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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2736/2021

ATA/1300/2021 du 30.11.2021 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.01.2022, rendu le 22.11.2022, REJETE, 2C_53/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2736/2021-PROF ATA/1300/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 novembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Philippe Eigenheer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ


EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1957, est médecin au bénéfice d’un titre postgrade fédéral en gynécologie et obstétrique depuis 1998. Il exerce en cette qualité dans son cabinet médical à Genève.

2) Le 15 décembre 2010, Madame B______ (ci-après : la patiente), née en 1977, a consulté pour la première fois M. A______ alors qu’elle était enceinte d’un peu plus de six semaines. Les notes de suivi de la patiente (ci-après : les notes) établies par le médecin indiquent « euménorrhée » et « pas dysménorrhée ». Un prélèvement du col utérin a également été effectué, lequel a révélé une infection au papillomavirus humain (ci-après : HPV) ainsi qu’une dysplasie cervicale légère (ci-après : SIL [lésions malpighiennes intra-épithéliales] de bas grade ou CIN [néoplastie intra-épithéliale cervicale] 1) avec une suspicion de dysplasie cervicale sévère (SIL de haut grade ou CIN 2 et 3).

3) Le 12 janvier 2011, la patiente a consulté M. A______ en urgence à la suite d’une fausse couche survenue le 30 décembre 2010, de saignements et de démangeaisons. Les notes indiquent notamment « HPV positif ».

4) À la suite des consultations de 2 et 10 mars 2011 de la patiente, M. A______ a réalisé une colposcopie du col de l’utérus et un prélèvement de ce dernier, dont l’analyse a mis en évidence un SIL de haut grade (CIN 3).

5) Le 28 mars 2011, M. A______ a reçu la patiente pour discuter du traitement de sa dysplasie cervicale puis, le lendemain, il a procédé à l’enlèvement d’une portion de son col utérin (conisation), dont les prélèvements ont été transmis pour analyse en laboratoire. L’examen histologique a permis de déceler un SIL de haut grade (CIN 3), mais aucun signe de malignité.

6) Le 5 avril 2011, M. A______ a réalisé un contrôle « post-conisation » sur la patiente, puis le 5 mai 2011 constaté une « inflammation +++ » traitée au moyen d’un antiseptique.

7) Les 30 juin et 6 octobre 2011, la patiente a consulté M. A______ dans le cadre de contrôles trimestriels, de même que les 12 janvier et 19 avril 2012, le médecin relevant une « aménorrhée » et une « hypoménorrhée », ainsi que les 12 juillet et 15 octobre 2012.

8) Lors de la consultation du 19 janvier 2013, les notes de M. A______ indiquent que la patiente avait perdu son anneau vaginal.

9) Le 4 février 2013, M. A______ a tenté la pose d’un stérilet hormonal « Mirena » sur la patiente, ce qui s’est révélé, selon ses notes, « impossible car conduit fermé ».

10) Le 15 février 2013, M. A______ a tenté une nouvelle fois de poser un stérilet à la patiente, ce qui s’est également révélé impossible selon ses notes, qui font état d’une cavité utérine déviée à gauche.

11) Les 8 avril et 28 octobre 2013, 20 et 28 janvier et 5 novembre 2014, la patiente a consulté M. A______ notamment pour le suivi de sa dysplasie cervicale.

12) Le 18 février 2015, la patiente a consulté M. A______ en urgence pour des démangeaisons, des lésions vulvo-vaginales et « parfois douleurs abdominales hypogastriques » et s’est vu prescrire un traitement antifongique.

13) Le 20 avril 2015, la patiente a consulté M. A______ pour des « douleurs hypogastriques importantes ». À cette occasion, il a effectué une échographie, dont les images ne figurent pas au dossier, et constaté la présence d’une masse dans l’utérus de la patiente, d’un diamètre de 3 cm, indiquant « (myome ?) » dans ses notes. Il a également soumis la patiente à une prise de sang, dont l’analyse a permis d’exclure une grossesse en cours.

14) Le 28 avril 2015, M. A______ a procédé à une hystéroscopie diagnostique sur la patiente. Selon le rapport d’intervention, la cavité utérine était presque complètement occupée par une masse de surface lisse dont l’origine se trouvait sur la paroi latérale droite, très peu d’espace restant du côté gauche pour passer l’instrument. Les orifices tubaires n’étaient pas visibles en raison de la taille de la masse. Un « myome intra-utérin » était diagnostiqué.

15) Le 18 mai 2015, M. A______ a reçu la patiente en consultation. Les notes indiquent que des explications préopératoires concernant l’hystéroscopie par résection de la masse qui occupait « presque la totalité de la cavité utérine » lui avaient été données.

16) À cette occasion, M. A______ a remis à la patiente un document intitulé « protocole d’information pour un curetage explorateur et hystéroscopie » (ci-après : le protocole d’information), qui indiquait notamment, s’agissant des risques et complications, que lors d’un curetage explorateur ou d’une hystéroscopie, des lésions des parois utérines avec déchirure des tissus pouvaient, dans de très rares cas, se produire. Des saignements dans la cavité abdominale ou même des lésions d’autres organes abdominaux pouvaient s’ensuivre. Dans ce cas, une laparoscopie et éventuellement une opération avec incision de la paroi abdominale serait pratiquée. Exceptionnellement, il fallait, par la suite, procéder à une ablation de la matrice. Ce document a été signé par la patiente le jour même.

17) Le 20 mai 2015, M. A______ a procédé à une hystéroscopie en vue de l’ablation de la masse par voie vaginale, intervention qui n’est toutefois pas mentionnée dans ses notes.

Selon les deux rapports opératoires du 20 mai 2015 au contenu identique sauf s’agissant du nom du médecin anesthésiste présent lors de l’opération et de la signature de M. A______, qui ne figure que sur l’un d’eux, un « grand myome intra-utérin » avait été diagnostiqué, mais l’intervention n’avait pas permis l’ablation de celui-ci, en raison de l’impossibilité de trouver l’espace pour placer correctement l’instrument. Il avait ensuite procédé à un contrôle échographique qui montrait que « le myome déplace l’hystéroscope juste en-dessus de la vessie. Devant le grand risque de perforation de celle-ci, nous décidons d’arrêter l’intervention et de proposer à la patiente la réalisation d’une hystérectomie ».

18) Le 27 mai 2015, M. A______ a réalisé, sur la patiente, une hystérectomie subtotale par laparoscopie avec conservation des annexes, soit l’ablation de l’utérus sans le col, une adhésiolyse ainsi qu’une élétrocoagulation des lésions d’endométriose. Ladite intervention n’est pas non plus mentionnée dans ses notes.

Selon les deux rapports opératoires du 27 mai 2015 au contenu identique à quelques mots près sauf s’agissant du nom du médecin anesthésiste présent lors de l’intervention et de la signature de M. A______, qui ne figure que sur l’un d’entre eux, un « myome intra-utérin et adénomyose. Adhérences intra-abdominales. Endométriose » étaient diagnostiqués. Un grand nombre d’adhérences fixaient le côlon descendant et le sigmoïde, ce qui empêchait la visualisation de l’annexe gauche. Il y avait aussi des adhérences fixant le côlon ascendant. L’utérus avait augmenté de taille, était globuleux, de surface régulière. Les annexes étaient dans la norme. L’ablation du corps utérin s’était faite sans difficulté et il avait été envoyé « en morceaux » pour analyse au laboratoire.

19) Le 1er juin 2015, le laboratoire a rendu le rapport d’analyse du corps utérin remis par M. A______. Au niveau macroscopique, il s’agissait d’un utérus parvenu en multiples fragments cylindriques mesurant au maximum 18 cm de grand axe et globalement 1,5 cm d’épaisseur. Le volume total était de 40 cc. Le myomètre avait un aspect piqueté brunâtre compatible avec une adénomyose. L’endomètre était difficile à identifier sur ces fragments. On ne retrouvait pas de véritable lésion suspecte de léiomyome à la coupe. Au niveau microscopique, l’endomètre en surface était « en métaplasie tubaire, sans élément suspect de malignité ». Il n’y avait pas d’évidence de léiomyome.

20) Le 2 juin 2015, la patiente a consulté M. A______ dans le cadre d’un contrôle post-opératoire puis les 15 juin et 1er octobre 2015 en raison d’une vaginite, ainsi que les 13 janvier et 25 avril 2016. Les prélèvements effectués dans le col de l’utérus de la patiente ont toutefois révélé un SIL de bas grade, les examens pathologiques ayant exclu la présence d’un HPV.

21) Le 17 mai 2016, M. A______ a réalisé une colposcopie de la patiente, qui a montré des zones de mosaïques dans la zone inférieure du col de l’utérus, lesquelles ont fait l’objet d’une biopsie. Celle-ci a mis en évidence une inflammation de la partie intra vaginale du col de l’utérus, mais pas de dysplasie cervicale. M. A______ a également constaté la présence de condylomes, qui ont été traités les 1er, 8 et 15 juin 2016.

22) Selon les notes relatives à la consultation du 17 mai 2016, la patiente avait exprimé un désir de grossesse par mère porteuse dans son pays d’origine, si bien qu’un bilan hormonal avait été réalisé.

23) Lors de la consultation du 5 septembre 2016, M. A______ n’a détecté aucune masse pelvienne, les prélèvements effectués n’ayant pas non plus montré de cellules suspectes.

24) Par courrier du 17 octobre 2016, la patiente a informé M. A______ qu’elle serait suivie par un spécialiste de la fertilité, lui demandant de lui transmettre l’intégralité de son dossier médical, y compris les rapports opératoires et les documents de laboratoire. Elle précisait en outre souhaiter continuer son suivi auprès de lui concernant la gestion de ses problèmes gynécologiques et le garder comme médecin de référence.

25) Le 22 juin 2017, la patiente a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) d’une plainte à l’encontre de M. A______.

Son médecin lui avait dit qu’elle avait eu un cancer du col de l’utérus particulièrement agressif, ayant nécessité ses interventions, parfois de manière hebdomadaire, plusieurs opérations ainsi que de nombreux prélèvements, ce qui avait constitué une source d’anxiété. En mai 2015, à la suite d’une consultation au cours de laquelle M. A______ avait soupçonné une grossesse, celui-ci lui avait dit avoir découvert un énorme myome utérin qui devait urgemment être opéré, étant donné que la tumeur avait grossi de manière « galopante » en peu de temps. En l’espace d’une semaine, elle avait ainsi subi deux interventions. Lors de la première, pratiquée par voie vaginale, son médecin lui avait expliqué que la tumeur, au vu de sa taille, ne pouvait être retirée sans risque hémorragique et de perforation des organes. Une semaine plus tard, lors de la deuxième intervention, elle avait subi, par laparoscopie, une hystérectomie, sans colpectomie, alors que ses ennuis de santé avaient précisément commencé par des problèmes au col de l’utérus. Elle s’était alors retrouvée sans utérus, ce dont elle n’avait pas préalablement parlé avec M. A______. Elle s’était sentie d’autant plus déprimée qu’elle envisageait de concevoir un enfant avec son compagnon. Elle avait demandé à M. A______ de lui remettre une copie de l’intégralité de son dossier médical, mais, à sa surprise, elle n’avait reçu que des données factuelles, sans disposer de comptes rendus opératoires ni d’analyses microbiologiques. Depuis lors, elle avait consulté deux autres gynécologues, qui avaient émis des réserves concernant la nécessité d’une hystérectomie sans colpectomie dans son cas. Elle avait l’impression que M. A______ lui avait retiré l’utérus pour rien et que la multiplication des traitements qu’elle avait subis était inutile.

Elle a annexé à son courrier différents extraits de son dossier médical.

26) Le 6 septembre 2017, la commission a informé M. A______ de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre, lui accordant un délai pour se déterminer.

27) Dans ses observations du 16 septembre 2017, M. A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés.

Les différents examens réalisés sur la patiente avaient mis en évidence une dysplasie cervicale à laquelle la conisation avait permis de remédier, les contrôles ultérieurs n’ayant montré aucun signe de récidive. Le 19 janvier 2013, à la suite de la perte de son anneau vaginal, la patiente lui avait demandé la mise en place d’un stérilet hormonal, ce qu’il avait, en vain, tenté de faire. En octobre 2013, en raison de l’hypertension artérielle de la patiente, il lui avait déconseillé toute contraception hormonale et interrompu la prescription de l’anneau vaginal. Le 20 avril 2015, la patiente l’avait consulté en raison d’importantes douleurs hypogastriques. L’échographie réalisée à cette occasion avait montré la présence d’une masse de 3 cm qui déformait la cavité utérine, ce que l’hystéroscopie diagnostique avait confirmé. Il avait alors pensé à un gros myome, responsable des douleurs décrites par la patiente. N’ayant aucune alternative de traitement à long terme que l’ablation de ladite masse, il avait proposé à la patiente d’effectuer cette intervention. Le 20 mai 2015, il avait tenté d’ôter la masse, mais n’avait pas réussi en raison de sa taille. Après une nouvelle discussion avec la patiente, il avait réalisé une hystérectomie subtotale par laparoscopie avec conservation des annexes. À la surprise générale, la masse ne correspondait toutefois pas à un myome et son origine restait inconnue, le rapport d’analyse n’ayant pas permis d’apporter davantage d’informations en raison du morcellement des tissus transmis. Le diagnostic différentiel devait être fait avec l’endosalpingiose, qui se présentait sous la forme de kystes avec un revêtement tubaire pouvant envahir le myomètre. Par ailleurs, à la demande de la patiente, il lui avait transmis une copie de son dossier médical, à l’exception de ses notes personnelles.

Il avait été très surpris que la patiente s’adresse à la commission, puisque tous les diagnostics et traitements avaient été réalisés dans les règles de l’art. Il n’avait jamais été question de « cancer » et le col de l’utérus, « laissé sur place », ne montrait aucune pathologie importante, ce que corroborait le dernier rapport de cytologie. En outre, l’hystérectomie avait été réalisée sur la base des examens échographiques et hystéroscopiques, au demeurant en présence de la patiente et de sa secrétaire qui, toutes les deux, avaient vu les images. Celles-ci n’avaient pas été conservées, en raison d’une panne informatique survenue quelques mois plus tard. À cela s’ajoutait qu’en raison de sa taille, la masse excluait toute grossesse, étant précisé que, par le passé, la patiente avait fait trois fausses couches et que la pose d’un stérilet avait été impossible. De plus, l’hystérectomie avait été réalisée après un long entretien avec la patiente, qui avait toujours été informée du déroulement des événements et aurait pu manifester son désaccord ou solliciter un deuxième avis, ce qu’elle n’avait pas fait.

28) Le 25 septembre 2017, M. A______ a complété ses observations, indiquant qu’il avait effectué des recherches approfondies dans la littérature scientifique au sujet de l’adénomyose utérine, si bien qu’il pensait avoir trouvé l’explication à cette « affaire », dès lors qu’il existait des lésions correspondant parfaitement à la pathologie trouvée sur la patiente. Les adénomyomes présentaient également des douleurs hypogastriques et l’échographie de départ pouvait montrer une tumeur arrondie dans le myomètre, comme celle ayant été observée. L’utérus de la patiente était malade et l’intéressée ne pouvait nier que la raison de sa consultation résidait dans d’« énormes douleurs abdominales ». Dans 30 % des cas, l’adénomyose était du reste associée à la présence d’un myome et, comme dans le cas de la patiente, à de l’endométriose intra-abdominale. Il avait suivi à la lettre le traitement de l’adénomyose, puisqu’il avait tenté de mettre en place un stérilet hormonal, qu’il avait essayé une hystéroscopie opératoire pour une endométrectomie et qu’au vu de la situation, le dernier recours était l’hystérectomie pour traiter les douleurs ressenties par la patiente, option largement discutée avec l’intéressée. Celle-ci n’avait au demeurant jamais exprimé de désir d’enfant, sa priorité ayant été le traitement de ses douleurs. Lors des explications données avant la première intervention, il était clair qu’une procréation ne serait plus possible, même après l’éventuelle résection de la grande masse utérine, et ce en raison de l’était cicatriciel, de la présence d’endométriose, des adhérences intra-abdominales et des antécédents de fausse couche de la patiente, le tout couplé avec son âge. Les chances d’une nouvelle grossesse, même par procréation médicalement assistée, étaient infimes.

29) Le 13 juin 2019, la commission a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. La patiente a expliqué qu’avant l’intervention du 27 mai 2015, ses menstruations étaient normales et peu abondantes. Elle ne souffrait d’aucune douleur et n’avait suivi aucun traitement contre l’anémie. Les consultations avaient toujours été proposées par M. A______, qui lui avait fait comprendre qu’étant donné ses problèmes au niveau du col de l’utérus, le suivi devait être « serré », ce qui l’avait entretenue dans la peur. Le 20 avril 2015, lors de la découverte de la masse, il s’était agi d’une consultation de routine, étant donné qu’elle ne présentait aucune douleur. M. A______ s’était demandé si elle était enceinte, puis avait insisté pour la revoir la semaine suivante. Il lui avait dit que la masse avait grandi et qu’il soupçonnait quelque chose de grave. Alors qu’elle se réveillait à peine de l’opération du 20 mai 2015, M. A______ était venu la voir pour lui expliquer qu’elle serait à nouveau opérée le 27 mai 2015, la date ayant déjà été fixée. Il ne lui avait toutefois pas parlé d’un problème à l’utérus ni ne lui avait indiqué que cet organe lui serait ôté, alors qu’elle voulait être mère, ce qu’il savait. Le médecin ne lui avait pas non plus prescrit de médicament ni effectué une prise de sang avant de procéder à la deuxième intervention qui avait, selon elle, pour objet l’ablation du myome. Ce n’était qu’à son réveil qu’elle avait appris ce qui s’était passé. Une année plus tard, lors de sa dernière consultation, elle avait souhaité connaître la qualité de ses ovocytes, ce à quoi M. A______ s’était d’abord opposé avant de céder face à son insistance. Par la suite, elle avait reçu une simple copie des résultats de laboratoire comportant la mention manuscrite « non ». Elle avait alors décidé de consulter un spécialiste de la fertilité qui s’était demandé pourquoi l’utérus avait été enlevé alors qu’il était sain et pourquoi le col de l’utérus n’avait pas suivi le même sort.

b. Selon M. A______, avant l’intervention litigieuse, la patiente l’avait consulté à plusieurs reprises en raison de douleurs hypogastriques importantes. Il lui avait prescrit un analgésique en réserve, à prendre en cas de besoin. Il avait détecté une masse, que la patiente avait vue, qui grandissait. Dans un premier temps, il avait pensé à un fibrome, mais il s’agissait probablement d’un adénomyome. Une biopsie n’avait pu être réalisée, dès lors qu’il n’avait pas réussi à placer l’instrument, ce qui s’était présenté deux ou trois fois durant sa carrière. Il avait d’ailleurs effectué une échographie pour comprendre la situation. Le myome remplissait toute la cavité utérine, qui n’était pas énorme. Lors de l’examen du 20 avril 2015, il était de 3 cm, mais il avait grandi depuis lors, si bien qu’il était possible qu’il mesurât entre 3 et 5 cm. Il n’avait jamais vu une masse grandir aussi vite, ce qui était inhabituel. Au niveau du diagnostic différentiel, il pouvait s’agir d’endométriose ou d’une masse. Mais au vu de la disparition des douleurs de la patiente après l’opération, il ne pouvait s’agir que d’une masse, même si l’analyse n’avait pas permis de l’établir en raison du morcèlement des tissus causé par l’intervention. L’hystérectomie subtotale était indiquée dans un tel cas et constituait le moyen le moins traumatique. Dans ce cadre, même s’il ne disposait pas de document écrit à ce sujet, la patiente avait donné son consentement éclairé, après qu’il lui eut expliqué que la masse n’avait pas pu être reséquée le 20 mai 2015. Il lui avait en particulier expliqué que pour ôter la masse, l’utérus, qui était très malade, devait également être enlevé. Il lui avait rendu visite tous les jours en post-opératoire et discuté de l’intervention à venir, laquelle était clairement définie. De plus, la tenue de la deuxième intervention avait chamboulé son agenda et nécessité le déplacement de nombreux rendez-vous. La patiente n’avait jamais émis le souhait d’avoir un enfant, au regard de ses pathologies, et ce n’était que lors d’une consultation en 2016 qu’elle avait demandé à effectuer un bilan hormonal. Il ne faisait pas de rapport complet dans ses notes et n’inscrivait au dossier que ce qui sortait de l’ordinaire.

30) Le 23 décembre 2019, la commission a accordé aux parties un délai pour se déterminer.

31) Les 13 février et 17 juillet 2020, M. A______ a conclu au classement de la procédure dirigée à son encontre ainsi qu’à l’audition de plusieurs témoins, à savoir la secrétaire ayant travaillé dans son cabinet, les membres du personnel de la clinique présents lors de l’hystéroscopie opératoire du 20 mai 2015 et le médecin l’ayant assisté lors de l’intervention du 27 mai 2015.

En début d’année 2013, après avoir réalisé une anamnèse complète et un examen clinique selon les pathologiques relatées par la patiente, à savoir des métrorragies et des douleurs, il avait réalisé un examen échographique, qui avait révélé une hyperplasie de l’endomètre. Le 4 février 2013, à la suite de la perte de son anneau vaginal et à la demande de la patiente, il avait tenté d’installer un stérilet, dont la pose était indiquée en cas de dysménorrhée et d’hyperménorrhée. Le 20 avril 2015, la patiente était venue le consulter en raison d’importantes douleurs hypogastriques, ses symptômes s’étant largement aggravés. À cette occasion, il avait réalisé une échographie ayant montré la présence d’une masse intra-utérine d’environ 3 cm, déformant la cavité utérine, ce qui expliquait les douleurs importantes décrites par l’intéressée. Le fait que la masse ait été relativement petite lorsque la patiente l’avait vue à l’échographie confirmait qu’elle avait grandi rapidement jusqu’à occuper la majeure partie de l’utérus. Au vu des images issues de l’échographie, il en avait déduit qu’il s’agissait d’un gros myome, plus précisément d’un adénomyome. Lors de l’intervention du 20 mai 2015, la masse avait encore grossi, ce que le personnel présent avait pu constater, une échographie ayant également été effectuée à cette occasion, laquelle avait montré que l’épaisseur des parois utérines était trop mince et que la masse était trop grande pour qu’il soit procédé à son ablation. Au vu de la situation, il avait mis un terme à l’opération, pour parler à la patiente de l’hystérectomie subtotale envisagée, qui constituait le moyen le plus efficace et le moins invasif compte tenu des circonstances. Préalablement à l’intervention du 27 mai 2015, la patiente avait signé un formulaire de consentement le 18 mai 2015, qui indiquait, comme risque, l’ablation de la matrice, à savoir une hystérectomie. La patiente était dès lors au courant des tenants et aboutissants liés à l’opération envisagée, ces explications étant intervenues non seulement le 20 mai 2015, mais également dans les jours suivants, lorsqu’il lui avait rendu visite à la clinique. Il lui avait également expliqué l’impossibilité de toute grossesse future. Lors de l’opération du 27 mai 2015, le collègue qui l’avait assisté n’avait pas pu introduire le mobilisateur intra-utérin en raison de l’obstruction du passage par la masse. Malgré les examens réalisés en laboratoire, il n’avait pas été possible de déterminer clairement l’origine de la masse car son morcellement avait empêché de reconstituer ses dimensions ou sa nature. Le rapport d’analyse faisait toutefois état d’une adénomyose ainsi que d’un endomètre en métaplasie tubaire, le diagnostic différentiel pouvant consister en une endosalpingiose qui se présentait sous la forme de kystes avec revêtement tubaire envahissant le myomètre ; cette hypothèse n’avait pu être ni affirmée ni niée.

32) Dans ses observations des 29 juin et 28 août 2020, la patiente a persisté dans ses précédentes explications. M. A______ l’avait maintenue dans la peur, notamment à la suite de la conisation qu’elle avait subie, lui ayant indiqué qu’il n’avait jamais vu un HPV d’une telle agressivité, si bien qu’elle avait alors cru mourir. Il avait par la suite maintenu cet état de peur, tout en la rassurant sur le fait que la possibilité de devenir mère serait préservée. Elle n’avait jamais présenté de pathologies telles que des douleurs abdominales ou hypogastriques, aucun médicament n’ayant été prescrit à cet effet, ni souffert d’hémorragies anormales d’origine utérine ou d’une hyperplasie de l’endomètre, dont elle n’avait jamais ressenti les symptômes, ses menstruations n’étant pas abondantes, au contraire. Elle n’avait pas non plus perdu son anneau vaginal, M. A______ lui ayant parlé de la mise en place d’un stérilet réduisant le dosage hormonal pour perdre du poids. Lors de la consultation du 20 avril 2015, M. A______ lui avait montré, à l’écran de l’échographe, une petite tache, qu’il avait qualifiée d’« embryon » et confondue avec une grossesse de quinze jours. Comme elle n’était pas enceinte, le médecin l’avait informée qu’il s’agissait d’un myome, qui devait être ôté car il grandissait trop vite. Ce n’était que le 20 mai 2015, après l’hystéroscopie, que M. A______ avait mentionné la taille du myome et lui avait dit qu’il occupait toute la cavité utérine. Il ne lui avait toutefois pas parlé de la possibilité d’enlever l’utérus ni sollicité son consentement à cet effet. Le seul document que M. A______ lui avait montré était un dessin, à son cabinet, dans lequel était expliqué, de manière minimaliste, l’intervention du 20 mai 2015 et les risques liés à l’anesthésie. Pour l’opération du 27 mai 2015, aucune consultation préopératoire n’avait eu lieu. Elle n’avait été informée de ladite opération qu’à son réveil, à l’issue de l’intervention du 20 mai 2015, et ce durant une dizaine de minutes. Ensuite, durant son séjour à la clinique, M. A______ s’était limité à lui indiquer qu’il l’opérerait le mercredi suivant, pour ne pas laisser traîner les choses, et était rapidement passé la voir à deux reprises, après sa journée de travail. La façon dont il lui avait présenté la situation lui avait donné l’impression qu’elle n’avait pas eu le choix. Elle avait ainsi pensé que, lors de la deuxième intervention, le myome serait enlevé, mais cette fois par laparoscopie.

33) Le 3 mai 2021, la commission a rendu son préavis, proposant au département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département) une suspension de l’autorisation de pratiquer de M. A______ d’une durée de trois mois.

Aucun élément au dossier ne prouvait la présence d’une masse, ni a fortiori sa croissance rapide, en l’absence de tout cliché échographique ou de description des constatations ressortant des examens réalisés, que M. A______ aurait pu effectuer malgré la panne invoquée, qui, bien que ne lui étant pas imputable, n’était pas un événement rare et imprévisible. Le fait que la patiente et le personnel présent lors des interventions auraient vu une telle masse n’était pas suffisamment probant. À cela s’ajoutait qu’après l’intervention, les examens pathologiques n’avaient pas permis de retrouver le fibrome dans les tissus, alors même que M. A______ avait indiqué qu’il mesurait entre 3 cm et 5 cm, de sorte que des traces devaient en être trouvées, même si l’utérus avait été sorti en lambeaux. Seul du tissu utérin standard avait été retrouvé et l’examen microscopique n’avait pas non plus révélé la présence de cellules anormales. Aucune biopsie n’avait été réalisée lors de l’examen du 28 avril 2015, pas plus que lors des interventions des 20 et 27 mai 2015, alors même qu’indépendamment de la taille de la masse, l’introduction d’un tube d’un diamètre de 2 mm pour effectuer un prélèvement demeurait possible. Par ailleurs, seule la présence de douleurs hypogastriques avait conduit M. A______ à poser le diagnostic de myome, sans que ne soient pris en compte d’autres symptômes comme des troubles menstruels sous la forme d’hyperménorrhées et de ménorragies, absents du dossier médical, qui auraient pourtant dû entrer en ligne de compte. Le dossier médical ne faisait pas non plus état d’un diagnostic différentiel, invoqué par M. A______ seulement lors de la procédure disciplinaire, lequel avait décrit les étapes de la prise en charge de manière à la faire apparaître comme faisant partie d’un plan de traitement de la pathologie. La démarche diagnostique de M. A______ n’apparaissait ainsi pas suffisamment sérieuse. Il n’avait pas fait preuve d’une diligence suffisante, omettant de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition lui permettant de poser un diagnostic de manière consciencieuse et dans le respect des règles de l’art. Compte tenu des conséquences d’une hystérectomie sur une femme encore en âge de procréer, le médecin se devait d’investiguer davantage et ne pouvait se contenter d’une seule hypothèse, laquelle s’était révélée erronée et dont avaient découlé des conséquences graves pour la patiente.

Le diagnostic de myome ayant été posé de manière erronée, il n’existait pas d’indication de procéder à une hystérectomie. L’allégation de l’absence d’indication à enlever également le col de l’utérus était en contradiction avec les propres constatations de M. A______ en lien avec le HPV dont était porteuse la patiente, couplée à un SIL de haut grade et à une précédente conisation. Ces éléments devaient ainsi conduire M. A______ à procéder à une ablation simultanée du col de l’utérus de la patiente, ce qu’il n’avait pas fait par commodité.

M. A______ avait également violé son devoir d’information et n’avait pas valablement recueilli le consentement de sa patiente pour l’hystérectomie du 27 mai 2015. En particulier, le protocole d’information du 18 mai 2015 ne portait que sur l’hystérectomie du 20 mai 2015. Si l’ablation de la matrice y était signalée, c’était en tant que risque ou complication de l’hystéroscopie, l’hystérectomie constituant une intervention distincte. Aucun document de consentement relatif à cette dernière intervention n’avait été produit et les notes du médecin ne faisaient pas non plus état d’une telle information. Il était néanmoins établi qu’une discussion avait eu lieu avant l’intervention, à tout le moins à la sortie de l’anesthésie de la patiente. Le fait que la patiente ait demandé un test hormonal en vue du prélèvement d’ovocytes permettait de considérer qu’elle n’avait pas reçu toutes les informations nécessaires relatives à l’intervention, notamment s’agissant de ses conséquences sur d’éventuels projets de grossesse ou que, bien qu’elle les avait reçues, elle ne les avait pas comprises. Or, les conséquences d’une telle intervention sur une femme en âge de procréer nécessitaient une information étendue, claire et précise, le médecin ne pouvant laisser aucune place à un quelconque malentendu, indépendamment de savoir si la question d’une grossesse avait ou non été abordée et formulée. Même à admettre l’existence d’une information adéquate, le délai ayant séparé la discussion sur l’intervention et la mise en œuvre de celle-ci ne parlaient pas en faveur d’un consentement valablement recueilli, sept jours s’étant écoulés entre les deux interventions seulement.

M. A______ n’avait pas tenu le dossier médical de la patiente de manière rigoureuse. Ses notes étaient globalement incomplètes, en l’absence de mention systématique des motifs de consultation, de description des ovaires et de l’utérus notamment. S’il ne pouvait être fait grief à M. A______ d’avoir perdu les clichés de l’échographie réalisée en 2013, rien ne l’empêchait d’en consigner la description dans le dossier. Celui-ci ne contenait pas non plus les clichés ni la description de l’examen du 28 avril 2015 au cours duquel il avait constaté la présence d’une masse dans l’utérus de la patiente, pas plus que la prescription d’analgésiques pour soulager ses douleurs ou les images des interventions des 20 et 27 mai 2015, cette dernière n’étant du reste pas du tout mentionnée dans ses notes. En outre, le dossier contenait, pour chacune de ces interventions, deux rapports avec des noms d’anesthésistes différents, ce qui compliquait également la compréhension de la prise en charge.

Il ne pouvait toutefois être reproché à M. A______ de ne pas avoir remis à sa patiente son dossier médical, celle-ci ayant au demeurant produit plusieurs documents tirés de celui-ci. Il en allait de même du nombre des consultations, qui se justifiaient par la dysplasie cervicale de la patiente et par d’autres affections gynécologiques, qui nécessitaient un suivi régulier.

Les manquements retenus à l’encontre de M. A______ étaient graves. Il avait négligé une démarche diagnostique complète, ce qui l’avait mené à poser un diagnostic manifestement erroné et conduit à retirer, à tort, l’utérus de la patiente avec des conséquences irréversibles sur la capacité de cette dernière à procréer. Il avait par ailleurs violé son devoir d’information et omis de recueillir le consentement éclairé de la patiente. Il n’avait pas non plus respecté les règles de bonne tenue du dossier médical. Il n’avait toutefois fait l’objet d’aucune sanction administrative par le passé. Dès lors, un retrait temporaire du droit de pratiquer se justifiait, et ce pour une durée de trois mois.

34) Par arrêté du 21 juin 2021, le département a retiré à M. A______ le droit de pratiquer la profession de médecin pour une durée de trois mois, suivant en tous points le préavis de la commission, dont les termes étaient repris.

35) Par acte du 23 août 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à son annulation et au classement de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre, subsidiairement à l’audition de plusieurs témoins et à sa comparution personnelle, plus subsidiairement au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision au sens des considérants.

Il requérait l’audition des membres du personnel de la clinique présents lors de l’hystéroscopie du 20 mai 2015, du confrère l’ayant assisté lors de l’intervention du 27 mai 2015 ainsi que de l’anesthésiste présente lors des deux interventions, de même que son ancienne secrétaire.

Son droit d’être entendu avait été violé, dès lors que le département et avant lui la commission, avaient, sans donner aucune motivation, refusé de faire droit à ses réquisitions de preuves, alors même que les versions étaient contradictoires et que les faits méritaient d’être élucidés.

Il en résultait que les faits avaient été constatés de manière inexacte et incomplète, la décision litigieuse étant au surplus contraire au droit. Il était en particulier erroné d’affirmer que seules les douleurs hypogastriques l’avaient conduit à envisager la présence d’un myome, qui était visible sur les images échographiques. Les examens pathologiques avaient en outre fait état d’un aspect du myomètre compatible avec une adénomyose, qu’il avait précédemment diagnostiquée. Il avait également envisagé une éventuelle grossesse, de sorte qu’un diagnostic différentiel avait bien été réalisé. En tout état de cause, même s’il s’était agi d’une adénomyose, ce que le rapport d’analyse n’avait pas été en mesure de confirmer, l’hystérectomie subtotale était l’option thérapeutique la plus indiquée, sans qu’elle ne pût être qualifiée d’intervention de commodité, puisque rien ne commandait d’ôter par la même occasion le col de l’utérus. À cela s’ajoutait que la décision litigieuse ne mentionnait pas de base légale permettant de lui imputer un tel reproche. Il avait également respecté son devoir d’information, puisque le protocole d’information présentait clairement l’hystérectomie comme un risque, qui s’était en l’occurrence réalisé, mais dans un deuxième temps. Le fait que la patiente lui ait demandé d’effectuer, par la suite, un test hormonal était sans pertinence et ne pouvait être interprété comme un manque d’information de sa part, étant précisé que, dans un cas comme celui de la patiente, la production d’ovocyte était en théorie envisageable. La patiente avait également continué à le consulter après l’intervention, ce qui montrait qu’elle n’ignorait pas en quoi celle-ci avait consisté. C’était en outre à la demande de la patiente que la deuxième opération avait été fixée seulement une semaine après la première. S’agissant, enfin, de la tenue du dossier médical, les rapports opératoires en deux exemplaires résultaient d’une erreur de plume, ce qui n’avait causé aucune complication pour la prise en charge de la patiente. Par ailleurs, dans la mesure où il n’avait pu anticiper la perte des images échographiques, il ne pouvait pas non plus lui être reproché de ne pas avoir consigné leur contenu dans le dossier médical, dans lequel il avait consigné toutes les informations importantes, à savoir le protocole d’information, les résultats d’analyses, les notes d’anamnèse et les rapports opératoires.

La sanction infligée était au demeurant trop sévère et, dès lors, disproportionnée, en particulier en lien avec l’atteinte injustifiée qu’elle emportait à la liberté économique. Par ailleurs, dans un précédent arrêt (ATA/916/2018 du 11 septembre 2018), une sanction similaire avait été prononcée, alors que l’erreur commise par le médecin avait eu des conséquences bien plus importantes sur le patient concerné.

36) Le 23 septembre 2021, le département a conclu au rejet du recours, reprenant les développements figurant dans la décision du 21 juin 2021.

Il précisait que M. A______ avait pu s’exprimer à de nombreuses reprises, y compris oralement, devant la commission, laquelle avait renoncé, comme elle en avait le droit, aux auditions sollicitées. En tout état de cause, une éventuelle violation du droit d’être entendu pouvait être réparée devant la chambre administrative.

La restriction à la liberté économique de M. A______ était justifiée, en particulier sous l’angle de la proportionnalité. Ses agissements étaient graves et contraires à l’obligation de diligence dont tout professionnel de la santé devait faire preuve. Par ailleurs, compte tenu des éléments ressortant du dossier médical et des différents courriers de l’intéressé et de son audition, il n’existait aucun élément favorable permettant d’annuler la sanction litigieuse.

37) Dans sa réplique, M. A______ a persisté dans ses conclusions

Le département s’était limité à reprendre, dans sa réponse au recours, les éléments figurant dans la décision litigieuse, sans discuter des griefs formulés à l’encontre de celle-ci. La violation de son droit d’être entendu ne résultait pas seulement du fait du rejet de ses réquisitions de preuves, mais également de ce que l’autorité n’avait pas expliqué en quoi elle estimait pouvoir se passer des actes d’instruction proposés. Ladite violation ne pouvait être réparée, dès lors que la chambre administrative ne pouvait pas revoir la décision sous l’angle de l’opportunité. Il avait en outre exposé de manière détaillée les raisons pour lesquelles aucune faute grave ne pouvait lui être reprochée. Il n’avait ainsi jamais poursuivi d’autre objectif que de soigner sa patiente et de protéger sa santé.

38) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 135 loi sur la santé du 7 avril 2006 - LS - K 1 03).

2) Dans un premier grief d’ordre formel, le recourant fait valoir une violation de son droit d’être entendu, l’autorité intimée, et avant lui la commission, n’ayant pas donné suite à ses réquisitions de preuves, aux termes desquelles il persiste, sans donner d’explication à ce refus.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit, pour l’intéressé, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves, à condition qu’elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 du 28 octobre 2021 consid. 4.1). Il ne comprend en principe pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2021 du 7 octobre 2021 consid. 4.1) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 du 13 mai 2019 consid. 5.2.1). Le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

b. Le droit d’être entendu comprend également l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision (ATF 145 III 324 consid. 6.1 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2021 précité consid. 4.1).

3) a. En l’espèce, il ressort de ses écritures devant la commission que le recourant a sollicité l’audition de plusieurs témoins, à savoir la secrétaire qu’il employait, les membres du personnel de la clinique présents lors de l’hystéroscopie opératoire du 20 mai 2015 et le médecin l’ayant assisté lors de l’intervention du 27 mai 2015. La commission n’a pas donné suite à cette demande.

Le recourant soutient que la commission n’aurait pas statué sur sa requête, pas plus que le département, a fortiori sans fournir de motivation à son refus de procéder aux auditions sollicitées. La lecture du préavis de la commission et de la décision du département montre toutefois que tel n’est pas le cas. En effet, il en ressort l’indication selon laquelle le fait que le personnel et la patiente aient pu voir une masse dans l’utérus de celle-ci, telle que décrite par le recourant, n’était pas suffisamment probant, au vu des autres éléments du dossier. L’autorité intimée, et avant elle la commission, s’est dès lors prononcée, même sommairement, sur la demande du recourant et, procédant à une appréciation anticipée des preuves, a considéré qu’elle n’était pas en mesure d’apporter d’élément supplémentaire à ceux figurant déjà au dossier. À cela s’ajoute que le recourant a été en mesure de recourir contre la décision entreprise en toute connaissance de cause, étant précisé qu’une éventuelle violation du droit d’être entendu du recourant peut être réparée devant la chambre de céans, qui dispose d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit (art. 61 al. 1 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 5.2). Le grief du recourant doit dès lors être écarté.

b. Devant la chambre de céans, le recourant persiste dans ses réquisitions de preuve et sollicite au surplus l’audition de l’anesthésiste présente lors des deux interventions de la patiente, ainsi que sa comparution personnelle.

Outre le fait que le recourant ne dispose d’aucun droit à être entendu oralement, il a pu s’exprimer par écrit à plusieurs reprises dans le cadre de la procédure de recours, étant précisé que la commission, composée de spécialistes, a tenu une audience au cours de laquelle il a déjà été en mesure de se déterminer, au demeurant de manière contradictoire, en présence de la patiente, et faire valoir, à plusieurs reprises, son point de vue par écrit.

Il ne se justifie pas non plus de procéder aux mesures d’instruction sollicitées. En effet, il ressort déjà des éléments du dossier, en particulier le rapport d’analyse du 1er juin 2015 ou encore l’audition de la patiente, que l’utérus de celle-ci ne comportait pas de masse compatible avec un myome, si bien que les auditions sollicitées ne sont pas en mesure d’apporter d’élément supplémentaire. Qu’une masse ait ou non été présente dans ledit utérus ou que sa taille ait évolué entre les interventions ne modifie en rien le fait que le recourant, à l’exclusion des témoins dont il sollicite l’audition, était le seul habilité à poser un diagnostic en tant que gynécologue traitant de la patiente, la commission d’une erreur dans celui-ci lui étant reprochée. Le recourant a d’ailleurs expliqué dans ses observations du 25 septembre 2017 devant la commission que la présence d’une masse pouvait être due à différentes causes et que d’autres pathologies qu’un myome pouvaient être à son origine. L’on ne voit pas non plus ce que l’audition de l’anesthésiste ayant assisté aux deux opérations pourrait apporter, étant donné que son rôle n’était pas de procéder aux interventions en tant que telles, contrairement à celui du recourant.

Il s’ensuit que les réquisitions de preuves sollicitées par le recourant seront rejetées, le dossier contenant suffisamment d’éléments pour trancher le litige sans qu’il ne faille recourir aux auditions demandées.

4) Il sied d’examiner d’office la question de la prescription de la poursuite disciplinaire.

a. Selon l’art. 46 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11), applicable par renvoi de l’art. 133A LS, la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (al. 1). Tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés entraîne une interruption du délai de prescription (al. 2). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (al. 3). Si la violation des devoirs professionnels constitue un acte réprimé par le droit pénal, le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s’applique (al. 4).

La prescription peut être interrompue non seulement par les actes d’instruction des autorités de surveillance, mais également par les actes d’instruction ou de procédure des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux. Ceux-ci doivent être en rapport avec les faits incriminés. Les actes de l’autorité de surveillance comprennent toutes les actions qui contribuent à l’avancement de la procédure disciplinaire et qui sont orientées vers l’extérieur. Il s’agit en particulier de l’ouverture formelle de la procédure, de l’interpellation pour prise de position ainsi que des auditions et autres récoltes de preuve. Le dépôt de plainte ou l’introduction d’une poursuite ou d’une procédure civile ne provoquent en revanche pas l’interruption de la prescription (ATA/460/2020 du 7 mai 2020 consid. 2b et les références citées).

b. En l’espèce, à la suite de l’intervention du 27 mai 2015, la patiente a saisi la commission d’une dénonciation le 22 juin 2017 à l’encontre du recourant. Ce dernier a été informé de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre le 6 septembre 2017 et a produit des observations les 16 et 25 septembre 2017. Le 13 juin 2019, la commission a tenu une audience de comparution personnelle des parties, au cours de laquelle elle a entendu le recourant et la patiente, lesquels se sont vu accorder, le 23 décembre 2019, un délai pour se déterminer. Le recourant a ainsi produit ses observations les 13 février et 17 juillet 2020 et la patiente les 29 juin et 28 août 2020, à la suite de quoi la commission a rendu son préavis au département le 3 mai 2021, lequel a rendu la décision litigieuse par arrêté du 21 juin 2021, que le recourant a contesté par acte du 23 août 2021. Ces différents actes d’instruction ont ainsi interrompu à chaque fois le délai de prescription et fait repartir un nouveau délai de deux ans, étant précisé que la prescription absolue de dix ans n’est pas encore atteinte.

Au vu de ce qui précède, la poursuite disciplinaire n’est pas prescrite.

5) Le litige porte sur la conformité au droit de la sanction disciplinaire, sous la forme d’un retrait du droit de pratiquer la médecine pour une durée de trois mois, infligée au recourant, que ce dernier conteste au motif que l’autorité intimée aurait constaté de manière inexacte et incomplète les faits pertinents et rendu une décision contraire au droit.

6) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), hypothèse non réalisée en l’espèce.

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/397/2021 du 13 avril 2021 consid. 4 et les références citées). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

7) a. Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la LPMéd. Certains des articles de cette loi ont fait l’objet d’une modification entrée en vigueur le 1er janvier 2018, puis le 1er février 2020. Toutefois, ces modifications n’ont pas d’effet sur l’objet du présent litige, si bien que c’est la LPMéd dans sa teneur la plus récente qui sera exposée ci-dessous.

La LPMéd a notamment pour but d’établir les règles régissant l’exercice de la profession de médecin à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle (art. 1 al. 3 let. e et art. 2 al. 1 let. a LPMéd). Au titre des devoirs professionnels, l’art. 40 LPMéd prévoit que les personnes qui exercent une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle doivent exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation (let. a) et garantir les droits du patient (let. c).

b. Les devoirs professionnels ou obligations professionnelles sont des normes de comportement devant être suivies par toutes les personnes exerçant une même profession. En précisant les devoirs professionnels dans la LPMéd, le législateur poursuit un but d’intérêt public. Il ne s’agit pas seulement de fixer les règles régissant la relation individuelle entre patients et soignants, mais aussi les règles de comportement que le professionnel doit respecter en relation avec la communauté. Suivant cette conception d’intérêt public, le respect des devoirs professionnels fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités cantonales compétentes et une violation des devoirs professionnels peut entraîner des mesures disciplinaires (ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid.7d et les références citées).

c. Au niveau cantonal, les droits et devoirs des professionnels de la santé sont traités dans la LS, qui s’applique à tous les professionnels de la santé (art. 71A et 80 LS), notamment les personnes exerçant la profession médicale universitaire de médecin (art. 1 al. 1 let. a du règlement sur les professions de la santé du 22 août 2006 - RPS - K 3 02.01). Une modification législative entrée en vigueur le 2 juin 2021 a modifié les articles y relatifs. Toutefois, en l’absence de dispositions transitoires, la loi applicable est celle en vigueur au moment où les faits pertinents pour le point à trancher se sont produits (ATF 140 II 134 consid. 4.2.4), de sorte qu’il sera uniquement fait référence aux dispositions de la LS dans leur ancienne teneur (ATA/941/2021 précité consid.7c).

Le professionnel de la santé doit veiller au respect de la dignité et des droits de la personnalité de ses patients (art. 80A al. 1 LS). Selon l’art. 84 LS, il ne peut fournir que les soins pour lesquels il a la formation reconnue et l’expérience nécessaire (al. 1). Il doit s’abstenir de tout acte superflu ou inapproprié, même sur requête du patient ou d’un autre professionnel de la santé (al. 2).

Par ailleurs, tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour chaque patient (art. 52 al. 1 LS). Ledit dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS).
L’art. 57 LS précise que les éléments du dossier doivent être conservés aussi longtemps qu’ils présentent un intérêt pour la santé du patient, mais au moins pendant dix ans dès la dernière consultation (al. 1). Si aucun intérêt prépondérant pour la santé du patient ou pour la santé publique ne s’y oppose, le dossier est détruit après vingt ans au plus tard (al. 2).

8) a. Les principaux droits du patient sont énumérés aux art. 42 ss LS. Il s’agit notamment du droit aux soins (art. 42 LS), du libre choix du professionnel de la santé (art. 43 LS), du libre choix de l’institution de santé (art. 44 LS), du droit d’être informé (art. 45 LS) et du choix libre et éclairé (art. 46 LS).

b. Le patient a droit aux soins qu’exige son état de santé à toutes les étapes de la vie, dans le respect de sa dignité et, dans la mesure du possible, dans son cadre de vie habituel (art. 42 LS). Ce droit ne saurait être compris comme conférant un droit absolument illimité à recevoir des soins mais comme le droit pour une personne, indépendamment de sa condition économique et sociale, d’accéder équitablement aux soins qu’elle demande et de recevoir ceux qui lui sont objectivement nécessaires, pour autant qu’ils soient effectivement disponibles (MGC 2003-2004/XI A 5845 ; ATA/941/2021 précité consid. 6).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit de se faire soigner conformément aux règles de l’art médical constitue un droit du patient. L’allégation d’une violation des règles de l’art équivaut à celle de la violation des droits du patient (ATA/355/2021 du 23 mars 2021 consid. 5b). Les droits du patient sont en outre garantis par l’art. 40 LPMéd, qui consacre de manière uniforme et exhaustive les devoirs professionnels des personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre indépendant (ATA/941/2021 précité consid. 6).

Les règles de l’art médical constituent des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens (ATF 133 III 121 consid. 3.1). Une violation des règles de l’art médical est réalisée lorsqu’un diagnostic, une thérapie ou quelque autre acte médical est indéfendable dans l’état de la science ou sort du cadre médical considéré objectivement ; le médecin ne répond d’une appréciation erronée que si celle-ci est indéfendable ou se fondait sur un examen objectivement insuffisant (ATF 120 Ib 411 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.271/2002 du 27 mars 2003 consid.3).

c. Le patient a le droit d’être informé de manière claire et appropriée notamment sur les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels (art. 45 al. 1 let. b LS). Dans les limites de ses compétences, tout professionnel de la santé s’assure que le patient qui s’adresse à lui a reçu les informations nécessaires afin de décider en toute connaissance de cause (art. 45 al. 4 LS), aucun soin ne pouvant être fourni sans le consentement libre et éclairé du patient capable de discernement (art. 46 al. 1 LS).

Le devoir d’information conditionne l’exercice par le patient de son droit à l’autodétermination en matière médicale rattaché à la liberté personnelle garantie par l’art. 10 Cst. notamment. Il permet au patient de donner, en connaissance de cause, son accord à une atteinte à son intégrité corporelle. Corrélativement, le respect du devoir d’information permet au médecin de justifier cette atteinte au droit absolu du patient en invoquant le consentement éclairé de ce dernier (art. 46 LS ; ATF 133 III 121 consid. 4.1.1). Le non-respect de ce droit, même dans l’intérêt thérapeutique du patient, constitue une grave atteinte à la liberté personnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 6.2.3 et les références citées).

Le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l’opération, les chances de guérison, éventuellement sur l’évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l’assurance (ATF 133 III 121 consid. 4.1.2). La qualité de l’information doit être adaptée aux atteintes non voulues que l’acte médical peut engendrer et doit en particulier porter sur les risques. Ainsi, la nature et la gravité de ceux reconnus par la science médicale doivent être révélées aux patients, à l’exception des risques atypiques et inhabituels ainsi que ceux inhérents à toute intervention médicale (ATA/916/2018 précité consid. 4d et les références citées).

L’information n’est pas soumise à une forme particulière. Selon l’art. 45 al. 3 LS, le patient peut demander au médecin privé un résumé de ces informations. En cas de litige, c’est au médecin qu’il appartient d’établir qu’il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement préalable de ce dernier (ATA/473/2018 du 15 mai 2018 consid. 6c et les références mentionnées).

9) La relation entre le médecin et son patient est régie par les règles relatives au contrat de mandat, les devoirs professionnels du médecin qui découlent du droit privé se recoupant en grande partie avec ceux de l’art. 40 LPMéd (ATA/941/2021 précité consid. 7e et les références citées).

Le médecin répond de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398
al. 2 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911, livre cinquième : droit des obligations - CO - RS 220). Il doit agir avec discrétion, informer son mandant et lui rendre des comptes, respecter les devoirs professionnels dans un certain état d’esprit traduisant sa conscience professionnelle, en ayant à cœur d’agir de façon diligente (ATA/941/2021 précité consid. 7e).

Le médecin doit observer la diligence requise. Si le propre de l’art médical consiste, pour le médecin, à obtenir le résultat escompté grâce à ses connaissances et à ses capacités, cela n’implique pas pour autant qu’il doive atteindre ce résultat ou même le garantir, car le résultat en tant que tel ne fait pas partie de ses obligations. L’étendue du devoir de diligence qui incombe au médecin se détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes ; elles dépendent des particularités de chaque cas, telles que la nature de l’intervention ou du traitement et les risques qu’il comporte, la marge d’appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et les capacités du médecin. La violation, par celui-ci, de son devoir de diligence – communément, mais improprement, appelée « faute professionnelle » – correspond à la notion d’illicéité propre à la responsabilité délictuelle (ATF 133 III 121 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_487/2016 du 1er février 2017 consid. 2.3)

Le médecin viole son devoir de diligence lorsqu’il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l’état général des connaissances professionnelles, n’apparaît plus défendable et ne satisfait pas aux exigences objectives de l’art médical (ATF 134 IV 175 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_63/2020 du 10 mars 2021 consid. 3.3.2).

10) La commission, instituée par l’art. 10 LS, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - K 3 03). Compte tenu du fait qu’elle est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/940/2021 du 14 septembre 2021 consid. 13 et les références citées).

11) a. En l’espèce, le recourant, titulaire d’un titre postgrade fédéral en gynécologie et obstétrique, a pratiqué sur la patiente, en date du 27 mai 2015, un acte chirurgical consistant en une hystérectomie subtotale, à savoir l’ablation de l’utérus sans le col et les ovaires. À la suite de cette intervention, la patiente a saisi la commission d’une plainte, reprochant au recourant une erreur de diagnostic, une opération non indiquée, une absence d’information au sujet de l’hystérectomie, de nombreuses consultations ainsi que l’absence de remise, par l’intéressé, de son dossier médical. Si ces deux derniers éléments n’ont pas été retenus à l’encontre du recourant – et sont dès lors exorbitant au litige –, il n’en va pas de même des trois premiers, l’instruction de la plainte ayant au surplus mis en lumière une tenue peu rigoureuse du dossier médical de la patiente.

En lien avec les reproches retenus à son encontre, le recourant conteste avoir violé ses devoirs de diligence et d’information ainsi que ses obligations relatives à la tenue du dossier médical de la patiente.

b. Il ressort du dossier qu’à la suite des premières consultations de la patiente, le recourant a diagnostiqué chez cette dernière, en 2010, une dysplasie cervicale, ce qui a conduit, en 2011, à l’ablation d’une partie de son col utérin, et a nécessité un suivi régulier. Lors de la consultation du 20 avril 2015, le recourant a effectué une échographie et constaté la présence d’une masse dans l’utérus de la patiente, d’un diamètre estimé à 3 cm, ce qui l’a conduit, le 28 avril 2015, à procéder à une hystéroscopie diagnostique et à qualifier ladite masse de « myome intra-utérin », après avoir exclu une éventuelle grossesse en cours au moyen d’une prise de sang. Le 20 mai 2015, le recourant a ensuite procédé à une hystéroscopie en vue de l’ablation de la masse par voie vaginale, ce qu’il n’a pas été en mesure de réaliser, si bien que, le 27 mai 2015, il a procédé à une hystérectomie par laparoscopie, ôtant le corps utérin de la patiente, qu’il a envoyé « en morceaux » au laboratoire d’analyse, dont le rapport du 1er juin 2015 fait état de tissus utérins standards, sans relever la présence d’une masse.

c. Comme le retient à juste titre la décision litigieuse, une masse de la taille indiquée par le recourant, d’un diamètre de 3 à 5 cm, aurait dû être retrouvée dans le corps utérin lors de son analyse, même s’il est parvenu en multiples fragments. Tel n’a pas été le cas, puisque ni l’examen macroscopique ni l’examen microscopique n’ont été en mesure de la retrouver. Le recourant soutient que, malgré l’absence au dossier des images des échographies effectuées, plusieurs personnes ont pu constater l’existence et la taille de la masse. S’il ressort certes des observations de la patiente devant la commission qu’elle a vu, lors de la consultation du 20 avril 2015, une « petite tache » sur les images de l’échographie réalisée à cette occasion, elle n’en a pas moins précisé qu’elle n’était pas apparue plus grande qu’un début de grossesse, raison pour laquelle le recourant a alors effectué une prise de sang pour l’exclure, ce que ce dernier a également confirmé. Le recourant n’a toutefois pas effectué d’investigations supplémentaires en lien avec ladite masse et le fait qu’il n’ait pas pu procéder à son ablation lors de l’intervention du 20 mai 2015 en raison de sa taille, comme il l’indique, ne l’empêchait pas de faire une biopsie, avant qu’elle n’atteigne précisément cette taille, comme l’a, à juste titre, retenu la commission. À cela s’ajoute que, même s’il a effectué plusieurs échographies, celles-ci n’ont pas été portées au dossier de la patiente, pas plus que, le cas échéant, le descriptif desdites échographies dans ses notes, qui ne contiennent rien s’agissant des interventions des 20 et 27 mai 2015, comme le relève à juste titre la décision litigieuse.

La seule présence d’une masse ne pouvait toutefois conduire le recourant à considérer qu’il s’agissait d’un myome intra-utérin, notamment au regard de l’anamnèse de la patiente. Même si les notes du recourant indiquent des douleurs hypogastriques lors de la consultation du 18 février puis lors de celle du 20 avril 2015, la patiente n’en a pas moins contesté leur réalité, à tout le moins leur intensité, étant précisé qu’il ne ressort pas du dossier médical que l’intéressé lui aurait prescrit un traitement médicamenteux en lien avec de telles douleurs, ce qui aurait dû être le cas si elles avaient été de l’intensité alléguée. Comme l’a relevé la commission, la patiente ne présentait pas de troubles menstruels sous la forme d’hyperménorrhée et de ménorragies susceptibles de causer une anémie qui pouvaient entrer en ligne de compte pour poser le diagnostic, mais, au contraire, d’euménorrhée et d’absence de dysménorrhée, comme elle l’a d’ailleurs confirmé lors de son audition par la commission, précisant que ses menstruations étaient peu abondantes. Les notes des consultations des 12 janvier et 19 avril 2012 indiquent d’ailleurs une « aménorrhée » et une « hypoménorrhée », et non comme l’a soutenu sans fondement le recourant dans ses observations devant la commission, une « dysménorrhée » et une « hyperménorrhée ». Ces éléments devaient ainsi conduire le recourant à envisager d’autres pistes que le seul diagnostic de myome intra-utérin, conformément aux constats de la commission.

Le recourant allègue avoir effectué un diagnostic différentiel, puisqu’il avait d’abord pensé à une grossesse, qu’il a pu exclure à la suite de la prise de sang du 20 avril 2015. Il ne ressort toutefois pas du dossier médical de la patiente qu’il aurait envisagé d’autres pathologies après avoir obtenu le résultat de ladite prise de sang, s’étant limité à évoquer, a posteriori, dans ses observations devant la commission, une endosalpingiose le 16 septembre 2017 et une adénomyose utérine le 25 septembre 2017. Dans ce cadre, le recourant ne saurait être suivi lorsqu’il allègue avoir voulu traiter l’adénomyose par la pose d’un stérilet hormonal, ce qui ne ressort pas de ses notes, lesquelles indiquent, comme motif à ladite pose, la perte de l’anneau vaginal de la patiente, cette dernière ayant au demeurant indiqué que son insertion était prévue pour lui faire perdre du poids. En outre, le fait que le rapport d’analyse du 1er juin 2015 indique que l’aspect du myomètre était « compatible avec une adénomyose » ne permet pas non plus de supplanter l’absence de diagnostic de cette pathologie avant l’intervention, pas plus que le rapport opératoire du 27 mai 2015, qui, bien que mentionnant une adénomyose, a été établi après cette opération. Par ailleurs, le recourant ne peut pas non plus justifier, a posteriori, le diagnostic en alléguant que les douleurs, contestées par la patiente, auraient disparu, ce qui ne signifie pas pour autant que le diagnostic était correct, au vu du résultat obtenu, à savoir l’ablation de l’utérus. Il résulte ainsi de ces éléments que le recourant n’a effectué aucun diagnostic différentiel, dont aucune trace ne se trouve au dossier, s’étant limité à qualifier la masse de « myome intra-utérin », alors même qu’il a, par la suite, indiqué que les autres pathologies susmentionnées pouvaient présenter les mêmes caractéristiques, après avoir fait des recherches dans la littérature scientifique.

Au vu de ces éléments, c’est à juste titre que la commission, composée de spécialistes, puis le département ont retenu que le recourant n’avait pas fait preuve d’une diligence suffisante en omettant de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition lui permettant de poser un diagnostic de manière consciencieuse et dans le respect des règles de l’art.

d. Le recourant soutient qu’en toute hypothèse l’hystérectomie était l’intervention la plus indiquée dans le cas de la patiente, indépendamment de sa pathologie. Rien ne permet toutefois d’affirmer que tel était le cas, en l’absence de tout diagnostic différentiel effectué et des traitements moins incisifs qui auraient pu être envisagés pour d’autres pathologies – et d’ailleurs même pour celle diagnostiquée (à tort) –, étant précisé que, comme précédemment relevé, le diagnostic de « myome intra-utérin » posé par le recourant s’est révélé erroné.

Le recourant ne peut pas non plus être suivi lorsqu’il allègue que rien ne commandait d’ôter également le col de l’utérus de la patiente, au regard de son anamnèse. Celle-ci a ainsi révélé une infection au HPV, responsable du développement du cancer du col de l’utérus, et un SIL de haut grade, décrivant des changements anormaux subis par les cellules du col de l’utérus, comme l’a relevé la commission, pathologies ayant conduit à une conisation en 2011 ainsi que les résultats du prélèvement effectué dans son col de l’utérus après l’hystérectomie, qui n’ont certes pas révélé de dysplasie cervicale, mais néanmoins un SIL de bas grade. Dans ces circonstances, la commission, composée de spécialiste, pouvait considérer que les antécédents de la patiente devaient conduire le recourant, au vu de son appréciation de la situation, à procéder à l’ablation du col de l’utérus en même temps que celle de l’utérus et qu’il ne l’avait pas fait par commodité, étant donné que l’intervention effectuée était plus simple et plus rapide.

Par ailleurs, en soutenant que, dans ce cadre, la décision litigieuse ne mentionne pas la base légale permettant de lui imputer le comportement qui lui est reproché, le recourant perd de vue qu’elle contient, dans la partie en droit, l’ensemble des dispositions applicables en matière de devoir de diligence des professionnels de la santé, dont il fait partie en sa qualité de médecin.

e. Le recourant conteste avoir contrevenu à son devoir d’information, ayant fourni à la patiente toutes les informations nécessaires avant l’hystérectomie du 27 mai 2015.

S’il ressort, certes, du dossier que la patiente a signé, le 18 mai 2015, un protocole d’information, celui-ci ne concerne pas l’hystérectomie, mais l’hystéroscopie, pour laquelle sont notamment énumérés les risques et les complications. Dans ce cadre, le recourant ne peut rien tirer de la mention, dans ledit protocole, de l’ablation de la matrice, qui est indiqué comme un risque et/ou une complication de l’hystéroscopie, alors que l’hystérectomie constitue une intervention distincte. Le fait que cette dernière ait été effectuée dans un deuxième temps le démontre d’ailleurs, étant précisé que l’hystéroscopie n’a fait l’objet d’aucune complication, comme l’indique le rapport opératoire du 20 mai 2015.

Le recourant prétend avoir expliqué en détail l’intervention à la patiente. Les notes de l’intéressé n’en font toutefois pas mention, pas plus d’ailleurs que des deux interventions de mai 2015 ni des événements s’étant produits entre celles-ci. S’il ressort certes du dossier que le recourant a parlé avec la patiente de l’hystérectomie qu’il envisageait de pratiquer, cet échange a toutefois eu lieu après l’intervention du 20 mai 2015, dans un contexte particulier, alors que la patiente était hospitalisée, celle-ci n’ayant disposé que de quelques jours de réflexion. Contrairement à ce qu’affirme le recourant, au vu de cette situation, la patiente n’était pas en mesure de solliciter un deuxième avis ni d’attendre, puisqu’elle a expliqué avoir eu l’impression de ne pas avoir le choix. À cela s’ajoute que rien ne permet d’affirmer que la patiente aurait correctement compris les enjeux de l’intervention, qu’il appartenait pourtant au recourant d’expliquer, et qui consistait en l’ablation de l’utérus et pas seulement de la masse par une autre méthode, à savoir par laparoscopie, que celle pratiquée lors de l’hystéroscopie.

Que la patiente ait ou non fait état à son médecin de son souhait de grossesse n’apparaît dans ce cadre pas déterminant, étant précisé qu’il n’appartenait pas au recourant de considérer d’emblée toute grossesse impossible au regard de ses antécédents gynécologiques. Ceux-ci ne lui permettaient ainsi pas de se dispenser de fournir les informations nécessaires à la prise de la décision en pleine connaissance de cause s’agissant d’une patiente alors en âge de procréer.

Au vu de ces éléments, l’autorité intimée pouvait considérer que le recourant n’avait pas fourni à la patiente une information étendue, claire et précise au sujet de l’intervention qu’il entendait pratiquer et qu’en toute hypothèse son consentement était vicié au regard de la pression du temps et du contexte.

f. Le recourant conteste, enfin, avoir manqué à ses devoirs en matière de tenue du dossier médical de la patiente.

Il n’est toutefois pas contesté que celui-ci ne contient pas tous les éléments en lien avec sa prise en charge. En effet, outre l’absence des images échographiques de la masse réalisées aux dires du recourant à plusieurs reprises en 2015 et de leur description le cas échéant au dossier, celui-ci ne contient pas non plus d’images de l’échographie que le recourant a allégué avoir réalisée en début d’année 2013, ses notes ne faisant du reste aucune mention d’une consultation y relative.

Par ailleurs, le dossier ne contient pas non plus la description de l’examen du 28 avril 2015 au cours duquel il aurait décelé la présence de la masse, pas davantage que les interventions des 20 et 27 mai 2015, cette dernière n’étant pas du tout mentionnée.

À cela s’ajoute que le dossier contient également, pour chacune des interventions des 20 et 27 mai 2015, deux rapports au contenu identique à quelques mots près, sauf s’agissant de la mention de l’anesthésiste présente lors des opérations, seul l’un des exemplaires étant signé, ce qui ne facilite pas non plus la compréhension du dossier de la patiente et est propre à porter à confusion.

Au vu de ces éléments, l’autorité intimée pouvait considérer que le dossier médical de la patiente n’avait pas été tenu de manière conforme aux dispositions légales applicables.

12) Le recourant conteste la sanction infligée à son encontre.

a. Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 143 I 403 consid. 5.6.1). À l’instar de toute liberté, les restrictions à la liberté économique doivent, selon l’art. 36 Cst., se fonder sur une base légale (al. 1), être justifiées par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et être proportionnées au but visé (al. 3).

b. L’art. 43 al. 1 LPMéd prévoit, de manière exhaustive (ATF 143 I 352 consid. 3.3) qu’en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la loi ou de ses dispositions d’exécution, l’autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : un avertissement (let. a), un blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), une interdiction de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (let. d), une interdiction définitive de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité (let. e).

Selon l’art. 128 LS, le droit de pratiquer d’un professionnel de la santé peut être limité ou retiré notamment en cas de violation grave des devoirs professionnels ou malgré des avertissements répétés (al. 1 let. b). Le retrait peut porter sur tout ou partie du droit de pratique et être d’une durée déterminée ou indéterminée (al. 2). Le département est compétent pour prononcer, à l’encontre d’un professionnel de la santé, l’interdiction de pratiquer, à titre temporaire, pour six ans au plus (art. 127 al. 1 let. b LS).

c. Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’État ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Le prononcé d’une sanction disciplinaire tend uniquement à la sauvegarde de l’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.1).

Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 précité consid. 6.2.2 et les références citées). Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.2).

13) En l’espèce, en lien avec les manquements constatés, l’autorité intimée a prononcé à l’encontre du recourant un retrait du droit de pratiquer la profession de médecin d’une durée de trois mois.

Le recourant soutient qu’une telle sanction serait d’une sévérité excessive, invoquant à cet égard un précédent arrêt de la chambre de céans dans lequel une sanction identique avait été infligée à un médecin dont l’erreur aurait entraîné des conséquences plus graves sur le patient concerné. Le recourant perd toutefois de vue que la chambre de céans a considéré, dans cet arrêt, que la sanction prononcée par la commission à l’encontre du médecin en cause était clémente au vu du nombre et de la gravité des manquements commis, qui étaient d’autant plus graves que les risques encourus pour le patient étaient importants (ATA/916/2018 précité consid. 9c). S’agissant de la quotité de la sanction, la chambre de céans, dans un autre arrêt (ATA/473/2018 précité), a confirmé le retrait de l’autorisation de pratiquer la greffe capillaire pour une durée de trois mois infligé à un médecin dont l’intervention chirurgicale avait laissé sur le crâne du patient une cicatrice, avec visibilité des greffons. Dans ce cas, il était reproché au praticien un non-respect des règles de l’art lors de l’opération et du suivi post-opératoire du patient, de même qu’un manquement à son devoir d’information.

Dans le présent cas, les manquements retenus à l’encontre du recourant sont bien plus graves que celui ayant fait l’objet de l’ATA/473/2018 précité. En effet, le recourant a retiré à tort l’utérus de la patiente après avoir négligé une démarche diagnostique complète et posé un diagnostic erroné, ce qui a eu des conséquences irréversibles sur la capacité de la patiente à procréer, dont il n’a au demeurant pas recueilli le consentement éclairé. Il n’a, en outre, pas respecté les règles de la bonne tenue du dossier médical de la patiente. Bien que le recourant n’ait fait l’objet d’aucune sanction administrative par le passé, il n’en a pas moins nié la gravité des agissements commis et ses conséquences sur la patiente, tentant de les minimiser.

La sanction litigieuse respecte le principe de proportionnalité tant s’agissant de sa nature que de sa quotité, dès lors qu’elle ne constitue pas la sanction la plus sévère parmi celles envisageables et que sa durée est limitée à trois mois. Elle n’emporte pas non plus une restriction inadmissible à la liberté économique du recourant. En effet, elle est adéquate et apte à atteindre le but poursuivi, à savoir assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel l’intéressé appartient, qu’une sanction moins incisive ne permettrait en l’occurrence pas d’atteindre. Elle respecte en outre le principe de la proportionnalité au sens étroit, le but d’intérêt public susmentionné l’emportant sur l’intérêt du recourant à exercer son activité économique pour une durée limitée.

Par conséquent, au regard de la gravité de la violation des devoirs professionnels du recourant, la sanction litigieuse sera confirmée, l’autorité intimée n’ayant, dans ce cadre, ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation.

14) Mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

15) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 21 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Eigenheer, avocat du recourant, au département de la sécurité, de la population et de la santé ainsi qu’au département fédéral de l’intérieur.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory, Rieben et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :