Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3780/2023

ATA/101/2024 du 30.01.2024 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3780/2023-TAXIS ATA/101/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______ est au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 23 octobre 2017.

b. Il est au bénéfice d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) liée aux plaques d’immatriculation GE 1______ depuis la même date.

c. Le 26 mai 2021, A______ a fait l’objet d’une décision de retrait de permis pour un mois par l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) pour une infraction moyennement grave aux règles de la circulation, au sens de l’art. 16b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) pour des faits qui s’étaient déroulés le 27 janvier 2021.

Une copie de la décision a été adressée par l’OCV au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

B. a. Le 5 juin 2023, A______ a sollicité le renouvellement de son AUADP.

b. Le 29 juin 2023, le PCTN lui a fait part de son intention de révoquer sa carte professionnelle, dès lors que la décision du 26 mai 2021 semblait correspondre à une décision incompatible avec la profession de chauffeur au sens de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31).

c. A______ a sollicité le tirage complet de son dossier, pièces de forme comprises, ce que le PCTN a refusé, son dossier pouvant être consulté en leurs locaux.

d. Le 31 juillet 2023, A______ a notamment rappelé au PCTN qu’il avait prononcé, le 19 octobre 2021, une décision de constat de suspension de sa carte professionnelle pendant la durée du retrait, précisant que ce retrait de permis ne pouvait avoir pour effet une révocation ni de sa carte professionnelle ni de son AUADP.

e. Par décision du 12 octobre 2023, le PCTN a révoqué la carte professionnelle de chauffeur de taxi d’A______ et refusé le renouvellement de son AUADP.

La décision de l’OCV rentrait dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession s’agissant d’une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière. Les éléments exposés dans les observations ne permettaient pas de s’écarter de la solution prévue par le législateur.

Le courrier du 19 octobre 2021 était sans pertinence car fondé sur les dispositions légales dans leur ancienne teneur.

C. a. Par acte mis à la poste le 13 novembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du PCTN en concluant à son annulation.

Son droit d’être entendu avait été violé, le PCTN ayant refusé de lui transmettre une copie de son dossier.

Il invoquait la violation du principe de non-rétroactivité, la LTVTC et le règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) étant entrés en vigueur le 1er novembre 2022, alors que les faits reprochés dataient du 27 janvier 2021. Il convenait d’appliquer l’ancienne teneur de la loi et du règlement, la même solution s’imposait au regard du principe de la lex mitior. Il invoquait une violation des art. 5 aLTVTC et 6 aRTVTC, le PCTN devant admettre que le retrait de permis prononcé n’était pas constitutif d’une décision incompatible avec l’exercice de la profession, compte tenu des circonstances de l’infraction.

La décision attaquée violait sa liberté économique en lien avec le principe de la proportionnalité. La restriction grave à la liberté économique devait figurer dans une loi et elle devait en l’occurrence également être qualifiée de disproportionnée.

Le principe ne bis in idem était également violé, puisque le retrait de permis prononcé par l’OCV avait déjà pour effet de l’empêcher d’exercer son activité et que la décision du 19 octobre 2021 avait prévu que le retrait de permis du 16 mars 2021 n’aurait pas pour effet la révocation de sa carte de chauffeur de taxi ou son AUADP. Les sanctions étant donc de même nature, portant sur les mêmes faits, et ne pouvaient se cumuler conformément au principe précité.

b. Le 18 septembre 2023, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Le droit d’être entendu du recourant avait été respecté.

La survenance des faits sur lesquels reposait la décision était la prise de connaissance des décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession et non les faits sur lesquels celles-ci reposaient. Le principe de la lex mitior ne trouvait pas application. Le recourant était informé de la nouvelle législation après sa publication le 3 février 2022 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et ayant été promulguée par arrêté du 23 mars 2022 publié dans la FAO du 25 mars 2022.

La décision était en outre conforme au principe de la proportionnalité et, partant, à la liberté économique, reposant sur une base légale et poursuivant un but d’intérêt public admissible, la sécurité publique, la protection des usagers et le maintien de la réputation de la profession.

c. Le 8 janvier 2024, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu, l’autorité intimée ayant refusé de lui transmettre une copie du dossier.

2.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

Par ailleurs, en tant que garantie générale de procédure, le droit d’être entendu permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d’une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l’autorité dispose (ATF 126 I 7 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2.2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015).

Ce droit est concrétisé par l’art. 44 al. 1 LPA, qui dispose que les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision. Dès le dépôt d’un recours, les parties sont admises en tout temps à consulter le dossier soumis à la juridiction saisie (art. 44 al. 2 LPA). L’autorité délivre copie des pièces contre émolument (art. 44 al. 4 LPA). Selon l’art. 45 LPA, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1), ce refus ne pouvant s’étendre qu’aux pièces qu’il y a lieu de garder secrètes (al. 2).

2.2 En l’espèce, le recourant n’a aucun droit à la transmission par pli d’une copie du dossier. L’argument de formalisme excessif doit aussi être écarté, n’étant pour le surplus, pas motivé.

3.             Le recourant invoque une violation du principe de non-rétroactivité, les faits ayant fondé la décision étant antérieurs à l’entrée en vigueur de la LTVTC.

3.1 La rétroactivité est réalisée lorsque la loi attache des conséquences juridiques nouvelles à des faits qui se sont produits et achevés entièrement avant l’entrée en vigueur du nouveau droit (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 417).

3.2 En l’espèce, l’argument du recourant tombe à faux.

En effet, lors de son entrée en vigueur la nouvelle LTVTC n’a pas prévu d’examiner à nouveau les conditions de la délivrance d’une carte professionnelle (art. 46 al. 2 LTVTC), celles délivrées sou l’ancienne LTVTC demeurant valable. Dans les deux lois, l’ancienne et la nouvelle, la carte professionnelle peut être révoquée lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies (art. 7 al. 5 LTVTC et art. 5 al. 4 aLTVTC). L’une des exigences est que le chauffeur n’ait pas fait l’objet de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC et art. 5 al. 2 let. e aLTVTC). La seule différence substantielle réside dans la longueur de la période prise en compte, soit une période de cinq ans pour l’aLTVTC, réduite à trois ans dans la LTVTC (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10 portant également sur la commission d’une violation à la LCR avant le 30 novembre 2022, date de l’entrée en vigueur de la LTVTC).

Il n’est dès lors pas possible de retenir un effet rétroactif, au sens défini ci-dessus, à la loi. L’application de l’aLTVTC serait d’ailleurs moins favorable, dans la mesure où d’éventuelles décisions ou condamnations plus anciennes pourraient le cas échéant être prises en compte par l’autorité intimée.

Le grief sera donc écarté.

4.             Le recourant invoque le principe ne bis in idem.

4.1 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b ; 120 IV 10 consid. 2b ; 118 IV 269 consid. 2).

Concernant l'application de ce principe en droit administratif, le Tribunal fédéral s'est penché sur d'éventuelles violations de celui-ci notamment dans le cadre des procédures administratives en matière de retrait de permis, en concluant que la double procédure pénale et administrative prévue par la LCR ne violait pas le principe ne bis in idem (ATF 137 I 363 consid. 2.4). De même, il a jugé que la décision de révoquer un permis de séjour à la suite d'une infraction pénale qui a valu à l'intéressé une condamnation pénale ne constituait pas une double peine et ne violait pas ledit principe (arrêts du Tribunal fédéral 2C_459/2013 du 21 octobre 2013 consid. 4 et 2C_432/2011 du 13 octobre 2011 consid. 3.3). De même, pour un avocat, une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat peut entraîner, au plan administratif, une radiation du registre des avocats (arrêt du Tribunal fédéral 2C_187/2011 du 28 juillet 2011 consid. 7.2).

4.2 En l’espèce, la révocation de la carte professionnelle est une mesure administrative prévue par la LTVTC (art. 7 al. 5 LTVTC) qui vise à promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). En cela, cette mesure se distingue de la mesure administrative prise par l’OCV, laquelle est prononcée en application de la LCR qui vise à assurer la sécurité publique en gérant la circulation sur la voie publique notamment (art. 1 al. 1 LCR).

Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le principe ne bis in idem, au même titre que dans les autres domaines du droit administratif précités, comme l’a déjà retenu la chambre de céans pour les mesures prévues par la LTVTC dans le cas de condamnations pénales (ATA/937/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4b).

Le grief sera donc écarté.

5.             La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relative à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).

5.1 L’activité de chauffeur de véhicule de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont celle de n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de sa requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC).

La carte professionnelle est révoquée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lorsqu’une des conditions visées à l’art. 7 al. 3 LTVTC n’est plus remplie (art. 7 al. 5 LTVTC).

5.2 Le RTVTC, entré en vigueur le 1er novembre 2022, prévoit à son art. 6 al. 2 que sont considérées comme incompatibles avec la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l’art. 7 al. 3 let. 3 LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du règlement ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.

Le service tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).

S’agissant plus précisément du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans ce cadre, la chambre de céans a déjà relevé qu’avec l’entrée en vigueur des modifications de la LTVTC et du RTVTC le 1er novembre 2022, la jurisprudence rendue sous l’ancienne teneur restait applicable. Si le législateur avait entendu renforcer certaines mesures dans le domaine du service de transport professionnel, il n’en demeurait pas moins qu’il avait réduit le délai de prise en considération des antécédents de cinq à trois ans. Il s’agissait d’ailleurs là de la seule modification substantielle apportée aux disposition légales concernant l’octroi et la révocation de la carte professionnelle. Les dispositions relatives au pouvoir d’appréciation du PCTN, dans le cas de décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur, n’avaient pas été modifiées (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10).

5.3 La chambre administrative a déjà examiné à de nombreuses reprises, sous l’ancienne ou la nouvelle version de la loi et de son règlement, des décisions du PCTN refusant ou révoquant une autorisation d’exercer la profession de chauffeur de taxi ou de VTC sous l’angle de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée. Elle a ainsi retenu à deux reprises qu’en considérant des infractions qui n’avaient pas été accomplies dans l’exercice de la profession de chauffeur, le PCTN avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation, ne prenant notamment pas en compte l’intérêt public premier visé par la loi (ATA/669/2018 du 26 juin 2018 ; ATA/3327/2018 du 10 avril 2018). Dans une autre espèce, elle a considéré que la décision du PCTN révoquant une autorisation en raison d’une infraction pour violation grave des règles de la circulation routière, ne consacrait aucun excès ni abus du pouvoir d’appréciation du PCTN (ATA/994/2023 précité).

5.4 Ainsi, il n’est pas possible de retenir, comme le fait l’autorité intimée in casu, que le texte du RTVTC ayant été modifié, elle ne disposerait plus d’aucun pouvoir d’appréciation. S’il est vrai que le texte de la nouvelle disposition est : « sont considérées comme incompatibles » (art. 6 al. 2 RTVTC) et que l’ancienne formulation utilisée était : « peuvent être considérées comme » (art. 6 al. 1 aRTVTC), il n’est pas possible de conclure que ce changement de formulation affecte le pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, ne s’agissant que d’une disposition règlementaire adoptée sur délégation d’une disposition légale dont le contenu n’a pas été modifié sur ce point, comme vu ci-dessus.

De plus et surtout, si un doute devait subsister au sujet d’une formulation clairement potestative de l’art. 6 al. 2 RTVTC, il doit être levé à la lecture de l’alinéa suivant qui précise, comme le faisait l’ancienne disposition, que le service doit prendre en compte dans sa décision, la gravité des faits, leur réitération, le temps écoulé depuis le prononcé de la sanction et le risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC et art. 6 al. 2 aRTVTC qui ne présentent que de légères différences de rédaction).

L’autorité intimée ne peut pas non plus être suivie lorsqu’elle soutient, pour justifier l’inexistence de toute marge d’appréciation dont elle se prévaut, que la prise en compte dans sa décision des éléments énumérés à l’art. 6 al. 3 RTVTC serait applicable aux let. a, c et d de l’al. 2 de l’art. 6 RTVTC et non à la let. b laquelle viserait des articles spécifiques de la LCR, alors que les autres lettres de la disposition se référeraient de manière générale à des domaines du droit, permettant au PCTN de déterminer quels états de faits seraient incompatibles. Cette affirmation est erronée, puisqu'à l’art. 6 al. 2 let. a RTVTC sont mentionnées des infractions précises, telles que celles contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine.

En conclusion, sur ce point, il appert, en confirmation de la jurisprudence susmentionnée, que l’art. 6 al. 3 RTVTC confère un pouvoir d’appréciation au PCTN s’agissant de déterminer l’incompatibilité de décisions ou de condamnations prononcées pour des infractions telles que celles énumérées aux let. a à d de l’art. 6 al. 2 RTVTC. Ce pouvoir d’appréciation l’obligeant à tenir compte notamment de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive selon les termes de l’art. 6 al. 3 RTVTC.

5.5 En l’espèce, dans sa décision, le PCTN mentionne uniquement que le recourant a subi un retrait de son permis de conduire en raison d’une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière en application de l’art. 16b LCR. L’infraction commise et les circonstances dans lesquelles elle a été commise ne sont pas mentionnées. L’état de fait ne mentionne pas non plus les antécédents de l’intéressé ou d’autres circonstances pourtant nécessaires à l’examen auquel l’autorité intimée aurait dû procéder. La décision retient uniquement que l’infraction moyennement grave retenue en application de l’art. 16b LCR entre dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession au sens de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté en l’espèce. En revanche, la motivation concernant les autres circonstances, dont le recourant s’est en partie prévalu dans ses observations, est inexistante. Comme l’a exposé le PCTN dans ses écritures, il a prononcé la révocation de manière automatique en présence d’une infraction mentionnée à l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC, puisqu’il estime être privé de pouvoir d’appréciation dans ce cas.

Or, comme vu ci-dessus, cette pratique est contraire à la loi (art. 7 al. 3 let. e et al. 5 LTVTC cum art. 6 al. 2 let. b et al. 3 RTVTC) puisqu’elle relève d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation. Le PCTN ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’OCV pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur dans les circonstances d’espèce.

Par conséquent, la décision querellée doit être annulée et le dossier renvoyé au PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

6.             Le recourant conteste également le refus de renouveler son AUADP.

6.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.

Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

6.2 Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c. Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée trois mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b). Aux termes dudit al. 5, l’AUADP est délivrée, notamment, la requérante est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi (let. a).

6.3 En l’espèce, la décision querellée, se fondant sur la révocation de la carte professionnelle de chauffeur de taxi du recourant, a refusé de renouveler son AUADP. Dès lors que, comme cela vient d’être exposé, la révocation précitée doit être annulée, il s’ensuit que le refus de renouveler l’AUADP n’est pas fondé non plus.

Partant, la décision doit également être annulée sur ce point. Il appartiendra au PCTN de compléter son instruction et de rendre une nouvelle décision, en se déterminant aussi sur l’articulation de son appréciation avec la décision du 19 octobre 2021.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement.

7.             Vu cette issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 a. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.-, au vu de l’existence de plusieurs causes parallèles (arrêts du Tribunal fédéral du 21 février 2019 8D_2/2018 consid. 8 et 8D_3/2018 et 8D_4/2018 ; 4A_91/2010 du 29 juin 2010), sera allouée au recourant qui y a conclu, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 octobre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 octobre 2023 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Gaëlle VAN HOVE, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :