Décisions | Assistance juridique
DAAJ/73/2024 du 01.07.2024 sur AJC/1065/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/2863/2022 DAAJ/73/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU LUNDI 1er JUILLET 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Monsieur A______, p.a Hôtel B______, ______, représenté par Me C______, avocat,
contre la décision du 22 février 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. A______ (ci-après : le recourant), né en 1981, est ressortissant du Sénégal.
Le 3 mars 2022, le recourant et l'agence de placement D______ SA (ci-après : l'agence) ont signé un contrat de travail prévoyant que le premier se verrait proposer par la seconde des missions de travail temporaire.
Par formulaire "M" du 7 mars 2022 adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l'agence a requis une autorisation de séjour avec activité lucrative au service du restaurant "E______", pour un contrat de durée indéterminée et comme cuisinier "spécialisé en denrées alimentaires destinées aux personnes soumises aux allergies et intolérances alimentaires", pour un salaire mensuel brut de 4'770 fr., et 45 heures de travail par semaine. Il était, en outre, précisé que le recourant était arrivé à Genève le 8 février 2022.
b. Par décisions des 9 juin et 5 septembre 2022, tant l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : l'OCIRT), que l'OCPM ont refusé au recourant l'octroi d'une autorisation de séjour à l'année, permis B, avec activité lucrative.
Les recours à l'encontre de ces décisions ont donné lieu à deux procédures parallèles (A/1______/2022) et (A/2______/2022) qui seront exposées séparément ci-dessous.
B. a. Selon la décision du 9 juin 2022, le refus de l'OCIRT était justifié par le fait que la demande du recourant ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse, d'une part, et que l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, d'autre part. L'agence n'avait pas démontré qu'aucun travailleur suisse ou ressortissant d'un pays de l'Union européenne (ci-après : UE) ou de l'Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE) n'avait pu être trouvé. Or, un bailleur de services ne pouvait engager un ressortissant étranger que si ce dernier était admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative et autorisé à changer d'emploi. Enfin, la demande ne présentait pas un intérêt économique suffisant pour justifier d'une exception.
b. Par acte du 7 novembre 2022, le recourant a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision (cause A/1______/2022).
Il a obtenu l'assistance judiciaire pour cette procédure et Me C______, avocat, a été désigné d'office à cette fin.
c. Par jugement JTAPI/1120/2023 du 16 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours.
L'ordre de priorité n'avait pas été respecté, avec pour conséquence que l'une des conditions cumulatives permettant d'engager en Suisse un travailleur d'un État tiers n'avait pas été respectée.
d. Le 13 novembre 2023, l'Assistance juridique a refusé d'accorder au recourant une extension de l'assistance judiciaire pour déférer ce jugement du TAPI à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).
Le recours formé contre cette décision a été rejeté (DAAJ/29/2024 du 28 mars 2024, cause AC/3______/2022).
e. Par acte du 16 novembre 2023, le recourant a formé recours contre le jugement du TAPI précité. La cause est actuellement pendante auprès de la chambre administrative.
C. a. Par décision du 5 septembre 2022, l'OCPM, s'appuyant sur la décision antérieure de l'OCIRT du 9 juin 2022, a, en sus du refus de l'autorisation de séjour, prononcé le renvoi de Suisse du recourant.
b. Par acte du 6 octobre 2022, le recourant a recouru auprès du TAPI contre cette décision (cause A/2______/2022).
Il a obtenu l'assistance judiciaire pour cette procédure et son conseil a été désigné d'office à cette fin.
c. Par décision du 22 décembre 2022, le TAPI a refusé de suspendre l'instruction de la procédure A/2______/2022 (OCPM) jusqu'à droit jugé sur le recours faisant l'objet de la procédure A/1______/2022 (OCIRT).
Par arrêt ATA/754/2023 du 11 juillet 2023, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours formé contre cette décision de refus de suspension de l'instruction.
d. Par jugement JTAPI/1423/2023 du 20 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours du 6 octobre 2022.
L'OCPM était liée par la décision antérieure de l'OCIRT, laquelle avait refusé au recourant l'octroi d'un permis de séjour avec activité lucrative, et son renvoi de Suisse n'en était que la conséquence. Les conditions d'une admission provisoire n'étaient pas remplies, bien que le recourant ne disposât ni d'un passeport national valable, ni d'un laissez-passer, faute d'avoir démontré que ces documents ne pouvaient pas être établis en Suisse. Finalement, il n'alléguait, ni ne démontrait avoir entrepris des démarches en vue de se procurer ces documents auprès de la représentation du Sénégal en Suisse et qu'elles se seraient soldées par un échec.
e. Par acte du 1er février 2024, le recourant a déféré ce jugement à la chambre administrative, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.
A son sens, le TAPI ne pouvait pas rejeter le recours contre la décision de l'OCPM du 5 septembre 2022 avant droit connu dans la procédure relative à la décision de l'OCIRT du 9 juin 2022 (A/1______/2022), sans quoi cela revenait à priver son recours contre la décision de l'OCIRT de tout effet.
. L'autorisation de séjour avec activité lucrative aurait dû lui être délivrée, en raison de la situation actuelle du marché de l'emploi dans le secteur de la restauration et de ses qualifications spécifiques en la matière.
Son renvoi n'était pas exécutable, parce qu'il ne disposait ni d'un passeport national valable, ni d'un laissez-passer et il avait produit une attestation de la Mission permanente du Sénégal, selon laquelle il ne pouvait faire établir un document de voyage qu'auprès des Consulats généraux du Sénégal à Paris, Lyon, Milan ou de l'Ambassade du Sénégal à Berlin. Or, il ne disposait pas de la possibilité de faire établir de tels documents à l'étranger.
D. a. Le 1er février 2024, le recourant a sollicité l'extension de l'assistance judiciaire à l'appui de son recours, formé à cette même date.
b. Par décision du 22 février 2024, notifiée le 29 février 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'extension d'assistance judiciaire précitée, au motif que la cause du recourant paraissait dénuée de chances de succès.
Selon cette décision, il n'était pas nécessaire d'attendre une décision définitive dans la procédure relative à la décision de l'OCIRT pour statuer sur la question de l'autorisation de séjour.
En effet, tant l'OCIRT que le TAPI étaient arrivés à la conclusion que les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour activité lucrative n'étaient pas réalisées.
A cet égard, les chances de succès du recours du 11 juin 2023 auprès de la chambre administrative à l'encontre du jugement du TAPI (OCIRT) du 16 octobre 2023 avaient déjà été estimées très faibles, raison pour laquelle l'extension de l'assistance judiciaire lui avait été refusée.
Or, pour les mêmes raisons, un recours à l'encontre du jugement du TAPI (OCPM) du 20 décembre 2023 paraissait dénué de chances de succès. En effet, l’agence n'avait, a priori, pas démontré avoir déployé tous les efforts de recherches possibles pour repourvoir le poste de cuisinier en la personne d'un travailleur suisse ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE, ce que le recourant semblait ne pas contester. La situation actuelle du marché de l'emploi dans le secteur de la restauration ne paraissait pas justifier un régime dérogatoire, au vu de la jurisprudence en la matière, et les conditions relatives aux qualifications professionnelles d'un cuisinier spécialisé n'apparaissaient manifestement pas remplies par le recourant, au regard des exigences jurisprudentielles y relatives.
Une admission provisoire ne pouvait pas être envisagée, puisque le recourant n'avait pas rendu vraisemblable qu'il aurait entrepris des démarches pour se procurer un passeport valable ou un laissez-passer auprès des Consulats généraux du Sénégal à Paris, Lyon ou Milan ou de l'Ambassade du Sénégal à Berlin, lesquelles se seraient soldées par un échec. Il n'avait pas non plus démontré qu'il ne pouvait pas entreprendre lesdites démarches, de sorte qu'il ne pouvait pas être retenu que son renvoi de Suisse était impossible.
E. a. Par acte expédié le 26 mars 2024, le recourant a formé recours auprès de la Présidence de la Cour de justice, contre cette décision, en concluant, préliminairement, à l'octroi de l'assistance judiciaire pour celui-ci, à être dispensé des frais juridiques, et à ce que son conseil soit désigné en qualité d'avocat d'office. Principalement, il sollicitait l'annulation de la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 22 février 2024, l'admission de sa requête d'assistance judiciaire du 1er février 2024 et la nomination de son conseil comme avocat d'office, avec suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il demandait le renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il produit un bordereau de pièces, qui ont déjà été produites auprès de l'autorité de première instance.
Le recourant reproche à la vice-présidence du Tribunal civil d'avoir refusé l'extension de l'assistance judiciaire en violation du droit (art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst - RS 101, 10 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, 21 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20, directives du secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], domaine des étrangers, 2013, état au 1er juin 2024, [ci-après : directives LEI], ch. 4.3.2.1 et 4.3.2.2.1). Il conteste que les chances de succès de son recours du 1er février 2024 auprès de la chambre administrative soient "très faibles", car celles‑ci s'équilibrent à son sens avec les risques de le perdre et un justiciable aurait, au moyen de ses propres deniers, entrepris ce recours.
Le TAPI avait omis d'examiner la situation du point vue de la forte pénurie de main d'œuvre dans le secteur de la restauration en Suisse. Or, cela l'aurait amené à faire preuve de souplesse dans l'application de l'art. 21 LEI en renonçant de soumettre son employeur à des exigences élevées de preuve des recherches d'emploi.
En outre, son recours contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2023, dont les chances de succès étaient, selon lui, raisonnables, demeurait pendant par-devant la chambre administrative. Ce prononcé aurait une incidence sur l'issue de son recours du 1er février 2024 (OCPM), de sorte que l'octroi de l'assistance judiciaire était nécessaire à la défense de ses droits.
Il disposait des qualifications professionnelles requises pour travailler dans la restauration, puisqu'il bénéficiait d'une formation de spécialités en cuisine suivie au Sénégal, d'une longue expérience en France dans ce domaine et a travaillé pour "un laps de temps" comme cuisinier indépendant de spécialités. Ses diplômes et documents y relatifs avaient été produits aux autorités françaises à Lyon, sans que celles-ci ne les lui aient restitués.
Enfin, son renvoi de Suisse n'était pas exécutable, faute de disposer d'un passeport national valable ou d'un laisser-passer. Ces documents ne pouvaient qu'être établis à l'étranger où il n'avait pas la possibilité de se rendre.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RCJ - E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 - CPC - RS 272, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 du règlement sur l’assistance juridique du 28 juillet 2010 - RAJ - E 2 05.04); arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
1.4. Il n'y a pas lieu d'entendre le recourant, celui-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).
2. La conclusion préalable du recourant relative à l'octroi de l'assistance judiciaire pour le présent recours est irrecevable, puisque l'autorité compétente à cette fin est le président du Tribunal civil (art. 1 RAJ).
3. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.
Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 128 I 225 consid. 2.5.3).
Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).
La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).
L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).
4. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b; al. 1). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce (al. 2; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).
5. 5.1. La LEI et ses ordonnances, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour le Sénégal, pays d’origine du recourant (ATA/613/2020 du 23 juin 2020 consid. 6).
5.2.
5.2.1. Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).
5.2.2. Les art. 18 ss LEI règlent les conditions d'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative.
L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Ces conditions sont cumulatives (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les références citées).
Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation. En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à l'autorisation sollicitée. De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (ATA/1156/2020 du 17 novembre 2020 consid. 6b et les références citées).
La notion d’"intérêts économiques du pays" est formulée de façon ouverte et concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. En outre, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 3469, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/795/2020 du 25 août 2020 consid. 7e et les références citées). L'autorité doit apprécier le cas en tenant compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer, étant précisé qu'il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers (SEM, directives LEI, ch. 4.3.1).
5.2.3. Selon l'art. 21 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (al. 1). Sont considérés comme travailleurs indigènes, outre les citoyens suisses, les étrangers établis, les demandeurs d'emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler (al. 2).
L'admission de ressortissants d'États tiers n'est ainsi possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE/AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral, op. cit., p. 3537). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail. Il est retenu en faveur des travailleurs indigènes et des ressortissants de l’UE/AELE, dont le statut est régi par l’Accord sur la libre circulation des personnes (ci-après : ALCP) et qui ont droit à l’admission. Par conséquent, les ressortissants d’États tiers ne peuvent être admis que si aucun travailleur indigène ou ressortissant de l’espace UE/AELE ne peut être recruté pour occuper l’emploi en question (SEM, directives LEI, ch. 4.3.2.1).
Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste concerné par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE, conformément à l'art. 21 al. 1 LEI, et qu'il se soit trouvé dans une impossibilité absolue de recruter une personne capable d'exercer cette activité. Des ressortissants d'États tiers ne seront sollicités que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents, tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables à l'exercice de l'activité en question (SEM, directives LEI, ch. 4.3.2.2). Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l'employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (ATA/1156/2020 précité consid. 6c et les références citées).
5.2.4. Selon l’art. 21a al. 3 LEI, les postes vacants dans des groupes de profession, domaines d’activités ou régions économiques qui enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne doivent être communiqués par les employeurs au service public de l’emploi. L’accès aux informations concernant les postes communiqués est restreint, pour une période limitée, aux personnes inscrites auprès du service public de l’emploi en Suisse.
Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement (ci-après : ORP) les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les ORP jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2638/2010 du 21 mars 2011 consid. 6.3; C‑1123/2013 du 13 mars 2014 consid. 6.4. et 6.7; C‑679/2011 du 27 mars 2012 consid. 7.2; C-4873/2011 du 13 août 2013 consid. 5.3 et C-106/2013 du 23 juillet 2014 consid. 6 et 7.1).
L’admission de ressortissants d’États tiers est soumise non seulement à la condition de la priorité des travailleurs en Suisse et des ressortissants de pays avec lesquels un accord sur la libre circulation des personnes a été conclu (selon l’art. 21 LEI), mais aussi à l’obligation de communiquer les postes vacants (art. 18 let. c et 21a LEI). Cette obligation doit contribuer à renforcer l’intégration dans le marché du travail des personnes inscrites auprès d’un service public de l’emploi en Suisse et, par extension, à réduire le chômage en Suisse.
L’obligation de communiquer les postes vacants visée à l’art. 21a al. 3 LEI s’applique dans les genres de professions au sens de la nomenclature suisse des professions qui enregistrent un taux de chômage, au niveau suisse, supérieur ou égal à 5%. Le SECO dresse chaque année une liste des groupes de professions soumis à l’obligation de communiquer les postes vacants (SEM, directives LEI, ch. 4.3.3).
S’agissant en particulier des cuisiniers engagés dans un restaurant de spécialités, ceux-ci peuvent être autorisés si les conditions suivantes sont notamment remplies : l’employeur (restaurant de spécialités) suit une ligne cohérente, se distingue par la haute qualité de l’offre et des services et propose, pour l’essentiel, des mets exotiques dont la préparation et la présentation nécessitent des connaissances particulières qui ne peuvent être acquises dans notre pays; l’employeur démontre qu’il a déployé tous les efforts de recherche possibles (SEM, directives LEI, ch. 4.7.9.1.1).
Quant aux exigences auxquelles doit satisfaire le spécialiste, une formation de cuisinier de plusieurs années achevée par un diplôme (ou une formation équivalente reconnue) et une expérience professionnelle d’au moins sept ans dans le secteur de cuisinier spécialisé (durée de la formation comprise), doivent être démontrées. Le contenu matériel de la formation professionnelle est déterminant pour juger de la qualification professionnelle. À défaut de diplôme de cuisinier, une expérience professionnelle de plusieurs années, de 10 ans en règle générale, peut valoir comme preuve d’une qualification professionnelle équivalente, si elle est attestée par le ministère étranger compétent, une association professionnelle ou une attestation similaire (par ex. certificats de travail; SEM, directives LEI, ch. 4.7.9.1.2).
5.3. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
Le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral n’admettent qu’avec une certaine retenue l’impossibilité pour un ressortissant étranger d’obtenir des documents d’identité. Ainsi, celle-ci doit notamment être constatée si la personne s’est livrée de son propre chef, avec l’appui des autorités compétentes, à toutes les tentatives qui peuvent être exigées d'elle auprès des autorités de son pays d'origine pour permettre son retour, mais sans succès (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5942/2012 du 27 août 2014 consid. 5 et C‑4405/2010 du 24 août 2012 consid. 7.2).
5.4.
5.4.1. En l’espèce, le recourant réfute avoir violé l’ordre de priorité, parce que l’obligation d’annonce de l’employeur, soit l’agence, ne s’applique pas à son cas, en raison de la pénurie de cuisiniers dans le secteur de la restauration.
D’emblée, il sied de souligner que dite argumentation ne tient pas compte du fait, tel qu'exposé ci-dessus, que la condition de l’ordre de priorité est distincte de celle de l’obligation d’annonce aux ORP et cumulative à celle-ci.
Il s’ensuit que, pour autant que l’art. 21a LEI soit applicable in casu, la condition du respect de l’ordre de priorité doit nécessairement être remplie.
A cet égard, aucun élément versé au dossier ne permet a priori de retenir que l’employeur du recourant aurait déployé tous les efforts de recherches possibles pour repourvoir le poste de cuisinier en la personne d’un travailleur suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE, au sens de l’art. 21 al. 1 LEI. En effet, il ne paraît pas, prima facie, que des recherches auraient été effectuées sur le marché suisse ou européen.
5.4.2. De plus, le recourant ne rend pas vraisemblable qu'il disposerait d’un diplôme ou d’une expérience professionnelle attestant de compétences spécifiques en qualité de cuisinier de spécialités. Quant aux pièces produites à l’appui de son recours, recevables en tant qu’elles ont déjà soumises à la vice-présidence du Tribunal civil, celles-ci ne lui sont d’aucun secours, puisqu'il s'agit de contrats de travail n’attestant pas, a priori, de la compétence dont il se prévaut. Enfin, il s'est contenté d'affirmer qu'il serait titulaire d'un diplôme de cuisinier de spécialités, que les autorités françaises ne lui auraient prétendument pas restitué, sans qu'il n'en produise une copie, ni ne démontre avoir entrepris toutes les démarches nécessaires et utiles afin d'obtenir ce document en retour.
Ainsi, en l'absence d’élément de preuve permettant de retenir, prima facie, que l’ordre de priorité aurait été respecté, les chances de succès contre le jugement JTAPI/1423/2023 du TAPI du 20 décembre 2023 paraissent particulièrement faibles.
5.4.3. Le recourant met en exergue l'incidence que son premier recours contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2023 (OCIRT) aura sur l'issue de son recours contre le jugement du TAPI du 20 décembre 2023 (OCPM). A son sens, les chances de succès de son premier recours sont raisonnables, raison pour laquelle l'octroi de l'assistance judiciaire pour le second recours est nécessaire pour la défense de ses droits.
Pourtant, le TAPI a déjà refusé, par décision du 22 décembre 2022, de suspendre l'instruction de la seconde procédure A/2______/2022 (OCPM) jusqu'à droit jugé sur le premier recours faisant l'objet de la procédure A/1______/2022 (OCIRT), étant rappelé que le recours à l'encontre de cette décision a été déclaré irrecevable par la chambre administrative.
En tout état de cause, le recourant n'a pas requis la suspension de la procédure relative à son second recours (OCPM), dans l'attente d'une décision de la chambre administrative sur son premier recours (OCIRT), de sorte que son argumentation en faveur de l'octroi de l'assistance judiciaire n'est pas convaincante.
5.4.4. A l'appui de son admission provisoire, le recourant s'est contenté d’affirmer qu’il ne disposerait ni d'un passeport national valable, ni d'un laisser-passer, lesquels ne pouvaient être établis qu'à l'étranger, où il n'avait pas la possibilité de se rendre. Or, pour retenir une éventuelle impossibilité de se procurer ces documents, il lui incombait de justifier des démarches sérieuses entreprises en vain à ces fins. L'attestation de la Mission permanente du Sénégal indique qu'il pouvait obtenir des "documents de voyage" auprès des Consulats généraux du Sénégal à Paris, Lyon, Milan ou de l'Ambassade du Sénégal à Berlin, mais le recourant n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il lui était impossible de se rendre dans ces villes. Dans ces conditions, il paraît difficile, prima facie, qu'il parvienne à convaincre la chambre administrative de l'impossibilité de son renvoi.
5.4.5. Il résulte de ce qui précède que c’est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil n’a pas accordé l’extension de l’assistance judiciaire au recours formé par le recourant le 1er février 2024 contre le jugement du TAPI du 20 décembre 2023.
6. Partant, le recours, infondé, sera rejeté.
7. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 26 mars 2024 par A______ contre la décision rendue le 22 février 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2863/2022.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me C______ (art. 137 CPC).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.