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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3826/2022

ATA/1356/2023 du 19.12.2023 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3826/2022-PATIEN ATA/1356/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2023

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS intimée

 



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : la clinique) exploite une clinique destinée au traitement de toutes affections médicales.

Le Docteur B______ en est l’administrateur avec signature individuelle.

b. Des inspections de la clinique ont été effectuées en 2014, 2015 et 2016.

c. Dès le 14 juin 2016, la clinique a accueilli C______ aux fins d’exécution d’une mesure institutionnelle.

d. Après s’être rendu à la clinique les 28 septembre et 4 octobre 2016, l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après : OCIRT), par courrier du 6 octobre 2016, a enjoint à la clinique de prendre des mesures pour protéger ses employés. L’ensemble des employés interrogés relatait avoir été témoin ou avoir été directement confronté à des comportements inadéquats de la part d’un patient. Une situation de tentative d’agression physique avec saisie du col avait aussi été relatée par une partie du personnel auditionné. Les membres du personnel déclaraient ne pas se sentir en sécurité lorsqu’ils devaient pénétrer dans sa chambre. Pour certains, cela se traduisait par une appréhension au quotidien. Cette situation était, pour tous, très difficile à vivre, certains étant même affectés dans leur santé.

e. Le 5 décembre 2016, la clinique a informé le conseil de C______ que ce dernier continuait ses insultes et menaces envers son personnel médical. À défaut de prendre toutes les mesures urgentes et nécessaires qui auraient pour conséquence d’arrêter tout comportement préjudiciable de sa part, elle serait obligée de lui demander de quitter immédiatement l’établissement.

f. Le 6 décembre 2016, dix employés de la clinique ont déposé plainte pénale au Ministère public de la république et canton de Genève (ci-après : MP). En annexe à la plainte figuraient des déclarations manuscrites faisant état d’injures et de menaces, notamment de mort.

Le MP a rendu trois ordonnances de non-entrée en matière partielle, au motif que le droit de déposer plainte était périmé. Toutes les autres plaintes ayant été retirées, la procédure pénale a été classée le 21 mars 2017.

g. C______ a quitté la clinique le 16 décembre 2016, date à laquelle il a été admis à la Clinique D______.

h. Le 21 décembre 2016, la clinique a formé une réquisition de poursuite à hauteur de CHF 215'102.50 à l’encontre du précité.

i. C______ est décédé le 8 mars 2022.

B. a. Par courrier du 9 décembre 2016 adressé à E______, alors Conseiller d’État, C______ s’est plaint de sa prise en charge au sein de la clinique.

Les conditions dans lesquelles étaient traités les patients étaient « révoltantes ». Le personnel médical était « inexistant ou presque ». Les aides-soignantes étaient en réalité des « femmes de ménage » qui ne possédaient ni qualification ni la formation nécessaires à l’accomplissement de leurs devoirs. Le Dr B______ était constamment absent et se consacrait exclusivement à l’exploitation de centres médicaux en ville dont il était propriétaire. Les patients étaient laissés « à l’abandon », les infirmières ne répondant pas aux sonnettes et ne distribuant que de manière aléatoire les médicaments prescrits lorsqu’elles les possédaient.

Le Dr B______ lui avait par ailleurs proposé de lui recruter une « call-girl » qu’il se chargerait de convoyer dans sa chambre lors d’un week-end à l’hôtel F______ à Genève. Ce comportement était contraire à l’éthique médicale.

Les employés sénégalais ou maliens se plaignaient d’être sous-payés et d’être employés sans autorisation.

La clinique ne remplissait pas les conditions posées à la délivrance d’une autorisation d’exploiter.

b. Le 14 décembre 2016, le service du médecin cantonal (ci-après : SMC), soit pour lui la Docteure G______, médecin cantonale déléguée, H______, infirmière spécialisée, et I______, chef de groupe, a effectué une inspection de la clinique. Selon le rapport du 15 décembre 2016, l’inspection avait pour objectif de vérifier la qualification du personnel, la gestion et l’administration des médicaments et la « répondance » médicale au bénéfice du patient plaignant. Les inspecteurs ont rencontré l’infirmière de jour afin d’obtenir les plannings des collaborateurs en cours ainsi que la procédure sur la préparation et l’administration des médicaments et consulter le dossier de soins du patient. Ils ont procédé aux constats suivants :

-          les plannings infirmiers n’indiquaient que des prénoms et la légende n’était pas claire, si bien qu’il leur était impossible de vérifier les qualifications et les droits de pratique ;

-          la collaboratrice n’était pas en mesure de leur transmettre les plannings des aides en raison de leur indisponibilité ;

-          les collaboratrices croisées dans les couloirs ne portaient pas de badge et n’avaient pas de formation soignante reconnue ;

-          l’infirmière n’avait pas connaissance d’une procédure institutionnelle pour la préparation et l’administration des médicaments ;

-          le traitement de C______ était dans un pilulier dont le contenu ne mentionnait pas forcément la posologie des produits ;

-          selon les fiches présentées, il n’était pas possible d’identifier le patient ; de plus, plusieurs médicaments étaient indiqués sans dosage ni forme galénique ; il existait des ratures qui rendaient difficile de savoir ce que le patient recevait réellement ;

-          l’infirmière de jour et le médecin présent, le Dr J______, avaient indiqué que le médecin traitant de C______ était le Dr B______ ;

-          dans le dossier de soins, la signature du Dr B______ apparaissait dans la colonne médicale à plusieurs reprises ;

-          dans le dossier de soins, des ordres médicaux signalés comme donnés oralement n’étaient pas tous contresignés par un médecin ;

-          les collaborateurs ne portaient pas de badge ou de signe distinctif permettant de les identifier, tant pour leur nom que pour leur fonction ;

-          les collaborateurs circulaient dans les étages en tenue de bloc opératoire, ce qui n’était pas conforme aux bonnes pratiques en vigueur.

L’inspection a relevé les points suivants :

-          les documents lacunaires consultés (feuilles de soins) ne permettaient pas de savoir qui préparait et qui distribuait les médicaments ;

-          la seule collaboratrice professionnelle de la santé présente et disponible était l’infirmière de jour ;

-          il n’existait pas de procédure institutionnelle ;

-          le pilulier n’était pas étiqueté selon les bonnes pratiques ;

-          la documentation et la traçabilité liées à la gestion et la distribution médicamenteuse ne correspondaient pas aux bonnes pratiques de préparation des médicaments en vigueur ;

-          de ce fait, ils n’avaient pas pu vérifier la conformité de gestion et de distribution des produits thérapeutiques au bénéfice de C______ ;

-          les risques d’erreurs médicamenteuses étaient importants avec un fort danger d’impact pour le patient ;

-          dans le dossier de soins, les ordres médicaux étaient signés par plusieurs médecins, dont le Dr B______ ;

-          dans le dossier de soins, des ordres médicaux signalés comme donnés oralement n’étaient pas tous contresignés.

c. Le 19 décembre 2016, la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) a informé C______ que le SMC lui avait transmis sa plainte pour raison de compétence. Ladite plainte serait prochainement soumise au bureau de la commission pour examen préalable.

Le 14 mars 2017, la commission a informé la clinique que le bureau avait décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à son encontre sous le numéro de cause 1______ et que l’instruction avait été confiée à la sous-commission 2. Elle l’a invitée à lui faire part de ses observations en réponse aux griefs formulés par C______ dans sa plainte et aux conclusions du rapport d’inspection du SMC.

d. Le 8 mai 2017, la clinique a relevé que les affirmations de C______ étaient gratuites, non motivées, infondées et ne visaient qu’à lui nuire. C______ avait toujours été traité avec compétence, diligence et respect par les médecins et le personnel médical, malgré son comportement qui mettait en danger leur intégrité physique et psychique. Le personnel médical était tout à fait qualifié et formé. Il n’y avait jamais eu de distribution aléatoire des médicaments. Le Dr B______ n’avait jamais proposé de recruter une « call-girl ». Infondée, la plainte devait dès lors être rejetée.

e. Le 30 juin 2017, la clinique a transmis ses observations sur le rapport d’inspection du SMC du 15 décembre 2016.

Aucun des constats énoncés par les inspecteurs ne résistait à l’examen. Une pratique interne existait au sein de la clinique quant à la préparation et à l’administration des médicaments. Les médecins donnaient les instructions aux infirmières, lesquelles préparaient les piluliers et administraient les médicaments aux patients. La clinique tenait un cahier permettant la traçabilité des médicaments. Chaque infirmière notait le médicament qui avait été administré au patient et signait le document. Une procédure était donc mise en place et seules les infirmières s’occupaient de l’administration des médicaments. La règle était que chaque fiche devait être étiquetée. Ces documents se trouvaient dans le dossier du patient. L’inscription sur les piluliers était une précaution de sécurité. Le nom du patient, la taille et parfois le dosage des médicaments y étaient mentionnés. Les piluliers étaient remplis selon les instructions du médecin par les infirmières ; il n’y avait aucune erreur possible. Les seuls médicaments qui n’avaient pas de dosage précis étaient des compléments alimentaires. Le Dr B______ était le médecin traitant de C______.

f. Par courrier du 9 mai 2018, la sous-commission 2 a invité la clinique à lui faire parvenir une copie du dossier médical de C______.

g. Le 29 juin 2018, la clinique a transmis des pièces du dossier médical de C______.

h. Le 1er avril 2019, la commission a informé la clinique qu’à l’issue de leur dernière séance, les membres de la sous-commission 2 avaient constaté que le dossier médical transmis ne contenait pas de notes de suite, et, en particulier, aucune appréciation médicale de la situation du patient. Elle a invité la clinique à lui faire parvenir les notes de suite contenues dans le dossier médical de C______.

i. Le 8 juillet 2019, la clinique a transmis le « dossier complet de suivi » de C______ ainsi qu’une attestation établie par le Dr J______.

j. Le 19 août 2020, la commission a informé la clinique qu’à l’issue de leur dernière séance, les membres de la sous-commission 2 avaient souhaité obtenir les notes de suite et les prescriptions médicales des Drs B______ et J______ relatives à C______. Elle a invité la clinique à lui faire parvenir ces documents.

k. La clinique n’a pas produit ces documents dans le délai prolongé à deux reprises par la commission.

l. Le 7 décembre 2020, la sous-commission 2 a clos l’instruction de la cause.

m. Par décision du 14 octobre 2022, la commission a prononcé une amende de CHF 15'000.- à l’encontre de la clinique.

La prise en charge liée à l’administration des médicaments n’avait pas été appropriée dans le cadre du suivi de C______. La clinique était invitée à revoir sa procédure interne pour se conformer à la bonne pratique (en particulier, établir une procédure écrite contenant la marche à suivre d’administration de médicament, mentionner la posologie des médicaments dans le pilulier, remplir les fiches avec plus de diligence en y mentionnant le nom du patient et la date). Dans son rapport du 15 décembre 2016, le SMC avait constaté certaines irrégularités dans la gestion et l’administration des médicaments (absence d’une procédure institutionnelle, étiquetage du pilulier non conforme aux bonnes pratiques, absence du nom du patient sur les fiches, notamment) entraînant un risque d’erreurs avec un fort impact sur la santé du patient.

À cela s’ajoutait qu’il manquait à quatre reprises une contre-signature d’un médecin dans les feuilles de prescriptions médicales.

En outre, malgré plusieurs prolongations de délais, la clinique n’avait pas été en mesure de produire les notes de suite des médecins qui étaient intervenus dans la prise en charge du patient. La commission pouvait dès lors partir du principe que la clinique avait produit l’entier du dossier médical en sa possession et que celui-ci ne contenait pas de telles notes. Or, la tenue du dossier médical faisait apparaître qu’il n’y avait pas eu de prise en charge médicale globale par un médecin et de vision claire sur le suivi du traitement médicamenteux du patient C______. Il manquait une appréciation médicale de la situation, des rapports de consultations et des explications s’agissant notamment des modifications médicamenteuses.

Compte tenu des manquements professionnels constatés, qui dénotaient une qualité de soins insuffisante au sein de la clinique, la commission estimait qu’une sanction forte devait être infligée à son encontre.

C. a. Par acte du 16 novembre 2022, la clinique a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et, subsidiairement, à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire destinée à examiner la conformité aux règles de l’art de la prise en charge par elle du patient concerné. Préalablement, elle a sollicité la production de l’intégralité des dossiers relatifs aux procédures ouvertes à son encontre, tous les procès-verbaux des séances du bureau, de la commission plénière et des sous-commissions relatives aux procédures la concernant, et les préavis émis dans ce cadre, tous les courriers électroniques échangés entre les membres du Bureau et le médecin cantonal qui concernaient les procédures ouvertes à son encontre ainsi que les décisions de classement, sous format anonymisé, prononcées au cours des cinq dernières années. Elle a également requis la comparution personnelle des parties.

Son droit d’être entendue avait été violé à plusieurs égards. La commission ne lui avait transmis ni le préavis ni les conclusions de la sous-commission. Elle ne lui avait pas non plus fourni les références à la littérature médicale sur laquelle elle s’était appuyée. Elle ne lui avait pas non plus transmis ses décisions de classement, de sorte qu’elle ne pouvait se prononcer sur une violation éventuelle du principe de l’égalité de traitement.

La procédure ayant abouti au prononcé de la décision attaquée était viciée à plusieurs titres, violant son droit à un procès équitable. Le bureau de la commission n’avait ni examiné ni proposé la possibilité de mettre en œuvre la procédure de médiation instaurée par la loi. En outre, étant donné le fait que que les membres de la commission plénière avaient uniquement reçu, sept jours ouvrables avant la tenue de la séance, les projets de décision et de préavis, ils n’avaient pas pu prendre connaissance du dossier, à savoir les plaintes, ses observations et les pièces fournies. Les membres de la commission plénière n’avaient ainsi pu se fonder que sur un état de fait préétabli, sans être en mesure de se déterminer en toute connaissance de cause sur les fondements de la sanction, ce qui viciait la procédure, conformément à la jurisprudence rendue « en matière de LTaxis ».

Les griefs portés à son encontre étaient prescrits, en raison de la lenteur inexplicable de la commission. La coordination avec les sanctions prononcées par ailleurs par le médecin cantonal était totalement ignorée. Or, à teneur de la décision attaquée, des amendes avaient déjà été infligées par celui-ci pour les mêmes reproches. Le principe ne bis in idem s’opposait à pareil procédé.

Elle a notamment produit ses observations du 30 juin 2017 à la suite du rapport d’inspection du 15 décembre 2016.

b. La commission a conclu au rejet du recours. Les procès-verbaux de séances, projets de décision et préavis étaient des documents internes à la commission qui n’étaient pas transmis aux parties. La demande d’accès aux décisions de classement était sans pertinence et devait être rejetée.

Le renvoi en médiation était soumis au pouvoir d’appréciation du bureau. Le délai de prescription avait été régulièrement interrompu. Le montant de l’amende, qui correspondait à moins d’un tiers du montant maximal prévu par la loi, respectait le principe de proportionnalité.

c. Le 10 mars 2023, la chambre administrative a tenu une audience de comparution personnelle.

B______ a relevé que plusieurs classeurs de la clinique comprenaient le protocole à suivre pour tous les employés de la clinique (gestion des dossiers médicaux). Ceux-ci n’avaient toutefois pas été présentés aux inspecteurs lors de leur visite du 14 décembre 2016. Il s’engageait à produire ces pièces. S’agissant du pilulier, il s’agissait concrètement d’un tableau blanc placardé dans l’infirmerie où se trouvaient les noms des médicaments et leur posologie. Les infirmiers remplissaient ce tableau sur instruction des médecins. Ce tableau changeait tous les jours ce qui permettait une transmission d’informations entre les infirmiers. Lors de la visite du 14 décembre 2016, une photo du pilulier avait été prise. Celle-ci ne leur avait toutefois pas été transmise. Il y avait un suivi continu : chaque passage du chirurgien, de l’anesthésiste ou de l’infirmer était résumé dans une fiche qui se trouvait dans l’infirmerie. La plainte de C______ avait été déposée en réaction à sa lettre lui demandant de quitter l’établissement à la suite de ses agressions envers le personnel. Ils n’avaient toujours pas été rémunérés pour le séjour de ce dernier, qui avait duré sept mois, et une poursuite était en cours.

La représentante de la commission a relevé que l’étiquetage du pilulier n’était pas conforme aux bonnes pratiques. La posologie des médicaments était problématique. Les fiches ne contenaient pas le nom du patient lors de sa prise en charge. Les notes de suite étaient absentes du dossier. Ils avaient également constaté l’absence d’un rapport médical complet du médecin traitant de C______. La clinique avait des devoirs directs envers les patients et ne pouvait se contenter de suivre les instructions des médecins privés de l’intéressé.

À l’issue de l’audience, le représentant de la clinique a sollicité l’audition des deux médecins cantonaux, du Dr J______ et des proches de C______. La commission a renoncé aux mesures d’instruction.

d. Le 30 mars 2023, la commission a transmis la liste des membres de la sous‑commission 2, les dates de ses séances et le nombre de membres faisant partie de l’association des médecins du canton de Genève. Elle a également produit quatre « feuilles de prescription médicales » contenant des prescriptions non contresignées par un médecin. Elle a précisé, enfin, que les « transmissions ciblées IDE » étaient des notes de suite infirmières et que le dossier ne contenait aucune note de suite médicale.

e. Le 11 mai 2023, la commission a relevé que l’appréhension du rapport du 15 décembre 2016 ne nécessitait pas qu’une personne présente lors de l’inspection apportât son éclairage. Si toutefois la chambre de céans souhaitait de plus amples informations à ce sujet, il convenait d’entendre I______.

f. Le 19 juin 2023, la clinique a persisté dans ses conclusions. La représentante de la commission avait confirmé que le rapport du médecin cantonal n’était accompagné d’aucune pièce. Il n’avait pas été tenu compte des faits contraires qu’elle avait allégués. La sanction prononcée était en réalité fondée sur de prétendus manquements qui n’étaient pas seulement en rapport avec les seuls soins prodigués à C______ mais également avec la qualité générale des soins prodigués par elle-même, ce qui ne relevait pas du domaine de compétence de la commission. Si, par impossible, une amende devait être prononcée, la commission avait admis qu’elle ne devrait correspondre qu’à un tiers du montant maximal prévu par la loi. Or, dans la mesure où celle-ci prévoyait une amende maximale de CHF 20'000.‑, la sanction ne pouvait en aucun cas dépasser CHF 6'000.-.

Elle a notamment produit un document intitulé « dossier de soins infirmiers ».

g. Le 15 septembre 2023, la chambre administrative a tenu une audience d’enquêtes.

Entendu en qualité de témoin, I______ a confirmé avoir rédigé le rapport d’inspection du 15 décembre 2016. Lors de l’inspection, ils avaient examiné tant les griefs de C______ que les conditions d’exploitation de l’institution de santé. La plainte portait sur les conditions d’exploitation et d’hébergement au sein de la clinique, la relation avec le personnel, le traitement médical et les produits thérapeutiques ainsi que l’absence de physiothérapie. Lors de l’inspection, ils avaient rencontré une professionnelle de la santé, soit une infirmière, qui leur avait indiqué qu’il n’existait aucune procédure institutionnelle, soit un protocole de bonnes pratiques et de respect du cadre légal. L’idée était de s’assurer que le personnel respectait les « 6B », soit le bon médicament, le bon patient, le bon horaire, la bonne posologie, la bonne forme galénique et la bonne indication. Ce document devait être établi et signé par le médecin responsable de l’institution et non le médecin traitant du patient concerné. La pièce produite par la clinique le 19 juin 2023 et intitulée « dossier de soins infirmiers » ne correspondait pas à la réglementation légale qui parlait de « dossier de patient ». Il s’agissait d’une procédure incomplète qui pouvait servir de « mémo » ou de rappel de bonne pratique à l’intention des infirmiers. Il manquait en particulier l’anamnèse, des éléments du cadre légal, les injonctions ou prescriptions et la validation du médecin responsable.

Lors de l’inspection, seul le dossier médical de C______ avait été consulté. Ils avaient constaté un manque de pertinence et de traçabilité permettant d’assurer que les médicaments avaient bien été transmis au patient. Il manquait en particulier la réponse du patient quant aux médicaments donnés. On ignorait si le professionnel de santé avait remis le médicament. L’ensemble des documents était incomplet et inabouti. Il manquait également le nom du patient sur certaines fiches, ce qui entrainait un risque de confusion entre les dossiers des différents patients. Ils avaient également constaté que l’institution n’avait pas joué son rôle de supervision. C______ leur avait aussi fait part d’un manque d’information quant à son médecin traitant. S’agissant du pilulier, la mention sur l’étiquette du terme « gros » montrait bien que le médicament n’était pas identifié, ce qui était contraire aux bonnes pratiques. Il n’avait pas observé de comportement problématique de C______ envers les employés, étant précisé que ce dernier était seul dans sa chambre lors de l’inspection.

Le Dr J______ a confirmé avoir été mandaté par la clinique durant la période de la présente affaire. Il ne se souvenait pas s’il avait pris connaissance d’un document de procédure institutionnelle au sein de la clinique. Il lui semblait avoir vu des procédures avec des protocoles dans les classeurs mais ne pouvait pas en rapporter le contenu. Il se fiait surtout à son « bon sens médical ». Les piluliers correspondaient à la situation des patients. Les dossiers des patients étaient complets. Il établissait des documents intitulés « transmission » avant, pendant et après les entretiens avec les patients. Ceux-ci pouvaient être signés par lui-même et/ou validés par le personnel. Toutes les prescriptions médicales étaient concertées de manière pluridisciplinaire. Il s’agissait des fois d’accords oraux basés sur le principe de la confiance, ce qui était tout à fait normal dans un esprit d’équipe. Il se souvenait de C______. Il s’agissait d’une personne exigeante et arrogante. Il était resté longtemps, ce qui était signe de contentement. Son comportement avait provoqué des plaintes d’infirmières. Il n’avait pas constaté que les bonnes pratiques n’eussent pas été respectées.

À l’issue de l’audience, la clinique a maintenu sa demande d’audition des deux médecins cantonaux et des personnes proches de C______.

h. Le 28 septembre 2023, la commission a produit le procès-verbal caviardé du bureau de la commission relatif à la plainte de C______.

i. Le 16 octobre 2023, la clinique a relevé que rien ne justifiait que le procès‑verbal fût caviardé. Selon elle, le Professeur K______ aurait dû se récuser. Par ailleurs, le témoin I______ avait indiqué avoir traité la plainte de C______ sous un angle administratif, ce qui était incompatible avec les règles imposant une procédure équitable et impartiale. Elle a également produit des pièces complémentaires, dont des prescriptions médicales et des « transmissions ciblées IDE ».

j. Le 1er novembre 2023, la commission a relevé que la clinique n’avait pas produit, malgré l’octroi de six délais pour ce faire, les différentes procédures auxquelles elle se référait dans le cadre de son argumentaire portant sur le principe « ne bis in idem », ses procédures institutionnelles, les fiches résumant chaque passage de chirurgien, anesthésiste ou infirmer et les rapports médicaux établis par les médecins traitants du patient. Enfin, le médecin cantonal, qui siégeait auprès de la commission sans droit de vote, ne donnait pas d’informations au sujet de procédures propres à son service.

Elle a produit un courrier du 8 juillet 2019 adressé à la commission par le Dr J______, dans lequel ce dernier atteste avoir « assuré un suivi médical quotidien, y compris les week-end, concernant C______ ».

k. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Se pose, en premier lieu, la question de savoir si la LPMéd est applicable.

2.1 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet de modifications entrées en vigueur les 1er janvier 2016, 1er janvier 2018 et 1er février 2020. Dans un premier temps, la LPMéd ne s’appliquait qu’à l’activité médicale indépendante (art. 1 al. 3 LPMéd dans sa teneur initiale). Ayant donné lieu à des discussions lors de son adoption par les Chambres fédérales, puis critiqué par la doctrine et les cantons, ce critère a été ultérieurement remplacé par celui de l’exercice des professions médicales universitaires à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle (en vigueur depuis le 1er janvier 2018) puis, depuis le 1er février 2020, par celle d’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (pour le détail de cette évolution législative, voir ATF 148 I 1 consid. 5.1 et les références citées).

Les personnes exerçant une activité qui ne relève pas de la LPMéd sont soumises au droit cantonal et non au droit fédéral disciplinaire (ATF 148 I 1 5 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023, consid. 6.2).

2.2 En l'espèce, la procédure ne vise pas une personne physique exerçant une profession médicale, mais une institution de santé. La LPMéd ne s'applique donc pas et le droit cantonal de la santé est ainsi seul applicable.

3.             Dans une conclusion préalable, la recourante conclut à ce qu'il soit ordonné à la commission de surveillance de produire l'intégralité de son dossier, notamment les procès-verbaux des séances et les projets des décisions des sous-commissions 1 et 2 ainsi que ceux de la commission plénière.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). Il n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

Le Tribunal fédéral a expliqué qu'une proposition de décision d'une autorité d'instruction représente un document purement interne, qui n'est pas soumis au droit d'accès au dossier des parties, sauf si la loi prévoit une règle particulière (ATF 131 II 13 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid 3.2.2). Il a même explicitement écrit que le préavis de la commission (genevoise) de surveillance des professions de la santé, qui comporte les conclusions de l'instruction relative aux faits et à la sanction envisagée, répond à la définition de l'acte interne à l'administration et n'a pas à être transmis aux parties (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2022 du 3 août 2023 consid. 4.3 et les références citées).

3.2 Au plan cantonal genevois, l’art. 41 LPA dispose que les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires. L’art. 42 al. 4 LPA précise que les parties ont le droit de prendre connaissance des renseignements écrits ou des pièces que l’autorité recueille auprès de tiers ou d’autres autorités lorsque ceux-ci sont destinés à établir des faits contestés et servent de fondement à la décision administrative. Par ailleurs, les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA).

3.3 Selon la jurisprudence constante, les préavis sont des documents internes à l’administration, qui sont préparatoires à la décision. Ils ont pour objet d’aider l’autorité compétente à se forger une opinion, souvent sur des questions techniques. Dépourvus de conséquences juridiques directes sur la situation des administrés, ils n’ont pas à être communiqués avant la prise de la décision entreprise et aucun droit d’être entendu n’existe à leur sujet, à ce stade de la procédure, l’idée étant que leur contenu pourra être discuté dans le recours interjeté contre la décision préavisée, dans la mesure et pour autant que le préavis litigieux ait été suivi par l’autorité (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022, consid. 4b, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2022 du 3 août 2023 consid. 4.3 et les références citées).

3.4 En l'espèce, la requête visant à une comparution personnelle des parties est devenue sans objet. S’agissant de la demande de production de l’intégralité des dossiers relatifs aux procédures ouvertes à son encontre, y compris les courriers électroniques échangés entre les membres du bureau, force est de relever que celles‑ci ne concernent pas la présente procédure. Leur production n’apparaît ainsi pas pertinente pour trancher le présent litige, étant relevé que l’autorité intimée n’a pas tenu compte d’antécédents de la recourante dans la fixation de la sanction prononcée. Ensuite, conformément à la jurisprudence précitée, tant les conclusions de la sous-commission que le préavis de la commission plénière répondent à la définition de l’acte interne à l’administration et n’ont pas à être transmis aux parties. La recourante n’a pas non plus le droit d’accéder aux procès‑verbaux des séances. À titre superfétatoire, on ajoutera encore que la sanction infligée à la recourante résulte de la décision querellée, adoptée par la commission plénière, et non de la position préalable des sous-commissions ou de l'un ou l'autre membre de la commission. La loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03) ne prévoit pas d'accès au processus décisionnel de la sous-commission qui doit être protégé, en particulier dès lors que c'est la décision de la commission plénière qui est l'objet de la procédure. Autrement dit, le processus antérieur à ladite décision n'est pas accessible.

En ce qui concerne la production des décisions de classement de la commission, force est de relever que de tels documents n’ont pas trait à une procédure dirigée à son encontre mais concernent des tiers, si bien que leur production ne saurait être requise dans le cadre de la présente procédure. À relever que, dans un cas similaire portant sur une demande fondée sur la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08), le Tribunal fédéral a considéré que la chambre administrative pouvait retenir sans arbitraire que la demande d'accès du recourant présentait un travail excessif pour l'autorité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_584/2022 du 20 juin 2023 consid. 5.2). S’ajoute à cela que la recourante a fait l'objet non pas d'une décision de classement par la commission, mais d'une sanction. De telles décisions sont susceptibles de recours auprès de la chambre administrative et les arrêts rendus à ce propos sont publiés sur Internet. La recourante ne prétend pas que cette source de renseignement serait insuffisante. 

La recourante sollicite enfin la mise en œuvre d’une expertise judiciaire destinée à examiner la conformité aux règles de l’art de sa prise en charge des patients concernés par la présente procédure. Ce faisant, elle perd de vue que la commission est composée d’experts, autant à même de donner un avis qu’un expert extérieur. Il ne sera dès lors pas donné suite à cette requête.

4.             La recourante se plaint d’une motivation insuffisante de la décision litigieuse.

4.1 Le droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d’un déni de justice formel lorsqu’elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_564/2020 du 24 février 2022 consid. 2.1).

4.2 En l’espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, la décision litigieuse contient un exposé des faits et une argumentation détaillés qui permettent de comprendre les motifs sur lesquels l’autorité intimée s’est fondée pour prononcer la sanction faisant l’objet du présent recours. L’intéressée était par conséquent en mesure de contester les violations qui lui étaient reprochées et la sanction retenue, comme elle l’a fait dans son acte de recours et les différentes écritures produites lors de la procédure contentieuse, ce qui exclut une violation de l’art. 29 al. 2 Cst. En outre, lorsqu’elle s’en prend à l’absence de références scientifiques contenues dans la décision litigieuse, la recourante ne se plaint pas tant d’une absence de motivation que d’une « mauvaise » motivation, ce qui ne suffit pas à constituer un défaut de motivation contraire à l’art. 29 al. 2 Cst. La question de savoir si les motifs retenus sont suffisants pour justifier la décision entreprise relève ainsi du fond du litige et sera examinée dans ce cadre.

5.             La recourante estime que le médecin cantonal n’aurait pas dû siéger au sein du bureau dans la mesure où il traitait de procédures en cours à son encontre.

5.1 La récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable ou lorsque l’intéressé se serait rendu compte que l’instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_278/2017 du 17 août 2017 consid. 3.1).

La partie qui sollicite la récusation doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande. La partie doit se prévaloir de faits, ce qui exclut les critiques générales ou les simples soupçons ne se fondant sur aucun élément tangible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_648/2012 du 29 novembre 2012 consid. 2). Si la partie n'a pas à prouver les éléments qu'elle invoque, elle doit tout de même faire état, à l'appui de sa demande, d'un contexte qui permet de tenir pour plausible le motif de récusation allégué (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 4.2.2). Une motivation aux termes de laquelle le requérant se contente de présenter une demande de récusation sans autre explication est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 2F_19/2013 du 4 octobre 2013 consid. 2).

5.2 Selon l’art. 15 al. 1 LPA, applicable aux membres de la commission (art. 4 al. 1 du règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 - RComPS - K3 03 01), les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se retirer et sont récusables par les parties s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a), sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple (let. b), représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c) et s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).

Dans la jurisprudence relative à la récusation des juges, dont les principes s’appliquent mutatis mutandis pour les membres des autorités administratives (ATF 137 II 431 consid. 5.2 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, Genève 2017, n. 217 ad art. 15 LPA et les références citées), il a été relevé que la garantie du juge impartial ne commandait pas non plus la récusation d'un juge au simple motif qu'il a, dans une procédure antérieure − voire dans la même affaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_151/2012 du 4 juin 2012 consid. 2.2) −, tranché en défaveur du requérant (ATF 143 IV 69 consid. 3.1 ; 129 III 445 consid. 4.2.2.2 ; 114 Ia 278 consid. 1).

L’art. 3 al. 4 LComPS prévoit que le médecin cantonal est un membre titulaire sans droit de vote.

5.3 En l’espèce, la recourante se plaint de ce que le médecin cantonal a siégé à deux reprises au sein du bureau de la commission. Il ressort toutefois du texte clair de la loi que le médecin cantonal est un membre titulaire de la commission. Or, quand bien même cet élément était notoire, la recourante n’a jamais demandé sa récusation. En outre, il n’a pas de droit de vote. Ce grief sera partant écarté.

6.             La recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir violé la procédure instituée par la LComPS.

6.1 Dans sa teneur jusqu’au 16 novembre 2018, l’art. 10 al. 2 LComPS prévoyait que le bureau pouvait décider : d'un classement immédiat (let. a) ; de l'envoi du dossier en médiation (let. b) ; de l'envoi du dossier pour instruction à une sous‑commission conformément au chapitre IV du titre III de la présente loi (let. c). Depuis le 17 novembre 2018, cette disposition prévoit que lorsqu’il est saisi d’une plainte, le bureau peut décider : d’un classement immédiat (let. a) ; de l’ouverture d’une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous-commission (let. b) ; dans tous les autres cas, d’un renvoi en médiation ; en cas de refus ou d’échec de la médiation, le bureau ouvre une procédure (let. c). Par ailleurs, selon l’art. 16 al. 2 LComPS, les sous‑commissions peuvent également, en cours d’instruction, proposer une médiation aux parties.

Selon l’exposé des motifs relatif au projet de loi PL 12'083 ayant conduit à l’adoption de ces dispositions, si les affaires continuaient certes à être soumises en premier lieu au bureau, ce dernier verrait sa marge de manœuvre restreinte s’agissant de la suite qu’il entendait leur donner, dès lors qu’il devrait proposer une médiation dans tous les cas qu’il ne classait pas immédiatement ou pour lesquels un intérêt public n’exigeait pas d’emblée une instruction par une sous-commission. Durant les débats en commission, il a été indiqué que les nouvelles dispositions visaient à inculquer une forme de culture de la médiation, permettant dans la majorité des cas de reprendre le dialogue et de régler la situation, sous la forme d’un automatisme, sauf en présence d’une intérêt public prépondérant, afin de ne pas escamoter des responsabilités en cas de danger plus général que pour le seul patient particulier. Tel serait le cas si l’on considérait que la faute dénoncée, si elle était renouvelée, risquerait de mettre en danger des patients, si bien qu’il n’était pas possible de laisser simplement des particuliers « enterrer » l’affaire.

6.2 Selon l’art. 17 al. 4 LComPS, lorsque les travaux de la sous-commission sont terminés, elle remet ses conclusions à la commission plénière.

6.3 En l’espèce, selon la recourante, la présente procédure aurait dû faire l’objet d’un renvoi en médiation. Il appert toutefois que la nouvelle teneur de l’art. 10 al. 2 LComPS est entrée en vigueur le 17 novembre 2018, soit postérieurement à la plainte du patient et de l’ouverture, par le bureau, des procédures administratives à l’encontre de la recourante, renvoyées en sous-commission. Le bureau n’avait ainsi alors pas à faire application du nouvel art. 10 al. 2 let. b LComPS. Par ailleurs, la sous-commission 2 n’était pas non plus tenue, en cours d’instruction, de proposer une médiation aux parties selon le nouvel art. 16 al. 2 LComPS, étant précisé qu’il s’agit d’une norme potestative qui ne confère pas de droit. Le grief sera par conséquent également écarté.

La recourante prétend ensuite que la commission plénière n’aurait pas été en mesure de statuer valablement, n’ayant pas eu suffisamment de temps pour prendre connaissance du dossier. Il ressort toutefois de celui-ci que la convocation pour la séance plénière du 6 octobre 2022 a été envoyée aux membres par courrier du 26 septembre 2022 et que les projets de décision ont été placés sur la plateforme numérique le jour même. L’on ne saurait ainsi suivre la recourante lorsqu’elle affirme que les membres de la commission n’auraient, ce faisant, pas eu suffisamment de temps pour prendre connaissance de la plainte, de ses observations et des pièces qu’elle a versées au dossier.

Pour le reste, rien n’indique que les membres de la commission plénière n’auraient pas eu accès à l’ensemble du dossier avant la séance du 6 octobre 2022, si bien que pour ce motif déjà un parallèle ne saurait être tiré avec l’ATA/1368/2017 du 10 octobre 2017. Outre le fait que cet arrêt a trait à la commission de discipline instituée par l’ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis – H 1 30), il concernait un état de fait différent, puisque, dans ce cas, les membres de ladite commission recevaient par courrier électronique un message du juriste du service en cause qui requérait leur préavis, sans communication d’autres documents, en leur octroyant un délai de dix jours pour réagir, à défaut de quoi le préavis était réputé favorable. Tel n’apparaît pas être le cas en l’espèce. À cela s’ajoute que les membres des sous-commissions siègent également lors des séances plénières, situation qui diffère aussi de la jurisprudence invoquée par la recourante. Le grief sera par conséquent écarté.

7.             La recourante se prévaut de la prescription de la poursuite disciplinaire, question que la chambre de céans examine d’office (ATA/830/2022 du 23 août 2022 consid. 7).

7.1 Selon l’art. 46 LPMéd, applicable par renvoi de l’art. 133A de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (al. 1). Tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés entraîne une interruption du délai de prescription (al. 2). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (al. 3). Si la violation des devoirs professionnels constitue un acte réprimé par le droit pénal, le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s’applique (al. 4).

La prescription peut être interrompue non seulement par les actes d’instruction des autorités de surveillance, mais également par les actes d’instruction ou de procédure des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux. Ceux-ci doivent être en rapport avec les faits incriminés. Les actes de l’autorité de surveillance comprennent toutes les actions qui contribuent à l’avancement de la procédure disciplinaire en vue de la décision finale et qui sont orientées vers l’extérieur. Il s’agit en particulier de l’ouverture formelle de la procédure, de l’interpellation pour prise de position ainsi que des auditions et autres récoltes de preuve, les décisions de nature procédurale ou les demandes d’observations (ATA/1300/2021 du 30 novembre 2021 consid. 4a ; Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, vol. II : le médecin et les soignants, Berne 2021, p. 2785 n. 5829). La chambre de céans a en outre jugé que tel était également le cas du courrier par lequel la commission avait informé les parties « de la clôture de l’instruction et lui transmettant la nouvelle composition de la commission appelée à se prononcer » (ATA/324/2016 du 19 avril 2016 consid. 2c, confirmé par l’ATA/1801/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2b/c). Le dépôt de plainte ou l’introduction d’une poursuite ou d’une procédure civile ne provoquent en revanche pas l’interruption de la prescription (ATA/1300/2021 précité consid. 4a).

7.2 En l’espèce, après avoir été saisie de la plainte de C______ le 16 décembre 2016, la commission a informé la recourante de l’ouverture de la cause le 14 mars 2017. Elle a requis à la même date les observations de la recourante, qui les a produites le 8 mai 2017. Le 9 mai 2018, la sous-commission 2 a requis de la recourante la production du dossier médical de C______, ce qu’elle a fait le 29 juin 2018. Après avoir constaté que le dossier médical n’était pas complet, la sous-commission 2 a invité la recourante à lui faire parvenir les notes de suite et appréciations médicales par courrier du 1er avril 2019. Après avoir demandé deux prolongations de délai, la recourante a produit des pièces le 8 juillet 2019. Après avoir constaté que celles-ci ne comprenaient toujours pas les pièces requises, la sous-commission 2 a relancé la recourante par courrier du 19 août 2020. La recourante n’y a toutefois pas donné suite, en dépit des deux prolongations de délai. Par courrier du 17 décembre 2020, la sous-commission 2 a informé la recourante qu’elle avait clos l’instruction lors de sa séance du 7 décembre 2020. La décision litigieuse a ensuite été rendue le 14 octobre 2022.

Par conséquent, ces différents actes d’instruction ont interrompu à chaque fois le délai de prescription et fait repartir un nouveau délai de deux ans, étant précisé que la prescription absolue de dix ans n’est pas encore atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2021 du 8 décembre 2021 consid. 5). La recourante ne prétend d’ailleurs pas le contraire, se limitant à affirmer que les griefs portés à son encontre sont prescrits « en raison de la lenteur inexplicable » de la commission. Force est toutefois de relever que même si la durée de la procédure apparaît longue, la recourante ne s'est pas plainte de la durée de l'instruction et que ses nombreuses demandes de prolongation de délais ainsi que son refus de donner suite aux demandes de pièces formées par la commission ont ralenti la procédure.

Le grief tiré de la prescription de l’action sera partant écarté.

8.             La recourante se prévaut ensuite du principe ne bis in idem.

8.1 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b ; 120 IV 10 consid. 2b ; 118 IV 269 consid. 2).

8.2 En l’occurrence, la recourante se limite à affirmer que des amendes auraient déjà été prononcées pour les mêmes reproches. Elle ne donne toutefois aucune précision sur ces prétendues sanctions antérieures, et cela alors même qu’elle s’était engagée à le faire lors de l’audience de comparution personnelle du 10 mars 2023. Insuffisamment étayé, le grief sera partant rejeté.

9.             Le litige porte sur la conformité au droit de la sanction, sous la forme d’une amende de CHF 15'000.-, infligée à la recourante. Il convient donc d’examiner en premier lieu s’il y a eu ou non une violation de la LS.

9.1 La LS a pour but de contribuer à la promotion, à la protection, au maintien et au rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes, de la population et des animaux, dans le respect de la dignité, de la liberté et de l’égalité de chacun (art. 1 al. 1 LS). La surveillance des activités du domaine de la santé fait partie du champ d'application de la loi (art. 3 al. 2 let. j LS).

Selon l’art. 42 LS, toute personne a droit aux soins qu’exige son état de santé à toutes les étapes de la vie, dans le respect de sa dignité et, dans la mesure du possible, dans son cadre de vie habituel.

Tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour chaque patient (art. 52 al. 1 LS). Le Conseil d’État fixe les exigences minimales concernant la tenue et le traitement des dossiers, y compris dans les institutions de santé (al. 3). Le dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS).

Selon l'art. 82 al. 1 LS, le professionnel de la santé doit veiller au respect de la dignité et des droits de la personnalité de ses patients.

Le chapitre VIII concerne les « institutions de santé ». Selon l’art. 100 LS, par institution de santé, on entend tout établissement, organisation, institut ou service qui a, parmi ses missions, celle de fournir des soins (al. 1) ; le Conseil d’État détermine les catégories d’institutions de santé – ce qu’il a fait en arrêtant le règlement sur les institutions de santé du 22 août 2006 (RISanté - K 2 05.06) – (al. 2) ; les cabinets individuels ou de groupe ne sont pas soumis au présent chapitre (al. 3).

Aux termes de l’art. 101 LS, afin de protéger la santé des patients et de la population et de garantir des soins appropriés de qualité, la création, l’extension, la transformation et l’exploitation de toute institution de santé sont soumises à autorisation (al. 1) ; l’autorisation d’exploitation est délivrée par le département lorsque l’institution, compte tenu de sa mission : a) est dirigée par une ou des personnes responsables qui possèdent la formation ou les titres nécessaires ; b) est dotée d’une organisation adéquate ; c) dispose du personnel qualifié nécessaire ayant reçu une formation professionnelle adéquate ; d) dispose des locaux et de l’équipement nécessaires répondant aux exigences d’hygiène et de sécurité des patients ; e) participe à l’établissement des statistiques et des autres moyens de mesures nécessaires à la réalisation et à l’évaluation de la planification sanitaire cantonale ; f) garantit, s’il y a lieu, la fourniture adéquate en médicaments (al. 2) ; l’autorisation d’exploitation indique la mission de l’institution de santé ; elle peut fixer un nombre maximal de personnes que l’institution peut prendre en charge (al. 3) ; le Conseil d'État définit, selon la nature des prestations offertes, pour chaque catégorie d'institution, les conditions spécifiques d'octroi de l'autorisation d'exploitation qui visent notamment l'aménagement des locaux, l'effectif et la qualification du personnel, ainsi que les exigences à l'égard du ou des répondants ; il peut charger le département de régler le détail de cette matière (al. 4).

Au titre des « obligations », l’art. 107 LS prescrit que les institutions de santé doivent fournir, de manière continue et personnalisée, les soins qui entrent dans leur mission à toute personne qu’elles prennent en charge ; elles ne peuvent, de leur propre initiative, arrêter la prise en charge d’une personne que si la continuité de celle-ci est garantie (al. 1) ; si nécessaire, elles doivent veiller, notamment par leur service social, à prendre toutes les dispositions utiles pour sauvegarder les intérêts des patients (al. 3) ; elles doivent, dans l’intérêt des patients et de la santé de la population, collaborer avec les autres institutions de santé et les professionnels de la santé et fonctionner de manière coordonnée (al. 4).

Selon l'art. 9 al. 1 RISanté, les institutions de santé doivent mettre en place les mesures adéquates pour assurer la qualité de leurs prestations dans le respect des droits des patients. Elles doivent posséder un système d'assurance-qualité, articulé notamment autour des points suivants : les tâches et responsabilités de chaque professionnel de la santé doivent être consignées dans un cahier des charges; le cas échéant, un organigramme doit représenter les rapports hiérarchiques et fonctionnels (let. a) ; les activités doivent être décrites dans des procédures tenues à jour basées sur les recommandations de sociétés de discipline reconnues; les activités doivent être documentées (let. b) ; les incidents doivent faire l'objet de rapports écrits et, le cas échéant, donner lieu à des mesures correctives et préventives (let. c) ; le responsable de l'institution doit s’assurer de la mise en application des bonnes pratiques, et que le personnel et les équipements sont en adéquation avec la mission de l’institution (let. d) ; l’application des procédures et des recommandations fait l’objet d’un contrôle de la part du responsable de l’institution (let. e).

Compte tenu du fait que la commission de surveillance est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/143/2023 du 14 février 2023 consid. 7 et les références citées).

9.2 Dans la décision entreprise, la commission a retenu que la « prise en charge liée à l’administration des médicaments » n’avait pas été appropriée dans le cadre du suivi du patient C______. La recourante était invitée à revoir sa procédure interne pour se conformer à la bonne pratique (en particulier, établir une procédure écrite concernant la marche à suivre d’administration de médicament, mentionner la posologie des médicaments sur le pilulier, remplir les fiches avec plus de diligence en y mentionnant le nom du patient et la date). À cela s’ajoutait le fait qu’il manquait à quatre reprises une contre-signature d’un médecin dans les feuilles de prescriptions médicales. Enfin, la tenue du dossier médical du patient faisait apparaître qu’il n’y avait pas eu de prise en charge médicale globale par un médecin et de vision claire sur le suivi du traitement médicamenteux du patient. Il manquait à son dossier une appréciation médicale de la situation, des rapports de consultation et des explications s’agissant notamment des modifications médicamenteuses.

Devant la chambre de céans, la recourante ne revient pas sur ces différents éléments, se limitant à se référer aux arguments développés dans le courrier de son précédent mandataire du 30 juin 2017. Il convient donc les examiner successivement.

S’agissant d’abord de la gestion et l’administration des médicaments, la recourante indique, dans le courrier précité, qu’une pratique interne existerait au sein de la clinique quant à la préparation et à l’administration des médicaments : les médecins donneraient les instructions aux infirmières, lesquelles prépareraient les piluliers et administreraient les médicaments aux patients. La recourante tiendrait un cahier permettant la traçabilité des médicaments ; chaque infirmière noterait le médicament qui a été administré au patient et signerait le document. Une procédure serait donc mise en place et seules les infirmières s’occuperaient de l’administration des médicaments. Quant aux fiches, la règle serait que chaque fiche doit être étiquetée. Ces documents se trouveraient dans le dossier du patient, il serait aisé de savoir à qui appartient chaque fiche. Les piluliers seraient remplis, selon les instructions du médecin, par les infirmières ; il n’y aurait aucune erreur possible une fois que les médicaments y sont placés. Le pilulier du patient serait conforme, puisqu’il indiquerait le nom, le jour et se compose de trois parties, correspondant aux comprimés du matin, du midi et du soir. Les seuls médicaments n’ayant pas de dosage précisé seraient des compléments alimentaires.

Il ressort toutefois des enquêtes qu’il n’existait aucune procédure institutionnelle pour la préparation et l’administration des médicaments. Le témoin I______, qui a procédé à l’inspection le 15 décembre 2016, a en particulier relevé que, selon l’infirmière présente lors de l’inspection, il n’existait aucune procédure institutionnelle, soit un protocole de bonnes pratiques et de respect du cadre légal. La pièce produite par la recourante le 19 juin 2023, intitulée « dossier de soins infirmiers », ne correspondait pas à la réglementation légale qui parlait de « dossier de patient ». Il s’agissait d’une procédure incomplète qui pouvait servir de « mémo » ou de rappel de bonnes pratiques à l’intention des infirmiers. Il manquait en particulier l’anamnèse, des éléments du cadre légal, les injonctions ou prescriptions et la validation du médecin responsable. Le Dr J______ a quant à lui indiqué ne pas se souvenir avoir pris connaissance d’un document de procédure institutionnelle au sein de la clinique.

C’est le lieu de rappeler que, selon l’art. 9 al. 2 let. b RISanté, les activités des professionnels de santé doivent être décrites dans des procédures tenues à jour basées sur les recommandations de sociétés de discipline reconnues. De telles procédures visent à assurer la qualité des soins et la sécurité du patient dans le cadre de sa prise en charge dans une institution de santé, notamment en ce qui concerne l’administration des médicaments. L’absence de tels documents au sein de la clinique constitue ainsi un manquement de la recourante, qui n’a pas mis en place toutes les mesures adéquates pour assurer la qualité de ses prestations dans le respect des droits des patients. Quoi qu’en dise la recourante, l’existence d’une pratique, au demeurant non étayée, ne suffit pas à combler cette absence.

Force est ensuite de relever que le dossier du patient C______ comporte de nombreuses lacunes. Les inspecteurs ont en effet constaté, sans que cela n’ait été contesté par la recourante, que l’étiquetage du pilulier ne contenait pas toujours la posologie des produits, que le nom du patient ne figurait pas sur toutes les fiches de suivi et que plusieurs médicaments étaient indiqués sans dosage ni forme galénique. On ne trouve par ailleurs aucune documentation du passage de médecins, de leurs constatations ou de l’indication de leurs prescriptions médicamenteuses (notes de suite médicales). L’administrateur de la recourante a certes indiqué en audience que chaque passage de chirurgien, anesthésiste ou infirmier était résumé dans les fiches. Il n’a toutefois fourni aucune pièce à l’appui de ses affirmations. Les documents intitulés « transmissions ciblées IDE » ne contiennent que des notes de suite d’infirmières. Il est d’ailleurs surprenant de constater que le dossier ne contient aucune trace du « suivi médical quotidien » du patient C______ que le Dr J______ a attesté avoir effectué durant son mandat à la clinique. La recourante avait pourtant été invitée à deux reprises par la commission à produire les notes de suite des médecins traitants du patient, mais n’y a pas donné suite. Elle ne les a pas davantage produites devant la chambre de céans.

Il ressort, par ailleurs, du dossier, en particulier des « feuilles de prescriptions médicales », que plusieurs prescriptions n’ont pas été contresignées par un médecin. La recourante ne le conteste pas spécifiquement. Elle admet d’ailleurs, dans son courrier du 30 juin 2017, que les ordres médicaux donnés oralement doivent être contresignés. En tant qu’elle fait valoir que les ordres non contresignés ne relèvent pas du domaine médical à proprement parler, son allégation, non étayée, est contredite par les pièces au dossier (pièce 8 intimée).

Enfin, la commission a relevé que le dossier du patient ne contenait aucune appréciation médicale globale. La recourante ne le conteste pas. Son argumentation est d’ailleurs empreinte de contradictions puisqu’après avoir indiqué, dans son courrier 30 juin 2017, que le médecin traitant du patient était le Dr B______, elle a affirmé le contraire lors de son audition devant la chambre de céans. Il convient donc de suivre l’appréciation de l’autorité intimée selon laquelle la tenue du dossier médical litigieux faisait apparaître que le patient n’avait eu ni prise en charge médicale globale par un médecin, ni vision claire sur le suivi de son traitement médicamenteux.

L’ensemble de ces éléments révèlent ainsi un problème de documentation et de traçabilité lié à la gestion et la distribution des produits thérapeutiques. La recourante a, partant, enfreint son obligation de garantir des soins appropriés de qualité conformément aux art. 107 LS et 9 RISanté.

La sanction est ainsi fondée dans son principe.

10.         Reste à examiner sa quotité.

10.1 Selon l’art. 125A LS, les mesures et sanctions administratives sont applicables en cas de violation de la présente loi et de ses dispositions d’exécution.

10.2 Selon l'art. 125B al. 1 LS, la commission de surveillance est compétente pour traiter des plaintes et des dénonciations résultant d’une infraction à la LS ou à ses dispositions d’exécution dans les cas où l’infraction a été commise dans le cadre de soins prodigués à une personne déterminée par un professionnel de la santé ou une institution de santé. La procédure est dans tous les cas réglée par la LComPS.

L'art. 127 LS dont la note est « sanctions administratives – dispositions générales » comprend sept alinéas répartis en quatre parties. L'art. 127 al. 1 et 2 LS vise les « professionnelles et professionnels de la santé », l'art. 127 al. 3 LS vise les « institutions de santé », l'art. 127 al. 4 LS vise les « pratiques complémentaires » et l'art. 127 al. 5 à 7 LS prévoit des « dispositions particulières ».

Selon l'art. 127 al. 3 LS, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des exploitants et des responsables des institutions de santé sont les suivantes : a) la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 50'000.- ; b) le département, s’agissant de la limitation ou du retrait de l’autorisation d’exploitation, de la limitation ou du retrait des autorisations en matière de produits thérapeutiques.

10.3 Selon l'art. 20 al. 2 LComPS, en cas de violation des dispositions de la loi sur la santé du 7 avril 2006, la commission de surveillance est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 20'000.‑.

10.4 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 144 I 306 consid. 4.4.1 ; ATA/775/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.2).

Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 du 13 mai 2019 consid. 6.2.2 et les références citées). Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 12.2 ; ATA/775/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.3) ; il en est de même s'agissant de la mise en œuvre de la LS.

10.5 Dans la décision entreprise, l’autorité a estimé que, compte tenu des manquements professionnels constatés, qui dénotaient une qualité de soins insuffisante au sein de la clinique, une sanction forte devait être infligée.

Devant la chambre de céans, la recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir tenu compte de manquements qui n’étaient pas en rapport avec les seuls soins prodigués au patient C______ mais qui concernaient la qualité générale des soins prodigués. Or, cet élément ne relevait pas de son domaine de compétence.

Il ressort toutefois du dossier, en particulier des déclarations du témoin I______, que l’inspection portait uniquement sur le dossier du patient C______. Les inspecteurs n’ont eu accès à aucun autre dossier médical. Ainsi, l’ensemble des constats opérés par les inspecteurs, repris par la commission dans la décision entreprise, résultent exclusivement de l’examen du dossier du plaignant C______.

Ainsi, quoi qu’en dise la recourante, la prise en soins de qualité insuffisante se fonde uniquement sur les lacunes observées dans ce dossier. La sanction pouvait donc être prononcée sur la base de l’ensemble des manquements constatés. Or, il appert que le rapport d’inspection a révélé de graves carences, tant s’agissant de la gestion et l’administration de médicaments, que de la tenue du dossier médical, voire de la prise en charge du patient. De tels manquements présentent une certaine gravité puisqu’ils sont susceptibles d’entraîner des risques pour la santé des patients.

Ces manquements ont certes été constatés il y a plus de sept ans. L’instruction du dossier a toutefois été ralentie essentiellement par les demandes de prolongation de délais formées par la recourante et l’absence d’un dossier médical complet permettant à la commission de statuer en pleine connaissance de cause. Le dossier contient en effet pas moins de dix demandes de prolongations de délais (courriers des 30 mars, 18 avril, 8 mai, 31 mai et 2 juin 2017, 11 juin 2018, 1er et 31 mai 2019 et 21 septembre et 21 octobre 2020). À trois reprises, soit par courriers des 9 mai 2018, 1er avril 2019 et 19 août 2020, la commission a informé la recourante qu’il manquait des pièces au dossier médical du patient, lui impartissant des délais pour les produire. La recourante ne s’est toutefois pas exécutée à la suite de la dernière demande de pièces du 19 août 2020 et cela quand bien même elle a sollicité deux prolongations de délais pour ce faire. S’ajoute à cela que, contrairement au plaignant, la recourante ne s’est jamais plainte de la durée de l’instruction. Ainsi, même si la durée de la procédure paraît très longue, cette lenteur est en partie imputable à la recourante.

Ainsi, compte tenu de l’ensemble des manquements reprochés, qui, comme l’a retenu l’autorité intimée, dénotent une qualité insuffisante de prestations au sein de la recourante, il n’apparaît pas que l’autorité intimée ait excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation en infligeant à la recourante une amende de CHF 15'000.-, correspondant à moins d’un tiers du montant maximal de CHF 50'000.- prévu par la loi, et cela en dépit du temps écoulé depuis les faits. Au vu du montant retenu, la sanction respecte le principe de proportionnalité tant s’agissant de sa nature que de sa quotité.

La recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient, à titre subsidiaire, que l’amende devrait correspondre à moins d’un tiers du montant maximal de CHF 20'000.- et non de CHF 50'000.-. Il y a certes une contradiction entre l’art. 20 al. 2 LComPS et l’art. 127 al. 3 LS s'agissant du montant maximal de l'amende. La chambre administrative a toutefois récemment jugé que, malgré le texte clair de l’art. 20 al. 2 LComPS, l'art. 127 al. 3 LS permettait à la commission de prononcer une amende administrative jusqu'à un montant maximal de CHF 50'000.- contre une institution de santé.

Elle a retenu que la LS était la loi centrale en matière de sanctions et la LComPS était principalement la loi visant l'organisation de la commission de surveillance. Le montant figurant à l'art. 20 al. 2 LComPS résultait d'une erreur lors d'une modification législative liée à une autre thématique, à savoir la suppression des compétences de la commission de surveillance en matière de placement à des fins d'assistance (PL 10987-A p. 17 ; loi 10987 du 12 octobre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 [ROLG 2012 p. 683]). Il convenait en effet de s’en tenir à la volonté du législateur de conserver le montant maximal de CHF 50'000.- pour les exploitants de santé. Il ressortait des travaux parlementaires que seul un montant élevé pouvait être à même de décourager des infractions de nature commerciale et souvent réalisées à l'insu des responsables des institutions (Mémorial du Grand Conseil [MGC] 2007-2008/VII A 5356 = PL 10228 p. 12 ; ATA/1296/2023 du 5 décembre 2023 consid. 7).

Pour le reste, la sanction est adéquate et apte à atteindre le but poursuivi. Enfin, cette mesure respecte le principe de la proportionnalité au sens étroit, le but d’intérêt public l’emportant sur l’intérêt économique de la recourante.

Le recours, mal fondé, sera rejeté.

11.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2022 par A______ SA contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 14 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 2’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine Payot Zen-Ruffinen, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :