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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2176/2024

ATA/1113/2024 du 24.09.2024 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;SOUMISSIONNAIRE;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);CHOIX(EN GÉNÉRAL);PRIX;POUVOIR D'APPRÉCIATION;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : LPA.70; AIMP.1.al1; AIMP.1.al3; AIMP.11; RMP.1; RMP.2.leta; RMP.16; RMP.17; RMP.7A.al1; RMP.24; AIMP.11; RMP.12.al2; RMP.24; RMP.43; LMP.41; AIMP.19; LPA.69.al3
Résumé : En s’écartant de la formule de notation du prix prévue par le dossier d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur a outrepassé son pouvoir d’appréciation et violé le principe de la transparence. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2176/2024-MARPU ATA/1113/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Mes Guillaume BARAZZONE et Louise DOBRZYNSKI, avocats

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

et

B______ SA intimés



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 4 février 2000, ayant son siège à Carouge, et qui a pour but statutaire d’offrir des services et des prestations dans le domaine du transport, de la manutention, de la gestion et de la commercialisation de déchets et autres matériaux.

b. B______ SA (ci-après : B______) est une société anonyme de droit suisse inscrite au RC depuis le 11 mars 1991, ayant son siège à Vernier, et qui a pour but statutaire la gestion de toutes activités liées au secteur des déchets, notamment les transports de collecte de déchets et l’exploitation de centres de tri et de valorisation.

c. Les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) sont une entreprise de droit public inscrite au RC depuis le 13 novembre 2009, ayant son siège à Vernier, et qui a pour but statutaire notamment de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique ainsi que traiter des déchets.

B. a. Le 17 mai 2023, les SIG ont publié sur le site internet Simap un appel d’offres en procédure ouverte soumise aux traités internationaux pour un marché public de services intitulé « Exploitation et transports des ESREC’s ». Le marché était divisé en trois lots et les offres étaient possibles pour les trois :

-          exploitation et transports des espaces de récupération cantonaux (ci-après : ESREC) à Châtillon vers leur exutoire (lot n°1) ;

-          exploitation et transports ESREC à La Praille vers leur exutoire (lot n°2) ;

-          exploitation et transports ESREC à Chânats vers leur exutoire (lot n°3).

L’appel d’offres a fait l’objet d’une rectification, le 21 juin 2023, uniquement sur le délai de clôture pour le dépôt des offres et sur la date de leur ouverture.

Selon le dossier d’appel d’offres, la notation du prix se ferait selon la méthode linéaire suivante :

Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (PMoyen – PMin)

PMin = offre la moins chère

POffre = prix de l’offre à noter

PMoyen = moyenne des offres reçues.

b. A______, C______ SA (ci-après : C______), B______ ainsi que D______ SA (ci-après : D______) ont soumissionné, étant précisé que C______ a soumis son offre uniquement pour le site de La Praille et que l’offre de D______ a été exclue.

c. Par décision du 14 juin 2024, les SIG ont informé A______ que son offre n’avait pas été retenue. Ils avaient adjugé le marché pour les trois lots à B______ pour un montant hors TVA de CHF 372'496.04 (Châtillon), CHF 332'937.36 (Chânats) et CHF 499'054.22 (La Praille).

Son offre remplissait pleinement les conditions qui lui permettaient d’être adjudicataire selon le règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) et elle avait été jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d’évaluation annexée et qui faisait partie intégrante de la décision.

Selon l’analyse multicritères annexée, pour le lot à Châtillon, le prix offert (critère n°1 pondéré à 40%) par A______ était de CHF 317'075.51 et celui de B______ de CHF 372'496.04. A______ avait obtenu une note de 5 et 200 points (note x pondération) alors que B______ avait été notée 4.85 (193.92 points). Compte tenu du nombre de points obtenus aux autres critères (organisation pour l’exécution du marché, références, développement durable et organisation du soumissionnaire), B______ était première au classement final avec 404.47 et A______ deuxième avec 399.03.

Pour le lot à Chânats, A______ avait offert un prix de CHF 323’558.51 tandis que B______ avait proposé un prix de CHF 332’496.04. A______ avait obtenu une note de 5 et 200 points alors que B______ avait été notée 4.98 (199 points). Compte tenu du nombre de points obtenus aux autres critères, B______ était première au classement final avec 409.55 et A______ deuxième avec 399.03.

Pour le lot à La Praille, A______ avait offert un prix de CHF 411'837.51 tandis que B______ avait proposé un prix de CHF 499'054.22. A______ avait obtenu une note de 5 et 200 points alors que B______ avait été notée 4.81 (192.43 points). Compte tenu du nombre de points obtenus aux autres critères, B______ était première au classement final avec 402.98 et A______ deuxième avec 399.03.

d. Le 21 juin 2024, A______ a demandé aux SIG de reconsidérer la décision d’adjudication.

Après examen de la décision et des grilles d’évaluation annexées, elle constatait que les SIG n’avaient pas appliqué la formule de notation du prix telle que prévue dans l’appel d’offres et que si le pouvoir adjudicateur avait appliqué ladite formule, elle aurait obtenu le marché pour les trois lots. Elle demandait donc de révoquer leur précédente décision et de rendre une nouvelle décision lui adjugeant le marché pour les trois lots.

e. Le 24 juin 2024, les SIG ont refusé de reconsidérer leur décision et ont invité A______ à recourir contre celle-ci. La décision avait été prise selon les instructions du comité d’évaluation.

C. a. Par acte déposé au greffe le 27 juin 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours. Principalement, la décision attaquée devait être annulée et le marché devait lui être adjugé. Elle a également pris des conclusions subsidiaires et plus subsidiaires.

Au lieu de la formule prévue par les documents de l’appel d’offres, les SIG avaient appliqué la formule suivante pour la notation du prix :

Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (Montant estimé par l’adjudicateur)

Cette modification unilatérale contrevenait à l’art. 43 RMP. Cette modification était en outre intervenue après le délai de soumission des offres, en violation du principe de la transparence.

Aucun motif objectif permettait de justifier cette modification. L’unique but était d’avantager B______, ce qui était discriminatoire envers elle.

Si la formule de notation prévue dans le dossier d’appel des offres avait été appliquée, elle serait arrivée première au classement final pour tous les lots. Les SIG avaient donc agi de manière arbitraire. De plus, la nouvelle formule utilisée par ceux-ci était arbitraire, les intéressés utilisant un montant estimé par le pouvoir adjudicateur lui-même. Or, elle ignorait comment ce montant avait été défini.

La décision attaquée violait donc l’art. 43 cum 24 RMP, ainsi que les principes de transparence, de non-discrimination et d’interdiction de l’arbitraire.

b. Le 2 juillet 2024, les SIG ont demandé la jonction de la présente procédure avec la procédure A/2153/2024 qui concernait C______ laquelle avait formulé une offre pour le lot du site de La Praille et qui avait également recouru contre la décision d’adjudication. Ils ne s'opposaient pas à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

c. Par décision du 11 juillet 2024, la chambre de céans a octroyé l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

d. Le 22 juillet 2024, les SIG ont conclu au rejet du recours.

Il n’était pas contesté que le dossier d’appel d’offres comportait la formule de notation :

Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (PMoyen – PMin)

Selon l’appréciation du comité d’évaluation, la méthode choisie de notation du prix pour ce marché correspondait à la méthode linéaire Tmoyenne du Guide romand pour les marchés publics (ci-après : le guide). Dans la mesure où le nombre de soumissionnaires qui avaient soumis une offre était inférieur à 5, la méthode linéaire devait être adaptée selon les recommandations de l’annexe T2 dudit guide, à savoir :

Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (Montant estimé par l’adjudicateur)

PMin = offre la moins chère

POffre = prix de l’offre à noter

Ils s’étaient ralliés à la position du comité d’évaluation.

Si la chambre administrative arrivait à la conclusion que seule la formule indiquée dans le dossier d’appel d’offres était applicable indépendamment du nombre d’offres reçues, le marché devrait être adjugé à A______ pour l’ensemble des lots.

e. Le 25 juillet 2024, B______ a conclu au rejet du recours.

La méthode de calcul annoncée dans le dossier d’appel d’offres n’avait été qu’adaptée en fonction du nombre de dossiers reçus, comme cela était prévu par l’annexe T2. La méthode Tmoyenne invoquée par A______ n’était pas adaptée en cas de moins de cinq offres.

L’annexe T2 faisait partie des informations remises à chaque soumissionnaire dès l’appel d’offres par le biais notamment du lien www.simap.ch indiqué en page 2 du dossier d’appel d’offres établi le 17 mai 2023 « Informations accessibles sur un site internet ». Les SIG ayant reçu entre deux et trois offres par lot, il était donc prévu qu’ils adaptent le calcul en utilisant la formule dédiée, ce qu’ils avaient fait.

La méthode de calcul initialement prévue dans le dossier d’appel d’offres était la même que celle qui avait été utilisée pour attribuer les trois lots à B______. Les SIG n’avaient fait que l’adapter, comme cela était prévu, au nombre de dossiers effectivement reçus.

f. Le 31 juillet 2024, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Le guide était, comme son intitulé l’indiquait, un simple guide avec des recommandations destinées aux adjudicateurs. Il n’imposait aucune méthode de notation du prix aux adjudicateurs, ce qui ressortait également de l’annexe T2, laquelle indiquait que les adjudicateurs avaient « le choix de la méthode de notation ». Il s’agissait de simples recommandations et aucunement d’un document contraignant, qui s’appliquerait indépendamment du contenu des documents de l’appel d’offres.

Les SIG avaient effectué leur choix en lien avec la formule de notation qu’ils allaient utiliser dans la présente procédure d’appel d’offres, qui était la formule figurant au point 4.7 du dossier d’appel d’offres ([Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (PMoyen – PMin]).

Or, ils avaient souhaité utiliser une autre formule de notation du prix, ils auraient dû l’indiquer dans les documents d’appel d’offres. Ce point était également confirmé par l’annexe T2 dudit guide qui indiquait que « la méthode de notation du prix doit être annoncée aux soumissionnaires avant le dépôt des offres ». La jurisprudence et la doctrine relevaient d’ailleurs que la modification de la formule de notation du prix après l’ouverture des offres était en principe interdite. Les SIG n’avaient pas indiqué aux soumissionnaires que la formule figurant au dossier d’appel d’offres ne serait pas appliquée dans le cas où moins de cinq soumissionnaires déposeraient une offre.

g. Le 22 août 2024, A______ a relevé que la page 2 du dossier d’appel d’offres indiquait uniquement quelles étaient les annexes remises à chaque soumissionnaire. Or, l’annexe T2 n’en faisait pas partie. La page 2 en question mentionnait uniquement que des informations étaient accessibles sur le site internet www.simap.ch. Ce site recensait toutefois tous les appels d’offres et documents que les entités adjudicatrices souhaitaient publier. Il ne renvoyait ainsi pas à des documents précis, dont l’annexe T2 du guide. Cette annexe ne faisait donc pas valablement partie des documents de l’appel d’offres.

En toute hypothèse, même si ce document faisait partie des documents de l’appel d’offres, les SIG avaient clairement énoncé la formule de notation de prix applicable et ne pouvaient pas s’en départir.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 26 août 2024.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision adjudication concernant les lots relatifs à l’exploitation et transports ESREC à Châtillon, à Chânats et à La Praille vers leur exutoire.

3.             Les SIG sollicitent la jonction de la procédure avec la cause A/2153/2024 qui concerne C______ laquelle a soumis une offre pour le lot du site de La Praille et a également recouru contre la décision d’adjudication.

3.1 Selon l’art. 70 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).

3.2 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, il n’y a pas lieu de procéder à une jonction de causes lorsque des procédures portant sur des décisions rendues par la même autorité et prises en vertu des dispositions de la même loi visent un complexe de faits différent ou ne concernent pas les mêmes parties (ATA/557/2021 du 25 mai 2021 consid. 3a ; ATA/92/2016 du 2 février 2016 consid. 3b et les arrêts cités).

3.3 En l’espèce, la présente cause et celle enregistrée sous le numéro A/2153/2024 sont certes en état d’être jugées. Toutefois, même s’il s’agit du même marché public, elles visent un complexe de faits différent sur certains points et soulèvent certaines questions juridiques distinctes, la présente cause abordant notamment la notation du prix et la formule utilisée, contrairement à la cause A/2153/2024 qui concerne spécifiquement la qualité technique et l’organisation de C______.

Pour ces raisons, il n’y a pas lieu de procéder à la jonction des procédures.

4.             La recourante soutient que l’autorité adjudicatrice aurait violé les principes de la transparence, de non-discrimination et l’interdiction de l’arbitraire en faisant usage d’une formule de notation du prix qui ne figurait pas dans le dossier d’appel d’offres pour avantager B______.

4.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics des cantons, des communes et des autres organes assumant des tâches cantonales ou communales. (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a, b et d AIMP).

4.2 Le RMP régit la passation des marchés publics en application de l’AIMP (art. 1).

4.3 Au sens du RMP, un marché public a pour objet un contrat entre une autorité adjudicatrice désignée et une entreprise privée ou une personne indépendante, qui vise l’acquisition d’un ouvrage, d’une prestation ou d’un bien mobilier, moyennant le paiement d’un prix (art. 2 let. a).

4.4 Les principes énoncés à l’art. 1 AIMP sont concrétisés aux art. 16 ss RMP. Ainsi, toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires est interdite, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (art. 16 al. 1 RMP). Le principe de l’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 2 RMP). La libre concurrence doit être garantie pour l’obtention des fournitures et des prestations de construction et de services (art. 17 al. 1 RMP).

4.5 L’autorité adjudicatrice définit, de manière formelle et transparente, les limites du marché qu’elle entend adjuger en utilisant des critères ou indices tels que le périmètre, la durée, la portée transversale de l’adjudication ou les motifs organisationnels qui justifient son choix (art. 7A al. 1 RMP).

4.6 L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).

4.7 Les principes de transparence et de non-discrimination constituent des valeurs centrales des marchés publics. L’existence du marché et des conditions qui s’y appliquent doivent être connues des concurrents et le pouvoir adjudicateur ne peut pas favoriser des concurrents (Étienne POLTIER, droit des marchés publics, 2e éd., 2023, p. 234). Parmi les principes généraux des marchés publics figurent notamment ceux de non-discrimination et d’égalité de traitement de chaque soumissionnaire, de concurrence efficace, de respect des conditions de récusation des personnes concernées et de traitement confidentiel des informations (art. 11 AIMP).

4.8 La transparence des procédures de passation des marchés n’est pas un objectif, mais un moyen contribuant à atteindre le but central du droit des marchés publics qui est le fonctionnement d’une concurrence efficace, garanti par l’ouverture des marchés et en vue d’une utilisation rationnelle des deniers publics (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal des marchés publics. Il limite le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d’assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l’offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l’impartialité de la procédure d’adjudication, autre principe qui doit être respecté. Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme aux conditions qu’il a préalablement annoncées. Ce principe se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l’autorité (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), et du principe de la non‑discrimination. En effet, si le pouvoir adjudicateur s’écarte des « règles du jeu » qu’il a fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d’une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et la référence citée ; ATA/167/2024 du 6 février 2024 consid. 4.2.2).

Une violation du principe de transparence n’entraîne l’annulation de l’adjudication que pour autant que les vices constatés aient effectivement influé sur le résultat (ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 6c). Dans une espèce dans laquelle l’adjudicateur n’avait pas indiqué dans les documents d’appel d’offres qu’une prestation avait préalablement été effectuée en lien avec le marché à adjuger, la chambre de céans a jugé que l’adjudication violait les principes de transparence et d’égalité de traitement. Le fait que le soumissionnaire qui avait réalisé cette prestation n’en retire aucun avantage concurrentiel n’y changeait rien (ATA/265/2022 du 15 mars 2022 consid. 4c).

4.9 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 al. 2 RMP). L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).

Selon l’art. 43 RMP, l’évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l’adéquation aux besoins, le service après-vente, l’esthétique, l’organisation, le respect de l’environnement (al. 3).

4.10 Le pouvoir adjudicateur dispose d’une grande liberté d’appréciation dans le choix et l’évaluation des critères d’aptitude et d’adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu’il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d’aptitude et d’adjudication arrêtés dans l’appel d’offres ou les documents d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s’y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l’égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S’il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s’il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; décision incidente du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-4637/2016 du 19 octobre 2016 consid. 6.4 ; arrêts du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.2 ; B‑891/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.4).

4.11 En matière d’évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s’agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). La juge doit veiller à ne pas s’immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l’autorité chargée de l’adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

4.12 Selon le message concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics du 15 février 2017, l’importance du prix dépend toujours du système d’évaluation appliqué. La courbe de notation du prix des offres devrait être choisie (du point de vue de sa pente) de telle sorte qu’elle couvre la fourchette de prix qui est attendue sur la base de l’étude du marché. Il faut éviter que la fonction choisie pour noter le prix ne diminue le poids de ce critère et soit donc inadaptée (FF 2017 p. 1802).

4.13 La doctrine relève que le pouvoir adjudicateur dispose d’un pouvoir d’appréciation considérable quant au choix de la formule de notation du prix. Le principal rattachement légal de la notation du prix est l’art. 41 de la loi fédérale sur les marchés publics du 21 juin 2019 (LMP - RS 172.056.1 ; art. 19 AIMP) qui se limite à prévoir que « le marché est adjugé au soumissionnaire ayant présenté l’offre la plus avantageuse ». Ainsi, la loi octroie à l’adjudicateur la liberté d’appliquer une formule éprouvée, de modifier une formule existante, ou encore d’élaborer sa propre formule (Domenico DI CICCO, Le prix en droit des marchés publics, 2022, n. 793).

La question de la modification de la formule de notation après l’ouverture des offres se rapporte à celle de la modification de l’appel d’offres, dont l’admissibilité dépend de la réunion de plusieurs conditions restrictives. Sans entrer dans le régime juridique général de la modification de l’appel d’offres, la doctrine et la jurisprudence considèrent que la modification de la formule de notation du prix après l’ouverture des offres est en principe interdite. En effet, une telle modification constitue un indice de violation des principes de transparence, de non‑discrimination, voire de l’interdiction de l’arbitraire. Toutefois, cette modification peut être exceptionnellement admise, lorsqu’elle se justifie par des motifs objectifs (non discriminatoires). Tel est notamment le cas lorsque la méthode de notation initiale conduit à un résultat arbitraire. Ce cas de figure est envisageable par exemple lorsque la méthode de notation prévoit que l’offre la moins chère reçoit la meilleure note et l’offre la plus chère reçoit la moins bonne, puisque seules deux offres sont déposées. La pratique parle à cet égard de distorsion (Verzerrung) ou de dénaturation (Verfälschung) des critères d’adjudication annoncés dans l’appel d’offres. Dans cette hypothèse, il est même impératif que l’adjudicateur adapte sa méthode de notation.

Lorsque la formule de notation est publiée dans l’appel d’offres et que l’adjudicateur applique une formule de notation qui semble divergente, il peut être litigieux de déterminer si l’application en cause doit se qualifier de modification de l’appel d’offres ou non. Par exemple, si l’adjudicateur annonce dans l’appel d’offres que les « demi-points sont admis », puis qu’il n’attribue que des points entiers dans l’évaluation, il faut se demander si la méthode effectivement appliquée constitue une modification de l’appel d’offres ou résulte d’une interprétation admissible de la méthode d’évaluation annoncée. Dans cet exemple, la seconde proposition devrait l’emporter du fait que l’utilisation de demi‑points n’est pas formulée de manière impérative. Une telle manière de procéder serait cependant inopportune, dans la mesure où l’adjudicateur restreindrait son pouvoir d’appréciation qu’il s’était lui-même aménagé dans l’appel d’offres.

De même, toujours en cas de divergence entre la formule de notation publiée dans l’appel d’offres et celle effectivement appliquée, il ne faut pas considérer que la formule a été modifiée a posteriori par l’adjudicateur, lorsque cette divergence résulte de la correction d’une erreur manifeste contenue dans la formule de l’appel d’offres (Domenico DI CICCO, op. cit., n. 1030 et ss).

4.14 Dans une affaire zurichoise, le Tribunal administratif du canton de Zurich a considéré que le pouvoir adjudicateur avait outrepassé son pouvoir d’appréciation et avait violé le principe de transparence en faisant usage d’une formule de prix différente de celle indiquée dans l’appel d’offres (VB.2018.004444 du 25 octobre 2018).

Dans cette affaire concernant l’acquisition et l’exploitation d’un logiciel pour la procédure d’admission au Gymnase, le soumissionnaire arrivé en deuxième position avait fait recours contre la décision d’adjudication. Il s’était plaint en particulier de l’évaluation du prix. Lors de l’évaluation, le pouvoir adjudicateur avait appliqué une méthode qui s’écartait de la formule d’évaluation des prix annoncée dans les documents d’appel d’offres, ce qui avait procuré un avantage nettement inférieur au recourant par rapport à l’adjudicataire, en termes de points accordés au critère du prix, raison pour laquelle celui-ci s’était retrouvé devant celui-là. Il était vrai que le pouvoir adjudicateur disposait d’une marge d’appréciation considérable pour déterminer les critères d’adjudication et pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base de ces critères. Toutefois, le fait que les intimés se soient écartés de la méthode d’évaluation prévue dans le cahier des charges sans que cela découle d’une démarche compréhensible constituait un excès de pouvoir d’appréciation. La procédure était donc contraire à l’exigence de transparence et l’évaluation correspondante était donc contraire au droit. En conséquence, le Tribunal administratif avait renvoyé la cause au pouvoir adjudicateur afin qu’il adjuge le marché au recourant (Jacques DUBEY/Lucien HÜRLIMANN, La jurisprudence en marchés publics entre 2018 et 2020, in Jean‑Baptiste ZUFFEREY/Martin BEYELER/Stefan SCHERLER [éd.], Marchés publics 2020, 2020, n. 164).

4.15 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d’appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/148/2021 du 9 février 2021 consid. 7 et l’arrêt cité).

4.16 En l’espèce, selon le point 4.7 de l’appel d’offres établi par le pouvoir adjudicateur, la notation du prix devait être faite selon la méthode linéaire suivante :

Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (PMoyen – PMin)

Or, il ressort du dossier que c’est une autre méthode qui a été utilisée, à savoir :

Note offre = 5.0 – (POffre – PMin) / (Montant estimé par l’adjudicateur)

Les parties intimées ne contestent pas qu’il s’agit là d’une autre méthode. Elles expliquent néanmoins que la formule a été adaptée, puisque le nombre d’offres reçues était inférieur à 5 et que cette décision a été prise en application de l’annexe T2 figurant dans le guide.

Il est vrai que l’annexe T2 dudit guide précise que pour la méthode linéaire, si le nombre d’offres est inférieur à 5, c’est la seconde formule qui est utilisée. Néanmoins, le dossier d’appel d’offres remis aux soumissionnaires ne fait pas état de cette subtilité. L’adjudicataire ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu’il soutient que l’annexe T2 fait partie des informations remises à chaque soumissionnaire, dès l’appel d’offres, par le biais notamment du lien www.simap.ch indiqué en page 2 du dossier d’appel d’offres sous la rubrique « Informations accessibles sur un site internet ». En effet, il s’agit là uniquement d’une plateforme des achats de la Confédération et des organisations liées à la Confédération, des cantons et des communes de Suisse. Les intéressés peuvent y trouver les appels d’offres en cours et terminés conformes au droit des marchés publics.

Concernant celui en cause (numéro de projet 257622), il ne ressort pas de ce site internet que le guide en question ou l’annexe T2 plus spécifiquement serait applicable. D’ailleurs, la seule référence audit guide dans la documentation relative à l’appel d’offres se situe au niveau du barème des notes au point 4.6 qui sera utilisée « CROMP – Guide romand pour les marchés publics ».

Il peut ainsi être inféré du dossier d’appel d’offres remis à chaque soumissionnaire que la seule formule qui aurait dû être appliquée pour la notation du prix était celle figurant dans celui-ci.

En outre, on ne se trouve pas dans un cas où la modification peut être exceptionnellement admise, car justifiée par des motifs objectifs (non discriminatoires).

En effet, la notation initiale ne conduit pas à un résultat arbitraire, puisque même s’il s’agit de deux offres (lots Châtillon et Chanâts) ou trois déposées (lot La Praille), la formule initiale ne conduit pas à une distorsion ou à une dénaturation du critère annoncé dans l’appel d’offres. Les notes qu’auraient dû obtenir les soumissionnaires, telles que détaillées ci-dessous, prouvent que l’adjudicataire n’aurait pas reçu une note de 0 pour son offre de prix, mais une note en adéquation avec le prix proposé par rapport aux autres soumissionnaires :

Lot Châtillon :

5 – (CHF 372’496.04 – CHF 317’076.-) / (CHF 344’786.- – 317’076.-) = 3

5 – (CHF 55'420.04 / CHF 27'710.-) = 5 – 2 = 3

Lot Chanâts :

5 – (CHF 332’937.36 – CHF 323’559.-) / (CHF 328’248.- – 323’559.-) = 3

Lot La Praille :

5 – (CHF 499’054.22 – CHF 411’838.-) / (CHF 516’892.- – 411’838.-) = 4.17

En s’écartant de la formule de notation du prix prévue par le dossier d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur a outrepassé son pouvoir d’appréciation et violé le principe de la transparence.

Le grief sera admis.

Le pouvoir adjudicateur reconnaît que si seule la formule du prix indiquée au point 4.7 de l’appel d’offres est applicable – ce qui est bien le cas comme examiné ci‑dessus –, le marché doit être adjugé à la recourante pour l’ensemble des lots. Il est en effet exact que la recourante serait classée au premier rang pour les trois lots selon les tableaux finaux produits par la recourante, lesquels ne sont pas contestés par les parties intimées.

Le recours sera par conséquent admis, la décision querellée annulée et le dossier sera renvoyé au pouvoir adjudicateur pour nouvelle adjudication au sens des considérants.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de B______, qui succombe. Aucun émolument ne sera mis à la charge des SIG, qui en sont dispensés de par la loi (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge des SIG à hauteur de CHF 1'000.- et de B______ à hauteur de CHF 500.- (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juin 2024 par A______ SA contre la décision des Services industriels de Genève du 14 juin 2024 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision des Services industriels de Genève du 14 juin 2024 ;

renvoie le dossier aux Services industriels de Genève pour nouvelle adjudication au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de B______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______ SA à la charge des Services industriels de Genève à hauteur de CHF 1'000.- et de B______ SA à hauteur de CHF 500.- ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art.42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Guillaume BARAZZONE et Louise DOBRZYNSKI, avocats de la recourante, aux Services industriels de Genève, à B______ SA ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffière-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :