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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1242/2024

ATA/716/2024 du 13.06.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1242/2024-FPUBL ATA/716/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 13 juin 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE intimée

 



Attendu, en fait, que :

1. A______, né le ______ 1990, a été engagé le 24 mai 2023 au sein de l’administration cantonale en qualité d’aspirant policier.

2. La lettre d’engagement précisait que la durée de la formation académique était de douze mois et que cette durée couvrait l’instruction académique complète, dispensée par l’académie de police de Savatan (ci-après : académie de police) et le Centre de Formation de la Police et des métiers de la Sécurité, ainsi que l’examen préliminaire.

3. A______ a débuté sa formation au sein de l’académie de police le 1er septembre 2023.

4. Par courriels des 16 et 17 octobre 2023, le Colonel B______, directeur de l’académie de police, a informé la direction de la police que A______ avait régulièrement tenu des propos sexistes et inappropriés, avec ou à l’encontre de plusieurs aspirantes et aspirants de l’académie de police.

5. A______ a été entendu à l’académie de police le 17 octobre 2023.

Il a nié la quasi-totalité des propos qui lui étaient reprochés. Il a toutefois admis avoir utilisé le mot « baisodrome » pour qualifier l’académie de police et a affirmé qu’il ne voulait « rien n’avoir avec des femmes ici à Savatan » tout en confirmant avoir dit à un collègue qui lui demandait son avis sur une aspirante que ce n’était pas son style mais « vas-y si ce n’est pas toi qui y va, c’est moi ».

6. Le 18 octobre 2023, il a été libéré de son obligation de travailler.

7. Lors de l’entretien de service du 2 novembre 2023, il a affirmé être victime d’un complot et avoir été lui-même victime de harcèlement en raison de son physique musclé.

8. Par décision du 28 février 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commandante de la police a résilié les rapports de service le liant à A______, avec effet au 31 mars 2024.

9. Par acte posté le 15 avril 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et, sur le fond, principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que la chambre administrative ordonne sa réintégration et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

S’agissant de l’effet suspensif, ses intérêts étaient gravement menacés puisqu’il était sans emploi depuis le 28 février 2024 et les chances de succès de son recours étaient bonnes. La décision de la direction de la police reposait sur une appréciation incomplète et erronée des faits et violait les dispositions applicables en matière de résiliation des rapports de service.

Il avait eu 34 ans le 5 avril 2024. Or, pour devenir policier dans le canton de Genève, le candidat devait avoir entre 20 et 35 ans à la fin de la formation. Il devait ainsi terminer sa formation avant le 5 avril 2026. Ses intérêts seraient ainsi gravement menacés si l’effet suspensif ne lui était pas accordé.

10. Le 3 mai 2024, la commandante de la police a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

Le recourant n’avait pas acquis le statut de fonctionnaire, de sorte que si la chambre de céans devait admettre son recours, sa réintégration ne pourrait qu’être proposée. Ainsi, en restituant l’effet suspensif, elle rendrait une décision provisoire allant au-delà de ses compétences.

Il existait un intérêt prépondérant à l’exécution immédiate de la décision, compte tenu du fait que l’employeur devait protection de la personnalité des membres de son personnel. Les propos sexistes tenus par le recourant n’étaient absolument pas en adéquation avec ce qu’il était permis d’attendre d’un futur policier.

11. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti, si bien que la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Le recours est prima facie recevable (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 31 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2023).

3. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 LPA).

L’autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l’exécution immédiate de sa propre décision nonobstant recours, tandis que l’autorité judiciaire saisie d’un recours peut, d’office ou sur requête, restituer l’effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 3 LPA).

Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; du 18 septembre 2018).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

Lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4. Peut recourir à la chambre administrative pour violation de la loi tout membre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés (art. 31 al. 1 LPAC). Si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne la réintégration (art. 31 al. 2 LPAC, dans sa teneur – applicable en l’occurrence – jusqu’au 11 mai 2024). Si elle considère que le licenciement est pour une autre raison contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 3 LPAC, dans sa teneur – applicable en l’occurrence – jusqu’au 11 mai 2024).

L'application de l'art. 31 al. 2 LPAC n’entre en considération, conformément à l’art. 21 al. 3 1ère phr. LPAC, que pour un fonctionnaire, mais non lorsque l'agent public a été licencié alors qu’il était encore employé (ATA/153/2016 du 23 février 2016 consid. 13).

5. En l’espèce, il ressort de la lettre d’engagement au sein de l’administration cantonale en qualité d’aspirant de police du 24 mai 2023 que la durée de la formation académique du recourant était de douze mois (art. 1), qu’elle débutait le 1er septembre 2023 (art. 1) et que l’engagement pouvait prendre fin en tout temps si, entre la signature du contrat et la fin de la formation, l’aspirant de police, notamment, ne répondait plus aux critères d’admission, n’était plus en adéquation avec la charte éthique de l’administration cantonale, ou avait commis une violation avérée, grave ou répétée des règles internes à l’académie de police de Savatan ou des prescriptions de service (art. 11).

Dans sa détermination, l’autorité intimée a expressément signifié qu’elle n’entendait pas poursuivre les relations de travail avec le recourant, étant précisé que les manquements reprochés se fondent sur des déclarations écrites de sept aspirantes et aspirants.

L’intérêt du recourant à poursuivre sa formation, notamment en raison de son âge, est certes important. Il cède toutefois de prime abord le pas à celui de l’administration publique à offrir, notamment à ses collaboratrices, des conditions, non seulement de travail, mais de formation, adéquates et respectueuses de leur personnalité.

S’ajoute à cela que les rapports de service ont été résiliés alors que le recourant n’avait pas le statut de fonctionnaire. Ainsi, en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait que proposer sa réintégration. La restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de le réintégrer pendant la durée de la procédure, irait partant
au-delà des compétences de la chambre administrative, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/707/2023 du 28 juin 2023 ; ATA/110/2020 du 3 février 2020 et les références citées).

6. La demande de restitution de l’effet suspensif sera dès lors rejetée.

7. Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

******

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Daniel Kinzer, avocat du recourant ainsi qu'à la commandante de la police.

 

Le président

 

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :