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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3717/2021

ATA/217/2022 du 01.03.2022 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3717/2021-MARPU ATA/217/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2022

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Claire Bolsterli, avocate

contre

VILLE DE GENÈVE
représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

et

B______SA



EN FAIT

1) Le 25 août 2021, la Ville de Genève, soit pour elle la centrale municipale d’achat et d’impression (ci-après : CMAI), a publié sur la plateforme Internet www.simap.ch un appel d'offres en procédure ouverte, soumise à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), portant sur un marché public de services, à savoir la réfection des pelouses en gazon naturel des centres sportifs C______et « D______» (lot 1) ainsi que des centres sportifs du « E______» et de F______ (lot 2). Seul le lot 1 est litigieux.

L’appel d’offres comportait, notamment, la grille tarifaire pour chaque lot ainsi que, pour chaque lot également, un document intitulé formulaire A « devis fictif A de réfection des gazons – réfection "pause de championnat" et un « devis fictif B de réfection des gazons – réfections annuelles ». La date d’exécution du contrat était le 1er janvier 2022. Les soumissionnaires devaient indiquer, dans les deux devis fictifs, le prix unitaire pour chaque prestation.

2) Deux offres sont parvenues à la ville pour le lot 1, à savoir celle de B______SA (ci-après : B______) pour un montant de CHF 87'683.30 et celle de A______ (ci-après : A______) pour un montant de CHF 209'116.78.

Dans son devis fictif A, A______ a indiqué le prix unitaire de CHF 4.- pour le poste 2.5 intitulé « plus-value pour aération manuelle dans les endroits inaccessibles aux machines » et de CHF 1.50 pour le poste 2.7 intitulé « plus-value pour sablage manuel dans les endroits inaccessibles aux machines ». Dans le devis fictif B, elle a indiqué les mêmes prix unitaires pour les postes 2.5 et 2.7. La surface à traiter figurant dans le devis fictif B pour les points 2.5 et 2.7 était de 12'000 m2.

Dans la rubrique « Information/remarques » figurant à côté des différents postes, A______ a indiqué aux postes 2.5 et 2.7 : « il y a certainement une erreur avec le point 2.4 [respectivement 2.6] ».

3) Selon le tableau comparatif des offres, celle de A______ a obtenu la note de 0.06 pour le critère du prix (pondéré à 40 %), de 3.50 pour celui (pondéré à 30 %) des moyens mis en œuvre pour l’exécution du marché, de 4 pour les références (critère pondéré à 20 %) et de 3 pour le critère (pondéré à 10 %) « volet environnemental et social du développement durable ». B______ obtenait pour le critère du prix la note 5, pour celui des moyens mis en œuvre pour l’exécution du marché la note 4, pour les références la note 3 et pour le critère du « volet environnemental et social du développement durable » la note 2.

4) Par décision du 12 octobre 2021, la ville a adjugé le lot 1 à B______ pour le montant de son offre.

5) Par acte déposé 1er novembre 2021 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à la ville pour nouvelle décision. À titre préalable, elle a requis l’effet suspensif et la production par la ville du « procès-verbal ou tout autre document justifiant l’offre formulée par B______ ».

Elle était chargée depuis 2018 de l’entretien des surfaces sportives de la ville. Les quantités figurant dans le devis fictif B préimprimé pour les postes 2.5 « plus-value pour aération manuelle dans les endroits inaccessibles aux machines » et 2.7 « plus-value pour sablage manuel dans les endroits inaccessibles aux machines » indiquaient par erreur le nombre de 12'000. Elle s’était fondée sur ces indications erronées, de sorte qu’au lieu de CHF 3'600.- et CHF 3'000.- pour ces deux postes, les montants de CHF 48'000.- et CHF 18'000.- figuraient sur son offre. Elle avait signalé dans son offre que le poste « carottage ou équivalent des surfaces engazonnées, réglage de l’aplanie » devait constituer un doublon avec celui de « intervention avec un aérateur muni de louchets, profondeur de carottage entre 5 et 20 cm selon la qualité du terrain, deux passages croisés, passage d’un treillis métallique après carottage pour briser les extraits de surface ». Son offre était nettement mieux notée que celle de sa concurrente, à l’exception du critère du prix, au vu des deux erreurs précitées qu’il y avait lieu de corriger.

6) B______ n’a pas souhaité se déterminer sur la requête d’effet suspensif.

7) La ville a conclu au rejet de cette requête. Son appel d’offres ne présentait pas de défaut ou lacune, de sorte que la soumission de la recourante n’avait pas été automatiquement augmentée. Il appartenait à celle-ci de vérifier les montants soumis. L’appel d’offres prévoyait la possibilité de poser des questions sur le forum de Simap. Seules des erreurs de calcul manifestes pouvaient être corrigées par ses soins. L’offre de la recourante pour le lot 1 s’élevait à CHF 209'116.78, alors que celle de l’adjudicataire se montait à CHF 87'683.30. Le critère « prix » avait été noté pour A______ un 0.6. Le principe de l’intangibilité des offres s’opposait à ce que l’autorité adjudicatrice modifie les soumissions reçues. La recourante, qui avait rempli et reporté les chiffres, aurait dû vérifier leur exactitude. Elle ne démontrait pas que l’appel d’offres contenait des erreurs. En outre, le prix articulé par elle n’apparaissait pas sans commune mesure avec ce qui se pratiquait usuellement.

8) Par courrier du 15 novembre 2021, B______ a précisé qu’elle ne souhaitait pas que son dossier de soumission et de prix soit transmis à la recourante.

9) La recourante a encore fait valoir que l’adjudicataire avait adapté les prix unitaires pour les postes 2.5 et 2.7. Si elle-même en avait fait de même, son offre aurait été meilleur marché que celle de B______. Elle devait ainsi impérativement avoir accès au formulaire A de sa concurrente pour le lot 1. Elle sollicitait donc l’accès à ce formulaire ainsi qu’à la grille tarifaire pour le lot 1.

10) Dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que le fait qu’elle n’ait pas posé de question dans la période prévue à cet effet ne guérissait pas les erreurs contenues dans l’appel d’offres. Les prix unitaires faisaient foi, le devis automatiquement généré étant qualifié par le pouvoir adjudicateur de fictif. Les mètres carrés indiqués par celui-ci pour les postes 2.5 et 2.7, soit des surfaces non atteignables par des machines, étaient de 12'000, à savoir l’équivalent de deux terrains de football. Il appartenait au pouvoir adjudicateur de corriger cette erreur, la soumissionnaire n’étant pas en mesure de connaître les surfaces à traiter qui étaient inaccessibles à une machine. L’appel d’offres utilisait à cet égard le terme de « devis fictifs » et la recourante avait signalé qu’il y avait certainement une erreur sur ce point. En corrigeant les postes en question, son offre aurait été meilleur marché que celle de sa concurrente. La différence importante de prix des deux offres aurait dû conduire l’adjudicatrice à corriger ses propres indications, en tenant compte du prix unitaire proposé. Enfin, l’autorité intimée aurait dû s’interroger sur le prix anormalement bas de l’offre de l’adjudicataire sur les deux points litigieux.

11) Dans sa réponse au fond et duplique sur effet suspensif, la ville a conclu au rejet du recours. Elle a repris en les détaillant les arguments déjà avancés. Dans le devis fictif « réfection des gazons – réfections annuelles », les postes 2.5 « plus-value pour aération manuelle dans les endroits inaccessibles » et 2.7 « plus-value pour le sablage manuel des endroits inaccessibles aux machines » prévoyaient une surface à traiter de 12'000 m2. La recourante avait indiqué une plus-value de CHF 4.-/m2 pour le poste 2.5 et de CHF 1.50/m2 pour le poste 2.7. Les prix indiqués par B______ n’étaient pas anormalement bas ; ceux de la recourante étaient au contraire très élevés. Les calculs corrigés qu’elle proposait ne pouvaient être retenus, compte tenu du principe de l’intangibilité des offres.

12) Le 3 décembre 2021, l’effet suspensif au recours a été admis.

13) Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 17 décembre 2021 devant la chambre de céans. B______ ne s’est pas présentée.

a. Le représentant de la ville a expliqué que le point 2.4 du formulaire d'offres A visait l'aération effectuée par une machine. Afin de pouvoir comparer les offres, la ville avait établi un devis fictif, dès lors que les besoins de réfection des pelouses étaient variables dans l'année d'une année à l'autre. Il y avait ainsi un devis fictif visant la réfection pendant la période de pause de championnat (devis fictif A) et un autre pour les réfections annuelles (devis fictif B). Les m2 indiqués dans les rubriques 2.5 et 2.7 mentionnaient les surfaces qui, dans une année, étaient susceptibles d'être traitées manuellement, que ce soit pour l'aération du sol ou le sablage.

La rubrique « information/remarques » était destinée à des remarques d'ordre technique, portant par exemple sur la manière de réaliser la prestation. La remarque faite par la recourante aux postes 2.4 à 2.7 revenait à remettre en question les quantités du devis fictif. Ils avaient compris que la recourante remettait en question les m2estimés nécessitant un traitement manuel. La recourante s'était vu adjuger les deux lots en 2017, sur la base des deux mêmes devis fictifs, comportant les mêmes indications, notamment des à traiter manuellement. Ce point n'avait alors pas suscité de remarques de sa part. Par ailleurs, ni en 2017 ni en 2021, des questions n’avaient été posées au sujet des points 2.4 à 2.7.

b. L’administrateur de la recourante a confirmé que depuis 2017, il soumettait des devis fictifs dans le cadre des appels d'offres de la ville. La quotité de 12'000 m2 correspondait à deux terrains de football. Il n'était pas possible d'effectuer un travail manuel sur une telle étendue, raison pour laquelle dans la soumission de 2021, ils avaient estimé qu'il y avait une erreur dans le nombre de m2 indiqué. Il ne se souvenait plus si en 2017 les 12'000 m2 figuraient déjà dans les devis fictifs. Les travaux leur ayant été adjugés, il ne s’était plus intéressé à cette question.

c. Le représentant de la ville a précisé que selon le dossier qu’il avait sous les yeux, la recourante avait soumissionné en 2017 pour le lot 1 à un prix de CHF 81'146.88 TTC.

d. L’administrateur de la recourante a déclaré que cela était possible. Toutefois, il rappelait qu'il ne s'agissait que d’un devis, le tarif unitaire par prestation étant déterminant. En vingt ans de travaux pour la Ville de Genève sur leurs terrains de sport, ils n'avaient jamais eu besoin d'effectuer des travaux manuels d'aération et de sablage pour une surface de 12'000 m2. Au plus, ils avaient eu environ 200 m2 de travaux manuels de sablage. Quand il avait vu l'appel d'offres, il avait vu l'indication des 12'000 m2. Ce n'était toutefois que lorsqu’il avait rempli le devis fictif qu’il avait prêté davantage d'attention. Il lui avait semblé que le devis fictif comportait une erreur de ligne, les 12'000 m2 se rapportant davantage aux travaux d'aération et de sablage effectués à l'aide d'une machine. Selon son expérience, le nombre de m2 traités mécaniquement pouvait s'élever à 24'000 m2 pendant une année et l'année d'après à 12'000 voire seulement à 6'000.

e. La ville a confirmé qu’il y avait une grande variabilité par année des m2 à traiter manuellement, notamment en fonction du temps et de l'utilisation du terrain. Une partie des travaux manuels était effectuée par leurs propres services. Pour l'établissement des devis, ils s’étaient fondés sur les indications de leurs services techniques qui disposaient de l'expérience et de la connaissance du terrain. À la suite du recours, le représentant de la ville s’était renseigné auprès du service interne qui lui avait indiqué qu'il lui était déjà arrivé de traiter manuellement un terrain entier lorsque celui-ci était fragile. Le nombre de m2 était donc extrêmement variable.

Il confirmait avoir assisté à l'ouverture des offres et signé le procès-verbal y relatif. Celui-ci n'avait pas été modifié par la suite. L'offre soumise par B______ n'avait pas été modifiée après son ouverture. Les seules remarques formulées par cette dernière au sujet des points 2.4 à 2.7 concernaient le type de sable utilisé et l'aspect technique de la mécanisation. Le tarif unitaire pour les travaux d'aération et de sablage était doublé lorsqu'ils étaient effectués manuellement.

f. Le représentant de la recourante a confirmé les prix indiqués dans les devis fictifs. Le fait de seulement doubler le prix des travaux manuels était irréaliste. Pour l'aération manuelle, il fallait enfoncer une fourche dans 20 cm de profondeur dans le terrain, ce qui ne permettait de loin pas d'avancer aussi vite qu'avec une machine. Il considérait donc que l'offre de B______ était anormalement basse.

g. Le conseil de la ville a précisé que jusqu’à l’audience, il pensait que la recourante s'était trompée sur le tarif unitaire qu'elle avait indiqué sous les points 2.5 et 2.7, raison pour laquelle il avait soutenu qu'il appartenait à celle-ci de veiller aux indications qu'elle donnait elle-même.

Le représentant de la ville s’est dit surpris de l'allégation d'un prix anormalement bas de B______. Le montant adjugé à celle-ci était légèrement plus élevé que celui adjugé à la recourante en 2017, pour les mêmes quantités et mêmes bases de calculs. Selon les documents sous ses yeux, le prix unitaire pour le point 2.4 proposé en 2017 par la recourante était de CHF 0.30 et la plus-value de CHF 0.35 et pour le point 2.6, il était de CHF 1.00 et la plus-value (point 2.7) de CHF 0.25. Pour lui, l'offre de B______ ne paraissait ainsi pas anormalement basse.

14) Dans le délai imparti à l’issue de l’audience à la recourante, celle-ci a produit les devis fictifs 2017 relatifs au lot 1. Le prix pour la plus-value liée au poste 2.5 concernant l’aération manuelle était, selon elle, de CHF 3.20/ m2, pour une surface de 12'000 m2. Pour le sablage, elle avait inversé les postes 2.6. et 2.7 ; la quantité à traiter était également de 12'000 m2. En indiquant cette quantité l’autorité intimée s’était manifestement trompée. Depuis 2017, aucune surface n’avait dû être traitée manuellement. Elle produisait également des photographies présentant l’aération manuelle et celle mécanique, de même que le sablage manuel et celui fait à l’aide d’une machine. Les postes 2.5 et 2.7 du devis fictif pour la réfection des gazons n’étaient donc pas déterminants pour l’adjudication, qui devait ainsi être annulée.

Dans la grille tarifaire 2017 qu’elle a produite, le tarif unitaire du poste 2.4 s’élevait à CHF 0.30, celui du poste 2.5 à CHF 0.35, celui du poste 2.6 à CHF 1.00 et celui du poste 2.7 à CHF 0.25. Sous « Informations/remarques », elle avait indiqué pour le poste 2.5 « prix réel 3.20/ m2 », pour le poste 2.6 « prix réel 0.25/ m2 » et pour le poste 2.7 « prix réel 1.-/m2 ».

Dans le devis fictif B, elle avait repris sous le poste 2.5 le tarif unitaire de CHF 0.35 (pour une quantité de 12'000 m2) et celui de CHF 0.25 pour le poste 2.7 (pour une quantité de 12'000 m2).

La recourante a également produit un courriel qu’elle avait reçu de la ville le 3 octobre 2017 lui confirmant que les indications figurant dans son dossier d’appel d’offres sous le poste 2.5 étaient correctes et ne comportaient pas d’erreur.

15) La ville a répondu que toute contestation relative aux documents d’appel d’offres aurait dû être formulée à un stade antérieur. En particulier, la surface de 12'000 m2 à traiter manuellement ne pouvait être modifiée. Une comparaison des grilles tarifaires de l’offre de la recourante de 2017 et de celle de B______ de 2021 montrait une grande similitude. L’offre de la recourante pour le lot litigieux s’était élevée à CHF 81'146.88 TTC en 2017, celle de l’adjudicataire en 2021 à CHF 87'683.30 TTC.

Les prix unitaires de B______ pour les postes litigieux avaient été les suivants : CHF 0.25 pour le poste 2.4, CHF 0.27 pour le poste 2.5, CHF 0.41 pour le poste 2.6 et CHF 0.41 pour le poste 2.7. Ainsi, pour le poste 2.4, le devis fictif A s’élevait à CHF 3'375.- et les postes 2.5 et 2.7 du devis fictif B se montaient à respectivement CHF 3'240.- et CHF 4'920.-.

Ces chiffres se rapprochaient de ceux soumis par A______ en 2017, à savoir CHF 0.30 pour le poste 2.4, CHF 0.35 pour le poste 2.5, CHF 1.00 pour le poste 2.6 et CHF 0.25 pour le poste 2.7, le poste 2.4 du devis fictif A s’élevant ainsi à CHF 3'750.-, et les postes 2.5 et 2.7 du devis fictif B à respectivement CHF 4'200.- et CHF 3'000.-.

16) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 15 al. 1, al. 1bis let. e et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'AIMP - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) La ville a produit copie du procès-verbal d’ouverture des offres et les dossiers d’offre des soumissionnaires. Elle a également expressément communiqué les tarifs unitaires des postes 2.4 à 2.7, postes sur lesquels porte le litige. Il a ainsi été donné suite au chef de conclusions préalable de la recourante.

3) La recourante reproche au pouvoir adjudicateur une violation des art. 39 et 40 RMP.

a. L'AIMP poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 2 RMP).

Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme (ATA/794/2018 du 7 août 2018 consid. 3b et les références citées), qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires. Ces principes imposent ainsi de n'apprécier les offres que sur la base du dossier remis, un soumissionnaire n'étant pas habilité à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents après l'échéance du délai (ATA/914/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6a ; ATA/150/2018 du 20 février 2018 consid. 3b et les références citées), ce qui découle de l'art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l'entité adjudicatrice et les soumissionnaires (ATA/616/2018 du 18 juin 2018 consid. 3d).

Lors de l'examen des offres, l'autorité adjudicatrice examine la conformité des offres au cahier des charges et contrôle leur chiffrage (art. 39 al. 1 RMP). Les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d'écriture, sont corrigées (art. 39 al. 2 1ère phr. RMP). Selon l'art. 40 RMP, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (al. 1). Les explications sont en principe fournies par écrit (al. 2). En présence d'une offre anormalement basse, l'autorité adjudicatrice doit demander au soumissionnaire de justifier ses prix, selon la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP (art. 41 RMP).

L'art. 42 RMP a trait à l'exclusion de la procédure. Ainsi, l'offre est écartée d'office notamment lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (al. 1 let. a) ou n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse, conformément à l'art. 41 RMP (al. 1 let. e). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3).

b. L'interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d'exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C'est dans ce sens que des erreurs évidentes de calcul et d'écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 1ère phr. RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP).

c. Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l'offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l'appel d'offres. À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu'elle applique la même rigueur ou la même flexibilité à l'égard des différents soumissionnaires (ATA/149/2018 du 20 février 2018 et les références citées). L'appréciation de la chambre administrative ne peut se substituer à celle de l'autorité adjudicatrice, seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2).

d. En l’espèce, la recourante soutient que l’appel d’offres comportait une erreur évidente, à l’origine du fait que son offre a été écartée. Selon elle, la surface à traiter manuellement de 12'000 m2 figurant dans le devis fictif B sous les postes 2.5 et 2.7 était excessive et aurait dû être corrigée par l’autorité intimée au moment de l’évaluation des offres, ce d’autant plus qu’elle avait expressément attiré son attention sur ce point.

Or et comme le relève la ville, toute contestation de l’appel d’offres aurait dû être élevée dans le délai de recours suivant sa publication, ce qui n’a pas été le cas. Il ressort du courriel du 3 octobre 2017 produit par la recourante après l’audience que la ville lui avait, lors du précédent appel d’offres, confirmé que les indications figurant dans son dossier d’appel d’offres sous le poste 2.5 étaient correctes. La recourante ayant, lors de la soumission de 2017 eu des doutes sur l’exactitude de la surface à traiter manuellement retenue dans les devis fictifs, doutes qui avaient été écartés par la ville, aurait dû contester ce point de l’appel d’offres 2021 si elle estimait toujours que ce paramètre était erroné.

Par ailleurs, il ressort de la teneur des art. 39 et 40 RMP que ceux-ci règlent les conditions (strictes) dans lesquelles une offre reçue peut être modifiée par le pouvoir adjudicateur et non celles dans lesquelles ce dernier pourrait modifier son appel d’offres.

En outre, dans l’offre soumise en 2017, la recourante avait indiqué, dans les devis fictifs A et B un prix unitaire de CHF 0.35/m2 relatif à la plus-value liée à l’aération manuelle des endroits inaccessibles à la machine (poste 2.5) et de CHF 0.25 pour la plus-value liée au sablage manuel (poste 2.7). Dans le formulaire du devis fictif B de 2017, la surface à traiter manuellement était de 12'000 m2. Dans le devis fictif B de 2021, la surface à traiter manuellement était de 12'000 m2, la plus-value indiquée par la recourante étant de CHF 4.- pour le poste 2.5 et de CHF 1.50 pour le poste 2.7. Ainsi, contrairement à ce que la recourante soutient, elle avait déjà soumissionné par le passé avec l’hypothèse d’un traitement manuel pouvant s’étendre à 12'000 m2. Elle ne peut donc être suivie lorsqu’elle soutient que la surface indiquée serait manifestement erronée, d’une part. D’autre part, il est ressorti des explications fournies par les deux parties en audience qu’il pouvait y avoir une grande variabilité par année de la surface à traiter manuellement, notamment en fonction du temps et de l'utilisation du terrain. Selon les informations recueillies par le représentant de la ville, il était déjà arrivé que les propres services de celle-ci aient à traiter manuellement une surface équivalant à un terrain de football entier.

Par ailleurs, en audience, le représentant de la ville a indiqué que l’adjudicataire avait doublé le prix unitaire des postes 2.4. et 2.6 pour les postes 2.5. et 2.7 relatifs à la plus-value liée aux prestations effectuées manuellement. C’est également ce qui ressort des chiffres précis apportés par la ville avec ses dernières observations. La recourante a estimé un tel prix irréaliste. Or, elle a elle-même, dans ses devis fictifs A et B présentés en 2017, indiqué un tarif unitaire de CHF 0.35 pour la plus-value liée à l’aération manuelle, soit légèrement plus du double du prix pour le travail effectué avec une machine (au prix unitaire de CHF 0.30) et un prix unitaire pour la plus-value liée au sablage manuel de CHF 0.25, soit bien moins du double du prix unitaire de CHF 1.00 indiqué pour le travail effectué à l’aide d’une machine. Elle ne peut donc être suivie lorsqu’elle affirme que le prix unitaire proposé par l’adjudicataire pour la plus-value retenue dans les postes 2.5. et 2.7, qui consistait à doubler le prix unitaire des postes 2.4 et 2.6, était irréaliste, ayant elle-même proposé en 2017 des prix unitaires à peine plus élevé du double pour le poste 2.5 et bien en-deça du double pour le poste 2.7. En outre, bien qu’elle soutienne avoir, dans la grille tarifaire de 2017, inversé le prix unitaire du poste 2.6 et celui du poste 2.7, elle a utilisé les chiffres indiqués dans ladite grille pour établir les devis A et B qu’elle a alors soumis et qui la liaient.

Enfin, le lot 1 avait été adjugé en 2017 pour le montant de CHF 81'146.88. Le prix de CHF 87'683.30.- proposé par l’adjudicataire en 2021 pour ce lot n’était ainsi pas de nature à conduire le pouvoir adjudicateur à considérer que l’offre de celle-ci était anormalement basse et nécessitait de procéder à des éclaircissements à cet égard.

Au vu des éléments qui précèdent, il sera retenu que la ville n’avait pas à modifier les offres qui lui étaient soumises en lien avec la surface à traiter manuellement figurant dans le devis fictif B et concernant les postes 2.5 et 2.7 ni à considérer que l’offre de B______ était anormalement basse.

Les griefs de la recourante seront ainsi rejetés, ce qui conduit au rejet du recours.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante. Il n'y a pas lieu à l'allocation d'une indemnité de procédure à la ville, qui dispose de son propre service juridique ni à l’adjudicataire, qui n’a pas exposé de frais pour sa défense (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er novembre 2021 par A______ contre la décision de la Ville de Genève du 12 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claire Bolsterli, avocate de la recourante, à Me Michel d'Alessandri, avocat de la Ville de Genève, à B______SA ainsi qu’à la Commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :