne foi que l'art. 19 ORFI lui permettait de se maintenir dans l'immeuble jusqu'à sa réalisation – alors même qu'il résulte des pièces qu'elle a produites qu'elle n'est pas débitrice des poursuites mais uniquement membre de l'hoirie elle-même débitrice – est dénuée de pertinence pour trancher le litige. Même à admettre sa bonne foi sur ce point, en effet, on ne voit pas ce qui l'aurait empêchée d'aviser les intimés le jour même ou le lendemain de son évacuation.
Par conséquent, faute pour la recourante d’avoir, de son propre chef, avisé les intimés du changement d’usager avant le 7 octobre 2022, c’est à bon droit que ceux‑ci ont considéré que le rapport d’usage n’avait pris fin qu’à cette date.
3.6.3 Enfin, la recourante reproche à tort aux intimés de ne pas avoir détaillé le montant réclamé de CHF 4'955.10 et de lui avoir adressé une facture de consommation le 23 janvier 2023 portant sur la période du 22 septembre 2021 au 22 décembre 2022, tandis que des factures intermédiaires lui avaient déjà été envoyées pour ce même laps de temps.
Contrairement à ce que semble insinuer la recourante, la facture de consommation du 23 janvier 2023 ne tend pas à lui facturer à double la consommation de fluides de l’immeuble durant la période du 21 septembre 2021 au 22 décembre 2022. Ladite facture mentionne en effet expressément les différentes factures intermédiaires d’ores et déjà envoyées à la recourante durant cet intervalle, de sorte qu’elles en ont été déduites du montant final réclamé, au titre des factures intermédiaires et de la facture de consommation non payées.
En outre, dans leur décision sur réclamation querellée, après avoir admis la fin du rapport d’usage de la recourante au 7 octobre 2022, les intimés ont indiqué avoir déduit du solde dû selon les factures intermédiaires des 18 août, 19 octobre et 8 décembre 2022 et la facture de consommation du 23 janvier 2023 (soit CHF 7'655.10), le montant correspondant à la période du 8 octobre au 22 décembre 2022, à savoir CHF 2'700.- pour 76 jours. À cet égard, ils ont précisé avoir calculé la proportion du montant total de la consommation (sans prendre en considération les factures intermédiaires adressées précédemment à la recourante) indiqué dans la facture de consommation du 23 janvier 2023, équivalant à 76 jours, qu’ils ont déduit du solde total encore dû par la recourante (CHF 7'655.10 - CHF 2'700.- = CHF 4'955.10).
Dès lors que rien ne permet d’envisager que les éléments retenus pour ces calculs seraient erronés et que les intimés ont dûment rectifié le montant réclamé en prenant en considération la date de fin du rapport d’usage du 7 octobre 2023, selon la méthode prévue à cet effet, il n’y pas lieu de s’en écarter. Le solde dû de CHF 4'955.10 pour la consommation des fluides de l’immeuble pour la période du 22 septembre 2021 au 7 octobre 2022 doit donc être confirmé.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA ; art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2023 par A______contre la décision du 19 octobre 2023 des Services industriels de Genève du 18 septembre 2023 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'aux Services industriels de Genève.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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