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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3543/2021

ATA/97/2023 du 31.01.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3543/2021-AIDSO ATA/97/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES



EN FAIT

A. a. Monsieur A______, au bénéfice d’une rente assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS), a demandé des prestations complémentaires le 30 août 2019.

b. Par décision du 30 mars 2020, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a refusé sa demande de prestations complémentaires, portant sur la période du 1er août 2019 au 31 mars 2020, au motif que ses dépenses reconnues étaient entièrement couvertes par le revenu déterminant.

Dans les plans de calcul, le SPC mentionnait, sous la rubrique « montant présenté », à titre de fortune, CHF 234'094.40 de biens dessaisis pour la période du 1er août au 31 décembre 2019, puis CHF 224'094.40 dès le 1er janvier 2020. Lesdits montants n’ont toutefois été pris en compte qu’à hauteur de CHF 19'663.90 pour les prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et CHF 39'327.80 pour les prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), pour la première de ces périodes, puis CHF 18'663.90 et CHF 37’327.80 pour la seconde. Sous commentaires, le SPC a indiqué « Biens dessaisis, [ ] les pièces remises font état d’une diminution du patrimoine dont il est tenu compte dans le calcul du revenu déterminant comme s’il n’y avait pas eu de dessaisissement (donation, diminution non justifiée ou sans contre-prestation équivalente) ; le montant retenu est réduit de F 10'000.00 par an, dès la 2ème année suivant la date de dessaisissement » ; « Fortune : les deniers de nécessité s’élèvent à F 37'500.00. Part de fortune PCF prise en considération à 1/10ème, [ ] PCC [ ] à 1/5ème ». Le produit hypothétique des biens saisis s’élevait à CHF 89.65 pour les deux périodes, tant pour les PCF que pour les PCC.

c. La chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) a, par arrêt du 31 août 2022, rejeté le recours formé par M. A______ contre la décision sur opposition rendue par le SPC le 4 octobre 2021 confirmant la décision du 30 mars 2020.

Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral.

B. a. Par décision du 30 mars 2020, le SPC a rejeté sa demande de prestations d’aide sociale.

Si dans le plan de calcul valant pour la période dès le 1er avril 2020 un montant de CHF 224'094.40 apparaissait comme fortune, il n’était pas tenu compte dans la colonne « Aide sociale ».

b. Par décision du 4 octobre 2021, le SPC a rejeté l’opposition formée par M. A______ contre la décision du 30 mars 2020.

Le SPC n’avait tenu aucun compte d’un loyer à titre de charge, dans la mesure où son frère avait attesté le loger gratuitement. Son revenu déterminant étant supérieur aux dépenses reconnues, il ne pouvait pas prétendre à un subside de l’assurance-maladie par l’intermédiaire du SPC. Aucun montant n’avait été pris en compte à titre de fortune effective ou hypothétique dans le calcul, le montant mentionné sous biens dessaisis n’ayant pas été reporté dans la colonne « Aide sociale ». Les dettes chirographaires et hypothétiques n’étaient pas prises en compte, puisque cela reviendrait à faire supporter le paiement de dettes par le système d’aide sociale.

C. a. M. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 15 octobre 2021.

Les deux décisions du SPC étaient erronées et basées sur des faits obsolètes. Il avait entièrement utilisé pour rembourser ses créanciers le montant de CHF 264'094.10 qu’il avait reçu en 2015. Sa situation financière s’était considérablement péjorée depuis les 6 dernières années. Son frère ne le logerait pas éternellement et il ne pourrait assumer un loyer de CHF 1'200.- à 1'500.- par mois. Sa prime d’assurance-maladie était impayée depuis plusieurs années et il souffrait de trois affections graves. Il avait 74 ans, était divorcé et ne touchait pas de rente de 2ème pilier. Sa famille n’était pas en mesure de l’aider financièrement.

b. La procédure a été suspendue, selon décision du 5 novembre 2021, dans l’attente de l’arrêt de la CJCAS susmentionné.

c. À sa reprise, le SPC a conclu, le 2 décembre 2022, au rejet du recours.

La CJCAS avait - également - retenu que M. A______ était logé gracieusement. S’agissant de l’assurance-maladie, l’excédent de son revenu annualisé déterminant s’élevant à CHF 12'072.-, il était supérieur à la prime cantonale de référence (ci-après : PCR) de CHF 5'880.-, de sorte qu’il ne pouvait pas prétendre à un subside de l’assurance-maladie par l’intermédiaire du SPC.

d. Dans un courrier daté du 16 janvier 2023, M. A______ est revenu sur la donation faite à son ex-épouse, plus de 10 ans plus tôt, de sorte qu’elle ne devait pas être prise en compte. Sa situation financière actuelle n’était plus celle des années 2000. Il était en faillite personnelle et couvert de dettes. Sa demande d’aide, dont au loyer, était pleinement fondée. Il habitait depuis plus de 5 ans chez son frère, une situation intenable.

e. Les parties ont été informées, le 19 janvier 2023, que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             1.1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

1.2. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 2b ; ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2).

1.3. En l’espèce, bien que les conclusions du recourant ne ressortent pas expressément de l’acte de recours, on comprend qu’il conteste la décision de l'intimé du 4 octobre 2021 et souhaite son annulation.

Le recours est ainsi recevable.

2.             Le recourant considère que c’est à tort que le SPC ne lui a pas accordé d’aide pour le paiement de son loyer et de ses primes d’assurance-maladie.

2.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

2.2 Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 ; ATA/761/2016 du 6 septembre 2016).

2.3 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

L’aide sociale est subsidiaire à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231) ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière. (art. 9 al. 2 LIASI).

Conformément à l'art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État.

Selon l'art 21 al. 2 LIASI, font partie des besoins de base, le forfait pour l'entretien fixé par règlement du Conseil d'État (let. a), le loyer ainsi que les charges ou, si le demandeur est propriétaire de sa demeure permanente, les intérêts hypothécaires, dans les limites fixées par règlement du Conseil d'État (let. b), la prime d'assurance-maladie obligatoire des soins, mais au maximum le montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le département fédéral de l'intérieur, sous réserve des exceptions temporaires prévues par règlement du Conseil d'État pour les nouvelles personnes présentant une demande d'aide sociale et dont la prime d'assurance-maladie obligatoire dépasse la prime moyenne cantonale (let. c) et les prestations circonstancielles destinées à prendre en charge d'autres frais, définies par règlement du Conseil d'État (let. d).

Le forfait pour l'entretien est fixé par le Conseil d'État à l'art. 2 al. 1 RIASI. Pour une personne, il s'élève à CHF 977.-, soit CHF 11'724.- annuellement.

Il englobe, selon l'art. 2 al. 2 RIASI, les frais d'alimentation (let. a), d'habillement (let. b), de consommation d'énergie, sans les charges locatives (let. c), d'entretien du ménage (let. d), d'achats de menus articles courants (let. e), les frais de santé (tels que médicaments achetés sans ordonnance), sans franchise ni quote-part (let. f), les frais de transport (let. g), de communication (let. h), de loisirs et de formation (let. i), les soins corporels (let. j) et l'équipement personnel (tel que fournitures de bureau ; let. k), ainsi que les frais classés dans divers (let. l).

Font également partie des besoins de base (art. 21 al. 2 LIASI), le loyer et les charges locatives, ainsi que les éventuels frais de téléréseau, qui sont pris en compte intégralement, conformément au bail et à la convention de chauffage, jusqu'à concurrence de CHF 1'300.- pour un groupe familial composé de deux personnes sans enfants à charge (art. 3 al. 1 let. b RIASI).

L’art. 13 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) qui définit la hiérarchie des prestations sociales précise que les allocations de logement et les subventions personnalisées d’habitation mixte (HM) doivent être demandées avant l’aide sociale (art. 13 al. 1 let. a et let. b LRDU).

La prime d'assurance-maladie obligatoire des soins est comprise dans les besoins de base, mais jusqu'à concurrence du montant correspondant à la PCR (art. 21 al. 2 LIASI), sous déduction du subside partiel. Toutefois, lorsque la prime d'assurance-maladie effective est supérieure à la PCR au sens de l'art. 21A al. 1 LIASI, elle est prise en charge, en application de l'art. 21A al. 4 let. b LIASI, jusqu'au terme de résiliation le plus proche, à concurrence d'un montant ne dépassant pas le 120 % de la prime moyenne cantonale. Au-delà de ce terme, aucune prime supérieure à la PCR n'est prise en charge (art. 4 al. 5 RIASI).

La part de la prestation financière d'aide sociale qui, après déduction du subside partiel versé par le service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM), est destinée à la couverture du solde de la prime de l'assurance obligatoire des soins selon la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), est directement payée à l'assureur LAMal par l'intermédiaire du SAM (art. 4 al. 7 RIASI).

Conformément à l'art. 4 al. 8 RIASI, si le solde de la prime de l'assurance-maladie obligatoire des soins est supérieur à la prestation financière d'aide sociale, le SAM verse le montant nécessaire pour couvrir le solde à l'assureur LAMal à titre d'avance. Ce montant est remboursé par le bénéficiaire au SAM.

3.             3.1. En l’espèce, il ressort du plan de calcul annexé à la décision du SPC du 30 mars 2020 que le recourant perçoit une rente annuelle de l’AVS/AI de CHF 26'496.-, ce qu’il ne remet pas en cause. Il en ressort également clairement que le montant de sa fortune, soit des biens dessaisis, n’a pas été pris en compte en sa défaveur par le SPC.

Les seules dépenses reconnues sont les « Besoins/forfait » au montant de CHF 14’424.-. Ainsi, l’excédent de son revenu annualisé déterminant est de CHF 12'072.-.

S’agissant du loyer, comme retenu dans l’arrêt en force de la CJCAS précité, le recourant, quand bien même il s’agit d’une situation difficile notamment pour lui, vit chez son frère, qui l’héberge gracieusement. Il n’est donc pas possible qu’il reçoive un montant au titre d’aide au logement.

Quant à l’assurance-maladie, même à ajouter la PCR (CHF 5'880.-) aux dépenses reconnues (CHF 14'424.-), le revenu déterminant du recourant reste supérieur à ces dernières (CHF 26'496.- [revenu déterminant] – CHF 14'424.- [dépenses reconnues] – CHF 5'550.- [PCR) = CHF 6'192.-).

3.2. Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Nonobstant son issue, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision du service des prestations complémentaires du 4 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Mme Lauber, présidente, M. Mascotto, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. Lauber

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :