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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/230/2017

ATA/794/2018 du 07.08.2018 ( MARPU ) , REJETE

Parties : ASSOCIATION REALISE / OFFICE DES BATIMENTS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/230/2017-MARPU ATA/794/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 août 2018

 

dans la cause

 

ASSOCIATION RÉALISE

contre

OFFICE DES BÂTIMENTS

 



EN FAIT

1) Par décision du 12 janvier 2017, le service des achats du département des finances, rattaché depuis lors au département des infrastructures (ci-après : le département) a écarté l’offre soumise par l’association Réalise (ci-après : Réalise) suite à l’appel d’offres « Entretien des Espaces Verts » dans le cadre d’un marché public en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, et à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05).

Après vérification du dossier, l’attestation requise selon l’annexe P2+ du dossier d’appel d’offres était incomplète. Il s’agissait de l’attestation certifiant, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, soit que le soumissionnaire était lié par la convention collective de travail applicable à Genève dans la branche pour laquelle il soumissionnait, soit que ledit soumissionnaire avait signé auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) un engagement à respecter les usages en vigueur à Genève dans ladite branche.

2) Le 20 janvier 2017, Réalise a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Elle contestait n’avoir pas fourni l’attestation demandée. Elle était une entreprise « multiactivités ». De ce fait, l’engagement à respecter les usages en vigueur à Genève était couvert par l’attestation fournie. Elle concluait à l’annulation de la décision querellée et à l’enregistrement de son offre.

3) Le 23 février 2017, le département, soit pour lui l’office des bâtiments, a conclu au rejet du recours. Réalise avait transmis une attestation selon laquelle elle s’était engagée à respecter, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage à Genève dans son secteur d’activité, sans toutefois préciser quel était ce secteur d’activité. Les soumissionnaires concurrents l’avaient, quant à eux, mentionné. Le département avait demandé à Réalise des précisions sur sa branche d’activité. La soumissionnaire avait répondu qu’elle était active dans plusieurs secteurs pour lesquels l’OCIRT lui avait demandé son engagement, mais elle n’avait pas démontré qu’elle était signataire de la convention collective ad hoc ou qu’elle s’était engagée à respecter les usages en vigueur dans le secteur d’activité concerné par l’appel d’offres. Le marché avait été adjugé le 3 février 2017.

4) Le 27 février 2017, la détermination du département a été transmise à Réalise, avec un délai au 17 mars 2017 pour indiquer si elle persistait dans son recours, vu l’adjudication intervenue et, dans l’affirmative, exercer son droit à la réplique.

5) Réalise n’a donné aucune suite au courrier précité.

6) Le 6 février 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le marché public litigieux est principalement soumis à l’Accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422), à l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.172.052.68), à l’AIMP, à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), au RMP ainsi qu’à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

La décision d’exclusion du marché public peut faire l'objet d'un recours auprès de l'autorité juridictionnelle cantonale (art. 15 al. 1 et al. 1bis let. d AIMP et 55 let. c RMP), soit à Genève la chambre administrative de la Cour de justice (art. 3 L-AIMP ; 56 al. 1 RMP ; art 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours doit être adressé à celle-ci dans le délai légal de dix jours suivant la notification de la décision (art. 62 al. 1 let. b LPA, 15 al. 1 et 2 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 al. 1 RMP).

En l’espèce, le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente.

2) La question de l’intérêt actuel du recours souffrira de demeurer indécise, vu ce qui suit.

3) La recourante conteste son exclusion du marché au motif qu’elle aurait produit une attestation relative au respect des usages en vigueur et des prestations sociales conforme aux exigences de l’appel d’offres.

a. Pour être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions doivent être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation (art. XIII al. 4 let. a AMP). La procédure d'examen de l'aptitude des soumissionnaires doit suivre des critères objectifs et vérifiables (art. 13 let. d AIMP).

Les conditions pour être admis à soumissionner sont mentionnées aux art. 31 ss RMP. L’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges ou ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner (art. 42 al. 1 let. a et b RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend alors une décision d’exclusion motivée (art. 42 al. 3 RMP).

Selon l’art. 32 al. 1 RMP, dans sa teneur au moment de l’appel d’offre litigieux, n’étaient prises en considération que les offres accompagnées pour le soumissionnaire, notamment, d’une attestation certifiant pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève soit qu’il a signé, auprès de l’OCIRT, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d’assurance-accident et d’allocations familiales (let. b).

b. Le droit des marchés publics est formaliste. L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 et les références citées).

Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif, tirée de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4). Ainsi, des erreurs évidentes de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive. À cet égard, l’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/490/2017 précité ; ATA/175/2016 du 23 février 2016). L’interdiction du formalisme excessif n’oblige cependant pas le pouvoir adjudicateur à interpeller un soumissionnaire en présence d’une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.5).

Ces principes valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En matière d’attestations à produire, l’autorité adjudicatrice peut attendre du soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, si celui-ci remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/1446/2017 précité ; ATA/490/2017 précité ; ATA/1216/2015 du 10 novembre 2015 et les références citées).

L’attribution des marchés publics suppose la réalisation de conditions qui peuvent se classer dans différentes catégories. En premier lieu figurent les exigences qui subordonnent l'accès à la procédure. Les entreprises soumissionnaires qui ne les remplissent pas voient leur offre exclue d'emblée. Font partie de cette catégorie, les critères d'aptitude ou de qualification (« Eignungskriterien ») qui servent à s'assurer que le soumissionnaire a les capacités suffisantes pour réaliser le marché (cf. art. 13 let. d AIMP). La loi pose aussi des principes qui doivent être respectés par toutes les entreprises qui soumissionnent, sous peine d'exclusion (conditions légales). Tel est le cas notamment du respect des dispositions relatives à la protection des travailleurs et aux conditions de travail ou du respect de l'égalité de traitement entre femmes et hommes (art. 11 let. e et f AIMP), indépendamment du lien entre ces exigences et l'aptitude de l'entreprise à réaliser le marché (ATF 140 I 285 consid. 5.1 et les références citées).

4) En l’espèce, les exigences posées par l’autorité adjudicatrice sous peine d’exclusion, à savoir celles de justifier de l’affiliation à la CCT-GE ou d’un engagement pris auprès de l’OCIRT visant au respect des usages en vigueur à Genève dans la branche pour laquelle la soumission était prévue, sont des critères à ranger dans la première catégorie telle qu’énoncée par le Tribunal fédéral, soit des exigences qui subordonnent l’accès à la procédure.

Ces critères répondent à la définition d’un critère d’aptitude devant permettre de garantir le respect des soumissionnaires à faire une offre tenant compte des impératifs légaux en matière de respect des conditions de travail des employés œuvrant sur le marché concerné. Il s’agit de critères objectifs et vérifiables, de nature à justifier l’exclusion du marché.

Or, l’attestation produite par la recourante ne correspond pas aux exigences posées dans l’appel d’offres, à savoir qu’elle doit préciser la branche d’activité concernée. Appelée à la préciser par l’autorité adjudicatrice, la recourante n’a pas fourni l’indication sollicitée, justificatif à l’appui, ce qui était d’autant plus nécessaire que la soumissionnaire indique être active dans plusieurs domaines professionnels. Les autres soumissionnaires ont quant à eux parfaitement satisfait à l’exigence posée.

Partant, son exclusion est conforme au droit et son recours, mal fondé, sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2017 par l’association Réalise contre la décision de l’office des bâtiments du 12 janvier 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’association Réalise ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’association Réalise, à l’office des bâtiments, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, Mme Tapponnier, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :