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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2571/2017

ATA/149/2018 du 20.02.2018 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS ; PROCÉDURE D'ADJUDICATION ; EXCLUSION(EN GÉNÉRAL) ; FORMALISME EXCESSIF ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : AIMP.15.al2; RMP.56.al1; LPA.62.al3; LPA.62.al6; RMP.42.al1.leta; RMP.42.al3; RMP.39.al2; RMP.40; RMP.41; Cst.9; Cst.5.al3
Parties : SOGETRI SA / SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE, HECOR SÀRL
Résumé : Admission des recours du soumissionnaire exclu de la procédure dont l'offre remplissait tous les points du cahier des charges. Décision d'adjudication viciée en raison du procédé suivi par l'autorité adjudicatrice.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2571/2017-MARPU ATA/149/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 février 2018

 

dans la cause

 

SOGETRI SA
représentée par Me Marc Balavoine, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

et

HECOR SÀRL
, appelée en cause

 



EN FAIT

1) En janvier 2009, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) ont mis en service, sur le site de la route du Bois-de-Bay à Satigny, une halle de traitement des mâchefers issus de l’incinération des déchets de l’usine des Cheneviers en vue de leur tri et de leur valorisation.

2) La société Hecor Sàrl (ci-après : Hecor), société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton des Grisons, exploite depuis lors ce site après s’être vu adjuger, pour la dernière fois en 2015, ce marché.

3) Le 8 février 2017, les SIG ont fait paraître dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur la plateforme internet simap (www.simap.ch) un appel d’offres en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux, portant sur un marché de services « Gestion du centre de traitement des mâchefers du Bois-de-Bay » (ci-après : le marché). Il était renvoyé aux documents d’appel d’offres s’agissant de la description des tâches, du lieu de la fourniture du service, des critères d’adjudication ou de la possibilité de proposer des variantes ou des offres partielles. La durée du marché, reconductible, était de douze mois depuis la signature du contrat. Le délai pour poser des questions par écrit était fixé au 22 février 2017, celui du dépôt des offres au 7 mars 2017 à 14h00.

4) Les documents remis aux entreprises intéressées, outre le plan d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement du site (ci-après : PHSE), étaient les suivants :

a. Le dossier d’appel d’offres « K3 » contenait les conditions générales applicables au marché. S’agissant des « aptitudes/compétences requises - type de soumissionnaire », le soumissionnaire devait posséder des compétences dans l’exploitation d’installations de traitement des mâchefers ou, à défaut, de préparation de granulats et de démétalisation de déchets (ch. 1).

En lien avec le ch. 1 ci-dessus, des références au moyen de la formule « Q8 » devaient être données. Le candidat devait ainsi fournir trois références, si possible en rapport avec le type de marché à exécuter, en terme de complexité et d’importance, qui démontraient l’aptitude, les compétences et l’expérience nécessaires pour le marché à exécuter, qui étaient achevées depuis moins de dix ans ou en cours d’exécution mais proche d’être achevées, qui reflétaient le même type d’organisation exigée pour le marché à exécuter.

Ne seraient prises en considération que les offres respectant les conditions de participation, soit déposées dans le délai imparti, signées et datées, présentées dans la langue imposée, accompagnées des annexes « P » et « Q » complétées et des attestations demandées. En cas de doute sur la recevabilité d’une offre, l’adjudicateur procéderait à une vérification plus approfondie (ch. 3.3). Aucune audition n’était envisagée mais l’adjudicateur se réservait le droit de poser des questions à un soumissionnaire dont le dossier possédait des informations douteuses ou imprécises. Le soumissionnaire ne pouvait toutefois pas apporter d’éléments nouveaux ou modifier son offre, sous peine d’exclusion (ch. 4.6). Une offre déposée ne pouvait être modifiée ou complétée après le délai de dépôt fixé par l’adjudicateur et, à l’échéance dudit délai, un soumissionnaire ne pouvait plus corriger ou faire corriger son offre ni transmettre de nouveaux documents ou informations à l’adjudicateur (ch. 4.12). Ce dernier procédait à un contrôle technique et arithmétique de l’offre, seules les erreurs évidentes de calcul étant corrigées, et excluait le soumissionnaire ne confirmant pas ses prix ou procédant à une modification de ceux-ci (ch. 4.15).

L’évaluation des offres se basait exclusivement sur celles déposées ainsi que sur les indications fournies par les soumissionnaires et sur les informations demandées par l’adjudicateur. L’adjudication était attribuée à l’offre la « mieux disante » au vu des critères d’adjudication (ch. 4.8), soit le prix (40 %), l’organisation (30 %) et les références du soumissionnaire (30 % ; ch. 4.7).

En signant la page de garde et en déposant son offre, le soumissionnaire certifiait qu’il avait pris connaissance des conditions de la procédure, qu’il acceptait sans réserve (ch. 5). Différentes annexes, dont l’annexe Q8 (références du soumissionnaire) devaient être remises à l’adjudicateur, de même que le cahier des charges paraphé et signé, la note explicative présentant l’organisation prévue, les moyens humains et matériels, la liste des repreneurs des matériaux et le détail et le justificatif du prix, ainsi qu’une attestation d’assurance responsabilité civile.

b. Le cahier des charges indiquait que les matériaux triés issus des mâchefers étaient récupérés par les entreprises selon la liste fournie avec l’offre et évacués par ceux-ci, sous la supervision du prestataire, lequel les facturait et percevait des recettes provenant de leur vente. Les sommes ainsi perçues étaient partiellement reversées aux SIG selon une clef de répartition « prestataire/SIG » proposée par le prestataire et fixée lors de la signature du contrat d’exploitation (ch. 4).

c. La proposition de contrat concernant la prestation de service pour la gestion du centre de traitement des mâchefers du Bois-de-Bay prévoyait que la rémunération perçue par le prestataire comportait les sommes lui permettant de remplir complètement les obligations liées au contrat et était composée d’une partie forfaitaire « F », payable mensuellement et « fixée à ……CHF HT/mois », et d’un intéressement « I1 » sur les recettes provenant de la vente des matériaux. Le prestataire recevait les recettes provenant de la vente des matériaux récupérés et reversait trimestriellement la totalité de ces recettes aux SIG, déduction faite de l’intéressement « I1 », lequel était fixé à 5 % des recettes provenant de la vente des matériaux (art. 7). Le plafond de l’intéressement annuel pouvait être rediscuté à l’occasion de la proposition par le prestataire de nouvelles solutions de valorisations avantageuses pour les SIG (art. 8.2).

5) Le 6 mars 2017, Hecor a soumis son offre aux SIG pour le marché pour un montant de CHF 388'333.-, toutes taxes comprises.

Le détail du prix proposé indiquait une rétribution de 5 % en faveur des SIG et, au titre des coûts, des frais de carburant de CHF 33'000.-, d’électricité de CHF 25'000.- et d’eau de CHF 4'000.-.

L’annexe « Q8 » complétée comportait sept références. Quatre de celles-ci concernaient les marchés exécutés pour les SIG visant la récupération des métaux valorisables des mâchefers (du 1er janvier au 30 juin 2011, du 1er juillet 2011 au 30 avril 2012, du 1er mai 2012 au 30 avril 2015 et du 1er mai 2015 au 30 avril 2017) pour CHF 144'000.-, CHF 310'000.-, CHF 792'000.- et CHF 748'800.-. Les trois autres références avaient trait aux marchés réalisés pour le compte d’une corporation de communes grisonnes pour la gestion de la décharge des mâchefers (du 1er juin 2010 au 31 décembre 2013 et depuis le 1er janvier 2014) pour CHF 200'000.-, CHF 2'000'000.- et CHF 8'000'000.-.

6) Sogetri SA (ci-après : Sogetri) est une société anonyme de droit suisse inscrite au RC du canton de Genève ayant son siège à Carouge, et qui a pour but statutaire l’étude, la conception, la construction, l’exploitation et la gestion de centres de tri des déchets de chantier et assimilés ainsi que le financement de sociétés du groupe et l’émission de garanties. Messieurs Thierry VIALENC et Pierre CALZOLARI sont les administrateurs, avec signature collective à deux.

Le 7 mars 2017, Sogetri a également soumis son offre aux SIG pour le marché pour un montant de CHF 279'316.18, toutes taxes comprises.

Le dossier d’appel d’offres « K3 » désignait M. VIALENC comme la personne responsable du marché au sein de l’entreprise.

L’annexe « Q8 » complétée comportait trois références. La première concernait l’exploitation d’un centre de tri mécanisé réalisée depuis 1991 par Sogetri à Carouge pour un chiffre d’affaires annuel de CHF 12'000'000.-. Les deux autres indiquaient être citées par Monsieur « Vincent SPERANDIO (directeur d’exploitation) pour Sogetri SA » et concernaient les marchés exécutés pour Syctom et Veolia visant la supervision et la gestion d’un centre de traitement de mâchefers dans les Yvelines et en Seine-et-Marne, en France (de janvier 1999 et juin 2004 jusqu’en décembre 2015) pour des chiffres d’affaires annuels de EUR 1'800'000.- et EUR 2'440'000.-.

La note explicative indiquait que M. SPERANDIO serait le directeur d’exploitation du site. Celui-ci avait rejoint l’entreprise en 2015, après avoir encadré l’exploitation de deux centres français de traitement des mâchefers pour des travaux similaires. Par ailleurs, les coûts d’exploitation du site seraient de CHF 52'242.-, dont CHF 5'767.- et CHF 1'167.- pour l’électricité, CHF 2'922.- pour l’eau et CHF 42'385.- pour le carburant. Sur la base des chiffres d’exploitation 2015, les SIG seraient intéressés à hauteur de 10 %.

7) Le 7 mars 2017, les SIG ont procédé à l’ouverture des offres. Deux entreprises avaient soumissionné, à savoir Hecor et Sogetri.

8) Le 15 mars 2017, les SIG ont adressé à MM. CALZOLARI et VIALENC un courriel afin d’être certains d’avoir bien compris l’offre de Sogetri et d’obtenir des précisions sur trois points. Les coûts des énergies leur semblaient sous-évalués au vu de la consommation d’eau et d’électricité en 2015. Une offre complémentaire devait leur être présentée s’agissant de la valorisation des fers et métaux afin de tenir compte d’une rémunération globale de 5 % et ainsi répondre à la question de la rétribution, selon l’exemple du cahier des charges transmis, pour comparer correctement les offres reçues. De plus, en cas de hausse de la quantité de ferraille mais de baisse de celle d’aluminium, ils souhaitaient savoir, au moyen d’exemples chiffrés, si la rétribution de 90 % serait diminuée.

9) Par courriel du 20 mars 2017, envoyé en copie notamment à M. CALZOLARI, M. VIALENC a répondu aux SIG. Une erreur s’était glissée dans le calcul du montant de la consommation, leur abonnement pour leur site de Satigny s’agissant de l’électricité et de la Praille pour l’eau ayant servi de base de calcul. Le montant de l’offre forfaitaire était ainsi augmenté de CHF 17'333.-, ce qui portait l’offre à CHF 298'035.72, toutes taxes comprises. Des tableaux comparatifs étaient proposés pour une rétribution de 5 %. Pour la variante, une rétribution de 90 % serait due indépendamment des quantités valorisées.

10) À une date indéterminée, les SIG ont procédé à la notation des offres d’Hecor et de Sogetri pour le marché.

Hecor arrivait en tête du classement, avec 340.36 points, obtenant les notes de 2,81 pour le critère du prix (112,36 points), de 2,93 pour le critère de l’organisation (88 points) et de 4,67 pour le critère des références (140 points).

Sogetri était deuxième du classement, avec 336 points, obtenant les notes de 5 pour le critère du prix en tenant compte du prix corrigé (200 points), de 3,2 pour le critère de l’organisation (96 points) et de 1,33 pour le critère des références (40 points).

11) Par décision non datée mais renvoyant à la date du timbre postal et intitulée « décision d’exclusion - offre non retenue », les SIG ont informé Sogetri qu’elle n’avait pas été retenue pour le marché, se basant sur l’art. 42 al. 1 let. a du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01). Elle n’avait pas respecté la rétribution de 5 % indiquée sur le contrat, qui faisait partie intégrante du dossier d’appel d’offres, en présentant une offre contenant un pourcentage supérieur, de 10 %. Son courriel du 20 mars 2017 ne pouvait, dans ce cadre, pas être pris en considération, à défaut d’avoir été signé par les personnes autorisées selon le RC, étant en outre précisé qu’il s’agissait d’une modification de son offre intervenue après la date de clôture de dépôt des soumissions.

12) Par une autre décision également non datée mais renvoyant à la date du timbre postal et notifiée exclusivement à Hecor, les SIG ont attribué le marché à cette dernière société pour un montant de CHF 388'333.- au motif que son offre remplissait pleinement les conditions lui permettant d’être adjudicataire.

13) Par acte expédié le 12 juin 2017, enregistré sous cause n° A/2571/2017, Sogetri a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision prononçant son exclusion du marché, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à l’octroi de mesures provisionnelles et, principalement, à l’annulation de la décision entreprise, à l’adjudication du marché en sa faveur, subsidiairement au renvoi du dossier aux SIG pour nouvelle décision au sens des considérants, plus subsidiairement à ce qu’il soit constaté que la décision était illicite et à la réserve de ses droits s’agissant de l’indemnisation du préjudice subi, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

La décision prononçant son exclusion du marché, qu’elle avait reçue le 31 mai 2017, était arbitraire et contraire à l’interdiction du formalisme excessif. En particulier, les documents d’appel d’offres ne mentionnaient pas une rétribution fixe mais prévoyaient qu’il appartenait au soumissionnaire de proposer un montant d’intéressement. Une rétribution de 5 % en faveur des SIG résultait uniquement, à titre d’exemple, de la proposition de contrat, ce document n’étant pas mentionné comme faisant partie des critères d’évaluation des offres. Sa soumission était ainsi conforme à toutes les exigences de l’appel d’offres ainsi qu’au cahier des charges, ce que les SIG avaient du reste implicitement reconnu en la questionnant sur son offre par courriel du 15 mars 2017. Son exclusion était d’autant plus absurde qu’elle avait répondu à ce courriel en présentant une offre incluant une rétribution de 5 %, conformément à la demande des SIG, lesquels faisaient preuve de mauvaise foi en prétendant que sa réponse ne pouvait être prise en compte au motif qu’elle n’était pas signée par ses deux administrateurs, sans qu’elle ait été en mesure de remédier à cette prétendue informalité. Étant donné que les réponses aux questions des SIG visaient uniquement à satisfaire une demande qui ne figurait pas au cahier des charges, elles ne pouvaient en aucun cas être interprétées comme une modification de ses prix.

14) Le 14 juin 2017, le juge délégué a imparti aux SIG un délai au 27 juin 2017, prolongé au 7 juillet 2017, pour se prononcer sur la requête en restitution de l’effet suspensif et au 21 juillet 2017 pour répondre sur le fond du recours. Il leur rappelait également que défense leur était faite de conclure le contrat d’exécution de l’offre jusqu’à droit jugé sur la requête en restitution de l’effet suspensif.

15) Le 7 juillet 2017, les SIG ont conclu au rejet de la demande d’effet suspensif.

L’offre de Sogetri n’était pas recevable. D’une part, elle ne respectait pas le taux d’intéressement de 5 % contenu dans la proposition de contrat. Même si les documents d’appel d’offres n’étaient pas clairs et que cette erreur aurait dû être corrigée dans le cahier des charges, Sogetri aurait immédiatement dû signaler cette situation, ce qu’elle n’avait pas fait. Au contraire, elle avait paraphé le contrat, ce qui montrait qu’elle avait accepté le taux indiqué, sans pouvoir le modifier, sous peine d’exclusion.

D’autre part, au regard de la modification du prix de l’offre après le délai de remise des soumissions en lien avec le coût des énergies, l’offre initiale de Sogetri n’était pas complète. En raison de l’importance du montant sur lequel Sogetri s’était trompée, soit CHF 17'333.-, il ne pouvait s’agir d’une simple erreur de calcul qui pouvait être corrigée, mais d’une erreur dans le prix déclaré. L’offre de Sogetri n’aurait de toute manière pas été acceptée, étant moins avantageuse que celle d’Hecor, à qui le marché avait été attribué.

16) Le 10 juillet 2017, le juge délégué a transmis ces écritures à Sogetri.

17) Le 13 juillet 2017, Sogetri a écrit aux SIG. À la lecture de leurs écritures du 7 juillet 2017, elle avait appris l’existence d’une décision d’adjudication du marché en faveur d’Hecor et les invitait à la lui notifier.

18) Le 20 juillet 2017, les SIG ont répondu à Sogetri que seule son exclusion du marché lui avait été communiquée, aucune autre décision n’ayant à lui être notifiée.

19) Le 20 juillet 2017, les SIG ont répondu sur le fond du recours, concluant à son rejet.

Ils reprenaient les arguments figurant dans leurs précédentes écritures, précisant que le taux de rétribution fixé dans la proposition de contrat faisait foi, malgré une formulation malheureuse des documents d’appel d’offres. Cette situation aurait ainsi dû conduire à l’exclusion directe de Sogetri, sans qu’ils eussent à lui demander une offre complémentaire, laquelle n’avait du reste pas été signée par les personnes autorisées au sein de l’entreprise, à savoir MM. VIALENC et CALZOLARI. En outre, la différence entre l’offre initiale de Sogetri et sa modification n’était pas négligeable et ne pouvait être corrigée, dès lors qu’il s’agissait d’une erreur dans le prix déclaré. Ces éléments devaient ainsi conduire à son exclusion.

En tout état de cause, Sogetri n’aurait pas remporté le marché, notamment en raison de ses mauvaises références. Deux d’entre elles ne concernaient pas l’entreprise, mais une personne physique travaillant pour Sogetri, et la troisième n’était pas en rapport avec le marché.

20) Le 21 juillet 2017, Sogetri a répliqué sur effet suspensif, maintenant ses conclusions.

Il ne lui appartenait pas de signaler aux SIG la prétendue erreur figurant dans les documents d’appel d’offres, ce d’autant qu’elle s’était de bonne foi basée sur le cahier des charges, considérant que le taux de 5 % indiqué dans la proposition de contrat était exemplatif. Les SIG pouvaient d’autant moins l’exclure du marché que son offre avait été évaluée et fait l’objet d’une notation, restant plus avantageuse que celle de sa concurrente. Tout laissait à penser que les SIG avaient voulu l’exclure du marché après s’être rendu compte qu’Hecor risquait d’en être évincée.

Contrairement à ce qu’affirmaient les SIG pour la première fois devant la chambre de céans, la décision litigieuse mentionnait comme seul motif d’exclusion le taux de la rétribution, et non une erreur dans le prix déclaré, qui était une erreur de calcul tenant au fait que le seul coût de l’électricité avait été pris en compte, à l’exclusion de l’abonnement devant être souscrit auprès des SIG, qui était facilement décelable par ces derniers.

21) Le 21 juillet 2017 également, Sogetri a formé un recours, enregistré sous cause n° A/3116/2017, auprès de la chambre administrative contre la décision des SIG adjugeant le marché à Hecor, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours, principalement à l’annulation de la décision entreprise et à l’attribution du marché en sa faveur, subsidiairement au renvoi de la cause aux SIG pour nouvelle décision au sens des considérants, plus subsidiairement à ce que l’illicéité de la décision soit constatée et à ce que ses droits en vue de réclamer l’indemnisation de son préjudice soient réservés.

La décision litigieuse ne lui ayant pas été notifiée, elle en avait pris connaissance le 11 juillet 2017, à la lecture des écritures des SIG. Ceux-ci avaient cherché par tous les moyens à attribuer le marché à Hecor, en l’excluant d’abord de manière infondée de la procédure d’appel d’offres puis en la notant de manière arbitraire, alors même que son offre était meilleure que celle de sa concurrente. Les SIG s’étaient en particulier retranchés derrière le critère des références pour lui attribuer une moyenne de 1,33. Les références fournies étaient pourtant pertinentes et démontraient son expertise, dès lors qu’elles concernaient l’exploitation d’un centre de tri mécanisé ainsi que la gestion de deux centres de traitement des mâchefers en France, en rapport direct avec le marché à exécuter, d’une valeur sensiblement supérieure au marché en cause et dans le cadre desquels des mesures en matière de protection de l’environnement avaient été mises en place. Elle aurait ainsi à tout le moins dû obtenir la note de 3 pour chacune des références fournies pour totaliser 386 points.

En attribuant des notes élevées aux marchés ayant été exécutés pour leur compte, les SIG empêchaient tout nouveau soumissionnaire de postuler et adoptaient ainsi une attitude contraire au droit des marchés publics. Au demeurant, les notes attribuées à Hecor s’agissant de ses références étaient largement surévaluées, puisqu’elles ne présentaient aucun avantage par rapport aux siennes. En effet, Hecor s’était limitée à gérer la décharge des mâchefers et à récupérer les métaux valorisables de ceux-ci, alors que, de son côté, elle avait exploité un centre de tri mécanisé et avait supervisé deux centres de traitement des mâchefers, ce qui impliquait non seulement la décharge et la récupération des matériaux, mais également de nombreuses autres prestations en lien avec la gestion de la sécurité, des machines et du personnel. Ses références étaient ainsi plus avantageuses et démontraient l’existence d’un savoir-faire que ne possédait pas sa concurrente. De plus, les marchés qu’elle avait réalisés portaient sur des montants importants et s’étaient inscrits dans la durée, contrairement à ceux effectués par Hecor, qui aurait tout au plus dû obtenir la note de 3.

22) Le 3 août 2017, le juge délégué a ordonné la jonction des causes nos A/2571/2017 et A/3116/2017 sous la cause n° A/2571/2017 ainsi que l’appel en cause d’Hecor, lui impartissant, ainsi qu’aux SIG, un délai au 1er septembre 2017 pour présenter leurs observations sur le fond du litige.

23) Le même jour, le juge délégué a imparti à Hecor un délai au 10 août 2017 pour répondre sur effet suspensif.

24) Dans ses observations du 9 août 2017, Hecor a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif. L’adjudication était entrée en force, en l’absence de recours dans le délai, étant précisé que des dispositions avaient déjà été prises pour exécuter le contrat.

25) Le 11 août 2017, Sogetri a persisté dans les conclusions et termes de ses précédentes écritures. Elle précisait que le recours interjeté contre la décision d’adjudication n’était pas tardif et qu’interdiction avait été faite, par la chambre administrative, aux SIG de conclure le contrat d’exécution de l’offre.

26) Par décision du 15 août 2017, la présidence de la chambre administrative a octroyé l’effet suspensif aux deux recours de Sogetri et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

27) Les SIG et Hecor ne se sont pas déterminés sur le fond du litige à l’issue du délai imparti.

28) Le 11 septembre 2017, le juge délégué a informé les parties qu’un délai au 6 octobre 2017 leur était accordé pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

29) Le 6 octobre 2017, Sogetri a persisté dans ses conclusions. Elle reprenait les termes de ses précédentes écritures, précisant que les SIG n’avaient pas même pris la peine de répondre à son recours du 21 juillet 2017 interjeté contre la décision d’adjudication, alors qu’elle avait largement critiqué les notes lui ayant été attribuées, ce qui violait son droit d’être entendue. Le fait que deux de ses références concernaient des marchés exécutés par M. SPERANDIO, qui était à présent son directeur d’exploitation, pour le compte d’une autre société, ne remettait pas en question leur pertinence, son expérience lui bénéficiant. Il en allait de même de la gestion d’un centre de tri automatisé, qui était une activité similaire à celle faisant l’objet du marché, et qui devait dûment être prise en considération.

30) a. Le 6 octobre 2017 également, les SIG ont conclu au rejet du recours de Sogetri du 12 juin 2017 et à ce que celui du 24 juillet 2017 soit déclaré irrecevable, subsidiairement à ce qu’il soit rejeté.

Ils reprenaient les termes de leurs précédentes écritures, précisant avoir fait un usage conforme au droit de leur pouvoir d’appréciation lors de l’adjudication. Les références fournies par Hecor concernaient directement l’entreprise, étaient en adéquation avec le marché et contenaient des éléments ne se limitant pas à une simple exploitation d’un centre de traitement des mâchefers mais démontraient qu’elle avait, en plus, pris des mesures d’optimisation, de maintenance et de nettoyage. Quant à Sogetri, dans la seule référence la concernant directement, elle s’était limitée à faire mention, parmi les mesures et compétences appliquées, d’une certification « ISO » en cours, non présentée dans l’offre, de l’utilisation d’électricité « verte » et d’autres mesures n’apportant aucune plus-value pour l’exploitation du site.

b. Ils ont annexé à leurs écritures des extraits du profil de M. SPERANDIO tiré de plusieurs sites internet indiquant qu’il travaillait pour l’entreprise Veolia Propreté.

31) Les 23 octobre et 10 novembre 2017, Sogetri a écrit au juge délégué. Les observations des SIG du 6 octobre 2017 étaient irrecevables, dans la mesure où ils n’avaient pas répondu au recours portant sur la décision d’adjudication dans le délai imparti, soit le 1er septembre 2017. Ils ne pouvaient par conséquent utiliser le délai fixé au 6 octobre 2017 à d’autres fins que pour formuler des observations complémentaires.

32) Le 13 novembre 2017, le juge délégué a informé Sogetri que le délai de clôture d’instruction, qui était fixé à toutes les parties, permettait à celles-ci de s’exprimer, quand bien même elles ne l’avaient pas fait auparavant, lui rappelant qu’elle pouvait exercer son droit à la réplique d’ici au 24 novembre 2017, après quoi la cause serait gardée à juger.

33) Le 24 novembre 2017, Sogetri a répliqué, persistant dans les conclusions et termes de ses précédentes écritures.

Dès lors que dans leurs écritures du 6 octobre 2017 les SIG répondaient à son recours du 21 juillet 2017, ce qu’ils n’avaient pas fait dans le délai leur ayant été imparti au 1er septembre 2017, elles étaient irrecevables, sous peine de contrevenir au principe d’égalité des armes. Pour le surplus, elle reprenait les termes de ses précédentes écritures.

34) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés devant la juridiction compétente, les recours sont recevables de ce point de vue (art. 15 al. 1 et 1bis let. d et e de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’AIMP du 12 juin 1997 – L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et e et 56 al. 1 RMP ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Le délai de recours contre les décisions de l’adjudicateur est de dix jours (art. 15 al. 2 AIMP ; art. 56 al. 1 RMP) et court dès le lendemain de leur notification (art. 62 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, applicable en vertu de l’art. 3 al. 4 L-AIMP). Lorsqu’une personne à qui une décision devait être notifiée ne l’a pas reçue, sans sa faute, le délai de recours court du jour où cette personne a eu connaissance de la décision (art. 62 al. 6 LPA).

b. En l’espèce, les deux décisions contestées ne sont pas datées mais se réfèrent à la date du timbre postal, non communiquée à la chambre de céans. La recourante allègue, sans avoir été contredite par les intimés, avoir reçu la décision d’exclusion du marché le 31 mai 2017 et eu connaissance de celle adjugeant le marché à Hecor dans le cadre des écritures des intimés du 7 juillet 2017, qui lui ont été transmises le 10 juillet 2017, étant précisé que cette dernière décision ne lui a pas été notifiée, malgré sa demande, contrairement à l’art. 45 al. 1 RMP, comme l’atteste le courrier des SIG du 20 juillet 2017. Interjetés respectivement les 12 juin et 21 juillet 2017, dans le respect du délai de dix jours, les recours sont également recevables de ce point de vue.

Par ailleurs, en tant que soumissionnaire exclue, la recourante a qualité pour recourir, le marché n’ayant au demeurant pas encore été conclu.

3) a. La recourante soutient que les écritures des intimés du 6 octobre 2017 seraient irrecevables, et donc qu’elles devraient être retirées du dossier, au motif qu’ils étaient forclos à répondre à son recours du 21 juillet 2017, n’ayant pas utilisé le délai qui leur a été imparti au 1er septembre 2017 à cette fin.

b. Selon l’art. 73 al. 1 LPA, l’autorité qui a pris la décision attaquée et toutes les parties ayant participé à la procédure de première instance sont invitées à se prononcer sur le recours. La juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires (art. 74 LPA). Dans les cas prévus aux art. 73 et 74 LPA, la juridiction administrative fixe les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs écritures (art. 75 LPA).

c. En l’espèce, les intimés n’ont pas répondu au recours du 21 juillet 2017 à l’issue du délai qui leur était imparti à cette fin, échéant au 1er septembre 2017, en ne produisant aucune détermination. Ce seul élément ne saurait conduire à ce que leurs écritures subséquentes, du 6 octobre 2017, soient retirées du dossier, dans la mesure où le délai de clôture d’instruction leur permettait de s’exprimer sur l’ensemble de la procédure, quand bien même ils ne l’avaient pas fait auparavant. Les intimés ont au surplus produit leurs déterminations dans le délai fixé à cette fin et la recourante a été en mesure de répliquer, ce qu’elle a fait en produisant ses observations du 24 novembre 2017.

4) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, à l’exception du grief d’inopportunité (art. 16 al. 1 et 2 AIMP ; art. 57 al. 1 et 2 RMP).

5) a. La recourante conteste son exclusion du marché, au motif qu’elle serait arbitraire et contraire à l’interdiction du formalisme excessif.

b. Les conditions pour être admis à soumissionner sont mentionnées aux art. 31 ss RMP. L’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend une décision d’exclusion motivée, notifiée par courrier à l’intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).

6) a. Comme la chambre administrative l’a rappelé à plusieurs reprises, le droit des marchés publics est formaliste. L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme (ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017 ; ATA/732/2016 du 30 août 2016 ; ATA/641/2016 du 26 juillet 2016), qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/490/2017 du 2 mai 2017 et les références citées).

L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs évidentes de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l’offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/ Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Droit des marchés publics, 2008, p. 186 n. 63). À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu’elle applique la même rigueur, respectivement la même flexibilité, à l’égard des différents soumissionnaires (ATA/490/2017 précité ; ATA/732/2016 précité ; ATA/175/2016 du 23 février 2016). La garantie constitutionnelle de l’interdiction du formalisme excessif n’oblige pas le pouvoir adjudicateur à interpeller un soumissionnaire en présence d’une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.5).

b. Ces principes valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions. Lors de celle-ci, l’autorité adjudicatrice doit examiner si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation proprement dite et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En outre, en matière d’attestation, l’autorité adjudicatrice peut attendre d’un soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, interprétation ou extrapolation, si celui-ci remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/1446/2017 précité ; ATA/490/2017 précité ; ATA/175/2016 précité).

L’épuration des offres consiste en un examen approfondi des indications techniques et des chiffres figurant dans les offres, afin de rendre les offres objectivement comparables entre elles. Elle constitue un préalable à la phase d’évaluation des offres sur la base des critères d’adjudication. Si l’offre proposée n’est pas conforme aux conditions de l’appel d’offres, elle sera exclue comme non conforme à l’objet du marché (ATA/490/2017 précité ; ATA/1216/2015 du 10 novembre 2015 et les références citées).

7) a. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1 ; 137 I 1 consid. 2.4 ; 136 I 316 consid. 2.2.2). La chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/1445/2017 du 31 octobre 2017 et les références citées).

b. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l’interdiction du formalisme excessif le devoir qui s’impose à l’administration, dans certaines circonstances, d’informer d’office le justiciable qui commet ou s’apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu’il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a ; 124 II 265 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.1 et 2.3 ; 2C_165/2012 du 29 mai 2012 consid. 5.1).

8) a. En l’espèce, les intimés ont exclu la recourante de la procédure au motif que son offre ne répondrait pas au cahier des charges du marché et qu’elle aurait modifié son offre par une personne non autorisée à la représenter, au demeurant postérieurement à la clôture des soumissions, ce que Sogetri conteste.

b. Sur la base des chiffres d’exploitation 2015, la recourante a présenté une offre prévoyant un intéressement de 10 % en faveur des intimés, lesquels soutiennent qu’un taux de 5 % devait être respecté par les soumissionnaires, conformément à la proposition de contrat leur ayant été remise.

Les intimés ne sauraient être suivis sur ce point. Bien que ce document contienne un tel taux d’intéressement en leur faveur, il ne résulte que de cette seule proposition de contrat qui, comme son titre l’indique, ne peut être considéré autrement que comme une proposition, sujette à négociations entre les parties une fois le marché adjugé, ce d’autant au regard de la teneur du cahier des charges qui devait être restitué à l’autorité adjudicatrice, paraphé et signé. En effet, le ch. 4 du cahier des charges indique clairement que le taux de la rétribution en faveur des SIG résulte d’une clef de répartition « prestataire/SIG » proposée par le prestataire et fixée lors de la signature du contrat d’exploitation. Les intimés ont du reste admis devant la chambre de céans le manque de clarté de ces documents, auxquels la recourante pouvait de bonne foi se fier pour présenter une rétribution de 10 % en faveur des SIG, lesquels ne peuvent prétendre à l’existence d’une erreur que la recourante aurait dû immédiatement signaler. Le fait que la recourante ait paraphé la proposition de contrat, qui ne faisait au demeurant pas partie des documents à remettre à l’adjudicateur, ou que l’autre soumissionnaire ait présenté une offre comportant une rétribution de 5 % ne saurait conduire à un autre constat.

De plus, contrairement à ce qu’indique la décision entreprise, le courriel de la recourante du 20 mars 2017 ne peut être considéré comme une modification de son offre intervenue après la clôture de la procédure, dès lors que les SIG lui ont expressément demandé, par courriel du 15 mars 2017, de leur présenter une offre complémentaire comportant une rétribution de 5 % afin qu’elle puisse opérer une comparaison « avec les autres offres reçues ».

c. L’argument selon lequel ce courriel ne pouvait être pris en compte au motif qu’il n’était pas signé par les personnes autorisées selon le RC apparaît également contraire à la bonne foi. S’il est vrai que le courriel de la recourante du 20 mars 2017 émanait de M. VIALENC seul et que l’exigence de la signature à deux s’applique autant en droit privé qu’en procédure administrative (ATA/21/2014 du 14 janvier 2014), il n’en demeure pas moins qu’il était la personne de référence pour le projet et que M. CALZOLARI recevait ce message en copie. À cela s’ajoute que les intimés n’ont pas requis de la recourante qu’elle réponde à son courriel du 15 mars 2017 par courrier ordinaire, ni n’ont relevé cette prétendue informalité en permettant à leur destinataire d’y remédier.

d. Quant à l’argument des intimés soulevé pour la première fois devant la chambre de céans, selon lequel l’offre de la recourante devait également être exclue en raison d’une modification des coûts d’électricité, il doit être écarté, la décision litigieuse se référant uniquement au courriel du 20 mars 2017 en lien avec la rétribution de 5 %. Au surplus, le courriel des intimés du 15 mars 2017 demandait expressément à la recourante de préciser les coûts des énergies, qui leur semblaient sous-évalués, de sorte qu’ils pouvaient s’attendre à ce que ceux-ci soient augmentés. Par ailleurs, la question du prix n’a pas été soulevée directement dans la décision d’exclusion.

e. Il s’ensuit que le recours contre l’exclusion de la recourante sera admis et la décision litigieuse annulée.

9) Se pose encore la question du sort du recours interjeté le 21 juillet 2017 contre la décision adjugeant le marché à l’appelée en cause, qui apparaît viciée.

En effet, outre le procédé peu compréhensible suivi par les SIG ayant consisté à exclure la recourante du marché tout en procédant tout de même à l’évaluation de son offre sans jamais communiquer le résultat de cette évaluation, la décision d’adjudication a été rendue alors même que les intimés ignoraient quel sort serait réservé à la décision d’exclusion, à l’encontre de laquelle Sogetri a recouru et s’est vu octroyer l’effet suspensif à son recours le 15 août 2017. La décision d’adjudication n’a du reste jamais été notifiée à la recourante, comme l’indique le courrier des SIG du 20 juillet 2017, Sogetri ayant pris connaissance de l’adjudication du marché en faveur de l’appelée en cause incidemment, dans le cadre des écritures des intimés du 7 juillet 2017. Ceux-ci ne pouvaient ainsi pas d’emblée adjuger le marché, la décision d’exclusion n’étant pas sans incidence sur la décision d’adjudication. Le fait que les intimés aient tout de même procédé à l’évaluation de l’offre de la recourante n’y change rien et ne saurait occulter de tels manquements, l’ensemble de ces éléments laissant au contraire apparaître un parti pris en faveur de l’entreprise en place.

Le recours sera par conséquent admis. Viciée, la décision d’adjudication sera annulée. Le dossier sera renvoyé aux intimés pour nouvelle décision d’adjudication, étant précisé que, dans ce cadre, les deux offres, soit celle de la recourante et celle de l’appelée en cause, devront être à nouveau évaluées.

10) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des intimés, qui en sont dispensés de par la loi (art. 87 al. 1, 2ème phr., LPA), ni de l’appelée en cause, qui n’a pris aucune conclusion sur le fond. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, qui y a conclu, à la charge des intimés (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 12 juin 2017 et 21 juillet 2017 par Sogetri SA contre les décisions des Services industriels de Genève, non datées mais renvoyant à la date du timbre postal, l’excluant du marché « Gestion du centre de traitement des mâchefers du Bois-de-Bay » et adjugeant ce marché à Hecor Sàrl ;

au fond :

les admet ;

annule les décisions entreprises ;

renvoie le dossier aux Services industriels de Genève pour nouvelle décision d’adjudication après nouvelle évaluation au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Sogetri SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge des Services industriels de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Balavoine, avocat de la recourante, aux Services industriels de Genève, à Hecor Sàrl, appelée en cause, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :