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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3624/2024

ATA/1367/2024 du 21.11.2024 sur JTAPI/1079/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3624/2024-MC ATA/1367/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ alias B______ recourant
représenté par Me Patrick MOUTTET, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2024 (JTAPI/1079/2024)


EN FAIT

A. a. A______, alias B______, né le ______1978, est originaire du Maroc

b. Depuis le mois de janvier 2014, il a été condamné à seize reprises, notamment pour vols, brigandage, dommages à la propriété, injure, menaces, voies de fait, rupture de ban et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

B. a. Le 30 octobre 2008, l'intéressé a fait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrer en Suisse prise à son encontre par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) et valable du 14 novembre 2008 au 13 novembre 2028.

b. Par jugement du Tribunal de police du 28 mars 2019, il a été condamné à une peine privative de liberté ferme de 9 mois pour brigandage dommage à la propriété et séjour illégal, et a fait l’objet d’une expulsion pénale pour une durée de 5 ans.

c. Par décision du 30 août 2019, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a refusé de reporter l'exécution de l'expulsion de Suisse de l'intéressé, lequel s'est vu octroyer un délai de 48 heures pour quitter la Suisse dès sa libération par les autorités judiciaires, soit jusqu'au 5 septembre 2019.

d. N'ayant pas respecté ce délai, l'intéressé a été inscrit à la base de données « RIPOL » de la police, le 9 septembre 2019.

e. Le 20 avril 2022, les autorités suisses ont relancé la demande d'identification qu'elles avaient adressée le 23 août 2019 aux autorités marocaines, en vue de l'identification de l'intéressé.

f. Alors que A______ se trouvait en exécution de différentes peines depuis le 12 avril 2022, le Tribunal d'application des peines et mesures a, par jugement du 17 janvier 2023, refusé sa libération conditionnelle. Le tribunal a considéré que le pronostic de ce dernier se présentait sous un jour fort défavorable, en raison de ses nombreux antécédents et du fait que les peines privatives de liberté successives prononcées à son encontre, ainsi que les libérations conditionnelles dont il avait bénéficié ne l'avaient pas dissuadé de récidiver. Par ailleurs, sa situation personnelle demeurait inchangée et on ne percevait aucun effort de sa part pour modifier la situation. En effet, il séjournait en Suisse illégalement depuis de nombreuses années et était démuni de documents d'identité. Aucun projet viable n'était présenté par l'intéressé, si ce n'était de se retrouver en situation illicite dans un autre pays, en l'occurrence la France. Ce projet était d'ailleurs similaire à celui qu'il avait invoqué en 2015 lorsqu'il avait indiqué vouloir quitter la Suisse pour la Belgique, et qui avait conduit aux récidives. Ainsi, le risque que l'intéressé commette de nouvelles infractions s'il devait être mis en liberté conditionnelle apparaissait très élevé.

g. Par communication du 25 avril 2024, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a informé les autorités genevoises que A______ avait été identifié par les autorités marocaines, et les a invitées à procéder à une réservation de vol, dès que cela serait possible, en respectant un délai d'annonce de six semaines.

C. a. Le 19 octobre 2024, A______ a été interpellé par la police genevoise car soupçonné d’appropriation illégitime, rupture de ban et infraction à la LEI. L'intéressé a refusé de répondre aux questions qui lui ont été posées.

b. Faisant l'objet d'une parution RIPOL pour deux ordres d'exécution émanant du service de l'application des peines et mesures pour 11 jours de détention pénale, il a été conduit à la prison de Champ-Dollon le 20 octobre 2024, après avoir été entendu par le Ministère public.

c. À sa sortie de prison, A______ a été remis en mains des services de police en vue de l'exécution de son expulsion de Suisse.

d. Il a été inscrit sur un vol DEPA, soit avec escorte policière, pour le Maroc au départ de Genève le 2 décembre 2024 à 13h55.

e. Le 31 octobre 2024, à 15h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de deux mois, sur la base de l’art. 75 al. 1 let. h LEI en lien avec l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, ou alternativement de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, principalement en raison de ses condamnations pénales, notamment pour vol et brigandage, et pour son absence de collaboration au renvoi, ainsi qu’au vu de son risque de fuite.

Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc dans la mesure où il était algérien et qu’il était en Europe depuis 30 ans.

D. a. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

b. Lors de l’audience du 4 novembre 2024 devant le TAPI, A______ a déclaré qu'il s'appelait B______. Il n'avait pas de formation professionnelle. Il avait beaucoup d'amis ici mais pas de famille, ni au Maroc ou en Algérie. Il n'était pas d'accord de quitter la Suisse car il n'avait pas d'argent et il suivait un traitement médical pour des problèmes psychologiques. Il suivait une formation d'utilisation du Kärcher au C______. Il ne connaissait personne au Maroc pouvant l'aider financièrement. Il était abattu psychologiquement à l'idée de retourner dans un pays qu'il ne connaissait pas et n'avait pas d'argent. Il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide, comme en témoignaient les cicatrices sur son bras, qu’il a montrées en audience.

L’avocat de A______ a versé à la procédure un bordereau de pièces comprenant une attestation du département psychiatrique des HUG du 1er novembre 2024, listant 20 hospitalisations du précité depuis 2010, ainsi qu’un extrait de rapport sur la santé mentale et les causes de suicide au Maroc de 2022, un article du journal Le Matin concernant « La triste réalité des hôpitaux publics de psychiatrie au Maroc » du 4 septembre 2022, des courriers mentionnant qu’il se rendrait quotidiennement auprès des autorités et qu’il s’engageait à dormir à l’abri de l’Armée du Salut aux Pâquis jusqu’à son départ du 2 décembre 2024, ainsi que des captures d’écran des sites web de l’hébergement d’urgence « E______ » de l’Armée du Salut et du « C______ ».

La représentante du commissaire de police a indiqué que, s'agissant de la situation médicale de A______, le nécessaire serait fait quant à la détermination de son aptitude au vol et pour qu'il reçoive si nécessaire une prescription médicale ou un accompagnement dans l'avion. Elle a versé à la procédure une demande de laissez‑passer pour A______ du 30 octobre 2024, ainsi qu’un courrier de l’ambassade du Maroc à Berne du 18 avril 2024, confirmant notamment l’indentification de « […] M. A______, alias B______, alias D______ […] ».

c. Par jugement du 4 novembre 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 31 octobre 2024 à l’encontre de A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 30 décembre 2024 inclus.

Les conditions d’une (nouvelle) mise en détention administrative étaient remplies, et les principes de célérité et de proportionnalité respectés.

Les séjours intermittents de l'intéressé aux HUG n'apparaissaient pas déterminants quant à la réalité de la gravité de son état de santé, d'autant plus que son aptitude au vol serait encore examinée avant son départ et qu'une prise en charge et des prescriptions médicales pourraient le cas échéant être ordonnées. L'état de santé de l’intéressé n'apparaissant pas notablement incapacitant, il ne pouvait être retenu dans le cadre du contrôle de la détention, qui ne permettait en principe pas de revenir sur la question de la validité de la décision de renvoi. À teneur des pièces versées par l'intéressé lui-même, il existait une prise en charge hospitalière des troubles psychiques au Maroc, bien qu'elle puisse être d'un niveau inférieur au système de santé suisse. L’exécution du renvoi apparaissait ainsi comme exigible.

E. a. Par acte posté le 14 novembre 2024 et reçu le 15 novembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à être mis en liberté immédiatement et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

L’exécution de son renvoi n’était pas exigible. La récurrence de ses séjours en hôpital psychiatrique attestait de graves problèmes psychiques que le TAPI n’avait pas pris en compte. Il entendait des voix et avait de fréquentes idées suicidaires. Il souffrait de plus d’une hépatite B. Toutes les pièces présentes au dossier démontraient l’impossibilité d’une prise en charge au Maroc. Il avait quitté l’Algérie au décès de ses deux parents. Il n’avait pas de famille au Maroc et personne ne pourrait l’y aider. Il existait un risque réel qu'il soit exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé. Le risque d’atteinte à sa vie était tout aussi concret, les rechutes étant régulières, et empireraient s’il n’avait plus accès à ses médicaments.

De plus, il n’y avait pas de risque de fuite puisqu’il évoluait dans le quartier des Pâquis et s’était engagé à se rendre chaque jour auprès des autorités et à séjourner au « E______ » pour une durée d’un mois. Pour ce motif, l’ordre de mise en détention était disproportionné.

b. Le 19 novembre 2024, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Malgré les pièces produites par l’intéressé, il n’était nullement établi que les conditions strictes posées par la jurisprudence étaient remplies.

Les mesures de substitution proposées n’étaient pas envisageables. Le recourant était un criminel multirécidiviste et l’intérêt à son éloignement de Suisse était important. Compte tenu de ses déclarations constantes manifestant un refus catégorique de retourner dans son pays d’origine ainsi que de son comportement, il avait démontré qu’il refusait d’obtempérer aux injonctions des autorités suisses et qu’il présentait un risque de fuite.

c. Le 20 novembre 2024, A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions, insistant sur la gravité de ses atteintes psychiques et sur l’indisponibilité des soins psychiatriques au Maroc

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 31 juillet 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Sans conclure expressément à ce que la chambre de céans ordonne une expertise, le recourant se plaint de ce que son état médical n'ait pas été établi.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, une partie des pathologies du recourant, comme son hépatite C ou sa polytoxicomanie, de même que son traitement médicamenteux actuel, sont établis. D'autres aspects de sa condition médicale ne le sont en revanche pas, à l'instar de la « grosseur » dans ses poumons. Le recourant n'allègue cependant pas avoir demandé un examen par le service médical de l'établissement où il est détenu, alors même qu'il entend déduire un droit d'être libéré immédiatement en lien avec son état de santé et que l'établissement d'une expertise est a priori incompatible avec le délai légal de dix jours fixé à la chambre de céans pour statuer.

De plus, le recourant a été examiné par un médecin d'OSEARA, qui a établi un certificat selon lequel il était apte à voyager en avion. Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner une expertise médicale.

4.             Le recourant ne conteste pas que les conditions d'une mise en détention administrative soient remplies, tout en niant un risque de fuite.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ‑ RS 0.101; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale et respecte le principe de la proportionnalité.

4.2 Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, l'autorité compétente peut mettre en détention la personne condamnée pour crime (let. h), afin d'assurer l'exécution d’un renvoi ou d'expulsion. La notion de crime correspond à celle de l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

4.3 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime.

4.4 Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

4.5 La détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (art. 79 al. 1 LEI) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente et que l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 LEI).

4.6 En l’espèce, le recourant fait l'objet d'une décision pénale d’expulsion définitive et exécutoire, et a été condamné pour brigandage – soit un crime – encore en 2019, si bien qu'une mise en détention administrative est justifiée à teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum art. 75 al. 1 let. h LEI.

Au surplus, la mise en détention du recourant pouvait également se fonder sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, dans la mesure où il est sans domicile connu et a confirmé à de nombreuses reprises son refus catégorique de retourner au Maroc.

Enfin, il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes que la détention au vu de l'opposition manifestée à plusieurs reprises par le recourant à regagner son pays d'origine, étant rappelé que le recourant a été reconnu comme ressortissant du Maroc par les autorités de ce pays. Les propositions de mesures ne peuvent ainsi garantir la présence de l’intéressé le jour de l’exécution de son renvoi.

5.             Le recourant soutient que l'exécution de son renvoi est impossible, notamment au vu de son état de santé physique mais aussi et surtout psychique.

5.1 Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).

5.2 L’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

5.3 Selon l’art. 80 al. 4 LEI, lorsqu’elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l’autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention.

5.4 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.5 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio‑économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

5.6 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

Toujours selon la jurisprudence de la CourEDH, des menaces suicidaires n'astreignent pas la Suisse à s'abstenir d'exécuter le renvoi, mais à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (ACEDH A.S. c. Suisse du 30 juin 2015, req. n° 39350/13, § 34)

5.7 Selon la jurisprudence du TAF, ni une tentative de suicide ni des tendances suicidaires (« suicidalité ») ne constituent en soi un obstacle rédhibitoire à l'exécution du renvoi, y compris au niveau de son exigibilité, seule une mise en danger présentant des formes concrètes devant être prises en considération (arrêts du TAF E-4717/2021 du 8 novembre 2021 ; E-5191/2019 du 25 juin 2020 consid. 7.3.1.2). Il appartient ainsi aux thérapeutes de l’étranger de le préparer à la perspective de son retour au pays et, si des menaces auto-agressives devaient apparaître au moment de l'organisation du départ de Suisse, il appartiendrait également à ceux-ci, ou aux autorités chargées de l'exécution du renvoi, de prévoir des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (arrêts du TAF D-6894/2019 du 24 juin 2021 et D-2909/2018 du 1er mai 2020 consid. 12.5.3).

Le TAF admet également que les soins psychiatriques sont généralement accessibles au Maroc, ce dernier connaissant un régime de protection sociale généralisée couvrant tous les salariés contre les risques de maladie ; il a ainsi rejeté le recours d’un ressortissant marocain diagnostiqué avec un trouble dépressif sévère, des symptômes psychotiques et un risque suicidaire, originaire de la région d’Agadir (arrêt du TAF E-151/2022 du 24 février 2022).

5.8 En l'espèce, le recourant n'allègue matériellement aucun motif d'impossibilité du renvoi ; seul est ainsi en jeu le caractère exigible de l'exécution du renvoi.

En l'état du dossier, on ne peut que confirmer l’analyse du TAPI, à savoir que ses différentes pathologies n’atteignent pas le seuil de gravité correspondant à la jurisprudence européenne précitée. Le recourant met en doute de manière toute générale le système de santé de son pays d'origine, alors que le TAF admet l’accessibilité du suivi psychiatrique pour des pathologies très voisines de la sienne, étant précisé que si le recourant met aussi en avant son hépatite B, il ne prétend pas que le suivi y relatif ne serait pas disponible au Maroc, ni que cette maladie somatique lui ferait courir des risques importants. De surcroît, le recourant sera examiné par un médecin qui évaluera sa capacité à prendre l'avion. Au vu de ces différentes circonstances, il n'y a pas lieu d'admettre que l'exécution de son renvoi serait inexigible.

Aucune autre composante du principe de la proportionnalité n'est mise en cause par le recourant. À cet égard, les autorités suisses ont fait preuve de la célérité voulue, ayant à ce jour réservé un vol et obtenu l’assurance d’obtenir des autorités marocaines un laissez-passer. La durée de la mise en détention, d'une durée de deux mois, est conforme à l'art. 79 LEI, et la durée totale de la détention administrative est loin d’être atteinte.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2024 par A______, alias B______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrick MOUTTET, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :