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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1799/2021

ATA/576/2022 du 31.05.2022 sur JTAPI/1112/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1799/2021-PE ATA/576/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mai 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2021 (JTAPI/1112/2021)


EN FAIT

1) Monsieur B______, né le _______ 1980 et Madame A______, née le ______ 1987, ressortissants du Kosovo, sont les parents de C______, né à Genève le ______ 2018, également ressortissant du Kosovo.

2) Le 10 décembre 2018, entendu par la police cantonale fribourgeoise, M. B______ a déclaré être arrivé en Suisse en 2014 avec un visa touristique et y travailler depuis lors illégalement.

3) Le même jour, entendu par la section asile et renvois du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), il a notamment déclaré être venu en Suisse en 1998, être retourné au Kosovo de 2000 à 2003, avant de revenir en Suisse pour y travailler. Il avait fait plusieurs fois des allers-retours entre la Suisse et le Kosovo.

4) Le 13 décembre 2018, M. B______ a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative ainsi que la régularisation de ses conditions de séjour et de celles de Mme A______ et de leur fils C______.

Il travaillait à Genève dans les domaines de la construction et de la peinture depuis le 10 septembre 1998. Il avait acquis une très longue expérience dans un domaine souffrant d’une pénurie de main-d’œuvre suisse et européenne.

Il pouvait se prévaloir du programme « Papyrus » et réalisait un cas de rigueur. Il avait en effet vécu en Suisse de manière ininterrompue durant
vingt-et-un ans, avait toujours été indépendant financièrement et n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale. Sa situation revêtait un caractère exceptionnel. Il avait construit toute sa vie à Genève et y avait transféré le centre de ses intérêts. Il y avait passé sa jeunesse et forgé son caractère. Son comportement avait toujours été irréprochable et il s’exprimait parfaitement en français. Depuis qu’il était entré en Suisse, il avait toujours travaillé et gagné sa vie honnêtement. Un retour dans son pays d’origine, où il n’avait gardé aucune attache, soulèverait des obstacles insurmontables et l’exposerait à une grande détresse sur les plans personnel et professionnel.

À l’appui de sa requête, il a produit plusieurs documents dont un formulaire « Papyrus », un formulaire M mentionnant une arrivée à Genève le 10 septembre 1998, un contrat de travail auprès de D______ Sàrl qui l’engageait en qualité de carreleur pour un salaire de CHF 30.-/heure à partir du 1er décembre 2018, un extrait de son compte AVS duquel il ressortait qu’il avait cotisé de manière discontinue durant les années 1999 à 2000, 2004 à 2007, 2014, et 2016 à 2017, un certificat de naissance ainsi qu’une « confirmation de reconnaissance après naissance », des attestations de non-poursuite et d’absence d’aide de l’Hospice général, des extraits (vierges) de son casier judiciaire et celui de Mme A______, une attestation de connaissance de la langue française pour M. B______ (niveau A2 à l’oral), ainsi qu’une attestation de participation à un cours de français pour Mme A______.

5) Les 13 et 18 mars 2019, Mme A______ et M. B______ ont demandé un visa de retour d’une durée de quatre semaines en vue de rendre visite à leur famille au Kosovo.

6) Par ordonnance pénale du 12 juin 2019, M. B______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 30.-, avec sursis de trois ans, pour exercice d’une activité lucrative sans autorisation et séjour illégal.

7) Le 6 août 2019, Mme A______ et M. B______ ont demandé un visa de retour d’une durée de six semaines en vue de rendre visite à leur famille au Kosovo.

8) Pour faire suite à la requête de l’OCPM, Mme A______ et M. B______ ont, le 27 septembre 2019, transmis divers documents à l’OCPM, dont une copie de leur bail à loyer, des attestations d’abonnement des Transports publics genevois couvrant les années 2015 à 2019, ainsi qu’une attestation de travail de la société E______ Sàrl indiquant que M. B______ avait travaillé régulièrement pour la société durant les années 2009 à 2013.

9) Le 1er octobre 2019, l’OCPM a reçu un formulaire M signé par D______ Sàrl, un formulaire de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) daté du 27 septembre 2019 (informations relatives à l’emploi dans une entreprise) rempli par M. B______ en tant qu’employé chez D______ Sàrl indiquant janvier 2019 comme date d’entrée en service, des attestations UE/AELE, ainsi qu’une attestation de connaissance de la langue française pour Mme A______ (niveau B1 à l’oral).

10) Le 5 novembre 2019, Mme A______ et M. B______ ont fait parvenir à l’OCPM des attestations de travail de la société E______ Sàrl indiquant que M. B______ avait travaillé quelques mois par année pour la société entre 2009 et 2013, un billet d’avion au nom de Mme A______ pour un vol au départ de Pristina (Kosovo) à destination de Genève le 31 octobre 2013, ainsi qu’une attestation établie par l’agence de voyage Kosovofly signée par Monsieur F______ et datée du 23 octobre 2019 indiquant que M. B______ figurait dans le registre des passagers pour des vols à destination de Pristina (Kosovo) les 3 octobre 2009 et 27 mars 2010.

11) Le 16 décembre 2019, Mme A______ et M. B______ ont demandé un visa de retour d’une durée de quatre semaines en vue de rendre visite à leur famille au Kosovo.

12) En date des 1er juillet et 7 décembre 2020, l’OCPM a refusé de délivrer des visas de retour aux intéressés, notamment en vue de se rendre en Autriche pour rendre visite à leur famille.

13) Par ordonnance pénale du 14 janvier 2021, M. B______ a été condamné par le Ministère public à une peine pécuniaire (partiellement complémentaire à celle prononcée le 12 juin 2019) de cent jours-amende à CHF 70.- pour faux dans les titres, tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et c LEI (P/1______/2020).

Selon le rapport de police du 13 janvier 2021, Monsieur E______ était ou avait été, titulaire et/ou associé notamment de E______, société en raison individuelle, E______ Sàrl, D______, raison individuelle et D______ Sàrl. Des documents avaient été émis avant et après les radiations des sociétés au registre du commerce. L’extrait du compte AVS de M. B______ comportait l’indication qu’il aurait cotisé à l’AVS de novembre 2007 à septembre 2014 par le biais de ces sociétés. Aucune cotisation sociale n’avait toutefois été versée.

M. B______ y a fait opposition.

14) Le 6 avril 2021, Mme A______ et M. B______ ont demandé un visa de retour d’une durée de deux mois en vue de se rendre au Kosovo pour raisons familiales.

15) Par décision du 21 avril 2021 (annulant et remplaçant celle du 13 avril 2021), après avoir donné la possibilité aux intéressés de faire valoir leur droit d’être entendu, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la requête d'autorisation de séjour de Mme A______ et M. B______ – et par conséquent de soumettre leur dossier avec un préavis positif au SEM – et a prononcé leur renvoi de Suisse avec délai au 13 juin 2021 pour quitter le territoire helvétique et le territoire des
États-membres de l'Union européenne et des États Schengen.

À teneur des pièces au dossier et du rapport de police du 13 janvier 2021, ils avaient produit des documents falsifiés, notamment des certificats et des fiches de salaire, dans le but d’induire en erreur l’OCPM afin d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, étant précisé que M. B______ avait reconnu ces faits. Dans ces circonstances, leur situation ne répondait pas aux critères de l’opération « Papyrus ».

Ils ne remplissaient pas non plus les critères relatifs à un cas d’extrême gravité : ils n’avaient pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Leur intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Ils n’avaient pas non plus démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence.

Enfin, ils n’avaient pas démontré qu’une réintégration dans leur pays d’origine aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Ils avaient manifestement maintenu des liens étroits avec leur pays d’origine puisqu’ils avaient obtenu plusieurs visas de retour depuis le dépôt de leur demande pour se rendre notamment au Kosovo. Leur réinstallation dans ce pays s’avérait raisonnablement exigible.

S’agissant de l’enfant, il était arrivé (sic) en Suisse le 3 mai 2018, était âgé de 2 ans et n’avait pas encore été scolarisé, de sorte que son intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. En bonne santé, sa réintégration dans son pays d’origine ne devrait pas lui poser des problèmes insurmontables.

16) Par acte du 21 mai 2021, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de soumettre leur dossier avec un préavis positif au SEM. Préalablement, ils ont sollicité l’audition de M. E______.

M. B______ vivait en Suisse depuis environ vingt-deux ans et Mme A______ depuis pratiquement neuf ans. Leur enfant était né en Suisse et y séjournait depuis trois ans. Ils n’étaient retournés dans leur pays d’origine que pour des durées très courtes, lesquelles ne pouvaient être considérées comme des interruptions de leur séjour. Ils avaient ainsi démontré une très longue durée de séjour en Suisse.

Contrairement à ce qu’avait retenu l’OCPM, le Ministère public avait uniquement reproché à M. B______ d’avoir produit des certificats de travail établis par l’entreprise E______ Sàrl qui comporteraient de fausses indications. Il s’était opposé à l’ordonnance pénale prononcée à son encontre, de sorte que sa condamnation n’était pas définitive. Il contestait catégoriquement avoir fourni de faux documents et avoir adopté un comportement frauduleux à l’égard de l’OCPM, ce que la procédure pénale permettrait de démontrer.

Pour les années 2009 à 2013, il avait produit une attestation de travail établie par E______ Sàrl. S’il était vrai que cette société avait été radiée le 20 mars 2012, il avait néanmoins travaillé pour M. E______ durant cette période. Celui-ci était titulaire d’une entreprise individuelle ainsi que de la société E______ Sàrl. Il semblait ainsi que son employeur aurait continué à mener une activité après la radiation de sa société. Il était également possible que son employeur se soit trompé lors de la rédaction de l’attestation. Son audition devrait permettre de dissiper les doutes s’agissant de l’authenticité des attestations produites.

Ils jouissaient d’une indépendance financière complète et n’avaient jamais fait l’objet d’une condamnation pénale. Parfaitement intégrés à leur environnement, en raison de la longue durée de leur séjour, ils avaient créé des attaches à ce point profondes et durables avec la Suisse qu’il n’était pas raisonnable d’envisager un retour dans leur pays d’origine.

17) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les critères de l’opération « Papyrus », de même que les conditions ordinaires de l’art. 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas réalisées, en particulier, la condition d’un séjour ininterrompu de dix ans au moins lors du dépôt de la demande de régularisation. L’intéressé avait vécu en alternance entre le Kosovo et la Suisse de 2008 à 2015, soit six mois dans un pays et six mois dans l’autre. Quant à Mme A______, elle était arrivée en Suisse au plus tôt en 2013. Enfin, les fausses déclarations ou la dissimulation de faits essentiels durant une procédure d’autorisation constituaient un motif de révocation en vertu de l’art. 62 al. 1 let. a LEI.

18) Les parties n’ont pas répliqué dans le délai qui leur avait été imparti.

19) Par jugement du 4 novembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Sans y conclure formellement, les intéressés demandaient que la procédure soit suspendue jusqu’à l’issue de la procédure pénale P/1______/2020. Toutefois, le sort du litige ne dépendait pas de l'issue de la procédure pénale, les conditions du refus d'octroi de l'autorisation de séjour requise étant réalisées.

Ils indiquaient être arrivés en Suisse en septembre 1998, respectivement en octobre 2013. La présence continue en Suisse n’était démontrée qu’à partir de novembre 2015 au plus tôt pour M. B______ et septembre 2014 pour sa compagne. L’intégration professionnelle de ce dernier ne pouvait pas être qualifiée d'exceptionnelle. Il avait œuvré au service de plusieurs entreprises genevoises actives dans le domaine de la construction et travaillait comme carreleur pour l'entreprise D______ Sàrl. Mme A______ n’avait pas allégué exercer d’activité lucrative.

Ils avaient quitté le Kosovo pour s’établir en Suisse à l’âgé de 35 ans pour le lui et 27 ans pour son amie, et y avaient donc longuement vécu. Ils y avaient encore des attaches familiales au vu des multiples visas de retour qu'ils avaient sollicités.

M. B______ avait fait l’objet de deux condamnations pénales, en 2019, puis en 2021, étant relevé que même si sa dernière condamnation n’est pas encore définitive, il avait reconnu à tout le moins une partie des faits qui lui étaient reprochés.

Si leur fils était né à Genève, il n’était âgé que de 3 ans et n’était pas scolarisé, de sorte que son intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. En bonne santé, sa réintégration dans son pays d’origine, auquel il restait attaché dans une large mesure par le biais de ses parents, ne devrait pas lui poser des problèmes particuliers, vu notamment son jeune âge.

20) Par acte du 8 décembre 2021, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement l’octroi de permis de séjour en leur faveur.

Le recourant avait été contraint de quitter son pays d’origine en raison de la situation économique. Il avait démontré être arrivé en Suisse en 1998, être retourné au Kosovo de 2000 à 2003, avant de revenir en Suisse pour y travailler. Il avait plusieurs fois effectué des allers-retours entre la Suisse et le Kosovo. Même si son séjour avait connu certaines interruptions, il devait être qualifié de très long. La recourante vivait en Suisse depuis près de neuf ans. Le couple avait toujours été indépendant financièrement.

21) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

22) Les parties ayant renoncé à répliquer, la cause a été gardée à juger

23) Par jugement du 17 mars 2022, le Tribunal de police (ci-après : TP) a acquitté M. B______ de faux dans les titres, de tentatives de comportement frauduleux à l’égard des autorités, de séjour illégal et d’exercice d’une activité lucrative sans autorisation.

Le jugement a été transmis à l’OCPM.

24) Sur question du juge délégué, le recourant a indiqué que le Ministère public avait fait appel.

Il transmettrait la motivation prochainement.

25) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants sollicitent l’audition de M. E______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1). Le droit d'être entendu n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

b. En l'espèce, les recourants ont sollicité l'audition de la personne impliquée dans le cadre de la procédure pénale en qualité de titulaire et/ou associé des sociétés E______, E______ Sàrl, D______ et D______ Sàrl, ayant supposément employé le recourant. La procédure pénale étant en cours, l’audition de cette personne en qualité de témoin est sans pertinence pour l’issue de la présente cause. De même il n’est pas nécessaire d’attendre la fin de la procédure pénale, celle-ci n’étant pas déterminante, au vu des éléments qui suivent. Pour le surplus, les recourants ont eu l'occasion d'exposer leurs arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans.

Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction demandés.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte
(art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

5) a. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, octobre 2013, actualisées le 1er janvier 2021 - ci-après : Directives LEI - ch. 5.6.12).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200
consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; Directives LEI, op. cit., ch. 5.6).

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

e. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du
13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/90/2021 du 26 janvier 2021 consid. 3e).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/90/2021 précité consid. 3e ; ATA/1162/2020 du 17 novembre 2020
consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015
consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

Le Tribunal fédéral a déjà relevé que la réintégration dans le pays d'origine n'est pas déjà fortement compromise parce que l'étranger n'y retrouvera pas de travail dans le domaine d'activité qui était le sien en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 précité consid. 5.2.2 ; 2C_956/2013 du 11 avril 2014
consid. 3.3).

6) L'opération « Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Elle s’est terminée le 31 décembre 2018.

7) En l’espèce, le recourant est venu illégalement en Suisse en automne 1998. Il a indiqué être ensuite retourné au Kosovo jusqu’en 2002, puis être revenu pour travailler « au noir ».

Lors de son audition par la police le 13 janvier 2021, il a indiqué avoir travaillé, durant les années 2008 à 2015, six mois en Suisse et six mois au Kosovo. Dans le cadre de son audition il a « reconnu totalement qu’[il] n’étai[t] pas en Suisse de manière permanente durant les dix dernières années ». Il ne remplit en conséquence pas les conditions pour l’opération « Papyrus », la naissance, en mai 2018, de son fils étant sans incidence, l’opération « Papyrus » ayant pris fin en décembre 2018 et la durée de cinq ans n’étant applicable que pour les familles avec enfant scolarisé.

Il ressort par ailleurs du rapport de police du 13 janvier 2021 que si l’extrait de son compte individuel AVS faisait mention de cotisations entre novembre 2007 et septembre 2014, aucun montant n’avait été versé aux caisses concernées. Cette période était justifiée par des attestations de la société E______.

En conséquence, aucun séjour en Suisse régulier n’est établi avant 2015 au plus tôt. À cette époque, l’intéressé était âgé de 35 ans. Il a ainsi grandi au Kosovo, y a suivi sa scolarité et y a vécu l'intégralité de son adolescence, soit les années jugées cruciales et déterminantes pour la formation de sa personnalité. Il y a exercé une activité professionnelle pendant quelque quinze années, entrecoupées de séjours en Suisse.

En venant en Suisse et en y travaillant, il a mis les autorités helvétiques devant le fait accompli, en l’absence de toute autorisation.

Son intégration professionnelle, dans les métiers du bâtiment, en qualité de carreleur ou de peintre, ne répond pas aux exigences jurisprudentielles strictes. En effet, il ne peut être retenu qu’il possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou qu’il aurait réalisé une insertion professionnelle remarquable.

Il ne se prévaut pas non plus d’une intégration sociale particulière.

Il est en bonne santé. Il peut travailler et pourra mettre à profit les compétences acquises en Suisse au Kosovo où il a manifestement encore de la famille au vu du nombre de demandes de visas qu’il a déposées. Il avait par ailleurs déclaré à la police le 13 janvier 2021 que toute sa famille vivait au Kosovo à l’exception de sa sœur et de sa belle-sœur qui résidaient à Genève.

Enfin, il ne peut être retenu que le recourant a respecté l’ordre juridique suisse. Il a commis des infractions à la LEI et fait actuellement l’objet d’une procédure pénale pour faux dans les titres, le Ministère public ayant recouru contre le jugement du TP.

La situation de la mère de son enfant est comparable. Venue en Suisse en décembre 2014 selon les attestations des TPG, alors âgée de 27 ans, après avoir vécu un peu moins de trente années au Kosovo, elle n’allègue pas une intégration professionnelle ou sociale particulière. Elle est en bonne santé et pourra mettre en valeur au Kosovo notamment ses compétences linguistiques acquises en Suisse. Par ailleurs, de jurisprudence constante, l'absence d'infractions pénales, tout comme l'indépendance économique, - non pertinente en l’espèce en ce qui la concerne, celle-ci n’alléguant pas exercer une activité lucrative ou souhaiter le faire - sont des aspects qui sont en principe attendus de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constituent donc pas un élément extraordinaire en sa faveur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Enfin, âgé de seulement 4 ans, le fils du couple n’est pas encore scolarisé et intégré dans la vie genevoise.

En conséquence, les recourants ne se trouvent pas personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de leur part qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. Les conditions strictes des art. 30 LEI et 31 OASA pour que puisse être reconnu un cas d’extrême gravité ne sont pas remplies.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'OCPM, en niant l'existence des conditions justifiant l'octroi aux recourants d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité, n'a ni violé la loi ni abusé ou excédé de son pouvoir d'appréciation, ce qu’a à juste titre confirmé le TAPI.

8) a. Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2). Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi des recourants ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible.

Dans ces circonstances, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge conjointe des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2021 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge conjointe de Madame A______ et Monsieur  B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.