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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3383/2019

ATA/1156/2020 du 17.11.2020 sur JTAPI/450/2020 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE;AUTORISATION DE SÉJOUR;DÉCISION DE RENVOI;INTÉRÊT ÉCONOMIQUE;LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS;PRIORITÉ DES TRAVAILLEURS INDIGÈNES;REGROUPEMENT FAMILIAL;RESSORTISSANT ÉTRANGER;TRAVAILLEUR
Normes : Cst.29.al2; LCOf.14.al2; LCOf.15.al1; LEI.11.al1; LEI.18.al1.letc; LEI.21.al1; LIPAD.24.al1; LIPAD.26.al1; LIPAD.26.al2; LPA.25.al4; OASA.54
Résumé : Refus de l'OCIRT de délivrer à la recourante une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de son employé, diplômé d'une haute école suisse. L'ordre de priorité n'a pas été respecté. Faute d'avoir élargi ses recherches, la recourante n'a pas établi qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant de l'UE/AELE ne pouvait être recruté, en lieu et place de l'intéressé. Les démarches entreprises visaient davantage à s'acquitter d'une obligation légale qu'à trouver un candidat.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3383/2019-PE ATA/1156/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 novembre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Tobias Zellweger, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2020 (JTAPI/450/2020)


EN FAIT

1) a. A______ (ci-après : A______ ou la société) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 5 avril 2004. Elle a pour but notamment de développer des projets et des stratégies de mobilité douce et durable, tant pour le secteur privé que le secteur public et d'avoir un impact positif important sur la société et l'environnement, dans le cadre de ses activités commerciales et opérationnelles. Elle est active au niveau cantonal, national et international. Elle a pour clientes des institutions publiques et des entreprises privées en Suisse et en Europe. Au 1er juin 2019, elle employait dix-sept personnes, dont dix ressortissants suisses, deux titulaires d'autorisations d'établissement (un Italien et un Portugais), cinq ressortissants français (quatre permis G et un permis L) et un titulaire d'un permis B (un Canadien).

La société a développé un produit dit B______ (ci-après : B______), une solution informatique « C______ » (ci-après : C______) de gestion de la mobilité en entreprise, notamment du stationnement, du covoiturage et de la mobilité douce. B______ a nécessité un important investissement depuis 2013. Il a bénéficié d'une aide financière de la Confédération. Il représenterait environ 50 % du chiffre d'affaires de A______.

b. Monsieur D______, né le ______1990 au E______, pays dont il est ressortissant, est arrivé en Suisse le 18 septembre 2012 et a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études jusqu'au 15 septembre 2015 par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Le 18 juin 2016, il a épousé Madame F______, de nationalité suisse, née le ______1986, et a bénéficié d'un titre de séjour pour regroupement familial. Il a divorcé le 7 juin 2017. Le 17 juin 2019, l'OCPM a révoqué son autorisation de séjour. M. D______ a annoncé avoir quitté la Suisse pour le E______ le 22 juillet 2019.

M. D______, bilingue français/anglais, est titulaire d'un baccalauréat ès arts, majeure en sciences politiques, mineure en développement international et en environnement, obtenu au E______ en 2012, d'un master en environnement, avec spécialisation en écologie urbaine, et d'un certificat complémentaire de géomatique, obtenus respectivement en 2015 et 2016 à l'Université de Genève (ci-après : UNIGE). Il a suivi une formation de « G______ » au H______. Durant sa formation à Genève, M. D______ a travaillé en qualité d'auxiliaire de recherche d'avril 2013 à janvier 2014 auprès de l'UNIGE, de consultant externe auprès de l'organisation non gouvernementale I______ de 2014 à 2016 et de stagiaire en géomatique auprès de A______ de juin à novembre 2015. Il est par ailleurs membre actif de J______.

2) a. En novembre 2015, A______ a annoncé à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) la vacance d'un poste d'expert en gestion de la mobilité et en système d'information géographique (ci-après : SIGé). Le contrat de travail envisagé était de durée indéterminée et le taux d'activité de 80 %. L'entrée en fonction était fixée au 1er décembre 2015.

La personne recherchée devait être diplômée en géographie et/ou en sciences sociales de 2ème ou 3ème cycle, avec une formation et un titre complémentaire en géomatique, avoir trois ans d'expérience dans l'analyse et le conseil en gestion de la mobilité auprès de multinationales, une expertise sur la thématique des politiques publiques et privées de promotion du vélo, la maîtrise d'un logiciel permettant de réaliser des cartes SIGé de format numérique
(ci-après : Mapinfo), être bilingue français/anglais, l'allemand étant un atout.

b. Le 13 novembre 2015, l'OCE a confirmé à A______ avoir enregistré l'emploi vacant dans son système. Le 23 novembre 2015, il a adressé à la société un suivi de l'offre et lui a présenté deux candidatures qui, selon la liste récapitulative d'assignation retournée à l'OCE le 2 décembre 2015 par A______, n'ont pas été retenues.

3) Le 2 décembre 2015, A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de travail en faveur de M. D______ pour un poste de chef de projets mobilité et de collaborateur scientifique dès le 1er janvier 2016. Le contrat de travail prévu était de durée indéterminée à un taux d'activité de 80 %.

4) Par contrat de travail du 11 janvier 2016, A______ a engagé M. D______ en qualité de géomaticien et de chef de projet.

L'intéressé disposait de connaissances poussées en matière de mobilité et des outils informatiques en lien avec l'analyse des déplacements. Il était actif dans les domaines liés au développement durable. Il était le principal expert B______ en matière de conseil aux entreprises et la ressource référente et formatrice au sein de la société pour le développement et la mise en oeuvre du produit. Sa collaboration était fondamentale, B______ ne pouvant être vendu sans un accompagnement étroit du client.

5) Par décision du 20 janvier 2016, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui l'OCPM avait transmis le dossier pour des raisons de compétences, a refusé de faire droit à la demande précitée de A______.

Celle-ci ne présentait aucun intérêt économique ou scientifique prépondérant au sens de la législation en vigueur. De plus, l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré l'impossibilité de trouver un travailleur en Suisse ou ressortissant des pays de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre échange (ci-après : UE/AELE). De plus, une autorisation pour une activité à temps partiel ne pouvait pas être accordée.

6) Le 18 décembre 2018, l'OCPM a informé M. D______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

Il était divorcé depuis le 7 juin 2017. Son union conjugale avait duré moins de trois ans et la poursuite de son séjour en Suisse ne s'imposait pas pour des raisons personnelles majeures. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée.

7) Par contrat de travail du 7 janvier 2019, A______ a engagé M. D______ en qualité de chef de projets mobilité et de collaborateur scientifique à un taux d'activité de 100 % pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 2019, à un salaire mensuel de CHF 6'002.-. L'horaire de travail hebdomadaire était de quarante heures.

8) Par annonce non datée dont le terme était fixé au 31 janvier 2019, A______ a mis au concours un poste de chef de projet à 80 % avec une entrée en fonction fixée au 1er mars 2019.

Le profil recherché était celui d'un diplômé universitaire ou ayant un titre équivalent, une expérience dans la gestion de projet dans le domaine de la mobilité et/ou du digital, des connaissances et un intérêt pour les enjeux de mobilité durable en entreprise et les technologies de l'information (ci-après : IT), une aisance relationnelle et rédactionnelle, un esprit d'analyse et de synthèse, une polyvalence, autonomie et esprit d'innovation, une parfaite maîtrise du français, de l'allemand et de l'anglais, l'italien étant un atout. Le candidat avait pour mission de gérer des projets de mobilité en entreprise en Suisse romande et alémanique, accompagner des clients dans l'élaboration et le suivi de plans de mobilité et de concepts de gestion du stationnement, piloter la configuration, la prise en main et l'utilisation de B______, collaborer au développement continu de celui-ci en collaboration avec une équipe informatique, assurer la communication et la prospection.

9) Le 28 janvier 2019, l'OCE a adressé à A______ un suivi du poste précité qui figurait dans sa base de données depuis le 14 janvier 2019. Il lui a adressé une liste de cinq candidats dont aucun n'a été retenu par la société, selon une liste récapitulative d'assignation retournée le 3 avril 2019 à l'OCE.

10) Par une autre annonce non datée dont le terme était fixé au 12 mai 2019, A______ a mis au concours un poste de conseiller et expert IT en gestion de la mobilité à 80 %, l'entrée en fonction étant fixée au 1er juin 2019. L'annonce a été publiée sur le site « Ville, Rail et Transport », le 21 mars 2019, celui de A______, le 3 avril 2019, celui de l'association suisse des ingénieurs et experts en transports, le 4 avril 2019, sur Linkedin Talent Solutions, le 5 avril 2019, sur les sites d'Indeed, d'Actiris et de Georezo, le 11 avril 2019, de l'OCE, d'EURES et de JobUp, le 12 avril 2019, et celui de Pôle emploi, le 17 avril 2019.

Le profil recherché était celui d'un diplômé universitaire ou ayant un titre équivalent en lien avec le domaine de la mobilité et de l'informatique, une formation complémentaire en SIGé, trois ans d'expérience comme consultant dans le domaine IT, plus particulièrement dans la mise en place d'outils de gestion C______ en mode « Software as a Service [logiciel en tant que service] » (ci-après : SaaS) au sein de grandes entreprises, une expérience de la solution B______ étant un atout, trois ans d'expérience dans le domaine de la mobilité, plus particulièrement dans l'élaboration et la mise en place de plans de mobilité d'entreprise et de politiques et stratégies d'aménagement pour le vélo orientées usagers, la maîtrise des logiciels SIGé appliqués au domaine des transports, notamment Mapinfo, la connaissance du contexte politique et réglementaire suisse en matière de mobilité, de gestion du stationnement et de l'aménagement du territoire, une aisance relationnelle et rédactionnelle, un esprit d'analyse et de synthèse, une polyvalence, de l'autonomie et un esprit d'innovation, une parfaite maîtrise du français et de l'anglais.

La personne recherchée aurait pour mission de piloter la configuration, la prise en main et l'utilisation de B______ auprès de clients anglophones, d'accompagner les améliorations et les évolutions fonctionnelles de celui-ci en lien avec les besoins des clients, d'accompagner des clients anglophones dans l'élaboration et le suivi de plans de mobilité et de concepts de gestion du stationnement, d'encadrer les chefs de projet en charge de clients anglophones, de collaborer au développement continu de B______ et traduire du français vers l'anglais les nouvelles fonctionnalités du produit, de produire des analyses géostatiques et cartographiques dans le cadre de projets de gestion de la mobilité, ainsi que de développer et promouvoir les produits en lien avec des politiques et les infrastructures cyclables.

11) Le 9 mai 2019, l'OCE a adressé à A______ un suivi du poste précité mis au concours, figurant dans sa base de données dès le 15 avril 2019. Il lui a transmis à cette occasion une liste de trois candidats dont aucun n'a été retenu par la société, selon une liste récapitulative d'assignation retournée le 3 juin 2019.

12) Par décision du 27 mai 2019 qui n'a pas fait l'objet d'un recours, l'OCPM a révoqué l'autorisation de séjour de M. D______ et a prononcé son renvoi de Suisse, en reprenant les motifs détaillés dans son courrier du 18 décembre 2018.

13) a. Par formulaire du 12 juin 2019, transmis à l'OCPM le 14 juin 2019, A______ a sollicité une autorisation de séjour et de travail en faveur de M. D______, dès le 1er août 2019. Le contrat prévu était pour une durée indéterminée et le salaire de CHF 6'002.-.

M. D______ gérait une quinzaine de clients représentant 20 % du chiffre d'affaires de la société. Il était notamment en charge du principal client qui avait généré d'importantes recettes depuis 2017. Il était le seul chef de projet et expert B______ parfaitement bilingue et s'occupait des clients anglophones. Il était le référent et le garant de la traduction des textes, notamment de ceux liés aux nouvelles fonctionnalités de B______, et des communications aux clients. La société misait aussi sur son expertise des politiques cyclables. Grâce à ses compétences dans ce domaine, elle avait obtenu deux mandats de la Ville de K______ et de l'État de Genève.

Les compétences de M. D______ étaient indispensables dans la mesure où le domaine de la mobilité souffrait d'un manque de formation et de personnel qualifié. Certes, la formation d'un remplaçant était envisageable. Toutefois, il fallait trouver un candidat bilingue français/anglais au bénéfice d'une expérience de déploiement de logiciels SaaS au sein de petites et moyennes entreprises (ci-après : PME) et grandes entreprises et d'une expérience de conseil dans la gestion de la mobilité. Les autres compétences de M. D______ pouvaient être compensées à l'interne.

M. D______ l'ayant informée des possibles conséquences de son divorce sur son emploi, elle avait entrepris des démarches dès fin 2018 pour le remplacer. Elle avait diffusé une première offre d'emploi du 12 au 31 janvier 2019. Cette offre, transmise à l'OCE, avait été aussi publiée sur des sites de recherche d'emplois associés aux institutions de formation en lien avec la mobilité, l'urbanisme et l'aménagement du territoire en Suisse romande et alémanique. Aucun des postulants ne répondait aux critères du poste. Néanmoins, pour faire face à la hausse de l'activité liée à B______, elle avait engagé un chef de projet et deux stagiaires qui étaient formés par M. D______. Une deuxième offre d'emploi avait été diffusée entre le 1er avril et le 15 mai 2019 sur des plateformes suisses et européennes généralistes de recherche d'emplois, dont celle de l'OCE et des sites spécialisés en la matière, les pays francophones et anglophones de l'UE/AELE ayant été ciblés en priorité. Aucun candidat ne correspondait au profil recherché. Les agences de placement contactées n'étaient pas en mesure de pourvoir le poste faute de candidat répondant aux qualifications requises. En outre, compte tenu du risque élevé d'échec et des tarifs exorbitants, elle avait renoncé à faire appel à leurs services.

Au vu des spécificités du poste mis au concours, seule la formation de jeunes professionnels déjà au bénéfice de connaissances dans son domaine d'activité pouvait répondre à ses besoins de recrutement en tenant compte de ses moyens limités. Une formation interne d'au moins vingt-quatre mois était nécessaire pour pouvoir remplacer M. D______. La forte augmentation de son activité depuis 2017 ne permettait cependant pas une telle solution. Au demeurant, M. D______ avait déjà accumulé deux ans d'expérience, renforcée en interne par une formation continue, notamment sur B______. Son poste, qui ne pouvait pas être repourvu à court ou moyen terme, constituait une perte inestimable pour la croissance des activités de la société. Ainsi, l'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en sa faveur répondait à un intérêt économique prépondérant au sens de la législation en vigueur.

b. La société a produit, à l'appui de sa demande, des pièces relatives à ses activités, aux démarches entreprises afin de pourvoir le poste, diverses attestations de clients et de partenaires et des documents concernant M. D______, un rapport de l'office fédéral des routes (ci-après : OFROU) daté de 2013, selon lequel les formations en matière de transports, et plus particulièrement de mobilité douce, étaient insuffisantes en Suisse et un courrier de Monsieur L______, professeur en transport à la M______ (ci-après : M______) et ancien directeur de la direction générale des transports de l'État de Genève, dont il ressort qu'il manquait de spécialistes en mobilité en Suisse.

14) Par décision du 17 juillet 2019, l'OCIRT, après examen du dossier par la commission tripartite de l'économie (ci-après : la commission), a refusé de faire droit à la demande déposée en faveur de M. D______.

Son admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et l'ordre de priorité n'avait pas été respecté. L'employeur n'avait pas démontré l'impossibilité de trouver un travailleur en Suisse ou ressortissant des pays de l'UE/AELE.

15) Le 25 juillet 2019, la société a résilié le contrat de travail de M. D______ du 7 janvier 2019.

16) Par acte expédié le 13 septembre 2019, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée de l'OCIRT en concluant à son annulation et à l'octroi de l'autorisation de séjour et de travail requise. Elle a préalablement conclu à la comparution personnelle des parties et à ce qu'il soit ordonné à l'OCIRT de produire le procès-verbal de la commission.

17) Par contrat de mandat du 15 septembre 2019, avec effet au 1er octobre 2019 et pour une durée indéterminée, A______ a confié à M. D______ plusieurs missions, notamment la gestion du portefeuille de ses clients abonnés à B______, le démarchage de clients potentiels, la rédaction et la mise en forme graphique de contenus promotionnels liés à ses services et produits.

Les honoraires convenus se montaient à CAD 50.-/heure, soit CAD 400.-/jour. Les déplacements professionnels en Suisse s'effectuaient dans le respect des directives sur les déplacements dans l'espace Schengen, soit pour une durée maximum de nonante jours par période de cent quatre-vingt jours.

18) Par jugement du 3 juin 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Le droit d'être entendu de la société n'avait pas été violé. Certes, la décision attaquée était succincte. Toutefois, elle était claire et ne nécessitait pas de plus amples développements. La comparution personnelle des parties et la production du procès-verbal de la commission ne s'imposaient pas. La société avait eu l'occasion de s'exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la procédure et avait produit plusieurs pièces à l'appui de ses allégués. Le dossier comportait suffisamment d'éléments permettant de trancher le litige.

Ni les compétences professionnelles de M. D______ ou son utilité pour la société, ni la place de celle-ci dans le paysage économique genevois, helvétique voire européen n'étaient remises en cause. Cependant, A______ n'avait pas déployé tous les efforts raisonnablement attendus d'elle pour trouver un travailleur indigène ou ressortissant de l'UE/AELE afin de pourvoir le poste considéré.

La société n'avait pas entrepris les démarches en temps opportun, préférant poursuivre ses relations de travail avec M. D______. Malgré son statut de séjour incertain, elle avait choisi de consentir à un « investissement conséquent » afin de parfaire sa formation. Ses recherches, déployées sur un trop court laps de temps, étaient insuffisantes, au vu des exigences du poste. La société ne s'était pas adressée aux diverses écoles d'ingénieurs ou aux écoles polytechniques suisses ou européennes. A______ n'avait pas démarché des agences spécialisées dans différents pays d'Europe, ni publié des annonces dans un grand nombre de journaux importants et via des sites internet spécialisés. Les annonces semblaient en outre avoir été calquées sur le profil de M. D______. Même si la Suisse, et particulièrement la Suisse romande, souffrait d'un manque de main-d'oeuvre et de formation dans les domaines de compétences requis, de telles ressources existaient en France. De plus, le nombre de personnes formées dans ces domaines avait augmenté, en Suisse et en Europe, au vu notamment de l'intérêt croissant des institutions publiques et des entreprises en matière de mobilité. Elle n'avait pas donné les éléments permettant d'apprécier les raisons de l'échec des recherches menées par les agences de placements. Elle n'avait donc pas démontré l'impossibilité de trouver un travailleur sur le marché local ou européen correspondant au profil ciblé ou disposant des prérequis lui permettant d'acquérir par la suite les compétences spécifiques recherchées. M. D______ avait d'ailleurs acquis en cours d'emploi l'expérience exigée par la société.

Le principe de la priorité n'avait pas été respecté. Il n'était pas nécessaire d'examiner si les autres conditions cumulatives étaient réalisées, en particulier celle liée aux intérêts économiques de la Suisse.

19) Le 30 juin 2020, N______, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 19 août 2004 et ayant pour but notamment le placement privé et temporaire et la location de services d'un personnel hautement qualifié dans le domaine de l'informatique, de la finance, de l'industrie, du management et des ressources humaines, a fait le point sur un mandat de recrutement que lui avait confié A______ en janvier 2019 concernant le recrutement d'une ressource atypique. Elle lui avait proposé un mandat exclusif de CHF 35'000.- qui, selon A______, ne correspondait pas à son budget. De brèves recherches effectuées en janvier 2019 dans ses diverses bases de données n'avaient rien donné.

Elle restait réservée sur les chances de trouver le profil ciblé, combinant des compétences et de l'expérience à la fois de gestion de projet et de mobilité.

20) Par acte déposé le 8 juillet 2020, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à ce qu'ordre soit donné à l'OCIRT de produire le procès-verbal de la commission et à la comparution personnelle des parties. Elle a conclu, principalement, à l'annulation du jugement attaqué et à l'octroi à M. D______ d'une autorisation de séjour avec activité lucrative.

En n'ordonnant pas la production du procès-verbal de la commission, le TAPI avait violé son droit d'être entendu et avait failli à son devoir d'instruction. Aucun élément au dossier ne justifiait de considérer son contenu comme confidentiel. L'OCIRT avait fondé la décision du 17 juillet 2019 sur ce document.

Le titre de séjour de M. D______ était valable jusqu'au 17 juin 2019. Elle avait entrepris de chercher un remplaçant dès janvier 2019, en Suisse et en Europe, et via des médias généralistes et spécialisés, sous format papier et électronique, en faisant appel à des organismes publics et privés. Les divers canaux utilisés pour ses offres d'emploi successives démontraient ses efforts et étaient suffisants pour respecter les conditions légales. Les agences de placement contactées n'étaient pas parvenues à cibler correctement les besoins du poste à pourvoir. Leurs tarifs élevés rendaient l'investissement difficile pour un résultat aléatoire.

Elle ne visait pas avant tout à poursuivre la collaboration avec M. D______. Pour atteindre le niveau de maîtrise et le degré d'expertise du profil recherché, une formation interne de deux ans s'imposait. La gestion de ses mandats et de sa clientèle et les fonds disponibles ne lui permettaient pas d'attendre de longs mois avant de former un nouveau collaborateur pouvant travailler de façon autonome.

B______ faisait exception dans la branche. Il n'existait aucune solution comparable sur le marché suisse ou étranger. La poursuite de ses activités était dans l'intérêt de l'économie suisse en général.

L'ordre de priorité ayant été respecté, le TAPI aurait dû examiner la condition des intérêts économiques de la Suisse.

21) L'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Le procès-verbal de la commission était le reflet de la décision du 17 juillet 2019. Il ne contenait aucune autre information pertinente.

M. D______ avait informé son employeur au sujet de son divorce, mais pas l'OCPM. Il avait bénéficié illicitement d'une autorisation de séjour obtenu pour regroupement familial. La société était au courant des conditions restrictives de l'octroi d'une autorisation contingentée. Elle n'avait pas assez étendu ses recherches, notamment auprès des écoles d'ingénieurs ou polytechniques suisses ou européennes. Si elle avait un intérêt économique à continuer à collaborer avec M. D______, celui de la Suisse n'était pas démontré.

22) Dans sa réplique, A______ a relevé qu'elle poursuivait sa collaboration avec M. D______ à distance malgré les surcoûts, décalage horaire et distension des liens avec la clientèle. Elle ne lui avait pas trouvé de successeur francophone d'expérience sur ce marché de niche.

23) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante fait grief au TAPI d'avoir violé son droit d'être entendue en n'ordonnant pas la production du procès-verbal de la commission et la comparution personnelle des parties. Elle a réitéré ses réquisitions devant la chambre de céans.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2015 du 2 février 2016 consid. 3.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_543/2015 du 25 février 2016 consid. 2.1). Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit de l'être oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

b. La loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) s'applique notamment aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux, ainsi qu'à leurs administrations et commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD). Toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la LIPAD (art. 24
al. 1 LIPAD). Font exception au droit d'accès, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose (art. 26 al. 1 LIPAD) notamment, lorsque l'accès aux documents est propre à rendre inopérantes les restrictions au droit d'accès à des dossiers qu'apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives (art. 26 al. 2 let. e LIPAD). Lorsque l'entraide sollicitée ne porte pas sur des données personnelles, l'autorité requise est tenue de prêter assistance, sauf lorsque les pièces et informations demandées doivent rester secrètes en vertu de la loi (art. 25 al. 4 let. a LPA).

c. La loi sur les commissions officielles du 18 septembre 2009
(LCOf - A 2 20) s'applique aux commissions officielles dépendant du Conseil d'État, de la chancellerie d'État ou d'un département, qui sont instituées par une loi, un règlement ou un arrêté, et dont l'activité revêt un caractère consultatif, de préavis ou décisionnel, à l'exception de l'activité juridictionnelle (art. 1
al. 1 LCOf). La commission tripartite pour l'économie, instituée par la loi sur le service de l'emploi et la location de services du 18 septembre 1992 (LSELS -
J 2 05), est chargée de rendre un préavis concernant les demandes d'autorisation de travail qui doivent faire l'objet d'une décision préalable de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (art. 4 al. 1 et art. 6 al. 4 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009 - RaLEtr -
F 2 10.01). À l'instar de chaque commission officielle, elle établit chaque année un rapport annuel d'activité, qu'elle remet au Conseil d'État, qui le rend public (art. 14 al. 2 LCOf ; art. 31 al. 2 du règlement sur les commissions officielles du 10 mars 2010 - RCOf - A 2 20.01). Par ailleurs, ses séances, comme celles des autres commissions officielles et sous-commissions font l'objet de procès-verbaux qui ne sont pas publics (art. 15 al. 1 LCOf).

d. En l'espèce, la recourante, qui n'a pas de droit à être entendue oralement ni devant le TAPI ni devant la chambre de céans, a pu se prononcer par écrit et déposer de nombreuses pièces, tout comme l'autorité intimée. Elle a produit notamment des pièces relatives à ses activités et aux démarches entreprises afin de pourvoir le poste mis au concours en janvier et avril 2019. Au vu du contenu de ces documents, l'audition des parties n'était pas en mesure d'apporter de nouveaux éléments pertinents pour trancher le litige. En outre, les procès-verbaux de la commission tripartite de l'économie n'étant pas publics, ils sont soustraits au droit d'accès.

Ainsi, le dossier complet dont disposait le TAPI lui permettait de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'objet du litige. Il n'a dès lors pas violé le droit d'être entendue de la recourante en refusant les actes d'enquête sollicités.

Partant, le grief de la recourante sera écarté.

Pour les mêmes motifs, il ne sera pas donné suite aux mêmes actes d'instruction demandés par la recourante devant la chambre de céans.

3) a. L'objet du litige porte sur le refus de l'OCIRT de délivrer à la recourante une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. D______.

b. La chambre administrative ne peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée. En revanche, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA).

4) La procédure de demande d'autorisation de séjour à la base du présent litige a été initiée le 12 juin 2019, soit après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, d'une modification de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (aLEtr), devenue la loi sur les étrangers et l'intégration (LEI - RS 142.20) et de ses ordonnances d'application notamment l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). La cause est soumise au nouveau droit (art. 126 al. 1 LEI a contrario et arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1), étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques.

5) Si une autorisation de séjour ou de courte durée a été octroyée en vertu d'une disposition d'admission pour un séjour avec un but déterminé, une nouvelle autorisation est requise si le but du séjour change (art. 54 OASA). Lorsque le but du séjour est atteint, l'étranger titulaire de l'autorisation est tenu de quitter la Suisse, à moins qu'il n'obtienne une autorisation de séjour à un autre titre (Directives et commentaires du SEM [Secrétariat d'État aux migrations, ci-après : SEM], Domaine des étrangers, du 25 octobre 2013, état au 1er novembre 2019 [ci-après : Directives LEI], ch. 3.4.5).

En l'espèce, M. D______ a d'abord bénéficié d'une autorisation de séjour pour études, puis pour regroupement familial. À la suite de son divorce, l'OCPM a révoqué celle-ci et a décidé de son renvoi de Suisse. Aussi, son employeur devait requérir une nouvelle autorisation fondée sur le motif de l'exercice d'une activité lucrative s'il entendait le garder à son service.

6) a. Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11 al. 1 LEI).

b. L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/362/2019 du 2 avril 2019).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/494/2017 du 2 mai 2017). En raison de sa formulation potestative,
l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à l'autorisation sollicitée par un éventuel employé. De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3).

c. En vertu de l'art. 21 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé.

Il ressort de cet alinéa que l'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE/AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers [ci-après : Message LEtr], FF 2002 3469 ss, p. 3537 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.1). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2012 du 1er avril 2013).

Les employeurs sont tenus d'annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement (ci-après : ORP) les emplois vacants qu'ils présument ne pouvoir repourvoir qu'en faisant appel à du personnel venant de l'étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l'exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l'ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu'ils déploient des efforts en vue d'offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, Chapitre 4 Séjour avec activité lucrative, du 25 octobre 2013, état au 1er avril 2020 [ci-après : Directives LEI, chapitre 4], ch. 4.3.2.1 ; ATAF 2011/1 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 du 13 mars 2014 consid. 6.4).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE conformément à l'art. 21
al. 1 LEI et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3). L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (Directives LEI, chapitre 4, ch. 4.3.2.2 ; ATAF 2011/1 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4). Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l'employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1).

d. En dérogation à l'art. 21 al. 1 LEI, un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de sa formation continue en Suisse pour trouver une telle activité (art. 21 al. 3 LEI). Dans ce cas, l'employeur ne devra notamment plus démontrer qu'il n'a pu trouver une personne correspondant au profil requis en dépit de ses recherches (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 précité consid. 5.3.2 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2, Loi sur les étrangers, 2017, p. 171 n. 23).

La notion d'« intérêt économique » du pays est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail (Message LEtr, FF 2002 3469 ss, p. 3485s. et p. 3536). Il s'agit des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. En outre, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier. En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'oeuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (art. 23 al. 3 LEI ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; Marc SPESCHA/Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2ème éd., 2015, p. 173 ss).

Une activité lucrative revêt un intérêt économique prépondérant lorsqu'il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d'oeuvre dans le secteur d'activité correspondant à la formation et que l'orientation suivie est hautement spécialisée et en adéquation avec le poste à pourvoir. Cette précision garantit que ce régime particulier ne s'applique que lorsqu'il y a effectivement pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité (par exemple informaticiens, médecins, enseignants ou encore infirmier diplômés) et que des personnes au chômage établies en Suisse ou provenant des pays de l'UE/AELE ne peuvent accomplir cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.2 ; Rapport de la Commission des institutions publiques du Conseil national du 5 novembre 2009 relatif à l'initiative parlementaire visant à faciliter l'admission et l'intégration des étrangers diplômés d'une haute école suisse, FF 2010 373, p. 384 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 172 n. 26). L'admission de cette catégorie de personnes a lieu sans examen de règle sur l'ordre de priorité des travailleurs. Une activité lucrative revêt également un intérêt économique prépondérant lorsque l'occupation du poste permet de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse (Directives LEI, chapitre 4, ch. 4.4.6 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-674/2011 du 2 mai 2012 consid. 6).

En dépit de l'importance des impératifs du marché du travail et des considérations économiques d'ordre général, il est souvent nécessaire de prendre encore en compte, lors de l'examen des demandes, d'autres critères se rapportant à la tâche de l'étranger ou à sa personne (formation, intérêts de l'État, aspects politiques et sociaux). Ainsi, par exemple, les demandes déposées par les professeurs d'Université, les séjours de perfectionnement ou les demandes présentées sur la base de la réciprocité ne sauraient être examinés dans la seule optique du marché du travail (art. 32 OASA ; Directives LEI, chapitre 4, ch. 4.3.2.1).

La référence aux « autres travailleurs qualifiés » devrait notamment permettre d'admettre des travailleurs étrangers en tenant davantage compte des exigences du marché de l'emploi que de la fonction exercée ou de la spécificité de la formation suivie, cela pour autant que les prestations offertes par le travailleur étranger concerné ne puissent être trouvées parmi la main-d'oeuvre résidente au sens de l'art. 21 LEI. Il demeure toutefois que le statut du séjour durable reste réservé à la main-d'oeuvre très qualifiée et qu'il est nécessaire que le travailleur en question ait les connaissances spéciales et les qualifications requises (Message LEtr, FF 2002 3469 ss, p. 3540).

Peuvent profiter de la dérogation de l'art. 23 al. 3 let. c LEI, des travailleurs moins qualifiés, mais qui disposent de connaissances et de capacités spécialisées indispensables à l'accomplissement de certaines activités, par exemple le travail du cirque, le nettoyage et l'entretien d'installations spéciales ou la construction de tunnels. Il doit toutefois s'agir d'activités ne pouvant pas, ou alors de manière insuffisante, être exécutées par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE (Message LEtr, FF 2002 3469 ss, p. 3541).

7) En l'espèce, la recourante a, le 12 juin 2019, déposé une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative au sens de l'art. 18 let. b LEI en faveur de M. D______. Il convient dès lors d'examiner si les autres conditions cumulatives de cette disposition sont réalisées.

M. D______, diplômé de l'UNIGE, a bénéficié d'une autorisation de séjour pour études, puis pour regroupement familial, respectivement du 18 septembre 2012 au 15 septembre 2015 et du 18 juin 2016 au 17 juin 2019, étant relevé que l'annonce de son divorce du 7 juin 2017 aurait entraîné le réexamen de ses conditions de séjour. Ainsi, l'art. 21 al. 3 phr. 2 LEI ne lui est pas applicable. L'ordre de priorité prévu à l'art. 21 al. 1 et 2 LEI doit dès lors être appliqué.

Ainsi, comme relevé à juste titre par l'OCIRT puis retenu par le TAPI, les recherches pour le remplacer auraient dû commencer en juin 2017 déjà. Or, la recourante, en lieu et place d'y procéder, a engagé M. D______ le 7 janvier 2019 comme chef de projets mobilité et collaborateur scientifique. Elle a publié via plusieurs canaux, du 12 au 31 janvier 2019 et transmis à l'OCE, une première annonce d'offre d'emploi pour un chef de projet à 80 %. Elle a diffusé une deuxième offre d'emploi pour un conseiller et expert IT en gestion de la mobilité à 80 %, entre le 1er avril et le 15 mai 2019, sur des plateformes suisses et européennes généralistes de recherche d'emplois, dont celle de l'OCE et des sites spécialisés en la matière, en particulier dans les pays francophones et anglophones de l'UE/AELE.

Par ailleurs, au regard des compétences spécifiques exigées pour l'emploi à pourvoir, ce qui n'est pas disputé, la publication des annonces auprès de l'OCE et via le système EURES, Pôle emploi et d'autres canaux aussi bien sous format papier qu'électronique ne peuvent pas être considérées comme une démarche suffisante. La recourante a en particulier fait l'impasse sur les écoles d'ingénieurs et polytechniques suisses et européennes. De son propre aveu, elle n'a pas non plus fait appel à des sociétés privées spécialisées dans le placement en raison des coûts élevés. La seule société de placement qui apparaît dans le dossier, active dans le domaine de l'informatique, de la finance, de l'industrie, du management et des ressources humaines, n'a pu pousser ses brèves recherches de candidats dans ses bases de données en janvier 2019, les protagonistes ne s'étant pas entendus sur les termes du mandat, en particulier le budget.

La recourante n'a de même engagé aucun des candidats proposés par l'OCE les 28 janvier et 9 mai 2019, pour la raison qu'ils manquaient de formation en mobilité. Certes, la difficulté à trouver une main-d'oeuvre qualifiée dans ce domaine ressort du rapport de l'OFROU de 2013. Le nombre de personnes formées a néanmoins augmenté dans cette branche, en Suisse et en Europe, au vu notamment de l'intérêt croissant des institutions publiques et des entreprises en matière de mobilité. Les annonces de la recourante entre les 12 et 31 janvier 2019, puis 1er avril et 15 mai 2019, n'ont pas été publiées suffisamment longtemps pour espérer toucher les personnes ayant un tel profil, notamment dans certains pays de l'UE/AELE, dont la France. Pôle emploi a adressé à la recourante un courrier pour lui demander si le poste mis au concours avait été repourvu ou s'il devait garder dans son système l'offre d'emploi ouverte. La recourante n'a cependant pas donné suite à ce courrier.

Elle a offert une formation interne de vingt-quatre mois à M. D______. Elle concède que la formation de son remplaçant est envisageable à la condition qu'il soit bilingue français/anglais et au bénéfice d'une expérience de déploiement de logiciels SaaS et en gestion de la mobilité. Elle n'exclut donc pas une telle possibilité.

Il apparaît ainsi qu'au lieu de déployer les efforts nécessaires pour trouver une personne sur le marché local ou sur celui de l'UE/AELE, la recourante a favorisé M. D______ dont elle connaissait déjà les qualités professionnelles et qui, selon elle, répondait en tous points aux exigences du poste. Or, celle d'une expérience de la solution B______ est incompatible avec le respect de l'ordre de priorité dans la mesure où elle exclut les candidats qui ne sont pas familiarisés avec ce logiciel alors même que la recourante, selon ses propres dires, serait la seule à l'exploiter sur le marché C______ de la mobilité en entreprises.

Il ressort de ce qui précède que la recourante n'a pas effectué les recherches exigées afin de trouver un ressortissant suisse ou de l'UE/AELE apte à occuper la fonction mise au concours, étant rappelé que les difficultés liées à une telle recherche ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI. Elle n'est ainsi pas parvenue à démontrer qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE/AELE ne pouvait être recruté, en lieu et place de M. D______.

Les éléments susmentionnés démontrent au contraire que l'engagement de l'intéressé pour le poste mis au concours repose sur des motifs de pure convenance personnelle de la recourante, voire de M. D______, incompatibles avec le principe de priorité du recrutement. Même si M. D______ se trouvait déjà en Suisse au moment où la recourante l'a engagé, celle-ci a mis l'autorité devant le fait accompli en procédant à son engagement avant d'avoir obtenu l'autorisation de prise d'emploi nécessitée par sa perte de statut administratif du fait de son divorce.

Enfin, M. D______ n'entre pas dans les catégories de travailleurs qualifiés mentionnées à l'art. 23 al. 3 let. c LEI, dès lors que les formations qu'il a acquises, tant au E______, qu'en Suisse, ne l'ont pas dispensé d'en faire une supplémentaire en interne pendant deux ans avec les outils de la recourante. Une telle formation, qui engendre certes un coût pour la recourante, n'en est pas moins possible.

Par conséquent, les conditions relatives à l'admission d'un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée étant cumulatives et le défaut de l'une d'entre elles dans le cas d'espèce étant avéré, soit le non-respect de l'ordre de priorité, tant l'OCIRT que le TAPI n'ont pas violé le droit ni abusé de leur pouvoir d'appréciation en refusant de donner suite à la demande de la recourante tendant à la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. D______.

Au demeurant, la recourante, a par contrat de mandat du 15 septembre 2019, trouvé une solution qui lui permet de continuer de bénéficier des services de M. D______. Même si la distance engendre quelques difficultés, celles-ci ne semblent pas insurmontables au point de mettre en péril ses affaires et d'appeler une exception à l'ordre de priorité.

Le jugement du TAPI étant conforme au droit, le grief de la recourante sera dès lors écarté.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al.1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2020 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Tobias Zellweger, avocat de la recourante, au Tribunal administratif de première instance, à office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.