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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1315/2003

ATA/891/2003 du 02.12.2003 ( GC ) , REJETE

Descripteurs : VOISIN; AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PLAN DIRECTEUR; PLAN D'AFFECTATION; OPPORTUNITE; POUVOIR D'APPRECIATION; IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT; DEGRE DE SENSIBILITE; BRUIT; GC
Normes : LPA.61 al.2; LAT.33 al.3 litt.b; LAT.6 al.1; LAT.9 al.1; LAT.21 al.2; LPE.9; LPE.11 al.2; OPB.43; LGZD.1 ss; LALAT.11A al.1; LALAT.11A al.2; LALAT.19 al.2; OEIE.5 al.3; LaLPE.15 al.2
Résumé : Le Tribunal administratif n'est pas compétent pour revoir l'opportunité d'un plan d'affectation adopté par le Grand Conseil. La force obligatoire du plan directeur s'applique aux autorités dans la mesure où elles exercent des activités ayant des effets sur l'organisation du territoire. Cette force obligatoire s'attache tant au concept de l'aménagement cantonal qu'au schéma directeur cantonal (fiches de projets et mesures + carte). Analyse, en l'espèce, de la conformité d'un plan de modification de limites de zone (densification par changement du régime des zones) au regard du plan directeur cantonal. Le rôle d'un plan directeur est de tracer les lignes directrices de l'aménagement du territoire cantonal, ce document doit ainsi être interprété de façon plus souple qu'un texte de loi, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'analyser des critères d'évaluation d'un projet, et non des conditions formelles à son admissibilité. L'étude d'impact sur l'environnement n'est pas nécessaire au stade du plan d'affectation général. Analyse de la conformité du plan concerné avec le droit fédéral en matière d'exposition au bruit. Plan de modification des limites de zone admis en l'espèce, recours rejeté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 2 décembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

COMMUNE DE M.

représentée par Me Daniel Perren, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

GRAND CONSEIL

 



EN FAIT

 

 

1. Dans le cadre de l'établissement du nouveau plan directeur cantonal (ci-après: plan directeur), appelé à remplacer celui de 1989, le Grand Conseil (ci-après: GC) a adopté le concept de l'aménagement cantonal (ci-après: concept de l'aménagement) le 8 juin 2000 et le schéma directeur cantonal (ci-après: schéma directeur) le 21 septembre 2001. Le plan directeur a reçu l'approbation du Conseil Fédéral (ci-après: CF) le 14 mars 2003.

 

2. Par lettre du 12 mars 2001, le Conseiller d'état responsable du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: DAEL) a informé le Conseil administratif de la commune de M. (ci-après: conseil administratif) de la décision du Conseil d'Etat (ci-après: CE) de déclasser en zone de développement 4A une surface non bâtie (à l'exception d'une villa de 110 m2) d'environ 46'600 m2 située jusque-là en zone de développement 5 (villas), au lieu dit "C.", feuille n° 25 de la commune de M. (ci-après : la commune).

 

Sis le long de la route du Nant-d'Avril, entre la rue Alphonse-Large et la rue Emma-Kammacher, le secteur en cause est entouré, au sud, à l'est et au nord-est, par une zone de développement industriel et artisanal et, au nord/nord-ouest, par le reste de la zone de développement 5, déjà construit, lequel est séparé d'une zone de développement 4B par la rue Edmond-Rochat et le chemin du Vieux-Bureau.

 

Ce périmètre est constitué de huit parcelles, dont deux sont propriété de l'Etat, quatre appartiennent à des propriétaires privés et deux sont des chemins d'accès du domaine public. Un degré de sensibilité III (ci-après : DS III) leur a été attribué par le projet de loi modifiant les limites de zones.

 

Cette mesure de déclassement répondait à l'un des objectifs fixés par le concept de l'aménagement, soit la densification de la zone villas par modification du régime des zones.

 

3. Le projet de modification des limites de zones n°29173-526, portant sur le lieu dit "C.", a été transmis à la commune en annexe de ce courrier, de même que l'avant-projet de loi et l'exposé des motifs y relatif.

 

4. Par courrier du 28 mars 2001, le conseil administratif a fait part au président du DAEL (ci-après: président) des raisons de son désaccord concernant ledit déclassement.

 

La zone villas ne représentait que 14% de la zone à bâtir de la commune, ce qui était faible comparé à la majorité des communes du canton.

 

Le conseil administratif était favorable à l'idée de densifier la zone en question à hauteur de 40%, ce qui permettait de maintenir son affectation initiale, l'adoption de cette mesure nécessitant toutefois au préalable diverses études de faisabilité.

 

Une densification plus importante poserait de gros problèmes en termes de gestion du trafic induit, d'insuffisance des équipements publics disponibles (notamment scolaires) et de carence dans la desserte du lieu par les transports publics.

 

Des problèmes de cohabitation ne manqueraient pas de surgir suite à l'enserrement de la zone villas déjà bâtie entre la zone de développement 4B et la nouvelle zone de développement 4A. Un tel encerclement apparaissait ainsi inopportun.

 

Enfin, le périmètre concerné par le déclassement représentait le seul endroit encore susceptible d'accueillir des villas sur la commune, constituant ainsi une réserve importante en vue de satisfaire une certaine demande de la population.

 

Une analyse concrète des conditions prévalant dans ce secteur de la commune conduisait dès lors au rejet de la mesure préconisée par le CE.

 

5. L'ensemble des services concernés au sein du DAEL et du département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement ont préavisé favorablement l'avant-projet du CE, à l'exception de trois d'entre eux :

 

- Compte tenu de l'affectation d'un DS III, le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants a donné un préavis favorable, sous réserve cependant de la création d'une zone tampon, affectée à des activités peu sensibles aux nuisances sonores, entre la route du Nant-d'Avril et la zone d'habitation.

 

- L'office des transports et de la circulation (ci-après: OTC) s'est quant à lui déclaré réservé, dans l'attente d'un examen de la "vocation réelle" du secteur en cause.

 

- Quant au service cantonal de protection de l'air, il s'est déclaré favorable sous réserve, considérant que si l'on voulait prendre en compte l'appréciation des nuisances existantes par rapport à la qualité de l'air, le périmètre "C." ne devait pas être sélectionné.

 

6. L'avant-projet du CE a été mis à l'enquête publique du 2 mai au 2 juin 2001.

 

7. Par courrier du 17 mai 2001, le président a rejeté les arguments avancés par la commune.

 

L'intérêt supérieur du canton à trouver des solutions à la crise du logement devait l'emporter sur une analyse strictement communale des problèmes.

 

8. Répondant à cet envoi par lettre du 14 juin 2001, la commune a rappelé les efforts déjà consentis, ainsi que les autres projets en cours sur son territoire, mieux adaptés en termes d'équipements et de transports publics.

Il n'était pas envisageable d'aborder cette problématique sous un angle strictement cantonal, en faisant abstraction du contexte local.

 

9. Le 9 octobre 2001, le conseil municipal de M. (ci-après: conseil municipal) a adopté une délibération refusant la modification du régime des zones telle qu'elle figurait dans le plan n° 29173-526 et demandant au CE de tout mettre en oeuvre pour réaliser le plan localisé de quartier en force depuis 1994.

 

10. Le préavis défavorable de la commune a été suivi, le 4 décembre 2001, par une rencontre entre une délégation de plusieurs membres du CE et le conseil administratif.

 

Le CE a alors annoncé son intention de déposer un projet de loi portant sur le déclassement du périmètre en question. La surface de ce dernier avait cependant été légèrement réduite afin de permettre la construction de deux villas souhaitées par certains propriétaires.

 

11. Le projet de loi n°8668 (ci-après: PL 8668) portant sur la modification des limites de zones de la commune selon le plan n° 29173A-526 annexé, accompagné de l'exposé des motifs, a été déposé auprès du secrétariat du GC le 21 décembre 2001.

 

En substance et en résumé, la politique de densification de la zone villas par modification des limites de zones s'appuyait sur l'objectif premier de la loi sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) visant à assurer une utilisation mesurée du sol, objectif réaffirmé dans le concept de l'aménagement, lequel prescrivait d'utiliser en priorité et de manière judicieuse les zones à bâtir existantes.

 

La situation de crise du logement actuelle nécessitait une réponse urgente pour mettre à disposition des zones rapidement constructibles, comme la densification des zones villas et, dans une mesure limitée, le déclassement de zones agricoles en continuité de zones à bâtir.

 

Le CE avait lancé un premier train de mesures de déclassement concernant 12 périmètres situés en zone villas, dont le périmètre "C.", représentant un potentiel de l'ordre de 3000 logements. Cette sélection s'appuyait sur l'inventaire des périmètres reportés dans le schéma directeur.

 

12. La procédure d'opposition a été ouverte du 25 janvier au 25 février 2002.

 

13. Le 29 janvier 2002, le conseil municipal a adopté une résolution acceptant que l'indice d'utilisation du sol du secteur en cause soit porté à 40%.

 

14. Les propriétaires du quartier de M.-Village Ouest et l'association Pic-Vert, chargée de la protection des villas et de leur environnement, ont formé opposition, respectivement les 20 et 21 février 2002.

 

15. La commune a, quant à elle, formé opposition le 25 février 2002, reprenant en substance les griefs exposés lors des différents échanges de correspondance avec le président. Elle s'étonnait par ailleurs de ce qu'aucune étude d'impact n'ait été menée à propos des influences du déclassement sur le trafic routier.

 

L'attribution au périmètre concerné d'un DS II était impossible, compte tenu du bruit enregistré, raison pour laquelle le PL 8668 avait choisi un DS III, alors même qu'un DS II avait été attribué aux zones de développement 4A et 4B par les autres projets de loi portant sur des déclassements. Ainsi, le niveau de bruit enregistré aurait dû conduire le CE à constater que le site était impropre à la réalisation d'une zone d'habitations dense et à renoncer au déclassement. Au lieu de cela, le PL 8668 consacrait un contournement des exigences de protection prévues par la législation fédérale.

 

Le fait d'avoir déclassé le périmètre en zone de développement 4A (plutôt que 4B), laquelle autorisait l'accueil d'activités artisanales, permettait au CE de donner l'apparence du respect de ces normes. Cette classification n'avait cependant aucun rapport avec les motifs du PL 8668, soit la lutte contre la pénurie de logements, et ne visait qu'une conformité artificielle avec le droit fédéral.

 

16. Après avoir entendu la commune et l'association Pic-Vert, la commission d'aménagement chargée d'étudier le PL 8668 a déposé son rapport auprès du secrétariat du GC le 26 novembre 2002.

 

a. Malgré l'opposition de la commune, ainsi que le refus de vendre émis par les propriétaires des parcelles concernées, elle a voté les deux premiers articles du PL 8668, soit l'approbation du plan n° 29173A-526 et l'attribution d'un DS III aux biens-fonds compris dans le périmètre concerné.

 

b. Elle s'est ensuite prononcée sur les oppositions, qu'elle a rejetées.

 

Les dispositions 3 et 4 du PL 8668 ont dès lors été acceptées.

 

17. En prévision de la séance du GC du 30 janvier 2003, la commune a réaffirmé son opposition au projet de loi dans une lettre adressée à son président le 28 janvier 2003.

 

18. La loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune (création d'une zone de développement 4A) (8668) a été adoptée par le GC le 27 juin 2003, lequel faisait siens les motifs exposés par sa commission d'aménagement à propos du traitement des oppositions. Elle a été publiée, par arrêté du CE, dans la feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) du 4 juillet 2003.

 

19. Le 30 juillet 2003, la commune, maintenant sa position, a formé recours contre cette loi auprès du Tribunal administratif. Elle a conclu à l'annulation et à la mise à néant de la loi susmentionnée n° 8668. Ses arguments seront analysés en tant que de besoin dans le raisonnement qui va suivre.

 

20. Aucun référendum n'ayant été déposé, le CE a promulgué la loi par arrêté du 19 août 2003, paru dans la FAO du 22 août 2003.

 

21. Dans sa réponse, déposée au greffe du Tribunal administratif le 10 octobre 2003, le GC a conclu au rejet du recours. Les arguments avancés seront analysés en tant que de besoin dans le raisonnement ci-après.

 

22. Sur demande du juge délégué du 28 octobre 2003, le GC, par l'intermédiaire du président du CE, a communiqué au tribunal de céans l'étude d'aménagement du périmètre en cause établie au printemps 2002.

 

Jugée incomplète en l'état par le président du CE, qui se basait sur le préavis intermédiaire de la commission d'urbanisme du 23 mai 2002, les suites à donner à cette étude allaient être évaluées par la direction de l'aménagement du territoire à l'issue du recours présentement soumis au Tribunal administratif.

 

EN DROIT

 

 

1. Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours à l'encontre des lois par lesquelles le GC adopte les plans de zones (art. 35 al. 1 de la loi d'application de la loi d'aménagement du territoire du 4 juin 1987; LaLAT - L 1 30). Le délai est de 30 jours dès la publication de l'arrêté de promulgation de la loi dans la FAO (art. 35 al. 2 LAT).

 

En l'espèce, le recours formé par la commune a été déposé au greffe de la Cour de justice le 30 juillet 2003, lequel l'a transmis au tribunal de céans, alors que l'arrêté de promulgation de la loi n° 8668 a été publié le 22 août 2003. Partant, le recours a été déposé prématurément. L'interdiction d'un formalisme excessif conduit cependant le tribunal de céans à ne pas tenir compte de cette précipitation.

 

Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs remplies (art. 35 al. 3 et 4 LaLAT), de sorte que le recours est recevable.

 

2. a. Le pouvoir d'examen juridictionnel à propos des décisions appliquant les principes essentiels d'aménagement du territoire doit être reconnu de façon assez large, dans la mesure où la transgression de ces principes n'est pas seulement inopportune, mais constitue également une violation du droit (Office fédéral de l'aménagement du territoire, Études relatives à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne 1981, p. 93). Cependant, la présence dans la LAT d'un nombre important de notions juridiques indéterminées laisse à l'autorité chargée de son application une marge d'appréciation limitée seulement, en fin de compte, par l'excès ou l'abus (ibid.).

 

Le pouvoir de contrôle que se reconnaît le Tribunal fédéral en cette matière se limite à admettre ou non le ou les intérêts publics justifiant une telle mesure d'aménagement (ATF 119 Ia 411, consid. 2c), ainsi qu'à se livrer à l'examen du respect du droit fédéral sur lequel se fonde ou aurait dû se fonder l'acte litigieux (ATF 121 II 430, consid. 1c; ATF 121 II 72, consid. 1a).

 

De plus, la délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 108 Ib 479, consid. 3c), et le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (art. 61 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé que le GC, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (ATF 1A.140/1998 - 1P.350/1998 du 27 septembre 2000, consid. 3; ATF 1P.444/2001 du 29 novembre 2001, consid. 3b bb).

Telles doivent être les considérations réglant en matière de recours contre les plans d'affectation le pouvoir d'examen du tribunal de céans, qui, outre le droit fédéral, contrôle aussi l'application du droit cantonal (art. 69 al. 1 LPA).

 

b. S'agissant plus particulièrement de l'opportunité, il découle de l'article 33 alinéa 3 lettre b LAT que les plans d'affectation doivent pouvoir être soumis, sur recours, à une autorité jouissant d'un libre pouvoir d'appréciation. Le Tribunal administratif n'est cependant pas habilité à examiner l'opportunité des mesures d'aménagement dont il a à connaître sur recours (art. 61 al. 2 LPA et 35 LaLAT; Jean-Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p.526; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10). Le tribunal de céans ne peut donc revoir un plan d'affectation que sous l'angle de la légalité, son opportunité n'étant examinée qu'au stade de l'opposition, le GC ayant un plein pouvoir d'examen.

 

3. a. Le plan directeur est obligatoire pour les autorités cantonales et communales dès son approbation par le GC (ATA C. du 21 janvier 2003); les autorités fédérales et celles des cantons voisins sont quant à elles liées par ce plan suite à son approbation par le CF (art. 11 al. 2 LAT). Ce dernier vérifie que le plan est conforme au droit fédéral, notamment aux buts et aux principes décrits par la LAT.

 

La force obligatoire du plan directeur s'applique aux autorités dans la mesure où elles exercent des activités ayant des effets sur l'organisation du territoire (art. 9 al. 1 LAT et art. 1 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 - OAT - RS 700.1; art. 11A al. 1 LaLAT) et se limite au contenu minimum imposé par l'article 8 LAT (La force obligatoire des plans pour les autorités : une mise en oeuvre difficile, in : Territoire & Environnement 2001, ASPAN, mars 2002, pp. 45-46; Piermarco ZEN-RUFFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, § 245, p.114 et § 247, p. 116).

 

A Genève, le plan directeur se compose du concept de l'aménagement et du schéma directeur, lequel est à son tour constitué de fiches de projets et de mesures, ainsi que d'une carte. L'effet obligatoire du plan directeur, tel qu'il découle de l'article 8 LAT, doit ainsi être interprété comme s'attachant à l'ensemble des différents éléments susmentionnés.

 

b. Selon l'article 21 alinéa 2 LAT, les plans d'affectation feront l'objet des adaptations nécessaires lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées.

 

4. A Genève, le plan directeur, dans sa teneur actuelle, est obligatoire pour les autorités cantonales et communales, dans les limites précédemment exposées, depuis le 21 septembre 2001.

 

a. En matière d'espace urbain, le concept de l'aménagement comprend plusieurs objectifs visant à répondre à la crise du logement qui sévit dans le canton et qui s'inscrivent dans le prolongement des principes prévus à l'article 11A alinéa 2 LaLAT, à savoir notamment :

 

- Utiliser, en priorité et de manière judicieuse, les zones à bâtir existantes, tout en veillant à conserver les qualités et la diversité des secteurs urbanisés et à respecter les sites de valeur, la préférence étant donnée aux solutions qui prévoient un usage mesuré du sol (Plan directeur cantonal, Concept de l'aménagement cantonal, objectif 2.2, p. 27);

 

- Densifier les zones à bâtir actuelles de manière différenciée (ibid., objectif 2.12, p. 36).

 

Parmi les moyens avancés pour atteindre ce dernier objectif, le concept de l'aménagement préconise, en périphérie urbaine :

 

- De densifier les terrains libres qui s'y prêtent, situés en 5ème zone destinée aux villas, par modification du régime des zones;

 

- D'encourager, dans d'autres secteurs, le recours à l'indice d'utilisation de 0.4;

 

- De maintenir une faible densité dans les secteurs qui ont valeur de site;

 

- De créer, dans des cas qui s'y prêtent, de nouvelles zones de développement sur certains secteurs déjà bâtis de la zone destinée aux villas;

 

- De favoriser une taille critique suffisante pour les nouveaux développements de manière à assurer leur accessibilité optimale par les transports collectifs.

(ibid., pp.36-37)

 

Le concept de l'aménagement explique ainsi que la 5ème zone bénéficie encore d'une importante réserve à bâtir et ne doit, en principe, pas être étendue. Les réserves de taille importante, localisées près des axes de transports publics et proches de zones déjà denses, pourront dès lors être densifiées par modification du régime des zones (ibid., p. 38).

 

b. Chargé de préciser le concept de l'aménagement, le schéma directeur prescrit que "les possibilités de densification par modification de zones sur des terrains libres sont évaluées selon les critères suivants :

 

- Terrain libre d'une certaine superficie (plus de 3'000 m2);

 

- Dévestiture existante ou potentielle par les transports publics;

 

- Niveau des équipements;

 

- Contiguïté avec une urbanisation ou une zone plus dense;

 

- Caractéristiques du site (naturel/bâti), nuisances"

 

(Plan directeur cantonal, Schéma directeur cantonal, Projets et Mesures, fiche 2.03).

 

 

Il est en outre précisé que "dans certains cas, [ces périmètres] seront destinés à des activités compte tenu de leur situation, dans des secteurs soumis à des nuisances sonores, ou en contiguïté d'une zone industrielle, ou encore le long de voies urbaines structurantes" (ibid.).

 

Par ailleurs, "les équipements publics de quartier, ainsi que la desserte en transports publics, sont à planifier simultanément aux projets d'urbanisation (compétence communale)" (ibid.).

 

La mise en oeuvre de la fiche 2.03 propose une série d'actions à mener et de mesures de coordination, dont notamment celles de prévoir les déclassements de la zone villas en priorité sur des terrains non ou peu construits et de prendre toutes les mesures pour assurer la mise en place simultanée des moyens de transports publics et de l'urbanisation (procédures, financement, contrats de prestations TPG).

 

Enfin, la carte du schéma directeur, qui répertorie les secteurs relevant de l'application des principes et mesures préconisés par le plan directeur, mentionne notamment, avec un renvoi à la fiche 2.03, le périmètre "C.". Ce dernier figure également dans la liste indicative annexée à cette même fiche.

 

c. Le CF a jugé que les principes arrêtés en matière d'urbanisation par le plan directeur étaient conformes aux buts et aux principes de la LAT (Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication - Office fédéral du développement territorial, Plan directeur du canton de Genève - Remaniement 2001 - Rapport d'examen du 7 février 2003, p.8). Les moyens retenus par le plan directeur pour répondre à la crise du logement (densification de la zone à bâtir existante) a par ailleurs été admis, sous l'angle de l'aménagement du territoire, par le Tribunal fédéral (ATF 1P.444/2001 du 29 novembre 2001, consid. 3b bb, et les jurisprudences citées; ATF 113 Ia 266, consid. 3a).

 

5. Reste à savoir si, dans le cas d'espèce, le déclassement en zone de développement 4A du périmètre "C." satisfait aux exigences de la LAT et du plan directeur.

 

6. Ce périmètre se situe en zone de fonds agricole et en zone de développement 5 depuis 1962. Il y a dès lors lieu d'admettre que la situation du logement à Genève s'est sensiblement modifiée au sens de l'article 21 alinéa 2 LAT (cf. ATA A. du 15 mai 2001, confirmé par l'ATF 1P.444/2001 du 29 novembre 2001, consid. 3b aa). Deux plans directeurs se sont par ailleurs succédé depuis lors.

 

7. Le fait que le périmètre "C." figure sur la carte du schéma directeur adopté par le GC et approuvé par le CF entraîne nécessairement une forte présomption quant à sa validité au regard de l'un des intérêts publics poursuivis par le plan directeur (réponse à la crise notoire du logement à Genève par l'utilisation rationnelle du potentiel existant de la zone à bâtir, respectivement de la zone villas), ainsi que des critères contenus dans le schéma directeur à sa fiche 2.03.

 

Il sied néanmoins de vérifier si ces critères ont été suffisamment pris en compte par le GC lors de l'adoption de la loi n° 8668, étant rappelé la marge d'appréciation importante laissée à cette autorité politique, et souligné par le fait qu'il s'agit en l'occurrence de critères et non de conditions. Ces derniers doivent ainsi servir, tout au plus, à évaluer une situation donnée au regard des buts d'aménagement poursuivis.

 

8. a. Le premier critère (surface du terrain) ne pose pas de problèmes et n'est pas contesté. Le tribunal de céans relève simplement que de par sa superficie importante, le périmètre "C." est propre à constituer un élément très appréciable au regard des objectifs du concept de l'aménagement précédemment mentionnés.

 

b. Le tribunal de céans observe, à la lecture du plan de desserte produit par l'autorité intimée, que la ligne 9 des TPG comprend deux arrêts situés à proximité du centre du périmètre "C.", soit respectivement dans un rayon d'environ 300 et 400 mètres. La ligne du RER (Cornavin-Satigny), quant à elle, se situe dans un rayon d'environ 400 mètres. Le déclassement du secteur en cause répond ainsi et en l'état de façon satisfaisante au critère de la dévestiture existante par les transports publics.

 

Cette desserte pourra, le cas échéant, être améliorée dans un stade ultérieur de la planification, comme le prescrit la fiche 2.03. Il n'appartient en effet pas à un plan d'affectation général, tel le plan de modification des limites de zones querellé, de régler de façon précise cette question, ce rôle étant assigné à un plan d'affectation spécial au sens de l'article 13 LaLAT.

 

c. S'agissant du niveau des équipements, la recourante invoque une carences des voies d'accès et des capacités d'accueil scolaire. Ces questions devront principalement être prises en compte lors de la phase de planification spéciale. Ainsi, à titre d'exemple, l'article 13 alinéa 2 LaLAT indique que les plans localisés de quartier, visés par l'alinéa 1, lettre a, de cette même disposition, comprennent les programmes d'équipements au sens de l'article 19 LAT, soit notamment les voies d'accès.

 

Pour le surplus, le périmètre de "C." est longé par un axe important, soit la route du Nant-d'Avril. Deux rues bordent ce terrain, respectivement la rue Alphonse-Large et la rue Emma-Kammacher, et deux voies pénètrent dans la zone, à travers les villas construites, depuis le chemin Edmond-Rochat.

 

Il apparaît dès lors que ce maillage est suffisant pour satisfaire le troisième critère d'évaluation du schéma directeur.

 

ca. La commune soulève le problème du trafic de transit. Cette question relève du domaine de l'opportunité dont l'examen n'appartient qu'au GC. On peut tout au plus remarquer qu'un aménagement de nouvelles voies d'accès à partir de la rue Alphonse-Large ou de la rue Emma-Kammacher, sans toutefois les connecter avec le chemin Alphonse-C. et la rue Virginio-Malnati, apparaît possible et permettrait de préserver cette zone du trafic entre la route de M. et celle du Nant-d'Avril. Il appartiendra, le cas échéant, d'analyser la faisabilité de tels aménagements dans un stade ultérieur, cette question ne devant pas être réglée au niveau de l'adoption d'un plan d'affectation général (ATF 113 Ia 266, consid. 3c; ATF 1P.444/2001 du 29 novembre 2001, consid. 3b bb).

 

cb. Concernant les équipements scolaires, la commune dispose, dans un environnement proche, de l'école de Monthoux. Savoir si cet établissement aura la capacité d'accueillir les nouveaux élèves provenant du périmètre "C.", s'il faudra construire le deuxième groupe scolaire ou orienter les élèves vers les autres écoles, n'est pas nécessaire au stade du plan de zones, lequel ne peut être suffisamment précis pour permettre de répondre à ces questions. A nouveau, elle devront être résolues lors de la phase de planification spéciale. Le tribunal de céans relève néanmoins que cette école possède un potentiel d'agrandissement satisfaisant, aux dires de la commune elle-même. La question de sa budgétisation, quant à lui, sort manifestement du cadre du présent litige.

 

d. Selon le quatrième critère fixé par la fiche 2.03, le périmètre sujet au déclassement devrait se trouver en contiguïté avec une urbanisation ou une zone plus denses.

La rédaction de ce paramètre est quelque peu confuse et ouvre la voie à différentes interprétations. A sa lecture, il apparaît en effet que l'adjectif "denses", au pluriel, s'adresse tant au terme "urbanisation" qu'à celui de "zone". Ainsi, il devrait se lire comme "contiguïté avec une urbanisation plus dense ou une zone plus dense". Or, l'expression d'urbanisation plus dense n'a, en droit genevois, aucune signification. Cette imperfection dans l'intitulé du critère n'est cependant pas déterminante en l'espèce.

 

Le rôle d'un plan directeur est de tracer les lignes directrices de l'aménagement du territoire cantonal (art. 6 al. 1 LAT et 8 LAT), ce document doit ainsi être interprété de façon plus souple qu'un texte de loi, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'analyser des critères d'évaluation d'un projet et non des conditions formelles à son admissibilité.

 

En l'espèce, le périmètre "C." est entouré, à l'exception de la zone de développement 5 déjà construite, par une zone de développement industriel et artisanal déjà largement bâtie. Le critère de la densité est irrelevant pour ce type de zone. En outre, s'il est vrai que la zone villa résiduelle n'est pas une zone, ou une "urbanisation", plus dense que la zone 4A projetée, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'un simple critère d'évaluation qui, au vu des circonstances, ne peut raisonnablement permettre, à lui seul, de faire échec au déclassement de la zone.

 

Cela est d'autant plus vrai que l'alternative proposée par la commune, soit la densification de la zone villas sans modification des limites de zones, ne répond que partiellement et de façon insatisfaisante aux buts recherchés par le plan directeur. Le nombre de logements proposé est en effet bien inférieur à ce qui est envisageable dans une zone de développement 4A et ne permettrait en outre pas les aménagements, autorisés par l'article 19 alinéa 2 LaLAT, susceptibles de réduire les nuisances provenant de la zone industrielle environnante et de la route du Nant-d'Avril.

 

Ainsi, dans la mesure où les autres critères du plan directeur sont satisfaits, ajouté au fait que le périmètre en cause figure expressément sur la carte du schéma directeur (lequel a force obligatoire, dans les limites du droit fédéral, pour le pouvoir législatif exerçant ses compétences de planification) comme cas d'application de la fiche 2.03, le déclassement projeté devra être jugé conforme au droit fédéral et cantonal pertinent.

 

e. Enfin, le critère relatif aux caractéristiques du site et aux nuisances laisse une large place à l'appréciation de l'autorité de planification, de sorte que le tribunal de céans doit s'imposer une certaine retenue.

 

Il est simplement relevé que le périmètre "C." se situe en limite de zones et est entouré majoritairement par une zone de développement industriel et artisanal. La modification des limites de zones projetée, dont l'indice usuel sera de l'ordre de 0.8 (Plan directeur cantonal, Concept de l'aménagement cantonal, Mesures d'application de l'objectif 2.12, p.39), ne porte dès lors pas fondamentalement préjudice à la zone de développement 5 résiduelle, ce d'autant moins que les aménagements qui seront décidés lors de la planification spéciale devraient permettre, au vu notamment des préavis des différents services du DAEL, de répondre de façon appropriée aux nuisances sonores. Le schéma directeur prévoit d'ailleurs expressément que certains secteurs visés par la fiche 2.03 seront destinés à des activités compte tenu de leur situation, notamment ceux soumis aux nuisances sonores ou situés en contiguïté d'une zone industrielle, comme c'est le cas en l'espèce. Ces aménagements ne seraient au contraire pas possibles dans le cas de l'alternative proposée par la commune.

 

f. Il apparaît ainsi que le plan n° 29173A-526 visé par la loi n° 8668 satisfait à la quasi totalité des critères d'évaluation prévus par le schéma directeur. Il répond en outre clairement aux buts d'aménagements du plan directeur, lesquels respectent les principes de la LAT.

 

9. a. Pour ce qui est des autres questions soulevées par la recourante concernant l'article 1 alinéa 1 de la loi 8668 du 27 juin 2003 (approbation du plan de déclassement du périmètre "C."), elles sont soit infondées, telles celles ayant trait au rôle "incontournable" de la commune en matière d'application de la LAT, de respect du plan directeur et de déclassement, ainsi que celles portant sur les nuisances relatives au trafic induit (absence d'étude d'impact), soit tirées de considérations d'opportunité exorbitantes de la compétence du tribunal de céans, tels les problèmes de cohabitation, d'enserrement des villas existantes, de conditions de vie des habitants de la zone de développement 5, d'apports financiers générés par les recettes fiscales de la zone villas et de coûts liés à la construction d'un deuxième groupe scolaire à Monthoux.

b. En particulier, la recourante fait une lecture erronée de l'article 11A alinéa 1 et 2 LaLAT, attribuant aux communes un rôle qu'elles n'ont pas. Ces normes prescrivent en effet que le canton et les communes veillent, dans leurs domaines de compétence respectifs, à la conformité des plans d'affectation avec le plan directeur, de même qu'à prendre les mesures nécessaires afin de promouvoir une utilisation rationnelle des réserves de terrains en 5ème zone de construction. Or, en matière de procédure de modification des limites de zones, l'article 16 LaLAT n'octroie qu'une compétence consultative à la commune.

 

c. S'agissant des problèmes liés au trafic induit par les futures constructions, ils entrent dans le champ d'application de l'étude d'impact sur l'environnement prévue par l'article 9 de la loi sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01). Cette disposition ne s'applique cependant pas aux procédures d'adoption ou d'adaptation des plans généraux d'affectation, le droit fédéral n'ayant pas prévu d'étude d'impact à ce stade (ATF 120 Ib 70, consid. 2). En particulier, la planification générale n'est pas une procédure décisive au sens de l'article 5 alinéa 3 de l'ordonnance relative à l'étude d'impact sur l'environnement du 19 octobre 1988 (OEIE - RS 814.011). Elle ne permet en effet pas de connaître de façon suffisamment précise les caractéristiques des constructions et des installations à réaliser pour permettre l'évaluation des immissions de bruit ou d'autres nuisances éventuelles (ATF 1P.81/2001 du 19 avril 2001, consid. 2; Yves NICOLE, L'étude d'impact dans le système fédéraliste suisse, Lausanne 1992, pp. 168-169 et pp. 188 et ss.; Pierre MOOR, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Zurich 1999, ad. art. 14, § 27, p. 13). Ces questions seront abordées lors de l'adoption du plan localisé de quartier (plan d'affectation spécial) requis, en matière de zones de développement, par l'article 2 alinéa 1 lettre a de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

 

10. Le plan n° 29173A-526 doit ainsi être admis et le recours rejeté sur ce point.

 

11. Reste la question de l'attribution au plan susmentionné d'un DS III prévu à l'article 2 de la loi querellée.

 

a. L'article 43 alinéa 1 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) fixe les degrés de sensibilité à appliquer aux zones d'affectation selon les articles 14 et suivants LAT, soit :

 

- Le degré de sensibilité I dans les zones qui requièrent une protection accrue contre le bruit, notamment dans les zones de détente;

 

- Le degré de sensibilité II dans les zones où aucune entreprise gênante n'est autorisée, notamment dans les zones d'habitation ainsi que dans celles réservées à des constructions et installations publiques;

 

- Le degré de sensibilité III dans les zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d'habitation et artisanales (zones mixtes) ainsi que dans les zones agricoles;

 

- Le degré de sensibilité IV dans les zones où sont admises des entreprises fortement gênantes, notamment dans les zones industrielles.

 

Selon l'article 43 alinéa 2 OPB, il est possible de déclasser d'un degré les parties de zones d'affectation du degré de sensibilité I ou II, lorsqu'elles sont déjà exposées au bruit.

 

Les quatre zones auxquelles se réfère cette disposition ne coïncident pas avec les zones du droit fédéral, et encore moins avec celles du droit genevois. Cela résulte du caractère nécessairement schématique de la réglementation en matière de protection contre le bruit (ATF 120 Ib 456 = JdT 1996 I 478, consid. 4c).

 

C'est en premier lieu le niveau de nuisances compatible avec l'affectation de la zone, selon le droit cantonal, qui est déterminant pour l'attribution du degré de sensibilité. La situation de fait, telle que la faible ou forte exposition au bruit de la zone, n'entre donc en principe pas en considération, sous réserve du cas visé par l'article 43 alinéa 2 OPB (Anne-Christine FAVRE, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l'environnement, Bâle 2002, p. 225). Toutefois, la fixation des degrés de sensibilité, en tant qu'elle s'insère dans la procédure de planification, participe à la mise en oeuvre du principe de prévention garanti tant par la LPE que par la LAT (Alain CHABLAIS, Protection de l'environnement et droit cantonal des constructions, Fribourg 1996, p. 134). L'article 43 OPB est une aide à l'orientation, un canton peut ainsi attribuer le DS II à une zone mixte avec forte proportion de logements ou le degré de sensibilité III à une zone de bâtiments et d'installations publics (Béatrice WAGNER PFEIFER, Umweltrecht I, Zurich 1999, p. 87). Une zone d'habitation mixte ne requiert ainsi pas nécessairement l'attribution d'un DS III si elle n'est pas destinée à des activités moyennement gênantes pour le voisinage (ATF 1A.322/2000 du 1er juin 2001, consid. 2b). Lorsque l'affectation de la zone ne définit pas les activités qui lui sont compatibles, il convient de se fonder sur les activités effectivement déployées dans la zone et le niveau de bruit existant (cf. ATF 1A.322/2000 du 1er juin 2001, consid. 2c; Anne-Christine FAVRE, op. cit., p. 225). Enfin, la faculté offerte par l'article 43 alinéa 2 OPB ne doit être utilisée qu'avec retenue, sans quoi le but poursuivi par la LPE et l'OPB serait totalement détourné. Un assainissement ou l'octroi d'un allégement prime ainsi sur la possibilité de déclassement prévue par cette norme. L'autorité cantonal doit aussi envisager des modifications de l'affectation de la zone. Ce n'est que si aucune de ces variantes n'est envisageable ou suffisamment efficace qu'il sied de faire appel à l'article 43 alinéa 2 OPB (Anne-Christine FAVRE, op. cit., pp. 235 à 237).

 

b. En l'espèce, le déclassement du périmètre "C." en zone de développement 4 permet la construction de maisons d'habitation comportant en principe plusieurs logements. Lorsqu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités artisanales peuvent également être autorisées (art. 19 al. 2 LAT et art. 1 LGZD). Selon le plan directeur, l'indice usuel de 0.8 devra, dans la mesure du possible, être respecté dans la zone 4A et 4A de développement, alors qu'il s'élève à 0.6 dans la zone 4B et 4B de développement (Plan directeur cantonal, Concept de l'aménagement cantonal, Mesures d'applications de l'objectif 2.12, p.39).

 

Il ressort des préavis du service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants que les valeurs limites d'immissions du DS III sont atteintes à une distance de 25 mètres par rapport à la route du Nant-d'Avril. Il préconisait ainsi la création d'une zone tampon, affectée à des activités peu sensibles aux nuisances sonores, entre la zone industrielle et la zone d'habitation. Cet aménagement est également prévu par la fiche 2.03 du schéma directeur.

 

La création d'une zone de développement 4A est dès lors celle qui correspond le mieux au contexte géographique du périmètre "C.", ainsi qu'au but d'aménagement poursuivi, soit la création d'un maximum de logements. En effet, comme le dit à raison l'autorité intimée, l'indice usuel en zone de développement 4A est supérieur à celui de la zone de développement 4B. Il l'est à plus forte raison à celui de la zone de développement 5. En outre, compte tenu des valeurs d'immissions prévalant sur une distance de 25 mètres depuis la route du Nant-d'Avril, supérieures à celles du DS III, la création d'installations moins sensibles au bruit, telle des activités artisanales, est rendue possible par l'affectation prévue, elle permet ainsi d'éviter le déclassement mentionné à l'article 43 alinéa 2 OPB et d'utiliser de façon rationnelle la partie du terrain qui longe la route du Nant-d'Avril. Enfin, cette affectation respecte l'article 43 alinéa 1 lettre c OPB, lequel est destiné en principe aux zones mixtes.

 

Pour le surplus, l'autorité intimée relève avec raison qu'il est possible, en fonction des solutions constructives retenues, d'adapter le DS dans le cadre d'un plan d'affectation du sol, au sens de l'article 13 LaLAT, portant sur tout ou partie d'un même périmètre (art. 15 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997; LaLPE - K 1 70).

 

c. L'article 2 de la loi querellée étant conforme à l'OPB, le recours est également infondé sur ce point.

 

12. La loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) a pour but de protéger les hommes, les animaux et les plantes des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 1). Selon l'article 7 alinéa 3 LPE, par pollutions atmosphériques, on entend les modifications de l'état naturel de l'air provoquées notamment par (...), les odeurs, (...).

 

L'article 11 alinéa 2 LPE stipule qu'"indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permet l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable". Le Tribunal fédéral a souligné l'aspect préventif de ces dispositions, jugeant que l'autorité respectait le cadre légal lorsqu'elle visait à limiter les émissions nuisibles, par des mesures qui n'étaient pas excessivement contraignantes au plan économique (ATF du 26 novembre 1997 en la cause V.).

 

En l'espèce, le service d'écotoxicologie a relevé l'existence de nuisances olfactives existant actuellement dans le périmètre concerné, engendrées notamment par certaines activités industrielles qui s'y déroulent. Cela étant le service d'écotoxicologie n'a pas procédé à la détermination et à l'appréciation des émissions au sens des articles 27 et suivants de l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1).

 

De surcroît, ce préavis n'est nullement remis en cause par la recourante.

 

Il n'y a donc pas lieu de retenir en l'état que la loi disputée serait contraire à la LPE et à l'OPair.

 

13. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

 

La commune ayant agi, en l'espèce, dans l'intérêt de ses administrés, aucun émolument ne sera perçu.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 30 juillet 2003 par la Commune de M. contre la loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de M. (création d'une zone de développement 4A) (8668) adoptée par le Grand Conseil le 27 juin 2003 ;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

 

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par la voie du recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Perren, avocat de la recourante, ainsi qu'au Grand Conseil.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci