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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1226/2020

ATA/1308/2020 du 15.12.2020 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONTRAT DE TRAVAIL;CONTRAT-TYPE DE TRAVAIL;CONTRAT DE CONCIERGERIE;AMENDE;DROIT AU SALAIRE;RENONCIATION À DES PRÉTENTIONS DE SALAIRE;SALAIRE EN NATURE;SALAIRE MINIMUM;LEX MITIOR;PROPORTIONNALITÉ
Normes : RAVS.11; Cst.29.al2; CP.47; CP.98; CP.109; CP.103; CO.319; CO.322; CO.341; CO.360a; CO.360d; LPA.61; LPA.87; LDét.9; CTT-EDom.1; CTT-EDom.2; CTT-EDom.10.al3; CTT-EDom.10.al7; CTT-EDom.11; LIRT.1; LIRT.34A; LIRT.34B; LIRT.35.al3; RIRT.66A
Résumé : Le recourant a embauché deux femmes de ménages et un jardinier qu’il logeait dans un appartement situé sur son domaine. L’autorité intimée, constatant que le recourant rétribuait ses employés domestiques en deçà des salaires minimaux prévus par le CTT-EDom, lui a demandé de payer la différence de la sous-enchère salariale et lui a infligé une amende administrative d’un montant de CHF 9'000.-. Le recourant a considéré que la relation contractuelle qui le liait à ses employés relevait du contrat de conciergerie, de sorte qu’il n’était pas tenu par les dispositions du CTT-EDom, ce d’autant plus que la qualité du logement proposé à ses travailleurs excédait la valeur du salaire en nature de CHF 345.- afférent au CTT-EDom. Selon l’intéressé, l’autorité intimée devait considérer que cet appartement valait CHF 750.- au titre de salaire en nature en lieu et place de CHF 345.- contenu dans le CTT-EDom. Par ailleurs, l’intéressé a considéré que l’amende infligée était disproportionnée. La chambre administrative a considéré que la nature contractuelle entre le recourant et ses employés ne relevait pas d’un contrat de conciergerie mais était couverte par le CTT-EDom. Partant, dans la mesure où le recourant était tenu par les salaires minimaux afférents au CTT-EDom qu’il n’avait pas respecté, une sous-enchère salariale a été constatée. La chambre administrative a réduit l’amende administrative à CHF 3'000.-. Ainsi, le recours a été partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1226/2020-EXPLOI ATA/1308/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 décembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Damien Bonvallat, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 



EN FAIT

1) En avril 2009, Monsieur A______ a engagé Madame B______ afin de s'occuper de diverses tâches ménagères relatives à sa propriété. Elle logeait, pour une certaine période avec son époux et son enfant, dans l'appartement mis à disposition par M. A______, dont la superficie totale était de 43 m2.

L'engagement de Mme B______ a pris fin en août 2018.

2) En août 2018, M. A______ a engagé un couple, Monsieur C______ et Madame D______, respectivement en qualité de jardinier et de femme de ménage. Ils ont occupé le même logement précédemment habité par Mme B______.

3) En avril 2019, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), se référant à la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20) et le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs de l'économie domestique du 13 décembre 2011 (CTT- EDom J 1 50.03), a initié un contrôle des conditions de travail des employés domestiques de M. A______, afin de vérifier le respect des salaires minimaux obligatoires prévues par le CTT-EDom.

4) Par courrier du 1er avril 2019, l'OCIRT a demandé à M. A______ de lui fournir un certain nombre de renseignements et de documents, dont notamment les indications nécessaires au contrôle du personnel ayant travaillé au sein de son ménage, les copies des fiches de salaires depuis janvier 2013 et toutes autres informations utiles en lien avec leur rémunération ainsi que la liste des salaires déclarés à l'AVS pour les années 2013 à 2016. À cette occasion, il lui a également rappelé son obligation de collaborer dans le cadre dudit contrôle.

5) Par courrier du 24 avril 2019, M. A______ a informé l'OCIRT qu'il avait embauché deux employés de maisons à savoir, Mme D______ et M. C______, mais qu'il n'avait pas encore établi leurs déclarations AVS.

Il a produit deux documents intitulés « contrat de travail » non signés par les travailleurs ainsi que deux fiches de salaires pour M. C______ et Mme D______. En revanche, aucun document relatif à Mme B______ n'a été transmis.

6) Par courrier du 4 juin 2019, constatant une sous-enchère salariale pour chacun des trois employés de M. A______, l'OCIRT lui a adressé une demande de mise en conformité assortie d'un droit d'être entendu avant le prononcé d'une sanction administrative.

Les attestations de salaires déclarés à l'AVS pour les années 2013 à 2018 n'avaient pas été transmises. À cet effet, un délai au 19 juillet 2019 était accordé à M. A______, pour qu'il transmette les documents manquants et complète le « tableau Excel » afin de calculer les montants totaux des rattrapages salariaux dus aux trois salariés pour les années 2013 à 2019 en fonction des salaires minimaux du CTT-EDom.

L'intéressé devait également entreprendre les démarches pour régulariser la situation de ses travailleurs en procédant au rattrapage salarial sur la base des « tableaux Excel » et en déclarant les salaire bruts complets aux assurances sociales obligatoires.

7) Par courrier du 30 juillet 2019, l'OCIRT a interpellé M. A______ en lui demandant de produire les éléments susmentionnés avant le 31 août 2019.

8) Lors d'un appel téléphonique en date du 2 août 2019, M. A______ a expliqué à l'OCIRT avoir transmis par courrier dans le courant du mois de juin 2019 tous les documents sollicités. L'OCIRT ne les avait pas reçus.

À cette occasion, l'OCIRT lui a rappelé les démarches à entreprendre pour qu'il se conforme aux dispositions légales en vigueur.

9) Par courrier du 17 septembre 2019, M. A______ a transmis à l'OCIRT les fiches de salaires de Mme B______ (janvier 2013 à décembre 2018) et de Mme D______ (août 2018 au 8 juin 2019) ainsi que les attestations des salaires destinées à l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) pour ses trois employés.

Il n'a pas contesté les faits concernant le couple CD______. En revanche, dans la mesure où la valeur de l'appartement mis à disposition correspondait à un montant de CHF 750.-, en lieu et place des CHF 345.- convenu initialement, il avait procédé à une « rectification rétroactive » de la prestation en nature à fournir à Mme B______. À cet effet, il avait produit une déclaration, signée et datée du 10 septembre 2019, dans laquelle la précitée reconnaissait ladite rectification.

10) Le 1er novembre 2019, lors de l'audition de Mme B______ par l'OCIRT, celle-ci a indiqué qu'elle avait perçu un salaire mensuel de CHF 2'100.- et qu'un montant de CHF 345.- était compté dans son salaire pour l'occupation du logement. Elle savait qu'elle cotisait pour l'AVS.

11) Par courrier du 7 novembre 2019, l'OCIRT a adressé à M. A______ une nouvelle demande de mise en conformité assortie d'un droit d'être entendu avant le prononcé d'une sanction administrative conformément aux dispositions légales en vigueur.

Hormis les « tableaux Excel » de calculs joints au courrier, aucun des autres documents demandés par l'OCIRT, à savoir les preuves de mise en conformité aux salaires minimaux, la déclaration complète des salaires corrigés aux assurances sociales obligatoires ainsi que la déclaration des salaires auprès d'une institution de prévoyance LPP, n'avaient été transmis.

Compte tenu des pièces versées au dossier, l'OCIRT maintenait ses observations quant aux infractions constatées. Par ailleurs, l'attestation transmise par Mme B______ ne pouvait pas déployer d'effets de manière rétroactive, ce d'autant plus que toutes les fiches de salaires et les attestations de salaires déclarés pour les années 2013 à 2018 faisaient mention d'un salaire en nature de CHF 345.-. Partant, ce montant devait être retenu pour déterminer les salaires à verser à Mme B______.

Un ultime délai au 6 janvier 2020 lui était imparti afin qu'il régularise la situation de ses travailleurs, de sorte qu'il devait payer, rétroactivement à la date d'engagement, les rattrapages salariaux dus aux trois employés selon le CTT-EDom, soit sur la base des éléments en la possession de l'OCIRT, un montant de de CHF 797.82 pour M. C______, de CHF 3'473.23 en faveur de Mme D______ et de CHF 35'497.60 pour Mme B______. Ainsi, la sous-enchère salariale totale se chiffrait à CHF 39'786.65.

En sus, M. A______ devait apporter la preuve des déclarations complètes des salaires bruts corrigés aux assurances sociales obligatoires en produisant des copies des décomptes de salaires et des cotisations établies par la caisse de compensation ainsi que par l'institution de prévoyance LPP. L'intéressé devait également répondre aux questions relatives à la date de fin des rapports de travail des trois salariés ainsi qu'à l'emploi d'éventuelles autres personnes depuis 2013 au sein de son ménage.

12) Le 19 décembre 2019, M. A______ a versé, en guise de régularisation de leur situation, la somme de CHF 3'500.- au couple CD______.

13) Par décision du 27 février 2020, l'OCIRT a prononcé une amende de CHF 9'000.- à l'encontre de M. A______.

Il avait employé le couple CD______ et Mme B______ en les affectant à des activités domestiques traditionnelles soumises au CTT-EDom. Or, les salaires minimaux prévus par le CTT-EDom n'étaient pas respectés, de sorte qu'il y avait une sous-enchère salariale. Selon le CTT-EDom, les précités devaient être rémunérés conformément aux salaires mensuels prescrits, à savoir :

-  M. C______ (quarante heures de travail hebdomadaires, engagé dès le mois d'août 2018, quatre ans d'expérience) devait être rémunéré d'un salaire de CHF  3'634.- par mois pour les années 2018 et 2019 ;

-  Mme D______ (vingt heures de travail hebdomadaires, engagée dès le mois d'aout 2018, quatre ans d'expérience) devait être payée à hauteur de CHF 1'812.- par mois pour les années 2018 et 2019 ;

-  Mme B______ (trente-six heures de travail hebdomadaires ; engagée dès le mois d'avril 2009 jusqu'en août 2018, quatre ans d'expérience) devait être rétribuée à hauteur de CHF 3'120.- par mois en 2013, de CHF 3'175.20 en 2014 et 2015, de CHF 3'223.20 en 2016 et 2017 ainsi que de CHF 3'261.60 en 2018.

Malgré les invitations faites à l'intéressé de se conformer aux dispositions du CTT-EDom, les salaires de ses employés étaient restés inférieurs aux salaires minimaux commandés par le CTT-EDom, à savoir :

-  M. C______ avait perçu un salaire mensuel de CHF 3'267.70 depuis août 2018 et de CHF  3'196.53 depuis mars 2019, auquel s'était ajouté un salaire en nature mensuel de CHF 345.- à titre de logement. Le salaire annuel 2018 déclaré à l'AVS pour cet employé s'élevait à CHF 17'817.-, soit une moyenne mensuelle de CHF 3'563.40. Le salaire versé de janvier à juin 2019 s'était chiffré à CHF 3'196.53 auquel s'étaient ajoutés CHF  345.-, pour un total final de CHF 3'541.53. Ainsi, la sous-enchère salariale pour cet employé s'élevait à CHF 303.- pour 2018 et à CHF 494.82 pour 2019, soit un montant final de CHF 797.82.

-  Mme D______, pour la période d'aout 2018 à juin 2019, avait reçu entre CHF 1'121.41 et CHF 1'153.75 auquel s'était ajouté un salaire en nature mensuel de CHF 345.- à titre de logement. Le total de la sous-enchère constatée pour cette employée se chiffrait à CHF  3'473.23.

-  Mme B______, pour la période de janvier 2013 à décembre 2018, avait perçu entre CHF 2'340.- et CHF 2'354.30 auquel s'était ajouté un salaire en nature mensuel de CHF 345.- à titre de logement. La sous-enchère salariale constatée pour cette employée s'élevait à un total de CHF 35'497.60.

De plus, l'attestation de Mme B______ ne pouvait déployer des effets de manière rétroactive, ce d'autant moins que toutes les fiches de salaires et attestations de salaires déclarés pour les années 2013 à 2018 faisaient état d'un montant de salaire en nature de CHF 345.-.

Ainsi, le total de la sous-enchère salariale pour l'ensemble des trois employés lésés s'élevait à CHF 39'768.65.

14) Par acte du 27 avril 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision en concluant à son annulation.

Le logement mis à disposition de ses employés était « confortablement meublé avec une cuisine agencée, une entrée individuelle, un jardin privatif et une vue dégagée sur la nature environnante ». Ses employés pouvaient accueillir des proches et vivre à plusieurs dans ce logement.

Pour la période de janvier 2013 à décembre 2018, l'OCIRT estimait la rémunération de Mme B______ à un montant variant entre CHF 2'340.- et CHF 2'354.30 auquel s'ajoutait un salaire en nature CHF 345.- à titre de logement. Or, en statuant de la sorte, l'OCIRT refusait de considérer le logement à sa valeur du marché. La qualité de celui-ci « était bien supérieure » aux exigences du CTT-EDom, lequel se limitait à accorder l'usage « d'une petite chambre individuelle sans possibilité de recevoir aucune visite ou de cuisiner ». L'OCIRT pouvait et devait prendre en considération la qualité du logement.

Par ailleurs, le CTT-EDom se référait à l'art. 11 du Règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101). Cette base légale employait le terme « évalué », de sorte que la somme indiquée pour le logement, soit CHF 11.50, représentait une ligne directrice et un forfait généralement admis pour un logement standard. Le but de ce montant forfaitaire était d'épargner à l'OCIRT qu'il n'ait systématiquement à estimer les conditions de logement des travailleurs domestiques. Or, en vertu du principe de la bonne foi et vu la qualité du logement mis à disposition des employés, l'OCIRT devait accepter d'adapter le montant retenu à l'art. 11 RAVS eu égard à la réalité de son terrain. Si l'OCIRT constatait que les conditions de logement du CTT-EDom n'étaient pas entièrement respectées, il réduirait le montant du salaire en nature que le logement représentait en réalité.

Il avait, certes, déclaré la somme mensuelle de CHF 345.- sur les fiches et attestations de salaire, mais cette inscription relevait d'une absence de réflexion sur la valeur réelle du logement, de sorte que cette erreur ne devait pas porter à conséquence. Seul l'accomplissement d'un travail spécifique moyennant le versement d'un salaire avait été abordé avec Mme B______ ; la valeur du logement n'avait jamais été abordée. Cette valeur avait été prise en compte lors de la conclusion du contrat et, conformément à la liberté contractuelle, l'employé et lui étaient libres d'attribuer la valeur qu'ils estimaient correcte, sans que l'OCIRT, à moins d'une raison impérieuse et motivée, ne puisse remettre en cause leur accord. Au regard de ces éléments, c'était à tort que l'OCIRT considérait que l'attestation de Mme B______ constituait une renonciation qui ne pouvait déployer des effets que pour le futur. Il s'agissait d'une précision sur leur réelle intention de s'accorder sur la valeur à attribuer au logement.

En sus, le rapport juridique le liant à Mme B______ relevait du contrat de conciergerie, dans la mesure où le contrat conclu combinait des prestations du contrat de travail individuel (réalisation de diverses tâches ménagères et paiement du salaire) et du contrat de bail à loyer (cession d'un logement et paiement d'un loyer). À cet égard, la précitée disposait d'un appartement personnel et destiné à ses besoins personnels, dans lequel elle pouvait librement convier ses amis et sa famille, alors que le CTT-EDom offrait des garanties moindres. De ce fait, elle jouissait de son appartement avec la même liberté qu'un locataire, de sorte qu'elle était soumise aux dispositions d'un contrat de conciergerie et non à celles du CTT-EDom.

Lors du contrôle de la situation de M. C______ et Mme D______, l'OCIRT avait estimé le salaire en nature à hauteur de CHF 345.-, soit un montant total mensuel de CHF 690.-. Or, dans la mesure où le couple avait vécu dans le même appartement que celui précédemment occupé par Mme B______, il était curieux que l'OCIRT n'apprécie pas la valeur en salaire en nature de ce logement de la même façon ; il la faisait varier du simple au double. Par ailleurs, en retenant dans sa décision, un salaire en nature en faveur du couple à hauteur de CHF 690.- par mois, l'OCIRT reconnaissait implicitement que la valeur du logement dépassait le montant de CHF 345.-. La somme de CHF 690.-, prise en considération pour le logement du couple, ressortait vraisemblablement d'une application machinale de l'art. 11 RAVS pour deux personnes (30 [jours] x CHF 11.50 x 2 [personnes]), de sorte que ce montant ne représentait pas la réelle valeur du logement et, donc, le salaire en nature versé aux employés. Une telle pratique démontrait « l'absurdité de l'application aveugle d'une norme non-adaptée aux circonstances ».

Ainsi, la valeur de la mise à disposition du logement à Mme B______ se chiffrait à CHF 750.- par mois, de sorte que le calcul établi par l'OCIRT était erroné. Il convenait d'ajouter au salaire retenu par l'OCIRT une somme de « 6 [années] x 12 [mois] x CHF 405.- », soit CHF 29'160.-, qui devait être retranchée de CHF 35'497.60 (montant retenu par l'OCIRT) ; la sous-enchère salariale de Mme B______ était en réalité de CHF 6'337.60.

Une amende administrative devant être fixée au regard des principes du droit pénal, l'amende infligée de CHF 9'000.- devait être fortement réduite - voire abandonnée - compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Depuis décembre 2019, il avait régularisé la situation de ses employés en les rétribuant conformément aux dispositions du CTT-EDom. Il n'avait eu la volonté ni d'enfreindre le CTT-EDom ni de priver ses employés d'un salaire auquel ils avaient droit.

15) L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Le recourant n'avait pas fourni de pièces justifiant le montant de CHF 750.- pour la conversion du salaire en nature et n'avait que partiellement répondu aux demandes de documents et renseignements requis par l'OCIRT, malgré plusieurs rappels. Même à considérer que le salaire en nature était de CHF 750.- par mois, la sous-enchère salariale lésant Mme B______ s'élevait encore à CHF  7'957.70 au moins. Or, le recourant n'avait pas démontré avoir payé à la précitée ni même avoir rétroactivement déclaré aux assurances sociales les montants du salaire en nature corrigés, ce qui constituait une infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS - RS 831.10) et à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40).

Il avait admis ne pas avoir respecté les salaires minimaux impératifs de la CTT-EDom pour ses trois employés. Or, l'OCIRT lui avait accordé un ultime délai pour démontrer qu'il avait procédé aux rattrapages salariaux, ce qu'il n'avait toutefois pas entrepris, de même qu'il n'avait pas démontré avoir régularisé la situation de ses employés. La mise en conformité partielle concernant le couple CD______ était intervenue après la sanction qui lui avait été infligée. Le prononcé d'une amende administrative était justifié et respectait le principe de proportionnalité.

16) Dans sa réplique, M. A______ a précisé qu'il avait entrepris la procédure en vue de déclarer le salaire en nature de Mme B______ et de s'acquitter des montants qui seraient déterminés par l'OCAS. La sous-enchère salariale pour la précitée s'élevait à CHF  6'337.60 et au moment du prononcé de la décision, la somme de CHF 3'530.35 avait déjà été versée sur le compte de M. C______.

L'amende était disproportionnée et avait été fixée sans prendre en considération que « plus de 70% du comportement reproché » s'était déroulé avant la modification législative du 1er avril 2017.

Enfin, il proposait que la chambre administrative vienne constater, lors d'un transport sur place, la valeur du logement mis à disposition des employés.

17) Interpellé par la chambre administrative, l'OCAS a produit, par courrier du 20 octobre 2020, les attestations rectificatives des salaires pour les années 2012 à 2018. Un salaire supplémentaire en nature de CHF 405.- par mois a été pris en compte à partir du 1er janvier 2012, ce qui a porté la prestation en nature fournie à Mme B______ à CHF 750.- par mois.

18) Se déterminant sur le courrier de l'OCAS et les pièces annexées à celui-ci, le recourant a relevé que les attestations de salaires des années 2012 à 2018 de Mme B______ avaient toutes été adaptées par l'OCAS en prenant en considération un salaire en nature de CHF 750.- par mois, justifié par la valeur du logement occupé par cette employée (CHF 345.- + CHF 405.-). Ces attestations démontraient sa bonne foi, puisqu'il avait corrigé les cotisations aux assurances sociales et le salaire versé à la précitée. Ces attestations reflétaient la volonté réelle des parties lors de la conclusion du contrat.

La situation du couple CD______ était restée inchangée dans la mesure où le logement qu'ils occupaient était toujours pris en compte à hauteur de CHF 690.- par mois. Les seules rectifications figurant sur l'attestation de 2018 étaient les ajouts de montants connexes à la sous-enchère salariale constatée, soit CHF 303.- (CHF  18'120.- - CHF 17'817.-) pour M. C______ et CHF 1'650.- (CHF  9'060.- - CHF 7'410.-) pour Mme D______.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a sollicité un transport sur place afin que la chambre de céans puisse constater la valeur du logement mis à disposition de ses employés.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à celles-ci lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'occurrence, le recourant a pu s'exprimer dans son acte de recours et dans sa réplique et produire toute pièce utile. Au vu des pièces produites et des explications fournies par les parties, la chambre administrative estime être en possession d'un dossier complet, qui contient les éléments pertinents pour trancher le litige.

Il ne sera donc pas donné suite à la demande de transport sur place.

3) La prescription est une question de droit matériel qu'il y a lieu d'examiner d'office lorsqu'elle joue en faveur de l'administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/806/2018 du 7 août 2018 consid. 2a).

a. Ni la LDét, ni la LPA ni la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) ne contiennent de disposition réglant la question de la prescription. Il s'agit d'une lacune proprement dite, dès lors que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû fixer et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi, laquelle doit être comblée par le juge (ATA/647/2016 du 26 juillet 2016 consid. 5a). Il y a lieu de faire application, par analogie, de l'art. 109 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans pour les contraventions, soit les infractions passibles d'une amende (art.  103 CP ; ATA/806/2018 précité consid. 2a et les références citées).

b. Selon l'art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).

L'art. 98 let. c CP règle le début de la prescription pour les délits continus (Gilbert KOLLY, in Robert ROTH/Laurent MOREILLON, Commentaire romand du code pénal I, 2009, n. 29 ad. art. 98). Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. Il y a infraction continue lorsque les actes qui créent la situation illégale forment une unité avec les actes qui la perpétuent ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs de l'infraction. L'infraction est consommée dès que tous ses éléments constitutifs sont réalisés, mais n'est achevée qu'avec la cessation de l'état de fait ou du comportement contraire au droit (Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/ Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., 2017, n. 8 ad art. 98). Le délit continu ne se prescrit pas tant qu'il dure (Gilbert KOLLY, op. cit., n. 29 ad. art. 98).

c. En l'occurrence, les contraventions reprochées au recourant, consistant en des versements inférieurs aux salaires minimaux à son employée Mme B______ entre avril 2012 et août 2018, doivent être considérés comme ayant cessé le 31 août 2018. C'est à partir de ce moment-là que la prescription a commencé à courir pour les faits en lien avec cette employée, de sorte que présent arrêt étant rendu moins de trois ans après cette date, la prescription n'est pas encore acquise et la poursuite administrative n'est pas éteinte. Il en va de même pour la situation des époux CD______, dans la mesure où les faits reprochés se sont produits d'août 2018 à juin 2019.

4) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas de compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

5) Le présent litige porte sur la question de savoir si le recourant était tenu de verser les salaires minimaux prévus par le CTT-EDom à Mme B______ et si, le cas échéant, il a procédé à une sous-enchère salariale. Celui-ci ne critique pas l'analyse faite de l'OCIRT de la situation du couple CD______.

Dans la mesure où le recourant conteste l'application du CTT-EDom, il convient, en premier temps, de déterminer la nature des rapports juridiques entre le recourant et Mme B______.

6) a. Sont considérés comme travailleurs de l'économie domestique, au sens du CTT-EDom, les travailleuses et travailleurs occupés dans un ménage privé
(art. 1 al. 1 let. a CTT-EDom).

Selon l'art. 1 al. 2 LDét, parmi les objectifs de cette loi figure le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse, et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non-respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail au sens de l'art. 360a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Le recourant, qui appartient à cette catégorie d'employeurs, est donc soumis au respect des dispositions précitées qui renvoient à celles du CTT-EDom.

Aux termes de l'art. 1 al. 2 CTT-EDom, ce dernier s'applique à tout le personnel affecté aux activités domestiques traditionnelles ou nouvelles, notamment aux maîtres d'hôtel, gouvernantes, cuisiniers, cuisinières, valets de chambre, femmes de chambre, chauffeurs, jardiniers, jardinières, ainsi qu'aux autres employés de maison affectés notamment au nettoyage, à l'entretien du linge, aux commissions, à la prise en charge d'enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de malades, à l'assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux malades dans la vie quotidienne.

Un contrat type de travail ne peut en principe que contenir des règles dispositives auxquelles les parties à un contrat individuel de travail peuvent déroger, le cas échéant dans le respect de la forme écrite (art. 360 al. 2 CO). L'art. 2 CTT-EDom prévoit expressément qu'il est possible de déroger à certaines dispositions pour autant que les dérogations revêtent la forme écrite et soient conforment au droit fédéral et cantonal.

Les salaires minimaux prévus dans le CTT-EDom ont un caractère impératif au sens de l'art. 360a CO (art. 10 al. 7 CTT-EDom). Les contrats-types édictés en application de l'art. 360a CO, relatif aux salaires minimaux, présentent un caractère impératif, de sorte qu'il ne peut être dérogé aux salaires minimaux en défaveur du travailleur (art. 360d al. 2 CO).

b. Le contrat de conciergerie constitue un contrat mixte qui combine des éléments du contrat individuel de travail et ceux du contrat de bail à loyer en sorte qu'il est régi par le droit du contrat de travail pour ce qui a trait à l'activité de conciergerie et par le droit du bail pour la cession de l'usage du logement mis à disposition du concierge (arrêt du Tribunal fédéral 4A_102/2013 du 17 octobre 2013 consid.2.2).

Un litige concernant le rapport de travail sera exclusivement réglé par le droit du travail s'il n'a pas ou que très peu d'influence sur le bail et vice-versa (Pierre/TERCIER/Laurent BIERI/Blaise CARRON, Les contrats spéciaux, 5ème éd., 2016, p. 367, N. 2734). Selon la jurisprudence, le contrat de bail prime sur le contrat de travail si le loyer est supérieur à la rémunération salariale en faveur du travailleur et qu'une soulte reste due par le concierge à titre de location (arrêt du Tribunal fédéral 4A_102/2013 du 17 octobre 2013 consid. 2.2).

c. Le salaire régi par l'art. 322 al. 1 CO est une prestation en argent versée en contrepartie du travail fourni (arrêt du Tribunal fédéral 4A_434/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.2). Il s'agit d'un élément essentiel du contrat de travail (art. 319 al. 1 CO). Le Tribunal fédéral considère que l'art. 322 CO ne tombe pas sous le coup de l'art. 341 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_90/2016 du 9 octobre 2015 consid. 6.2), de sorte que les parties peuvent, par un accord, décider de diminuer le salaire en cours de contrat, avant l'échéance du délai légal de congé (arrêt du Tribunal fédéral 4C_370/2017 du 31 janvier 2018 consid. 3.1). Ces accords ne valent toutefois que pour le futur et ne peuvent se rapporter à des prestations de travail déjà accomplies (arrêt du Tribunal fédéral 4A_434/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.2).

d. En l'espèce, Mme B______ était employée en qualité de femme de ménage et a occupé l'appartement mis à sa disposition. Le recourant considère que les rapports juridiques le liant à son employée relevaient d'un contrat de conciergerie et qu'il n'était ainsi pas soumis au CTT-EDom.

Ce raisonnement ne peut être suivi. Bien que Mme B______ ait occupé un appartement mis à sa disposition, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas exercé une activité de concierge. Elle a, certes, effectué des tâches ménagères et de nettoyages, mais son cahier de charges n'était pas celui d'un concierge. En effet, selon le « Petit Robert » un concierge est une personne ayant la garde d'un immeuble ou d'une maison importante. À cet effet, les tâches d'un concierge doivent être inscrites dans un cahier de charges et consistent généralement en l'entretien et en la gérance des parties communes d'une copropriété ainsi qu'à la coordination des services attendus par les résidents des lieux. Or, Mme B______ a effectué des tâches ménagères uniquement pour le ménage privé de l'intéressé sans que ses services n'aient profiter à d'autres résidents, ni qu'elle ait eu pour travail d'assurer la garde de la propriété du précité. Partant, les activités de Mme B______ ne peuvent être interprétées comme étant celles d'une concierge, mais bien celle d'une employée de maison travaillant en qualité de femme de ménage. De plus, selon les allégations du recourant, les parties ne s'étaient pas mises d'accord sur les éléments du contrat de bail - notamment le loyer -, mais uniquement sur ceux du contrat de travail ; cet élément démontre que les prestations du contrat de travail ont prévalu sur celles du contrat de bail.

Par ailleurs, il apparaît que la qualification du contrat entre le recourant et son employée n'a pas d'effet sur les dispositions légales à appliquer dans la présente cause. En effet, même si la chambre de céans admettait qu'il s'agit d'un contrat de conciergerie, il n'en demeure pas moins que le présent litige se rapporte au calcul d'une éventuelle sous-enchère salariale, soit une prestation relative au contrat de travail, de sorte qu'au regard de la jurisprudence, les dispositions du contrat de travail doivent primer sur celles du contrat de bail. En sus, il sied de constater que le montant du loyer est inférieur au salaire versé à Mme B______, ce qui au regard de la jurisprudence confirme que les dispositions du contrat de travail doivent s'appliquer dans la présente cause.

Au vu de ce qui précède, la précitée doit être considérée comme une travailleuse de l'économie domestique au sens du CTT-EDom, qui est donc applicable à sa relation contractuelle avec le recourant.

Ainsi, dans la mesure où l'intéressé était tenu d'observer le CTT-EDom, notamment les salaires minimaux y figurant, il convient de déterminer s'il y a eu sous-enchère salariale au regard de ces dispositions.

7) a. L'art. 10 CTT-EDom concrétise l'obligation de l'employeur de verser les salaires minimaux à ses employés pour une durée hebdomadaire de quarante- cinq heures, étant précisé qu'en cas de travail partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (art. 10 al. 7 CTT-EDom). Les salaires minimaux sont, pour un employé non qualifié avec au moins quatre ans d'expérience professionnelle utile au poste, de CHF 4'077.- (let. e) et pour un employé non qualifié CHF 3'801.- (let. f).

Les montants ci-dessus comprennent le salaire en nature pour le logement et pour la nourriture. S'il est logé ou nourri par l'employeur, le travailleur reçoit en espèces la différence entre ces montants et la valeur du logement ou de la nourriture selon les normes AVS en vigueur, rappelées en annexe au CTT-EDom (art. 10 al. 3 CTT-EDom). Ces montants, fixés de manière journalière, sont les suivants : petit déjeuner : CHF 3.50; repas de midi : CHF 10.- ; repas du soir : CHF 8.- ; logement : CHF 11.50.

À teneur de l'art. 11 CTT-EDom, le travailleur logé par l'employeur a droit à une chambre particulière pouvant être fermée à clé, étant bien éclairée par la lumière naturelle (et pas l'artificielle), bien chauffée et disposant des meubles nécessaires tels qu'un lit, une table, une chaise et une armoire à vêtements se fermant à clé (al. 1). Le travailleur doit également pouvoir disposer d'installations de toilettes et de bains convenables (art. 11 al. 2 CTT-EDom).

b. En l'espèce, c'est à tort que le recourant considère que la qualité du logement proposé à ses employés devait être prise en considération dans le calcul du salaire en nature à retenir en faveur de Mme B______.

En effet, les al. 1 et 2 de l'art. 11 CTT-EDom posent les exigences minimales d'un logement auquel a droit un employé de maison. De ce fait, si ce cadre minimal n'est pas respecté, l'employeur s'expose à des sanctions pour violation du droit de l'employé des exigences strictes de l'art. 11 CTT-EDom.

En revanche, compte tenu du principe a maiore ad minus, rien n'empêche un employeur d'offrir un logement de qualité supérieure que celle prescrite par le CTT-EDom, sans qu'il ne puisse pour autant en tirer un quelconque avantage. Ainsi, la qualité du logement dont disposent les employés du recourant ne saurait justifier que ceux-ci soient rétribués en-deçà du salaire minimal fixé par le CTT-EDom, étant rappelé qu'il s'agit de salaires impératifs.

Certes, l'OCAS a tenu compte de la renonciation partielle de salaire, avec effet rétroactif, signée par Mme B______ portant la prestation en nature à CHF 750.-. Toutefois, comme évoqué plus haut, l'employée ne pouvait renoncer à des éléments de son salaire. En effet, l'écrit par lequel celle-ci a donné son accord à ce que la part de son salaire versée en nature soit augmentée à CHF 750.- par mois, a été signé par ses soins le 10 septembre 2019, soit après la fin des rapports contractuels. Or, ce document ne peut déployer des effets rétroactifs. Le recourant étant lié par le CTT-EDom, il ne pouvait pas déroger, en défaveur de son employée, aux salaires minimaux prévus par le CTT-EDom en retenant un salaire en nature à hauteur de CHF 750.-. La décision de l'OCAS admettant le contraire se heurte à des règles impératives auxquelles il ne peut être dérogé, de sorte qu'elle ne saurait lier la chambre de céans.

Pour le surplus, il n'appartient pas à l'OCIRT - ni aux assureurs sociaux - d'estimer le loyer qui pourrait être perçu pour le logement mis à disposition de l'employé domestique. L'OCIRT doit s'assurer que le salaire perçu, y compris la prestation en nature, corresponde aux minimaux prévus par le CTT-EDom. Il ne peut donc s'écarter du montant pouvant être imputé comme salaire en nature. Le contraire conduirait à admettre un salaire non conforme aux minimaux impératifs. L'OCIRT a ainsi, à juste titre, retenu le montant mensuel de CHF 345.- à titre de salaire versé en nature pour chacun des trois employés du recourant.

Enfin, c'est à tort que le recourant considère que l'autorité intimée a estimé et reconnu que la prestation en nature sous forme de mise à disposition de l'appartement valait CHF 690.- par mois, puisque ce montant résulte uniquement de l'addition du salaire en nature pour le logement en faveur de M. C______, employé en qualité de jardinier, et de celui de Mme D______, employée en tant que femme de ménage. Bien que Mme B______ ait occupé ledit logement en compagnie de son époux et de leur enfant, il n'en demeure pas moins qu'elle était alors la seule employée de maison du recourant, de sorte que l'OCIRT n'avait pas à retenir la somme de CHF 690.- en faveur d'une seule employée occupant ce logement.

Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée a, à bon droit, retenu comme salaire versé en nature, du fait de la mise à disposition d'un logement, le montant de CHF 345.- par mois pour Mme B______ et celui de CHF 345.- par mois pour chacun des époux CD______.

8) Il reste encore à déterminer la somme de la sous-enchère salariale pour chacun des employés du recourant.

Le recourant n'a pas contesté ne pas s'être conformé aux salaires prévus par le CTT-EDom, mais il considère que la sous-enchère salariale en défaveur de Mme B______ se chiffrerait à CHF 6'337.- et indique avoir déjà versé la somme de CHF 3'505.35.- au couple CD______.

Conformément au CTT-EDom, les employés auraient dû être rémunérés de la manière suivante :

-       M. C______ (quarante heures de travail hebdomadaires, engagé dès le mois d'août 2018, quatre ans d'expérience, salaire de référence CHF 4'077.- pour quarante-cinq heures) : CHF 3'624.- par mois pour les années 2018 et 2019 ;

-       Mme D______ (vingt heures de travail hebdomadaires, engagée dès le mois d'aout 2018, quatre ans d'expérience, salaire de référence CHF 4'077.- pour quarante-cinq heures) : CHF 1'812.- par mois pour les année 2018 et 2019 ;

-       Mme B______ (trente-six heures de travail hebdomadaires ; engagée dès le mois d'avril 2009 jusqu'en août 2018, quatre ans d'expérience) : CHF 3'120.- par mois en 2013, CHF 3'175.20 en 2014 et 2015, CHF 3'223.20 en 2016 et 2017 ainsi que CHF 3'261.60 en 2018.

Or, selon les attestations de l'OCAS et les fiches de salaires versées à la présente procédure, le recourant a rémunéré ses employés de la manière suivante :

-       M. C______, entre le mois d'août et décembre 2018, a perçu un montant total de CHF 17'817.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, soit en moyenne CHF 3'563.40 par mois. Or, conformément au CTT-EDom, il aurait dû percevoir un salaire mensuel de CHF 3'624.-. Il en résulte une différence de CHF 60.60 par mois, soit une sous-enchère salariale de CHF 303.- pour l'année 2018.

Pour 2019, le recourant a versé un salaire mensuel moyen de CHF 3'196.53 au lieu du salaire impératif du CTT-EDom de CHF 3'624.-, de sorte que la sous-enchère salariale mensuelle, après déduction du salaire en nature de CHF 345.-, se chiffre à CHF 82.47 (CHF 3'624.- - CHF 3'196.53 = CHF 427.47 - CHF 345.- = CHF 82.47), soit une sous-enchère salariale pour les six mois d'activité en 2019 de CHF 494.82.

Ainsi, la sous-enchère salariale totale en défaveur de ce travailleur se chiffre à CHF 797.82.

-       Mme D______, entre les mois d'aout et décembre 2018, a reçu la somme de CHF 7'410.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, soit en moyenne CHF 1'482.- par mois au lieu de CHF 1'812.- imposés par le CTT-EDom. Il en résulte une différence de CHF 330.- par mois, soit une sous-enchère salariale en 2018 de CHF 1'650.-.

En 2019, le recourant a payé pour les six mois d'activité de Mme D______ la somme de CHF 5'626.24, prestation en nature de CHF 345.- comprise, au lieu des CHF 10'872.- (CHF 1'812.- x 6 [mois]) auxquels elle avait le droit en vertu du CTT-EDom. La sous-enchère salariale, après déduction du salaire mensuel en nature de CHF 345.-, est de CHF 3'175.76 (CHF 10'872.- - CHF 5'626.24 = CHF 5'245.- - CHF 345.- x 6 = CHF 3'175.76).

Ainsi, la sous-enchère salariale totale en défaveur de cette employée est de CHF 4'825.76.

-       Mme B______, entre janvier et août 2018, a perçu un montant total de 28'650.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, soit un salaire mensuel de CHF 3'581.25. Le CTT-EDom fixe le salaire minimum à CHF 3'261.-, de sorte que pour l'année 2018, il n'y a pas eu de sous-enchère salariale pour cette travailleuse.

Pour les années 2016 et 2017, la précitée a reçu la somme de CHF 32'388.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, soit en moyenne CHF 2'699.- par mois. Le salaire fixé par le CTT-EDom pour ces années était de CHF 3'223.20 par mois, de sorte qu'il en résulte une différence à hauteur de CHF 524.20 par mois, soit une sous-enchère salariale annuelle de CHF 6'290.40 pour les années 2016 et 2017.

En 2015, Mme B______ a reçu un montant de CHF 32'364.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, soit une moyenne de salaire mensuel de CHF 2'697.- au lieu de CHF 3'175.20 imposés par le CTT-EDom. Il s'ensuit que la sous-enchère salariale mensuelle en défaveur de cette employée se chiffre à CHF 478.20, soit CHF 5'738.40 pour 2016.

En 2014, elle a reçu la somme de CHF 32'364.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, de sorte que la sous-enchère salariale pour cette année se chiffre également à CHF 5'738.40.

En 2013, le recourant lui a versé la somme de CHF 32'200.-, prestation en nature de CHF 345.- comprise, soit une moyenne de salaire mensuel de CHF 2'683.33 au lieu de CHF 3'120.- imposé par le CTT-EDom, tel qu'il en résulte une différence de CHF 436.67 par mois, soit une sous-enchère salariale annuelle de CHF 5'240.-.

La sous-enchère salariale totale en défaveur de cette employée est de CHF 29'297.60 (CHF 5'240.-+ 2 x CHF 5'738.40 + 2 x CHF 6'290.40).

Ainsi, le total la sous-enchère salariale constatée pour l'ensemble des trois employés s'élève à CHF 34'622.58.

9) Le recourant, sans indiquer que l'amende infligée de CHF 9'000.- mette en péril sa situation financière, conteste le montant qu'il juge disproportionné. Partant, il reste à examiner si l'amende est fondée et, le cas échéant, si son montant respecte le principe de la proportionnalité.

a. La LIRT précise la mise en oeuvre, dans le canton de Genève, de la LDét (art. 1 al. 2 LIRT).

En vertu de l'art. 35 al. 3 LIRT, l'OCIRT est l'autorité de contrôle compétente pour le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDét. En outre, il est spécifiquement désigné pour être l'autorité compétente pour contrôler le respect des salaires minimaux prévus dans les contrats-types de travail (art. 34A LIRT) et pour prononcer les sanctions administratives qui s'imposent selon l'art. 9 LDét en cas de non-respect de ceux-ci (art. 34B al. 1 LIRT).

Selon la LDét, l'OCIRT, en tant qu'autorité cantonale compétente, est en droit, en cas d'infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d'un contrat type de travail au sens de l'art. 360a CO par l'employeur qui engage des travailleurs en Suisse, de prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d'un montant de CHF 30'000.- au plus (art. 9 al. 2 let. f LDét). L'art. 9 LDét, dans sa teneur actuelle, est entré en vigueur le 1er avril 2017. Dans sa teneur en vigueur avant cette date, la situation était réglée à l'art. 9 al. 2 let. c aLDét : l'employeur qui avait commis de tels faits était passible d'une amende d'un montant de CHF 5'000.- au plus (art. 9 al. 2 let. c aLDét).

En l'occurrence, en vertu des principes du droit intertemporel, et du principe de la lex mitior, les faits restent soumis à l'ancien droit, malgré le changement de législation, dès lors qu'ils ont débuté avant le 1er avril 2017, ce d'autant que le nouveau droit est plus sévère.

La LDét ne contient aucune précision concernant les principes afférents au principe du prononcé de l'amende administrative et à sa quotité. Les règles générales en la matière peuvent ainsi s'appliquer, rien ne s'y opposant.

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 consid. 12b et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, n. 1179). Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/319/2018 du 10 avril 2018 consid. 11b ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017 consid. 6b).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur, et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al.  2 CP ; ATA/1447/2017 du 31 octobre 2017 consid. 7 ; ATA/1305/2015 précité consid. 12b).

c. Dans une affaire dans laquelle un employeur avait affecté pendant près d'une année son employé à des activités domestiques traditionnelles, sans respecter les salaires minimaux impératifs prévus par le CTT-EDom, impliquant un rattrapage salarial brut de CHF 19'750.-, la chambre administrative a confirmé l'amende de CHF 2'000.- infligée par l'OCIRT (ATA/1057/2017 du 4 juillet 2017 consid. 8).

Elle en a fait de même s'agissant d'une affaire de violation des salaires minimaux prévus par la convention collective cadre dans le commerce de détail dans laquelle l'OCIRT avait fixé l'amende au maximum, soit CHF 5'000.-, compte tenu de la quantité considérable de la sous-enchère salariale
(CHF 329'120.60), de sa durée (plus de deux ans et demi) et du nombre de collaborateurs concernés (septante-neuf), soit la totalité des employés soumis à la convention collective (ATA/647/2016 précité).

Elle a, en revanche, réduit à CHF 3'500.- l'amende initialement fixée à
CHF 5'000.-, pour un employeur n'ayant pas respecté les salaires minimaux impératifs prévus par le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs des esthéticiennes du 18 décembre 2012 (CTT-Esthé - J 1 50.16), pour deux employées et pendant plusieurs mois, entraînant un rattrapage de CHF 10'175.84. Il s'agissait de la première infraction commise par l'employeur en cette matière et celui-ci avait collaboré à l'établissement des faits (ATA/126/2016 du 9 février 2016 consid.6c).

L'amende fixée à CHF 2'500.- a en revanche été confirmée, s'agissant également d'une violation des salaires minimaux impératifs prévus par le
CTT-Esthé, sur une durée de moins d'une année et concernant un arriéré salarial évalué entre CHF 10'000.- et CHF 15'000.-, du fait qu'une seule employée était concernée et du fait que la recourante avait déjà fait l'objet, par le passé, d'un rattrapage salarial (ATA/1447/2017 précité).

d. En l'espèce, comme évoqué plus haut, les manquements reprochés au recourant sont réalisés et constituent des fautes passibles d'une amende administrative. Celle-ci est donc fondée dans son principe.

L'OCIRT a déterminé le montant de l'amende en fonction de l'importance de la sous-enchère salariale, des cas de récidive, du nombre d'employés concernés, du rattrapage salarial partiel ainsi que de la faible collaboration du recourant durant la procédure.

Une faute a indéniablement été commise par le recourant par le non-respect du salaire minimal prescrit par le CTT-EDom, ce que ce dernier ne conteste d'ailleurs pas. La violation du CTT-EDom a porté sur plusieurs années, soit de janvier 2013 à juin 2019, et a concerné trois employés, pour un montant reconnu de CHF 6'290.40, mais en réalité bien plus élevé (CHF 34'622.58).

La collaboration du recourant à l'établissement des faits doit être jugée moyenne en raison de la production tardive et lacunaire de documents. Il sied de rappeler qu'avant de prononcer l'amende, l'OCIRT lui a laissé la possibilité de se conformer au salaire minimal contenu dans le CTT-EDom, ce qu'il n'a que partiellement fait.

Bien que la collaboration du recourant ne soit pas parfaite et que la violation du CTT-EDom ait porté sur plusieurs années, il s'agit en revanche de la première infraction commise par le précité en cette matière.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, compte tenu de l'ancienne teneur de l'art. 9 al. 2 let. c aLDét, dont le montant maximal d'une amende administrative était de CHF 5'000.-, à laquelle la présente affaire est soumise et de la jurisprudence de la chambre administrative en la matière, l'amende infligée au recourant paraît disproportionnée et sera ramenée à CHF 3'000.-.

Enfin, l'émolument de sanction de CHF 100.-, lequel n'est d'ailleurs pas contesté, entre dans le cadre de l'art. 66A let. a du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01).

Le recours sera donc admis partiellement et la décision querellée annulée en ce sens que l'amende sera réduite à CHF 3'000.-.

10) Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure, réduite, de CHF 300.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 avril 2020 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 27 février 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision précitée en ce qui concerne le montant de l'amende et réduit celle-ci à CHF 3'000.- ;

confirme la décision querellée pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 300.-, à la charge de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi 

communique le présent arrêt à Me Damien Bonvallat, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

M. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :