Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1354/2024 du 19.11.2024 sur JTAPI/941/2024 ( LCR ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2501/2024-LCR ATA/1354/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 novembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ Sàrl recourante
contre
OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES intimé
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Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 septembre 2024 (JTAPI/941/2024)
A. a. Le 1er juin 2024, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a facturé CHF 1’784.- à la société A______ Sàrl (ci-après : A______), domiciliée chez B______ à la rue de D______.
b. L’adresse n’étant plus valable, le courrier a été retourné à l’administration qui l’a adressé à C______ à E______ en France. Ce dernier en a contesté le bien-fondé par pli du 3 juillet 2024.
c. Le 10 juillet 2024, l’OCV a confirmé que l’impôt sur le véhicule restait dû jusqu’au dépôt des plaques. À défaut de paiement de la facture litigieuse, la procédure de recouvrement suivrait son cours.
d. Le 22 juillet 2024, A______, sous la signature de C______, a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI).
e. Par pli recommandé du 7 août 2024, un délai au 6 septembre 2024 a été imparti par le TAPI à la société pour s’acquitter de l’avance de frais de CHF 700.-, à défaut de quoi, son recours serait déclaré irrecevable.
f. Par courrier daté du 6 septembre, posté le 7 septembre 2024 à E______, C______ a informé le TAPI qu’il considérait que le délai imparti ne lui était pas opposable, dès lors que le TAPI ne l’avait pas informé de la seconde alternative prévue par l’art. 86 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), soit la possibilité de déposer des sûretés. Il sollicitait l’octroi d’un nouveau délai pour en déposer et des précisions quant aux modalités.
g. Par jugement du 23 septembre 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l’avance de frais n’ayant pas été acquittée dans le délai imparti.
La société ne pouvait pas se substituer au TAPI et choisir la manière dont les frais de procédure et émoluments présumables devaient être couverts. En tout état, la demande était intervenue après l’expiration du délai. Elle ne pouvait qu’être rejetée. Rien ne permettait de retenir que la société aurait été victime d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé. Enfin, elle ne faisait état d’aucun cas de force majeure qui permettrait la prolongation du délai de paiement.
h. La distribution du jugement n’a pas pu être effectuée le 28 septembre 2024 en l’absence du destinataire. Le courrier a été retourné à l’expéditeur le 7 octobre 2024.
B. a. Par acte du 25 octobre 2024, posté le 26 octobre 2024, reçu le 30 octobre 2024, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à sa nullité.
Elle n’avait pas reçu de réponse formelle à sa requête de déposer des sûretés. L’art. 86 LPA avait été violé.
b. La cause a été gardée à juger en application de l’art. 72 LPA, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ‑ LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).
2. Le litige porte sur le prononcé de l’irrecevabilité du recours interjeté devant le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais.
2.1 Aux termes de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Il y a déni de justice formel lorsqu’une autorité n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit (ATF 144 II 184 consid. 3.1). L’art. 29 al. 1 Cst. ne s’oppose pas à la non-entrée en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d’une avance de frais dans un délai déterminé, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour effectuer le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt 2C_361/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4.2 et les arrêts cités).
2.2 La juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (art. 86 al. 1 LPA). Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (art. 86 al. 2 LPA).
À teneur de l’art. 16 al. 2 LPA, le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration. La restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé (art. 16 al. 3 LPA).
2.3 La législation genevoise ne comportant pas de règle plus précise quant à la procédure à suivre pour la fixation du montant de l’émolument et du délai de paiement, les juridictions administratives sont a priori libres de s’organiser pour la mise en pratique de cette disposition légale. Toutefois, dans les procédures mises en place pour l’application de l’art. 86 LPA, les principes constitutionnels de la bonne foi tirés des art. 5 al. 3 et 9 Cst. ainsi que du traitement équitable tiré de l’art. 29 al. 1 Cst. doivent être respectés, d’autant plus que l’absence de paiement de l’avance de frais dans les délais est lourde de conséquence pour le justiciable puisqu’elle peut conduire à l’irrecevabilité de son recours (ATA/649/2013 du 1er octobre 2013).
À rigueur de texte, l’art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti (ATA/1080/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.2 ; ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b).
2.4 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).
Il n’y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d’une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; 104 Ia 105 consid. 5). La gravité des conséquences d’un retard dans le paiement de l’avance sur la situation du recourant n’est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_107/2019 du 27 mai 2019 consid. 6.3 ; 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées).
2.5 En l’espèce, il est établi que la recourante a reçu le courrier du TAPI du 7 août 2024 contenant l’invitation à payer l’avance de frais, puisqu’elle s’y réfère expressément. Il n’est pas contesté qu’elle connaissait le type de garanties réclamées, soit en l’occurrence une avance de frais, son montant, le délai dans lequel elle devait s’exécuter ainsi que les conséquences en cas de non-respect du paiement dans le délai.
La recourante ne soutient pas que le délai au 6 septembre 2024, qui lui avait été imparti par courrier du 7 août 2024 pour procéder au paiement de l’avance de frais, était insuffisant au regard de l’art. 86 al. 1 LPA, ni ne conteste ne pas avoir effectué le paiement litigieux.
Elle n’a par ailleurs demandé la prolongation du délai que par courrier posté le 7 septembre 2024, soit après l’échéance du délai fixé au 6 septembre 2024. Elle n’allègue pas avoir été empêchée sans sa faute d’effectuer l’une ou l’autre de ces démarches, et ne fait pas état de circonstances particulières qui auraient pu conduire à admettre un paiement tardif ou une restitution du délai de paiement.
Au vu de ce qui précède, le TAPI n’a pas violé la loi, ni abusé de son pouvoir d’appréciation en déclarant le recours formé devant lui irrecevable pour cause de non-paiement de l’avance de frais.
3. La recourante invoque la nullité du jugement au motif que le TAPI ne lui a pas offert l’alternative de s’acquitter de sûretés.
3.1 La nullité absolue d’une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d’office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4). Des vices de fond d’une décision n’entraînent qu’exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l’incompétence fonctionnelle et matérielle de l’autorité appelée à statuer, ainsi qu’une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1).
3.2 Or, il ne ressort pas du texte de l’art. 86 LPA un droit pour la recourante de pouvoir s’acquitter de sûretés, en lieu et place d’une avance de frais. Au contraire, à teneur du texte, la juridiction invite le recourant à l’une ou l’autre des alternatives proposées par l’art. 86 LPA. Le choix incombe à l’autorité, ce que le commentaire de la LTF confirme pour une formulation identique de l’art. 63 al. 3 LTF (Grégory BOVEY, Commentaire de la LTF, 2022, ad art. 62, n. 13 et les références citées).
En conséquence, le TAPI, dont la pratique est au demeurant constante, n’avait aucune obligation d’offrir la possibilité à la recourante de s’acquitter de sûretés.
Enfin, la recourante n’indique aucun motif qui l’aurait empêchée de s’acquitter d’une avance de frais et aurait imposé le paiement de sûretés.
Le jugement est en conséquence conforme à l’art. 86 LPA. En l’absence de tout vice, a fortiori grave, le grief de nullité sera écarté.
Manifestement mal fondé, le recours devant la chambre de céans sera rejeté, sans échange d’écritures (art. 72 LPA).
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2024 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 septembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ Sàrl ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ Sàrl, à l’office cantonal des véhicules ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA |
| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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