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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4016/2023

ATA/702/2024 du 10.06.2024 sur JTAPI/53/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit

publique et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4016/2023-ICCIFD ATA/702/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2024

4e section

 

dans la cause

 

B______ et A______ recourants
représentés par Me Nicolas MERLINO, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 janvier 2024 (JTAPI/53/2024)


EN FAIT

A. a. Le 24 octobre 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a rejeté la réclamation de B______ et A______ concernant leur taxation pour l'année fiscale 2018.

b. Sous la plume de leur mandataire, les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation. Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4016/2023.

c. Le 4 décembre 2023, par pli recommandé, le TAPI leur a imparti un délai échéant le 3 janvier 2024 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 900.-, sous peine d’irrecevabilité.

L’envoi recommandé a été distribué au mandataire des contribuables le 5 décembre 2023, selon le système du suivi des envois mis en place par la Poste « Track & Trace ».

d. L’avance de frais n’a pas été effectuée dans le délai imparti.

e. Par jugement du 23 janvier 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La demande de paiement de l'avance de frais avait été correctement acheminée, pour courrier recommandé du 4 décembre 2023, à l'adresse du conseil des recourants, qui correspondait par ailleurs à celle indiquée dans l'acte de recours. Elle avait été reçue le 5 décembre 2023 par le conseil des intéressés, ainsi que cela ressortait du relevé « Track & Trace ». Or, l'avance de frais n'avait pas été effectuée dans le délai imparti. Rien ne permettait de retenir que les contribuables avaient été victimes d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé.

B. a. Par acte remis à la poste le 26 février 2024, B______ et A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, concluant à son annulation. Ils ont conclu préalablement à l'audition de A______ et subsidiairement à la jonction des causes A/4015/2023 et A/4016/2023.

Ils ne contestaient pas avoir reçu la demande de l'avance de frais et omis de s'en acquitter. Cette omission s'expliquait par une confusion due à l'âge avancé de A______, 78 ans, qui avait cru qu'une seule avance de frais devait être payée pour la résolution de son dossier et de celui de son défunt frère, dès lors qu'il s'agissait de la même transaction avec un état de fait analogue. Cette confusion avait été accentuée par le fait qu'était souligné en jaune, dans la facture relative à l'avance de frais, le passage selon lequel seule l'une des parties recourantes devait régler la facture. En effet, l'hoirie de son frère était actuellement engagée dans une affaire identique (cause A/4015/2023) et avait effectué le paiement de l'avance de frais en temps opportun. La conséquence de l'irrecevabilité du recours était l'entrée en force de la décision sous-jacente. Une telle issue pourrait leur imposer le paiement d'une somme de CHF 450'000.- dont ils ne disposaient pas. Dans le souci d'éviter des conséquences disproportionnées et d'assurer l'équité dans le traitement des parties, ils sollicitaient un délai de grâce pour le paiement de l'avance de frais. À défaut, leur cause devait être jointe à celle de l'hoirie de son frère pour qu'ils puissent bénéficier du même traitement fiscal que celle-ci.

b. L'AFC-GE s'en est remise à justice quant à l'issue de la procédure. Dans le cas où le recours devait être admis, elle concluait à ce que les éventuels frais soient imputés au TAPI.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Les recourants sollicitent l'audition de A______.

2.1 Le droit d’être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2).

 

2.2 En l'espèce, les recourants ont pu faire valoir leurs arguments par écrit et ont produit les pièces qu’ils jugeaient nécessaires pour appuyer leurs allégués. Le dossier contient ainsi suffisamment d’éléments pour que le litige soit tranché en connaissance de cause. Les recourants n’indiquent d'ailleurs pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige qu’ils n’auraient pu produire par écrit l'audition de A______ serait susceptible d’apporter. Par surabondance, il apparaît que, vu les développements qui seront exposés ci-après, l'audition de A______ n'est pas de nature à influer sur l'issue du litige.

Il ne sera donc pas fait droit à la requête des recourants.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement d’irrecevabilité prononcé par le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais.

3.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1).

3.2 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/184/2024 précité consid. 2.2 et les arrêts cités). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible. Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et les références citées), partant à son représentant (ATA/184/2024 précité consid. 2.2 et les arrêts cités).

En revanche, la maladie n’est admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place. Ainsi, selon la jurisprudence de la chambre de céans, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant, de même qu’une dépression importante. Même le cas d’un administré atteint d’un cancer dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois n’a pas été considéré comme cas de force majeure (ATA/184/2024 précité consid. 2.2 et les arrêts cités).

Il découle en outre de la jurisprudence que tant la partie que son mandataire doivent avoir un comportement exempt de toute faute (ATF 119 II 86 consid. 2 ; 114 II 181 consid. 2). Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3).

3.3 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 Cst. et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

3.4 L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1). Ainsi en va‑t‑il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1).

3.5 De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2). De jurisprudence constante, la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).

3.6 Les principes de la légalité et de l'égalité de traitement ancrés aux art. 5 al. 1 et 8 al. 1 Cst. s'opposent à ce que soit prise en compte la gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation de la partie recourante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_107/2019 du 27 mai 2019 consid. 6.3).

3.7 En l'espèce, les recourants ne contestent pas avoir été informés du délai imparti pour verser l'avance de frais, du caractère suffisant dudit délai, ainsi que des conséquences d'une absence de versement en temps voulu. Ils n'ont toutefois pas effectué le versement, ce qu'ils ne contestent pas non plus.

Devant la chambre de céans, les recourants invoquent une confusion due à l'âge avancé de A______ (78 ans), qui avait cru qu'une seule avance de frais devait être payée pour la résolution de son dossier et de celui de son défunt frère. Cette confusion avait été accentuée par le fait qu'était soulignée en jaune, dans la facture relative à l'avance de frais, le passage selon lequel seule l'une des parties recourantes devait régler la facture.

Or, la chambre de céans observe que les recourants n'allèguent pas que A______ souffrirait d'une maladie entraînant une incapacité de discernement, ni a fortiori ne le démontrent. Un âge « avancé », soit 78 ans en l'occurrence, ne constitue pas un cas de force majeure justifiant une restitution du délai. Les recourants ne soutiennent pas non plus que les proches de A______, en particulier son épouse, n'auraient pas été en mesure de s'assurer du paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

En tout état de cause, les recourants ont confié à un tiers, soit leur conseil et avocat, la défense de leurs intérêts, déjà au stade du recours devant le TAPI, si bien que l'état de santé du recourant ne peut pas être admis comme motif d'excuse. De même, il appartenait également à l'avocat de s'assurer du paiement de l'avance de frais dans le délai imparti et de dissiper toute éventuelle confusion sur l'indication, dans la facture relative à l'avance de frais, selon laquelle seule l'une des parties recourantes (soit B______ ou A______) devait régler la facture. Cette indication ne saurait ainsi être considérée comme un cas de force majeure, malgré l'âge de A______.

Enfin, les recourants se prévalent en vain de la conséquence de l'irrecevabilité du recours déposé devant le TAPI, soit le paiement d'une somme de CHF 450'000.- dont ils ne disposeraient pas, puisque de jurisprudence constante, la gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente.

Dans ces circonstances, la chambre de céans ne peut que constater que, l'avance de frais n'ayant pas été acquittée dans le délai imparti, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable, conformément à l'art. 86 al. 2 LPA.

 

 

 

4.             Les recourants sollicitent encore la jonction de la présente cause avec la cause A/4015/2023.

4.1 Selon l'art. 70 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).

4.2 En l'espèce, la cause A/4015/2023 n'est pas en cours devant la chambre de céans. Dès lors, l'art. 70 LPA ne peut pas s'appliquer. La jonction de causes ne sera donc pas ordonnée.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 février 2024 par B______ et A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de B______ et A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas MERLINO, avocat des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :