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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4213/2021

ATA/1207/2024 du 15.10.2024 sur JTAPI/1189/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;PROVISION POUR RISQUES ET CHARGES
Normes : LIFD.58.al1; LIPM.12.al1; LIFD.63
Résumé : Recours d’un exploitant de cinémas contre le refus de tenir fiscalement compte d’une provision pour travaux en relation avec l’exercice 2019. L’exploitant arguait principalement que, l’exercice 2020 n’ayant connu que deux mois d’ouverture à cause du COVID-19, il avait forcément utilisé ses bénéfices antérieurs pour financer des travaux ayant été réalisés durant l’été 2020. Ce critère n’était cependant pas pertinent, la question étant de savoir si la provision pouvait être rattachée à un ou des engagements de l’exploitant ayant pris naissance en 2019. Il n’en avait pas apporté la preuve. Les devis au dossier n’avaient pas été validés et les listes de travaux produites, ni concluantes ni étayées, n’étaient pas probantes. Il résultait de ses explications que la provision consistait en réalité en une réserve pour travaux futurs, devant être intégrée au bénéfice de l’exercice 2019. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4213/2021-ICCIFD ATA/1207/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 octobre 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 (JTAPI/1189/2023)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : la société) exploite deux salles de cinéma à Genève.

b. Y réalisant régulièrement des travaux d’entretien, elle a fait procéder, à partir de 2020, à la réfection d’une toiture, à l’ajustement du mobilier ainsi qu’au remplacement de fauteuils, d’un projecteur et d’installations électriques.

c. En février 2020, la Suisse a été frappée par la première vague de la pandémie de COVID-19.

Le 16 mars 2020, le Conseil fédéral a interdit toutes les manifestations publiques et privées, ainsi qu’ordonné la fermeture des établissements publics, dont les cinémas.

B. a. La société a déposé sa déclaration fiscale pour l’année 2019 à la fin du mois de juin 2020. Elle y a inscrit un bénéfice net de CHF 16'110.-, tenant notamment compte d’une « provision travaux (B______+C______) » de CHF 380'000.- et d’une « réserve (Covid 19) » de CHF 228'000.-. Ces déductions, mentionnées sous la rubrique « provisions pour risques et charges », représentaient un total de CHF 608'000.-.

b. Par bordereaux du 29 octobre 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a fixé les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) de la société pour l’année 2019. Elle a réintégré dans le bénéfice net, arrêté à CHF 624'110.-, la provision totale de CHF 608'000.-, au motif que cette dernière n’était pas autorisée par l’usage commercial. Pour être reconnue par le droit fiscal, les provisions devaient cumulativement être dûment comptabilisées et couvrir un risque de perte ou de charge certain ou quasi certain, ledit risque ayant dû prendre naissance dans l’exercice commercial au cours duquel la provision avait été constituée.

c. Le 16 novembre 2020, la société a formé réclamation contre ces bordereaux.

Elle y a joint différents devis concernant l’aménagement et la rénovation du mobilier, le remplacement de fauteuils et d’un projecteur, et l’imperméabilité de la marquise, à savoir : un devis du 2 février 2018, contresigné le 1er janvier 2019, concernant la réfection de l’une des salles, de CHF 17'792.- ; un devis non daté concernant le remplacement de sièges de CHF 449'964.88 ; deux devis du 10 octobre 2019 concernant le mobilier, de CHF 22'290.- et CHF 2'210.- ; un devis du 31 décembre 2019, contresigné à la même date, concernant des lampes, de CHF 6'650.- ; un devis du 18 septembre 2017 concernant un projecteur et la sonorisation, de CHF 105'655.-.

d. L’AFC a demandé à la société de lui transmettre une liste exhaustive des travaux entrepris au cours de la période fiscale 2019, précisant la date de leur réalisation, leur nature et les sommes payées.

Le 18 mai 2021, celle-ci a transmis à l’AFC une liste de travaux totalisant CHF 467'883.80, soit : ceux ayant pris fin en 2019 de CHF 95'634,45 ; ceux ayant pris naissance en 2019, de CHF 232'867,35 ; ceux devant débuter en 2019, de CHF 139'082.-, lesquels avaient été mis en souffrance à cause des « événements survenus en Chine ».

e. L’AFC a demandé à la société de lui transmettre toutes les factures enregistrées dans la comptabilité en relation avec la provision pour travaux. Elle était également invitée à expliquer sa méthode de comptabilisation de la provision et à démontrer que celle-ci ne revêtait pas un caractère de réserve ou d’anticipation de charges futures.

f. Par courrier du 22 septembre 2022, la société a expliqué, sans produire de document, que le fait générateur de provision au 31 décembre 2019 se rapportait à la probabilité de la charge et avait été comptabilisé au poste de dotation aux provisions. La provision ne revêtait pas un caractère de réserve, mais se rapportait à l’existence d’une obligation envers des mandataires à la date de clôture de l’exercice.

g. Par décisions du 11 novembre 2021, l'AFC a rejeté la réclamation.

Les risques de pertes afférents à la pandémie de COVID-19 n’étant pas prévisibles en 2019, il n’était pas possible de constituer des provisions pour en tenir compte.

La provision pour travaux concernait des charges futures et, conformément au principe de périodicité, elle n’était pas admise fiscalement. Ce d’autant plus que la société n’était pas une société immobilière, ni propriétaire d'un bien immobilier. Dans l’hypothèse d’une utilisation partielle ou totale de la provision, elle ferait l’objet d’une restitution sur le plan du bénéfice à concurrence du montant utilisé.

C. a. Dans le délai légal, la société a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

b. La procédure a été suspendue le 25 février 2022 sur demande de l’AFC, laquelle a adressé à la société plusieurs requêtes visant des informations et des documents complémentaires concernant la provision pour travaux.

c. Le 30 mars 2022, la société a produit un tableau de synthèse faisant état d’un montant total de travaux de CHF 198'601.60, dont les montants suivants étaient imputés à la « dotation 2019 » : CHF 33'987.60 pour des travaux du 7 juin 2016 (sic) concernant un projecteur et un plafond, ayant fait l’objet d’un devis du 7 septembre 2019 ; CHF 12'000.- pour des travaux du 2 février 2018 de mise à niveau d’un projecteur, de CHF 19'162.- au total, ayant fait l’objet d’un devis du 1er octobre 2019 ; CHF 7'162.- pour des travaux du 31 décembre 2019 concernant l’éclairage ; CHF 850.40 pour des travaux du 10 octobre 2019 sur les façades à la suite d’un dégât d’eau, de CHF 24'500.- au total.

La société a produit une nouvelle fois les devis joints à la réclamation, y ajoutant un devis du 7 juin 2016 de CHF 33'987.60, contresigné le 7 septembre 2019, concernant le mobilier.

d. Le 19 mai 2022, elle a produit un tableau concernant des travaux devisés à CHF 1'772'831.-, partiellement facturés en 2015 et 2016 et ayant fait l’objet d’une provision de CHF 250'000.-.

e. Le 20 juillet 2022, la société a communiqué les informations complémentaires suivantes. L’absence de validation des devis résultait du fait qu’elle attendait l’accord du propriétaire. La validation des travaux liés aux dégâts d’eau était soumise à l’accord de l’assurance du propriétaire. Le tableau du 30 mars 2022 regroupait les travaux ayant fait l’objet d’une provision durant l’exercice 2019, alors que le courrier du 18 mai 2021 reprenait les travaux qui avaient pris fin et débuté durant cette période. Le devis de CHF 449'964.88 joint à la réclamation concernait des travaux de remplacement de fauteuils qui n’étaient plus conformes aux exigences du service du feu.

Elle ne pouvait pas donner suite à la demande de l’AFC de produire une copie des devis et une description des travaux listés dans le tableau du 19 mai 2022, cela exigeant un travail trop important.

La société a produit un tableau des provisions de 2015 à 2022. Le montant net de la provision pour « garanties données+retenues », concernant les années 2015 à 2019, s’élevait à CHF 380'000.- (dotation de CHF 580'000.- - reprise de CHF 200'000.‑).

f. L’instruction a été reprise le 7 mars 2023.

L'AFC a admis la provision pour travaux à concurrence de CHF 61'162.- et conclu au surplus au rejet du recours. Elle reconnaissait les montants suivants du tableau de synthèse du 30 mars 2022, correspondant à des devis acceptés par la société : CHF 33'987.60 ; CHF 19'162.-  ; CHF 7'162.-  ; CHF 850.40.

Le tableau du 19 mai 2022 concernait les années antérieures et n’était pas étayé. La société n’avait donné aucun autre renseignement ni produit de pièces complémentaires malgré ses demandes.

g. Par jugement du 30 octobre 2023, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC pour nouveaux bordereaux ICC et IFD 2019, intégrant la provision pour travaux dans la mesure admise.

En vertu du principe de la périodicité, la provision de CHF 228'000.- constituée en 2019 pour prévenir les risques de perte due à la pandémie de COVID-19 ne pouvait pas être rattachée à l’exercice 2019, la pandémie étant survenue en Suisse en février 2020.

Il en allait de même du solde de la provision pour travaux de CHF 318'838.-, constituée pour des travaux futurs hypothétiques, correspondant à une réserve pour charges futures éventuelles, non déductibles sur le plan fiscal.

La recourante demeurait toutefois libre de constituer économiquement et comptablement des réserves pour ses charges futures. Le refus de les admettre, sur le plan fiscal uniquement, ne la mettait donc pas en danger financièrement et économiquement. Elle ne prétendait pas que l’impôt lui-même représentait un tel danger.

D. a. Par acte du 30 novembre 2023, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à ce qu’il soit statué en sa faveur.

Ses bénéfices 2019 lui avaient permis de « tenir » durant les deux années de pandémie, émaillées de plusieurs périodes de fermeture forcée. Ses bénéfices avaient pourtant été très lourdement imposés, au plus fort moment de la crise, dans la mesure où l’AFC avait annulé les provisions pour travaux et pandémie, pour ne finalement admettre la première que dans une petite mesure. De nombreux cantons admettaient pourtant ce type de provision, tout ou partiellement. Les pertes comptabilisées durant les exercices 2020 à 2022 s’étaient avérées plus élevées que la provision pour pandémie sollicitée de CHF 228'000.-.

Selon les pièces jointes au recours, l’investissement réalisé à l’été 2000 pour remplacer les fauteuils et le projecteur, en pleine pandémie, alors que les cinémas étaient fermés, s’élevaient à CHF 159'528.-, fondés sur des devis « initiés » en 2019. La provision avait été utilisée à hauteur d’environ CHF 225'000.- et le « delta » de CHF 130'000.- engagé partiellement en 2020 puis soldé en 2021.

La société a produit : une facture du 1er juillet 2020 de EUR 91'098.80, concernant des fauteuils, ayant fait l’objet d’un devis du 7 janvier 2020 et d’une commande du 13 janvier 2020 ; une facture du 9 août 2020 de CHF 34'864.54 concernant la mise en place d’un projecteur.

b. L’AFC a conclu au rejet du recours, renvoyant à ses écritures de première instance et au jugement querellé.

La recourante n’avait avancé aucun argument susceptible d’influer sur le sort du litige, ni produit de nouvelles pièces déterminantes. La facture du 1er juillet 2020 annexée au recours ne portait pas sur la période fiscale 2019.

c. Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions.

La facture du 1er juillet 2020 concernait le remplacement d’installations techniques sur mesure, devant être commandées au minimum neuf mois à l’avance. Les maigres résultats des mois d’ouverture de janvier et février 2020 n’auraient pas suffi à financier un tel investissement. Les installations avaient été réalisées durant la période de fermeture, alors que les cinémas ne généraient aucun revenu.

Au moment où elle avait rempli sa déclaration d’impôts, elle avait parfaitement connaissance de l’incidence de la pandémie sur ses affaires. Elle était toutefois prête, par gain de paix, à abandonner la provision pour COVID-19, dont elle n’avait pas les moyens de faire la démonstration.

d. L’AFC n’ayant formulé aucune observation complémentaire, les parties ont été informées que la cause avait été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 – LPFisc ‑ D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             La présente cause concerne l’admissibilité fiscale de la provision pour travaux déclarée par la recourante pour la période 2019, litigieuse à hauteur de CHF 318'838.-. Cette dernière a en revanche renoncé à faire valoir la seconde provision contestée, afférente à la pandémie de COVID-19.

2.1 Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent notamment les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b 2e tiret).

Selon l’art. 12 al. 1 let. a de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits, augmenté notamment des amortissements et provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. e ; également dans ce sens l'art. 16B al. 2 LIPM). L'art. 12 LIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l'art. 58 al. 1 LIFD (ATA/259/2024 du 27 février 2024 consid. 4.1 ; ATA/705/2023 du 27 juin 2023 consid. 4.2).

Selon l'art. 63 al. 1 let. a LIFD, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de résultats pour les engagements de l’exercice dont le montant est encore indéterminé. L’art. 63 al. 2 LIFD prévoit que les provisions qui ne se justifient plus sont ajoutées au bénéfice imposable.

Une provision sert à comptabiliser, durant l'exercice commercial, une dépense ou une perte effective ou en tous cas probable comportant un élément d'incertitude quant à son montant et qui ne se réalise financièrement que lors d'un exercice commercial postérieur (ATF 141 II 83 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_607/2017 du 10 décembre 2018 consid. 5.5.2).

Pour être admise en droit fiscal, la provision doit avoir été dûment comptabilisée, être justifiée par l'usage commercial et porter sur des faits dont l'origine se déroule durant la période de calcul. Lorsque des provisions, qui ont été passées en charge du compte de résultats, ne sont pas admissibles, l'autorité fiscale est en droit de procéder à la dissolution de la provision. La dissolution a lieu lors de la période durant laquelle l'absence de justification commerciale de la réserve est constatée. La société supporte le fardeau de la preuve de la conformité à l'usage commercial. Cette question doit être examinée sur la base de tous les éléments en présence et à la lumière de la situation prévalant au moment où le bilan est établi. Le principe de périodicité interdit de réduire artificiellement le bénéfice imposable par le biais de provisions exagérées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_192/2024 du 3 juillet 2024 consid. 5.2.1).

Les provisions pour les engagements (Verpflichtungen) de l'exercice au sens de l'art. 63 al. 1 let. a LIFD sont autorisées pour les engagements existant au cours de l'exercice et dont le montant n'est pas encore déterminé ; sont en particuliers visés par cette disposition les engagements incertains ou des pertes imminentes résultant d'affaires en cours. Ceux-ci doivent pour le surplus reposer sur un contrat ou sur une loi. L'art. 63 al. 1 let. a LIFD couvre également les engagements conditionnels, pour autant que la réalisation de la condition soit très vraisemblable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_192/2024 précité consid. 5.2.2).

Les provisions constituées en vue d'une utilisation future, notamment pour faire face à des dépenses que l'entreprise devra supporter en raison de son activité future, représentent des réserves ; en tant que telles, elles font partie du revenu imposable et ne sauraient être déduites de ce dernier avant que la société n'ait à supporter les charges en cause, conformément au principe de périodicité du droit fiscal (ibid.).

2.2 En l’espèce, l’intimée a reconnu la provision pour travaux, à hauteur de CHF 61'162.-, soit en tant qu’elle correspondait à des montants qui, cumulativement, figuraient sur le tableau de synthèse du 30 mars 2022 et pouvaient être reliés à des devis signés en 2019.

La recourante persiste à faire valoir le solde de la provision CHF 318'838.-. Elle argue que les investissements réalisés à l’été 2020, de plus de CHF 100'000.- selon les factures produites en seconde instance, avaient forcément été financés par le bénéfice antérieur à l’exercice 2020, durant lequel ses salles n’avaient pu ouvrir que durant deux mois. Or, ce critère n’est pas pertinent pour admettre la provision. La question déterminante est de savoir si elle peut être rattachée, au moins partiellement, à un ou des engagements de la recourante, devant reposer sur la loi ou un contrat, ayant pris naissance en 2019. Ce même si, notamment parce que son montant n’était pas encore déterminé à la fin de l’exercice, il n’a été exécuté qu’ultérieurement. La recourante ne peut en revanche pas comptabiliser fiscalement une provision en prévision de dépenses futures dans le cadre de travaux qu’elle aurait déjà planifiés.

Parmi les devis qu’elle a produits, avec la réclamation du 16 novembre 2020 ou en annexe du tableau de synthèse du 30 mars 2022, ceux contresignés ont déjà été pris en considération par l’intimée. Les autres, à défaut d’avoir été validés, et au surplus de pouvoir être reliés à un contrat ou à une facture démontrant que la recourante se serait engagée à en régler le montant, totalement ou partiellement, durant l’exercice 2019, ne peuvent pas donner lieu à une provision. On ne peut pas en déduire si et quand elle a accepté la fourniture de mobilier ou l’exécution des travaux y relatifs. Il résulte en particulier des factures des 1er juillet et 9 août 2020 produites devant la chambre de céans que le remplacement de fauteuils et l’installation d’un nouveau projecteur, qui semblent avoir fait l’objet du devis non signé de CHF 449'964.88 et d’une ligne dans le tableau du 30 mars 2022, ont été commandés et réalisés en 2020. La recourante a par ailleurs expliqué, le 20 juillet 2022, attendre l’accord du propriétaire pour valider les autres devis, ou encore l’accord de l’assurance du précité relatif aux devis du 10 octobre 2019 qui concerneraient un dégât d’eau.

La recourante a pour le surplus produit des listes de travaux et de provisions qui, en sus de ne pas être étayées, ne présentent de lien évident ni entre elles, ni avec le montant de la provision pour travaux, que l’on tienne compte de son montant initial de CHF 380'000.- ou de son solde encore litigieux de CHF 318'838.-.

Plus particulièrement, on ne comprend pas, dans la liste du 18 mai 2021, quels travaux sont à inclure dans la provision, leur montant total étant largement supérieur. La recourante a expliqué le 20 juillet 2022 que ces travaux, contrairement à ceux listés dans le tableau du 30 mars 2022, avaient pris fin ou débuté en 2019, ce dont on comprend qu’ils auraient fait l’objet de provisions comptabilisées durant les exercices précédents. Comme vu ci-dessus, les travaux listés dans le tableau du 30 mars 2022 ont déjà été pris en considération par l’intimée, dans la mesure où elle a pu les relier à un devis signé en 2019. Le tableau du 19 mai 2022 semble concerner des travaux antérieurs à 2019 et, en tout état de cause, la recourante a indiqué le 20 juillet 2022 ne pas être en mesure de réunir les pièces y relatives ou de fournir plus de renseignements à leur sujet. Le tableau des provisions du 20 juillet 2022 ne permet pas de comprendre à quels travaux celles-ci sont liées et il concerne une période allant bien au-delà de l’exercice 2019.

La recourante n’a ainsi pas apporté la preuve, malgré les nombreuses demandes de l’intimée visant la production de renseignements et documents complémentaires, que le solde litigieux de la provision pour travaux peut être rattaché, au moins partiellement, à un engagement ayant pris naissance en 2019. Il résulte au contraire de ses explications qu’il s’agit en réalité d’une réserve pour travaux futurs, devant donc être intégrée au bénéfice de l’exercice 2019, conformément aux décisions de l’intimée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 700.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :