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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3769/2021

ATA/265/2022 du 15.03.2022 ( MARPU ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);PROCÉDURE D'ADJUDICATION;SOUMISSIONNAIRE;CAHIER DES CHARGES;PRIX;CHOIX(EN GÉNÉRAL);EXCLUSION(EN GENERAL);LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;FARDEAU DE LA PREUVE;ILLICÉITÉ;DOMMAGES-INTÉRÊTS;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : AIMP.1.al1; AIMP.1.al3; AIMP.11; RMP.14; LPA.61.al1; Cst.27; LMP.14; RMP.31.al1.leta; RMP.31.al1.letb; RMP.31.al2; CC.8; L-AIMP.3.al3; LMP.34.al2
Résumé : S'il est vrai que l'adjudicataire a réalisé une étude pour l'autorité intimée deux ans avant le lancement du marché public, elle n'a toutefois pas bénéficié d'informations privilégiées dans ce domaine ou d'un avantage concurrentiel à ce propos. Les plans en cause ont été communiqués dans le dossier d'appel d'offres, de sorte que la recourante en a aussi bénéficié. Absence de préimplication de l'adjudicataire dans le processus d'appel d'offres. L'autorité intimée aurait néanmoins dû indiquer que l'appelée en cause était l'auteure des plans en cause et les motifs lui permettant de présenter une offre. Violation du principe de la transparence et de l'égalité de traitement entre soumissionnaires. Décision d'adjudication illicite. Indemnité à titre de dommages-intérêts limitée aux dépenses subies en relation avec la procédure de soumission et de recours. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3769/2021-MARPU ATA/265/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mars 2022

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Raphaël Quinodoz, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

et

B______, appelée en cause



EN FAIT

1) Le 30 août 2021, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG), organisme placé sous la surveillance du département du territoire (ci-après : le département), ont invité, dans le cadre d'une procédure sur invitation, A______ (ci-après : A______) et B______ (ci-après : B______) à participer à un appel d'offres pour la sécurisation des toitures de huit ouvrages sis sur différents sites des SIG.

2) Selon le dossier d'appel d'offres, les délais respectifs pour le dépôt des questions et des offres, étaient fixés aux 15 et 24 septembre 2021. La signature du contrat était envisagée, au plus tard, pour le 11 octobre 2021.

La sous-traitance était admise et les critères d'adjudication étaient les suivants :

Critères

Pondération

N° 1 : Adéquation de l'offre au cahier des charges

50 %

N° 2 : Prix

40 %

N° 3 : Références du soumissionnaire

10 %

Il était précisé au ch. 4.7 qu' « un critère d'adjudication [pouvait] être divisé en sous-critères d'adjudication. Lorsque l'adjudicateur [déterminait] des sous-critères auxquels il [attachait] une importance particulière ou qui [sortaient] de ce qui [était] communément observé pour définir le critère principal auquel ils se [rapportaient], il [devait] les communiquer par avance et indiquer leur pondération respective. Il [était] fait exception à cette règle lorsque les sous-critères [servaient] uniquement à concrétiser le critère d'adjudication publié (sous-critères dits "inhérents" au critère principal) ».

L'adjudication serait attribuée à l'offre économiquement la plus avantageuse (ch. 4.8). Le barème des notes était de 0 à 5 (5 constituant la meilleure note) et le prix serait calculé selon la méthode « T2 » (ch. 4.9).

3) Le 3 septembre 2021, A______ a adressé aux SIG une liste de questions relatives au marché considéré.

4) En l'absence de réponse des SIG dans le délai imparti à cet effet, soit le 21 septembre 2021, A______ les a interpellés par téléphone le lendemain. À cette occasion, les SIG ont accusé réception de la liste de ses questions et lui ont indiqué que les divers délais initialement fixés étaient prolongés.

5) Le 24 septembre 2021, les SIG ont répondu aux questions de A______.

6) À la même date, les SIG ont reçu l'offre d'B______.

7) Par courriel du 28 septembre 2021, les SIG ont indiqué à A______ avoir prolongé le délai de remise des offres jusqu'au 29 septembre 2021 à 16h00.

8) Le 28 septembre 2021, A______ a expédié son offre, laquelle a été reçue par les SIG le lendemain.

9) Par décision du 21 octobre 2021, notifiée le 27 octobre 2021, les SIG ont informé A______ que le marché avait été attribué à B______ pour un montant hors taxe sur la valeur ajoutée de CHF 82'687.25.

L'offre d'B______ remplissait pleinement les conditions qui lui permettaient d'être adjudicataire. Elle avait été jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d'évaluation (tableau de synthèse de l'analyse multicritères) annexée à la décision, qui en faisait partie intégrante.

Le tableau de synthèse de l'analyse multicritères, rectifié par la suite par les SIG (cf. infra 12, partie en fait), peut se résumer ainsi :

Nom du candidat

Montant de l'offre (CHF)

Critère n° 1

Critère n° 2

Critère n° 3

Total des points

Classement

A______

77'679.60

5

2,92

3,08

397,6

2

B______

82'678.50

4,41

3,50

4

400,68

1

10) Par acte déposé au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) le 4 novembre 2021, A______ a recouru contre la décision précitée, concluant sur mesures provisionnelles à ce qu'il soit fait interdiction aux SIG de conclure avec B______ tout contrat en lien avec le marché public en cause. Préalablement, l'effet suspensif au recours devait être octroyé. Elle a conclu principalement à l'annulation de la décision attaquée et à ce que la cause soit renvoyée aux SIG afin qu'une nouvelle décision soit rendue au sujet de son offre.

Elle soupçonnait B______ d'avoir établi les plans du dossier d'appel d'offres. Le milieu professionnel en cause étant restreint, la manière dont chaque plan était établi était particulièrement reconnaissable. De plus, B______ était la seule entreprise à travailler avec la marque de produits Securope, laquelle était mentionnée sur les plans du projet.

Elle avait préparé son dossier en se fondant sur les délais indiqués dans l'appel d'offres, lesquels avaient finalement été prolongés. Dans la mesure où elle était prête à déposer son offre dans les délais initialement fixés et où seules deux entreprises avaient été invitées, il était hautement probable que les SIG avaient prolongé les délais pour s'assurer qu'B______ fût en mesure de déposer la sienne dans le respect des délais. Cet indice supplémentaire tendait à démontrer le rapport de proximité entre les SIG et B______, laquelle n'aurait ainsi pas dû être invitée à participer au marché. Par ailleurs, les SIG auraient dû indiquer, dans les documents d'appel d'offres, le fait qu'B______ avait effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger et les raisons pour lesquelles, le cas échéant, elle pouvait néanmoins présenter une offre.

Les SIG avaient abusé de leur pouvoir d'appréciation dans l'attribution des notes s'agissant des critères d'adjudication « adéquation et qualité technique de l'offre » (2,92 sur 5) et « références du soumissionnaire » (3,08 sur 5), ce qui rendait la décision arbitraire. D'une part, l'ensemble du dossier envoyé aux SIG démontrait que son offre présentait les qualités techniques nécessaires justifiant une note bien plus élevée. Dans leurs réponses à ses questions, les SIG avaient relevé la pertinence des remarques, ce qui prouvait qu'ils n'avaient pas anticipé les problématiques qu'elle avait soulevées. Les SIG l'avaient assurée que ses questions et remarques seraient prises en considération dans le cadre de l'évaluation des offres. Il était difficile de comprendre en quoi les références qu'elle avait fournies ne remplissaient pas les exigences et les assurances que les SIG recherchaient s'agissant de la capacité de l'entreprise à réaliser les ouvrages commandés. Ses références concernaient trois ouvrages récemment exécutés dont la nature, l'ampleur et le coût présentaient de fortes similitudes avec les huit chantiers concernés par l'appel d'offres.

11) Le 4 novembre 2021, la juge déléguée a fait, à titre superprovisionnel, interdiction aux SIG de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête en restitution de l'effet suspensif.

12) Le 15 novembre 2021, les SIG ont conclu au rejet du recours et de la requête d’effet suspensif sous suite de frais.

Le tableau annexé à la décision d'adjudication comportait une faute de frappe. Le critère n° 1 n'était pas le prix, mais l'adéquation de l'offre au cahier des charges (pondération de 50 %), et le critère n° 2 était le prix (pondération de 40 %). Cette correction ne modifiait néanmoins pas le classement. Était ainsi joint un nouveau tableau de synthèse de l'analyse multicritères, qui peut se résumer comme suit :

 

 

Nom du candidat

Montant de l'offre (CHF)

Critère n° 2

Critère n° 1

Critère n° 3

Total des points

Classement

A______

77'679.60

5

2,92

3,08

376,8

2

B______

82'678.50

4,41

3,50

4

391,55

1

Ils avaient mandaté B______ en 2019, soit deux ans avant le lancement de l'appel d'offres, pour réaliser une étude sur dix-neuf de leurs ouvrages, lesquels comportaient des toits plats et en pente, afin d'avoir l'expertise de la société sur les normes applicables en matière de sécurisation de ces toitures. Ils en avaient utilisé le résultat pour élaborer le cahier des charges de l'appel d'offres et illustrer les normes applicables en matière de sécurité au travers de « plans photos ». B______ n'avait ainsi participé ni à l'élaboration ni à la préparation du cahier des charges de l'appel d'offres. Au demeurant, elle n'était pas la seule entreprise à travailler avec la marque de produits Securope.

B______ avait remis son offre le 24 septembre 2021, soit dans le premier délai fixé. A______ avait bénéficié d'un report du délai jusqu'au 29 septembre 2021, lequel avait été respecté.

B______ n'avait, certes, pas été mentionnée dans les documents d'appel d'offres, mais le fait qu'elle eût réalisé une étude deux ans auparavant ne lui procurait aucun avantage concurrentiel.

Ils n'avaient ni excédé ni abusé de leur pouvoir d'appréciation dans l'attribution des notes à A______. S'agissant du critère « adéquation de l'offre au cahier des charges », l'offre de cette dernière avait été jugée bonne, sans avantage particulier par rapport à B______. Le document relatif à son organigramme était trop générique par rapport à la prestation demandée et aucune cordonnée n'y figurait pour chaque contact. À l'inverse, l'organigramme d'B______, qui comportait par ailleurs quelques plus-values, était adapté à la prestation demandée et des coordonnées complètes y figuraient.

En recourant à un sous-traitant, contrairement à B______, A______ n'offrait pas d'avantage particulier. En effet, il y aurait ainsi sur le chantier deux intervenants, ce qui ne simplifiait pas la gestion de la prestation. Au demeurant, les références présentées par A______ étaient bonnes, mais moins avantageuses que celles d'B______, lesquelles démontraient que celle-ci était plus à même de faire face à des projets de grande envergure.

13) Après avoir interpellé les parties, le 17 novembre 2021, au sujet de l’appel en cause d'B______, lesquelles ne s'y sont pas opposées, la chambre administrative a appelé en cause B______ par décision du 30 novembre 2021 (ATA/1317/2021).

14) Dans sa réplique sur effet suspensif du 29 novembre 2021, A______ a exposé qu'B______ avait été impliquée dans le processus d'appel d'offres dans la mesure où l'établissement des plans des bâtiments visés par les travaux commandés devait être considéré comme une forme de préparation du marché.

En raison de sa connaissance préalable des particularités conceptuelles et techniques des bâtiments, elle avait été avantagée. A______ avait adressé aux SIG une liste de questions sur des détails concernant les bâtiments visés par le marché, ce qui n'avait apparemment pas été le cas d'B______, laquelle avait une connaissance préalable des réponses apportées aux questions soulevées par A______.

Un organigramme n'était pas établi en fonction d'une prestation demandée, mais de la configuration d'une entreprise. Si les SIG avaient voulu fixer des exigences particulières sur le contenu de l'organigramme de chaque soumissionnaire, ils auraient dû le mentionner dans le dossier d'appel d'offres.

La sous-traitance, qui ne portait que sur une part minime du marché (12 %), n'équivalait en l'occurrence pas à un consortium, de sorte que le seul intervenant pour les SIG aurait été A______.

La seule valeur financière d'un marché ne pouvait déterminer l'aptitude d'un concurrent à assurer des prestations d'une certaine complexité. Les SIG avaient comparé les références fournies par A______ avec celles d'un autre participant, alors que la notation aurait dû être évaluée en fonction des exigences indiquées dans le dossier d'appel d'offres. Sous cet angle, les références communiquées par A______ correspondaient en tout point au marché en concurrence. Si l'objectif avait consisté à présenter des références concernant les ouvrages les plus importants réalisés par les soumissionnaires, cela aurait dû ressortir de façon claire du dossier d'appel d'offres. Le cas échéant, A______ aurait fourni des références portant sur des marchés dont la valeur financière était nettement plus élevée.

15) Dans sa réponse au recours, B______ a expliqué que l'étude qu'elle avait effectuée pour les SIG en 2019 avait été réalisée, compte tenu de la simplicité des dispositifs de protection antichute à installer, sur la base de vues aériennes « 3D » et avait pour seul but l'établissement d'un budget.

Elle avait répondu à l'appel d'offres des SIG en septembre 2021, soit deux ans après la réalisation de cette étude, avec un dossier complet sur la base duquel les SIG lui avaient accordé le marché public. Elle n'avait en aucun cas été avantagée.

16) Dans leur réponse sur le fond, les SIG ont relevé que seul le critère du prix pouvait déceler un éventuel avantage concurrentiel. Or, dans la mesure où A______ avait présenté une offre plus avantageuse qu'B______ s'agissant du prix, aucun avantage concurrentiel n'avait été accordé à cette dernière.

A______ avait confondu l'organigramme générique exigé par l'annexe Q2 S, qui ne figurait pas parmi la liste des annexes du dossier d'appel d'offres, et l'annexe R8 S, qui elle y figurait et indiquait que le soumissionnaire devait fournir un organigramme opérationnel pour l'exécution du marché. Il n'existait aucune différence entre ce qui était indiqué sur le site internet de A______ et l'organigramme que cette dernière avait présenté, lequel ne donnait aucune indication sur l'organisation de l'exécution de la prestation mise en soumission. Cet organigramme ne présentait aucun avantage particulier par rapport à celui de son concurrent.

B______ avait fourni deux organigrammes, répondant aux attentes minimales prévues par l'annexe R8 S, pour deux situations concrètes relatives à l'exécution du marché. Ils offraient des avantages particuliers, notamment la mention des coordonnées de chaque personne intervenant dans la prestation. De la sorte, les SIG pourraient contacter ces personnes directement lors de l'exécution de la prestation.

Selon la jurisprudence, il n'était pas arbitraire qu'un soumissionnaire fût pénalisé pour le recours à la sous-traitance quand bien même la péjoration n'était pas annoncée dans les documents d'appel d'offres. A______ avait été pénalisée d'un point par rapport à B______, laquelle pouvait exécuter la prestation sans l'aide d'un tiers, conformément à l'échelle d'évaluation proposée par le Guide romand pour les marchés publics (ci-après : le Guide).

Certes, les trois références qu'avaient fournies A______ et B______ se rapportaient au type de marché à exécuter. Toutefois, les montants présentés par A______ (CHF 6'490.-, CHF 11'200.- et CHF 12'450.-) étaient nettement inférieurs au montant du marché mis en soumission, contrairement à ceux présentés par B______ (CHF 178'000.-, CHF 116'300.- et CHF 399'000-.). Les références de cette dernière étaient meilleures, et la différence de notation d'un point environ par référence se justifiait par le fait qu'B______ avait su démontrer de meilleures aptitudes que A______ ainsi que davantage d'expérience.

17) Par décision du 21 décembre 2021, la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond (ATA/1381/2021).

18) Les SIG ont informé la chambre administrative, le 14 janvier 2022, avoir passé commande auprès d'B______ le 23 décembre 2021, de sorte que le marché ne pouvait plus être attribué à A______.

19) Par réplique du 4 février 2022, A______ a relevé que dans la mesure où le contrat avait été conclu entre les SIG et B______, elle ne pouvait désormais que se prévaloir du caractère illicite de la décision litigieuse et demander la réparation de son dommage, soit les dépenses encourues en relation avec les procédures de soumission, respectivement de recours. Les premières s'élevaient à CHF 4'620.35 et les secondes à CHF 13'000.- selon factures et notes d'honoraires produites. Elle concluait donc désormais au versement de CHF 17'620.35, plus intérêts à 5 % l'an à compter du 4 février 2022.

Les SIG avaient utilisé les plans établis par B______ dans le cadre de l'étude complète commandée pour représenter les huit ouvrages faisant l'objet de l'appel d'offres. La question de la « préimplication » pouvait se poser, comme retenu par la chambre administrative dans sa décision du 21 décembre 2021, et pour cause. Indépendamment de l'objectif de l'« étude complète concernant la mise en sécurité des toitures eau potable » réalisée par B______, l'on ne pouvait nier que l'objectif était un préalable nécessaire au marché public désormais commandé. En effet, il ressortait du courrier des SIG du 14 janvier 2022 qu'ils avaient passé commande auprès d'B______ pour une prestation de « mise en sécurité de toitures », de sorte qu'il existait une identité des objets, soit le cas visé par la jurisprudence fédérale. B______ avait été « préimpliquée », puisque les résultats de son expertise, en particulier les plans érigés à cette occasion, avaient servi de base au projet et au dossier d'appel d'offres.

Compte tenu de cette préimplication, l'avantage concurrentiel profitant à B______ devait être présumé. Elle ne partageait à cet égard pas l'opinion des SIG selon laquelle si un avantage concurrentiel devait exister, seul le critère du prix pourrait le déceler. Il ressortait du tableau multicritères et des explications fournies par les SIG que le critère n° 1 portait sur l'adéquation et la qualité technique de l'offre, représentant la plus importante pondération, soit 50 %. Dans leurs écritures du 15 novembre 2021, les SIG prétendaient que ce critère n'aurait été analysé que sur la base des annexes R8 S et R15 S, ce qui n'était pas crédible. Il était certain qu'afin d'analyser la qualité technique de l'offre, le pouvoir adjudicataire devait évaluer, d'une façon ou d'une autre, le degré de compréhension du dossier par le participant, en particulier au regard du cahier de charges et des prestations à exécuter. Il s'agissait d'ailleurs précisément de l'un des éléments d'appréciation recensés par le Guide. Ainsi, elle persistait à penser qu'en raison de sa connaissance préalable des ouvrages, B______ avait immanquablement été avantagée dans la notation du critère n° 1, dès lors qu'elle était familière avec les particularités conceptuelles et techniques des bâtiments. Le principe de la garantie d'une concurrence efficace avait été violé.

La jurisprudence citée par les SIG en lien avec la sous-traitance devait être replacée dans son contexte, dans la mesure où elle concernait des travaux de référence, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. En outre, il n’était, selon le Tribunal fédéral, pas insoutenable de pénaliser un soumissionnaire dès lors qu'il recourait de façon importante à la sous-traitance, qui dans le cas présent ne concernait qu'une partie minime du marché, soit 12 %.

Dans la mesure où la commande passée par les SIG s'élevait à CHF 82'678.50, elle peinait à comprendre pour quelle raison ils contestaient que la valeur du marché corresponde à CHF 80'000.- décomposés en CHF 10'000.- pour les huit ouvrages en cause. Or, à cet égard, les références qu'elle avait produites étaient parfaitement en accord et cohérentes avec l'objet mis en concurrence, contrairement à celles fournies par B______ de valeurs de CHF 178'000.-, CHF 116'300.- et CHF 399'000.-. D'un point de vue financier, la situation n'était donc absolument pas comparable entre ces divers marchés. En outre, les SIG, en favorisant des références basées sur leur coût plus élevé uniquement l'avaient injustement pénalisée et avaient traité les deux dossiers de manière inégale. En effet, si elle avait su, avant d'adresser son dossier d'appel d'offres, que des références pour des ouvrages plus onéreux lui auraient permis d'obtenir une meilleure note, elle n'aurait eu aucun mal à les fournir.

20) Les parties ont été informées, le 7 février 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2) a. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Dans le canton de Genève, la procédure sur invitation est prévue par l'art. 14 RMP. Elle consiste à inviter directement et sans publication les candidats à présenter une offre. L'autorité adjudicatrice doit demander, dans la mesure du possible, au moins trois offres.

3) La recourante soutient que l'adjudicataire aurait dû être exclue du marché, dans la mesure où elle aurait participé à la préparation de l’appel d’offres.

a. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. La liberté économique, telle que consacrée par l'art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), a pour but de protéger toute activité économique privée tendant à la production d'un gain, soit toute activité exercée par une personne dans un but lucratif. Elle garantit l'existence d'un ordre économique fondé sur le marché et sur un minimum de concurrence (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/ Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2021, n. 960 et 1035 et les arrêts cités).

L'art. 27 Cst. consacre, selon la jurisprudence, le principe d'égalité de traitement dans un domaine spécifique, celui des rapports entre des personnes en concurrence directe. Selon le Tribunal fédéral, cette disposition offre une protection qui va au-delà de celle qu'assure l'art. 8 Cst. (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, op.cit., n. 1114 et les arrêts cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 589).

c. En droit fédéral des marchés publics, l'art. 14 de la loi fédérale sur les marchés publics du 21 juin 2019 (LMP - RS 172.056.1) entrée en vigueur le 1er janvier 2021 prévoit que les soumissionnaires qui ont participé à la préparation d’une procédure d’adjudication ne sont pas autorisés à présenter une offre lorsque l’avantage concurrentiel ainsi acquis ne peut être compensé par des moyens appropriés et que l’exclusion ne compromet pas la concurrence efficace entre soumissionnaires (al. 1). Les moyens appropriés pour compenser un avantage concurrentiel sont en particulier la transmission de toutes les indications essentielles concernant les travaux préalables (al. 2 let. a), la communication des noms des participants à la préparation du marché (al. 2 let. b), la prolongation des délais minimaux (al. 2 let. c). Une étude de marché requise par l’adjudicateur préalablement à l’appel d’offres n’entraîne pas la préimplication des soumissionnaires mandatés. L’adjudicateur publie les résultats de l’étude de marché dans les documents d’appel d’offres (al. 3).

Dans son message du 15 février 2017 concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics, le Conseil fédéral indique que le but d’un appel d’offres public est d’acquérir des prestations, non d’analyser le marché. L’adjudicateur est tenu de se faire une idée des solutions proposées sur le marché avant de lancer un appel d’offres. Il peut donc être amené à procéder à une étude de marché ou à confier cette tâche à un tiers indépendant. Du moment que ses résultats sont communiqués lors de la remise des documents d’appel d’offres, une telle étude de marché n’entraîne pas la préimplication des prestataires contactés avant l’appel d’offres. Si la communication de ces résultats permet de compenser l’avantage en matière d’information acquis par le tiers chargé d’effectuer l’étude et que ce dernier est nommé dans les documents d’appel d’offres, ce tiers n’est pas préimpliqué non plus. Cela vaut en particulier dans les cas où une exclusion aurait pour conséquence une absence objective de concurrence résiduelle (FF 2017 1695, p. 1763).

d. Aux termes de l'art. 31 RMP, ne peuvent présenter d'offre les membres de l'autorité adjudicatrice qui participent à la préparation et à l'élaboration des documents d'appel d'offres ou aux procédures de passation des marchés publics (al. 1 let. a) ainsi que les mandataires qui assistent l'autorité adjudicatrice dans l'organisation de la procédure d'appel d'offres ou l'établissement des documents d'appel d'offres (al. 1 let. b). L'autorité adjudicatrice indique, dans les documents d'appel d'offres, si le prestataire ayant effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger peut présenter une offre et pour quels motifs (al. 2).

e. Il y a préimplication lorsqu'un soumissionnaire a participé à la procédure d'appel d'offres, par exemple en établissant les bases du projet, en élaborant les documents d'appel d'offres ou encore en fournissant au pouvoir adjudicateur des informations sur des données spécifiques techniques concernant les biens à acquérir (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 du 25 janvier 2005 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-4602/2019 du 4 mars 2020 consid. 3.1.2 ; B-6708/2017 du 9 mai 2019 consid. 3.1.2 ; B-5439/2015 du 25 septembre 2017 consid. 3.1.5 ; Christoph JÄGER, Direkte und indirekte Vorbefassung im Vergabeverfahren, DC 1/2011 p. 4 ss, not. p. 5). Une telle préimplication est susceptible de porter atteinte au principe de l'égalité de traitement entre concurrents ; le soumissionnaire se trouvant dans une telle situation peut en effet être tenté d'influencer le pouvoir adjudicateur en ce sens que le nouveau marché soit configuré en fonction de son produit ou de sa prestation ; il peut aussi mettre à profit les connaissances acquises durant la préparation de la procédure de passation ou encore tenter d'influencer le pouvoir adjudicateur en se servant des contacts établis avec les personnes (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 précité consid. 3.1 ; Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3ème éd., Zurich 2013, n. 1043 s.). Le soumissionnaire préimpliqué est en outre privilégié par rapport aux autres candidats, dans la mesure où il bénéficie de meilleures connaissances du projet et par le fait qu’il dispose de plus de temps pour établir son offre (Denis ESSEIVA in DC 2/2007 S9).

Selon la jurisprudence, la préimplication d'un soumissionnaire conduit en principe à son exclusion. Toutefois, le seul fait qu'un soumissionnaire, en exécutant un mandat dans le cadre d'un projet déjà défini, s'est procuré des avantages qu'il peut mettre à profit lors de la mise au concours d'autres étapes du même projet, ne conduit pas nécessairement à son exclusion. Le principe de l'utilisation économique des deniers publics, qui doit être pris en compte à l'instar du principe de non-discrimination, peut même imposer d'exploiter de telles synergies, pour autant que les règles du droit des marchés soient respectées (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 précité consid. 5.7.1). Un soumissionnaire préimpliqué peut ainsi prendre part à la procédure notamment lorsque l'avantage en termes de connaissances par rapport aux concurrents est peu important ou que sa contribution à la préparation de l'appel d'offres apparaît comme mineure ; il en va de même lorsque seul un petit nombre de soumissionnaires peuvent offrir la prestation mise en soumission ou encore quand les concurrents sont informés en toute transparence de la contribution du soumissionnaire concerné et de son avantage en termes de connaissances (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 précité consid. 3.3 ; ATAF 3013/2012 du 31 août 2012 consid. 3.6). Il n'y a pas lieu d'exclure un soumissionnaire si l'avantage concurrentiel peut être compensé par le pouvoir adjudicateur. Celui-ci, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, examinera dans le respect du principe de la proportionnalité les moyens à ordonner (décision incidente du TAF B-6653/2016 du 29 novembre 2016 consid. 7.2 in fine ; Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, op. cit., n. 1045 ; Etienne POLTIER, Droit des marchés publics, Berne 2014, n. 280). La jurisprudence sur le devoir de récusation des juges, qui naît de l'apparence de partialité objective, n’est pas applicable au soumissionnaire préimpliqué ; il n’y a pas lieu d’exclure celui-ci tant et aussi longtemps que la preuve de l’existence d’un avantage concurrentiel résultant de sa participation à la configuration du marché n’est pas apportée ; le fardeau de cette preuve incombe aux autres soumissionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 précité consid. 5.7.3).

Les avis divergent sur la répartition du fardeau de la preuve dans le cas de prétendus avantages concurrentiels résultant d'une implication préalable. Selon la règle générale, la personne qui veut tirer des droits d'un fait allégué doit en prouver l'existence (art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC – RS 210) ; en cas de contestation d'une attribution de marché, le soumissionnaire qui prétend avoir de meilleures chances de se voir attribuer le marché en excluant le soumissionnaire prétendument préimpliqué doit prouver la préimplication de même que sa nature et son intensité. Que la préimplication entraîne un avantage concurrentiel est une présomption légale ; en revanche, qu'aucun avantage de ce type n'a été obtenu dans le cas d'espèce ou que l'avantage a été suffisamment compensé incombe, selon les circonstances, soit au pouvoir adjudicateur, soit au soumissionnaire préimpliqué (ATAF 2020 IV/6 consid. 3.1.3 et les références citées).

Le cas du renouvellement d’un mandat antérieur soulève des difficultés analogues à celui de la participation à la préparation de la procédure d'appel d'offres. Il est toutefois généralement admis que l’entreprise précédemment au bénéfice du mandat est habilitée à concourir à nouveau (Etienne POLTIER, op. cit., n. 281 et référence citée ; Cédric HÄNER, in : Hans Rudolf Trüeb [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, n. 9 ad art. 14 LMP et les références). Le seul fait qu’un soumissionnaire a déjà été fournisseur des biens mis en soumission ne constitue pas une préimplication illicite ; il en résulte que l'offre faite par le fournisseur précédent ne peut être considérée comme un avantage concurrentiel que le pouvoir adjudicateur aurait dû divulguer et compenser (ATAF B-5439/2015 précité consid. 3.1.11 et les références citées).

Le grief ayant trait à la préimplication d’un soumissionnaire doit, par analogie avec les règles sur les demandes de récusation, être soulevé immédiatement, c'est-à-dire en principe lorsque l'intéressé prend connaissance de faits à partir desquels une préimplication peut être déduite (ATAF B-1958/2013 du 23 juillet 2013 consid. 2.3). Celui qui laisse se dérouler la procédure d’attribution du marché et attend pour agir de voir si l’adjudication lui est favorable contrevient aux règles de la bonne foi ; il est alors forclos pour se plaindre de la préimplication (Tribunal cantonal FR 602 2011-32 du 28 juillet 2011, résumé in DC 1/2013 n. 16). Le simple fait d'avoir pris connaissance de l'avis de concours et du dossier d'appel d'offres ne peut cependant être considéré comme suffisant à cet égard, même lorsqu'ils indiquent qu'un concurrent a participé à la préparation de l'appel d’offres (Christoph JÄGER, Die Vorbefassung des Anbieters im öffentlichen Beschaffungsrecht, 2009, p. 282 ; contra TA SG B 2018/53 du 1er mars 2018, résumé in DC 1/2019 n. 19). La péremption du droit d’invoquer ce grief n’entre en considération que si l’adjudicateur a respecté son devoir d’information et de transparence, en exposant clairement les faits qui permettaient aux soumissionnaires de se rendre compte aisément du genre et de l’importance de la participation d’un de leurs concurrents à la procédure (Tribunal cantonal FR 602 2011-32 précité).

f. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a fait référence à l'arrêt 2P.122/2000 du 6 novembre 2000 dans lequel la question de préimplication n'a pas été approfondie dès lors que les documents qui avaient été fournis par un soumissionnaire afin de préparer l'appel d'offres avaient été remis à tous les soumissionnaires qui en avaient profité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2.1.3).

g. Le principe de célérité impose, en matière de marchés publics, à tout soumissionnaire qui constate une irrégularité dans le déroulement de la procédure d'appel d'offres, de la signaler sans attendre à l'adjudicateur, au risque d'adopter un comportement contraire aux principes de la bonne foi et de la sécurité du droit (ATF 130 I 241 consid. 4.3).

h. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'adjudicataire a réalisé une étude pour l'autorité intimée deux ans avant le lancement du marché public. Entre le 28 novembre 2018 et le 17 juin 2019, elle a dessiné des plans d'ouvrages appartenant à cette dernière, lesquels ont été annexés au dossier d'appel d'offres afin d'illustrer les normes applicables en matière de sécurité. Alors que l'autorité intimée et l'adjudicataire soutiennent qu'en dépit de cette étude, l'adjudicataire n'a participé ni à l'élaboration ni à la préparation du cahier des charges de l'appel d'offres et n'a retiré aucun avantage concurrentiel de la réalisation de ladite étude, la recourante estime au contraire que l'adjudicataire a été préimpliquée dans le processus d'appel d'offres. Elle considère, d'une part, que l'établissement des plans est une forme de préparation du marché et que, d'autre part, l'adjudicataire a été avantagée de par sa connaissance préalable des particularités des bâtiments.

Il convient dès lors de déterminer si ces faits sont constitutifs de préimplication.

i. En l'occurrence, l'adjudicataire n'a ni été associée ni été impliquée à proprement parler dans la préparation ou l'élaboration même du dossier d'appel d'offres ; une partie de son travail effectué deux ans auparavant a seulement été repris dans les documents de l'appel d'offres.

La situation du présent dossier s'apparente à celle évoquée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 2C_66/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2.1.3 (2P.122/2000 précité), en ce sens que la recourante a également bénéficié des documents établis à l'époque par l'adjudicataire. Elle a ainsi pu se baser, dans une certaine mesure, sur ces plans, lesquels contiennent les particularités conceptuelles et techniques des bâtiments, lorsqu'elle a élaboré sa propre offre. Rien ne démontre que l'étude préalablement effectuée par l'adjudicataire lui aurait conféré un avantage particulier, et encore moins décisif, dans la participation au marché litigieux. En effet, les documents dont il est question se limitent à des photographies des toits concernés avec les longueurs de ligne de vie, de barrière et le nombre de points d'ancrage nécessaires. Au surplus, selon les explications de l'adjudicataire, son étude avait eu pour but l'établissement d'un budget. Or, la recourante a formulé l'offre la plus avantageuse. Elle a d'ailleurs obtenu la meilleure note possible s'agissant du critère du prix (5).

Le fait qu’elle ait adressé à l'autorité intimée une liste de questions portant sur des détails concernant ces bâtiments, contrairement à l'adjudicataire, n'est pas non plus de nature à démontrer que cette dernière avait une connaissance préalable des réponses apportées à ces questions. En effet, il s'agit là d'une simple supposition qui ne se fonde sur aucun élément concret.

Ainsi, faute pour la recourante d'avoir démontré la nature et l'intensité de la préimplication de l'adjudicataire dans le marché en cause et dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que l'appelée en cause aurait bénéficié d'informations privilégiées dans le domaine de la sécurisation des toitures ou d'un avantage concurrentiel précis à ce propos, la chambre administrative retiendra qu'il n'y a pas eu préimplication de l'adjudicataire devant conduire, pour ce motif, à son exclusion du marché public en cause.

Néanmoins et conformément à l'art. 31 al. 2 RMP, l'adjudicateur devait préciser que les plans figurant au dossier de l'appel d'offres étaient issus d'une étude réalisée deux ans auparavant par l'adjudicataire. Il devait également préciser les motifs permettant à l'adjudicataire de présenter une offre, puisque la prestation effectuée préalablement était en lien avec le marché à adjuger.

Partant, il convient de déterminer les conséquences juridiques rattachées à la violation de l'art. 31 al. 2 RMP. Cette question, à laquelle la loi ne répond pas, ne semble pas avoir été tranchée.

4) a. La chambre de céans s'est toujours montrée stricte au sujet du formalisme qui caractérise le domaine des marchés publics (ATA/437/2019 du 16 avril 2019 consid. 8a et les arrêts cités), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_418/2014 du 20 août 2014 consid. 4 ; 2C_197 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010 consid. 6) pour autant que la même rigueur, respectivement la même flexibilité soit appliquée à l’égard des différents soumissionnaires (ATA/753/2016 du 6 septembre 2016 consid. 4f ; ATA/256/2016 du 22 mars 2016 consid. 6 ; ATA/175/2016 du 23 février 2016 consid. 4 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Droit des marchés publics 2008, n. 63 p. 186, n. 64 p. 186 et n. 66 p. 187 ; Olivier RODONDI, Les délais en droit des marchés publics, in RDAF 2007 I 187 et 289). Ledit formalisme permet en effet de respecter notamment le principe d’intangibilité des offres remises, de même que celui de l’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/175/2016 précité consid. 4 ; ATA/129/2014 du 4 mars 2014 consid. 7).

b. Le principe de la transparence applicable au droit des marchés publics exige tout d'abord que le pouvoir adjudicateur fasse connaître les principales étapes de la procédure et leur contenu et qu'il indique à l'avance aux soumissionnaires potentiels tous les éléments minimaux et utiles leur permettant de déposer une offre valable et correspondant pleinement aux conditions posées (ATF 125 II 86 consid. 7c). Il est essentiel que l'autorité adjudicatrice décrive soigneusement l'objet du marché et les conditions qui lui sont applicables ; cela suppose qu'elle ait procédé à une définition précise de ses besoins. En présence d'un descriptif imprécis, la faculté des entreprises de poser des questions au pouvoir adjudicateur ne constituera en règle générale pas un correctif suffisant (arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud GE.2003.0064 du 29 août 2003 consid. 3a ; Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3ème éd., 2013, p. 175 ss).

c. En l'espèce, et comme vu ci-dessus, l'autorité adjudicatrice a violé l'art. 31 al. 2 RMP.

Les obligations contenues dans cet article ne sauraient être éludées au seul motif que l'adjudicataire n'a retiré aucun avantage concurrentiel de la réalisation de son étude en 2019. En effet, le respect des principes de transparence et d'égalité de traitement implique que les soumissionnaires doivent être informés de tout fait susceptible de faire naître un sentiment de partialité dans le processus de passation des marchés publics, indépendamment de l'existence ou non d'un avantage concurrentiel. Cela est d'autant plus problématique qu'il s'agissait, en l'occurrence, d'une procédure sur invitation limitée à deux offres, alors que l'art. 14 RMP précise que, dans la mesure du possible, trois offres doivent être demandées par l'autorité adjudicatrice.

Il ressort en outre de l'offre de l'adjudicataire que ses plans, au contraire de ceux de la recourante, portent la mention de son auteur, à savoir l'adjudicataire elle-même et l'indication suivante « Ce plan est la propriété de la société B______. Il ne peut être reproduit, communiqué, utilisé sans notre autorisation ». Il n'est ainsi pas impossible que les dossiers d'appel d'offre transmis par l'adjudicateur aux soumissionnaires ne fussent pas identiques.

Dès lors, en n'indiquant pas, dans les documents d'appel d'offres, que l'adjudicataire avait effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger et les motifs lui permettant de présenter une offre, le pouvoir adjudicateur a violé les principes de transparence et d’égalité de traitement entre soumissionnaires.

Ces éléments rendent illicite l'adjudication, ce qui sera constaté.

5) a. Une fois le caractère illicite de la décision constaté, la recourante peut demander devant l'autorité compétente la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu'elle a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours. Le cas échéant, la chambre administrative donne un délai à la recourante permettant à celle-ci de quantifier et de motiver sa prétention (art. 3 al. 3 L-AIMP).

b. Par dépenses « subies en relation avec les procédures de soumission et de recours » au sens de l'art. 3 al. 3 L-AIMP, le législateur visait les dépenses exposées par le soumissionnaire lésé ; les dépenses inutiles ou superflues, engagées par ce dernier du fait d'une mauvaise gestion ou de circonstances exorbitantes auxdites procédures, en étaient exclues (ATA/437/2019 précité consid. 9b et les références citées). Du point de vue du droit de la responsabilité, il n'est en effet pas possible d'imputer à l'auteur du dommage – fût-ce une collectivité publique – une lésion qui ne se serait pas produite en présence d'une gestion normale et régulière de la société. Cette condition découle du principe de causalité adéquate qui exige qu'il existe un rapport raisonnable entre le dommage subi et l'illicéité de la décision (ATF 131 III 12 consid. 4 et les références citées).

c. La L-AIMP est calquée, de ce point de vue, sur la LMP qui prévoyait, à son art. 34 al. 2 dans sa teneur jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle LMP le 1er janvier 2021, une limitation de la responsabilité aux dépenses « nécessaires » engagées par le soumissionnaire en relation avec les procédures d'adjudication et de recours. Plus explicitement que dans la loi cantonale, mais de la même manière, la LMP exclut les dépenses subies par le soumissionnaire lésé qui sortent du cadre des dépenses ordinaires consenties par une société régulièrement administrée (ATA/548/2021 du 25 mai 2021 consid. 3d ; ATA/437/2019 précité consid. 9c et les références citées). La réparation des frais relatifs à la procédure de recours au titre de la responsabilité spéciale en matière de marchés publics couvre la différence entre les frais encourus à ce titre et ceux couverts par les dépens. La couverture va au-delà des règles ordinaires en matière de responsabilité de l'État (Evelyne CLERC, L'ouverture des marchés publics : effectivité et protection juridique, 1997, p. 614).

d. Selon la jurisprudence de la juridiction de céans, le dommage que peut donc réclamer un recourant en se fondant sur l'art. 3 al. 3 L-AIMP est limité à la réparation des impenses engagées dans la procédure de soumission, y inclus le remboursement de ses frais d'avocat, à défaut de la réparation du gain manqué, voire d'autres indemnités susceptibles d'être réclamées en raison notamment de la conclusion anticipée du contrat (ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 12c) ou de l'interruption de la procédure d'adjudication. Le montant du dommage subi, les frais allégués à ce titre par le recourant doivent être en lien avec la procédure, conformément au principe du lien de causalité (ATA/1355/2018 du 18 décembre 2018 consid. 9d et les références citées).

e. Selon la jurisprudence, l'État et les administrés sont tenus de payer des intérêts moratoires de 5 % lorsqu'ils sont en demeure d'exécuter une obligation pécuniaire de droit public. Il s'agit là d'un principe général du droit, non écrit, auquel la loi peut certes déroger, mais qui prévaut lorsque celle-ci ne prévoit rien, comme c'est le cas en l'espèce (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; 1C_524/2014 du 24 février 2016 consid. 10.1). La mise en demeure intervient le jour où le lésé demande le paiement de son dommage (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 15).

f. En l'espèce, il ressort de l'art. 3 L-AIMP que la chambre de céans, soit l'autorité judiciaire compétente au sens de l'art. 15 al. 1 AIMP, après avoir constaté l'illicéité de l'adjudication, statue directement sur les prétentions en réparation du dommage formulées par la recourante.

La recourante a chiffré ses prétentions le 4 février 2022 à hauteur de CHF 17'620.35, correspondant à ses frais de soumission et ses frais d’avocat.

Le montant de CHF 4'620.35 allégué au titre de frais encourus dans le cadre de la soumission, selon la facture du 26 janvier 2022, doit être réduit du poste « Temps de réserve pour suite de procédure ». En effet et outre le fait que la recourante bénéficie des services d'un avocat, le présent arrêt rend infondé ce temps comptabilisé. Ainsi, le montant admis par la chambre de céans sera de CHF 4'060.30 (CHF 4'290.- - CHF 520.- = CHF 3'770.- ; 7,7 % / CHF 3'770.- = CHF 4'060.30).

La recourante expose également avoir encouru CHF 13'000.- d'honoraires et frais d'avocat pour la procédure de recours. Compte tenu du volume de travail que le contentieux a généré pour son conseil et du tarif horaire de CHF 400.- appliqué, qui est inférieur au tarif usuel pratiqué par les avocats à Genève (CHF 450.-), ce poste de la demande d'indemnisation sera aussi admis, comprenant les CHF 574.80 de frais administratifs, seul devant en être déduit le montant de l'indemnité de procédure à l'octroi de laquelle la recourante a conclu (ATA/548/2021 précité consid. 5b et l'arrêt cité).

S'agissant des intérêts moratoires, à 5 %, il ressort de la jurisprudence que la mise en demeure intervient le jour où le lésé demande le paiement de son dommage, date qui correspond en l'occurrence à celle du dépôt des conclusions en indemnisation formées par la recourante, soit au 4 février 2022 (ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 15).

Il s'ensuit que le recours sera partiellement admis.

6) Vu ce qui précède, aucun émolument ne sera mis à la charge des SIG, qui en sont dispensés de par la loi (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA), ni de l'appelée en cause, qui n'a pris aucune conclusion sur le fond. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera en revanche allouée à la recourante, à la charge des SIG (art. 87 al. 2 LPA).

Les SIG seront donc condamnés à verser à la recourante la somme de CHF 15'560.30 (soit le montant de CHF 17'060.30 [obtenu par l'addition des montants retenus de CHF 4'060.30 + CHF 13'000.-] dont est soustraite l'indemnité de procédure de CHF 1'500.-), somme portant intérêts moratoires à 5 % l’an dès le 4 février 2022.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 2021 par A______ contre la décision des Services industriels de Genève du 21 octobre 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate l'illicéité de la décision d'adjudication des Services industriels de Genève du 21 octobre 2021 ;

condamne les Services industriels de Genève à verser à A______ la somme de CHF 15'560.30, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 4 février 2022 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______, à la charge des Services industriels de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Raphaël Quinodoz, avocat de la recourante, aux Services industriels de Genève, à B______, appelée en cause, ainsi qu’à la Commission de la concurrence.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :